Un de ces proverbes libanais pleins de sagesse dit "bass tou2a3 el
ba2ra, byéktaro el séllékhine"! Pauvre Danielle, elle n'a rien d'une
vache, bien au contraire, par contre les "séllékhine" eux, l'ont bien
été! Etant donné le tapage médiatique autour du film Beyrouth Hôtel
(ou Beirut Hotel... beau titre au passage), il est vrai que tout le monde s'attendait à quelque chose d'extraordinaire.
Certains espéraient un Emmanuelle ou un Basic Instinct à la libanaise,
d'autres un Bond féminin ou un Lelouch oriental. A l'arrivée on a une
œuvre qui laisse à désirer pour ce beau monde malgré la passion
amoureuse et la charge érotique qui dominent ses 93 minutes.
Je n'ai pas envie de disserter sur les éventuels points négatifs de cette fiction, je crois que Danielle Arbid, la réalisatrice, en a pris plein la gueule, assez injustement d'ailleurs! Ce qui m'a tout de suite frappé concernant ce film, c'est le décalage entre l'appréciation des spectateurs français "de souche" et les spectateurs libanais "de souche", prouvant au passage que l'acquisition de la nationalité française ne conduit pas automatiquement à l'acquisition de la "mentalité française". Globalement les premiers ont apprécié, les seconds pas. C'est vrai que mon étude s'est basée sur un tout petit échantillon autour de moi, non représentatif des populations en question, mais j'ai trouvé ce constat assez significatif et même intriguant.
Sur la forme. Personnellement j'ai tout fait à l'envers et j'avoue que cette manière de procéder me plaît! Je n'ai pas vu le film vendredi soir à la télé, mais le lendemain sur le site de la chaine Arte. D'après les commentaires des uns et des autres, je m'attendais au pire, alors je fus agréablement surpris de tomber sur une œuvre filmée avec un grand professionnalisme (pas comme l'écrasante majorité des films & téléfilms libanais, nases à mourir, sur le plan technique et la performance des acteurs)... belle ambiance, jolie lumière (un détail qui échappe complètement aux productions libanaises!) et des acteurs excellents. Danielle Arbid a réussi même à éviter la laideur ambiante de notre capitale, c'est déjà un exploit en soi. Il y a des moments délicieux comme lorsque Zoha chante "Ya habibi ta3ala l7a2ni w chouf yalli gharali", à l'hôtel puis dans le taxi. Je ne suis pas un grand fan de musique arabe, mais j'ai la chance de connaître cette magnifique chanson d'Asmahan. Elle est tout simplement envoutante, mélodie et texte! Les plans des ébats amoureux entre Mathieu et Zoha sont très osés pour un film libanais! Un autre mérite de Danielle Arbid, elle a su bousculer un tabou de la société libanaise, montrer la vie intime des couples à l'écran, sans tomber pour autant dans la facilité et la vulgarité. Enfin, à trop chercher j'ai trouvé 2 défauts: le petit, tout le monde regarde NewTV dans ce film; le grand, et non des moindres, il aurait fallu peut être étoffer un peu plus le scénario! Et encore!
Sur le fond. Je crois que Danielle Arbid a eu le mérite, il convient quand même de le souligner, de traiter avec brio des sujets difficiles, la liberté de mœurs, l'infidélité conjugale et le divorce, surtout à l'initiative de la femme, dans une société puritaine, patriarcale et machiste où les crimes d'honneur existent encore (d'ailleurs on en parle dans le film, un fait divers qui passe dans les infos du journal télévisé). Elle soulève une question dérangeante et sûrement très difficile à accepter. Oui une femme libanaise est capable de se séparer de son mari, de le tromper et de demander le divorce. Abats l'hypocrisie! Et quel "sort" doit-on lui réserver? Et bien, aucun, c'est son droit de disposer de son corps et de sa vie. On divorce si on n'est pas content, point. On peut être favorable ou pas à cette évolution de la société, il n'empêche que le monde change, l'homme libanais avec son patriarcat et son machisme ne règne plus sans partage et d'une manière autoritaire sur la femme libanaise.
A propos de machisme, anecdote. Je me souviens à la sortie du superbe film de Nadine Labaki en septembre dernier, "Et maintenant on va où?", de ce très jeune politicien, que j'appellerai Raoul, novice de moins de 30 ans, fils d'un grand député libanais notoire, arriviste classe triple A, grande gueule sur des sujets très sélectifs, la révolte syrienne exclusivement, qui s'est précipité sur son téléphone portable à la sortie de la salle de projection, pour nous balancer sur sa page FB à plus de 30000 likes, ce statut où il se demande où vit cette femme (la réalisatrice), pour nous affirmer que son film est superficiel, que sans se rendre compte "sét Nadine" (dame Nadine) véhicule des messages politiques dangereux (SVP!) et prie la talentueuse réalisatrice libanaise, au moins pour moi, de se cantonner aux sujets sociologiques". Wlak cool Raoul, ce n'est qu'un film! Le machisme c'est comme le racisme, il est parfois d'une grande discrétion, sournois!
L'autre mérite de la jeune réalisatrice libanaise, Danielle Arbid, un pack de mérites en fait, c'est d'avoir poussé un très grand acteur français Charles Berling à jouer dans cette production (au passage Darine Hamzé est ravissante!), d'avoir convaincu une chaine de télévision française, Arte, de programmer le film (la censure n'y est pour rien, la décision date du mois d'octobre 2011), et surtout d'avoir démontré à travers sa mésaventure avec la Sûreté générale libanaise que la censure est une action non seulement stupide mais surtout inefficace, pire elle conduit exactement au contraire de ce que certains esprits archaïques souhaitent, c'est la meilleure publicité qui soit!
Post Scriptum (28 janvier 2012)
La mise en ligne du film sur le site d'Arte pendant une semaine (du 20 au 27 janvier) a permis à 34 049 personnes de le visionner et à 1 768 personnes de l'évaluer. Il a obtenu 4,86 étoiles (sur 5)! Je présume essentiellement des Français et des Allemands de souche!
Réf.
Beyrouth Hôtel / Arte
Le film est disponible sur le site d'Arte, n'en déplaise à la Sûreté générale libanaise!
http://videos.arte.tv/fr/videos/beyrouth_hotel-6334084.html
أسمهان – يا حبيبي تعالى إلحقني وشوف إيه اللي جرالي
http://www.youtube.com/watch?v=-ez7VUj6qiU
Je n'ai pas envie de disserter sur les éventuels points négatifs de cette fiction, je crois que Danielle Arbid, la réalisatrice, en a pris plein la gueule, assez injustement d'ailleurs! Ce qui m'a tout de suite frappé concernant ce film, c'est le décalage entre l'appréciation des spectateurs français "de souche" et les spectateurs libanais "de souche", prouvant au passage que l'acquisition de la nationalité française ne conduit pas automatiquement à l'acquisition de la "mentalité française". Globalement les premiers ont apprécié, les seconds pas. C'est vrai que mon étude s'est basée sur un tout petit échantillon autour de moi, non représentatif des populations en question, mais j'ai trouvé ce constat assez significatif et même intriguant.
Sur la forme. Personnellement j'ai tout fait à l'envers et j'avoue que cette manière de procéder me plaît! Je n'ai pas vu le film vendredi soir à la télé, mais le lendemain sur le site de la chaine Arte. D'après les commentaires des uns et des autres, je m'attendais au pire, alors je fus agréablement surpris de tomber sur une œuvre filmée avec un grand professionnalisme (pas comme l'écrasante majorité des films & téléfilms libanais, nases à mourir, sur le plan technique et la performance des acteurs)... belle ambiance, jolie lumière (un détail qui échappe complètement aux productions libanaises!) et des acteurs excellents. Danielle Arbid a réussi même à éviter la laideur ambiante de notre capitale, c'est déjà un exploit en soi. Il y a des moments délicieux comme lorsque Zoha chante "Ya habibi ta3ala l7a2ni w chouf yalli gharali", à l'hôtel puis dans le taxi. Je ne suis pas un grand fan de musique arabe, mais j'ai la chance de connaître cette magnifique chanson d'Asmahan. Elle est tout simplement envoutante, mélodie et texte! Les plans des ébats amoureux entre Mathieu et Zoha sont très osés pour un film libanais! Un autre mérite de Danielle Arbid, elle a su bousculer un tabou de la société libanaise, montrer la vie intime des couples à l'écran, sans tomber pour autant dans la facilité et la vulgarité. Enfin, à trop chercher j'ai trouvé 2 défauts: le petit, tout le monde regarde NewTV dans ce film; le grand, et non des moindres, il aurait fallu peut être étoffer un peu plus le scénario! Et encore!
Sur le fond. Je crois que Danielle Arbid a eu le mérite, il convient quand même de le souligner, de traiter avec brio des sujets difficiles, la liberté de mœurs, l'infidélité conjugale et le divorce, surtout à l'initiative de la femme, dans une société puritaine, patriarcale et machiste où les crimes d'honneur existent encore (d'ailleurs on en parle dans le film, un fait divers qui passe dans les infos du journal télévisé). Elle soulève une question dérangeante et sûrement très difficile à accepter. Oui une femme libanaise est capable de se séparer de son mari, de le tromper et de demander le divorce. Abats l'hypocrisie! Et quel "sort" doit-on lui réserver? Et bien, aucun, c'est son droit de disposer de son corps et de sa vie. On divorce si on n'est pas content, point. On peut être favorable ou pas à cette évolution de la société, il n'empêche que le monde change, l'homme libanais avec son patriarcat et son machisme ne règne plus sans partage et d'une manière autoritaire sur la femme libanaise.
A propos de machisme, anecdote. Je me souviens à la sortie du superbe film de Nadine Labaki en septembre dernier, "Et maintenant on va où?", de ce très jeune politicien, que j'appellerai Raoul, novice de moins de 30 ans, fils d'un grand député libanais notoire, arriviste classe triple A, grande gueule sur des sujets très sélectifs, la révolte syrienne exclusivement, qui s'est précipité sur son téléphone portable à la sortie de la salle de projection, pour nous balancer sur sa page FB à plus de 30000 likes, ce statut où il se demande où vit cette femme (la réalisatrice), pour nous affirmer que son film est superficiel, que sans se rendre compte "sét Nadine" (dame Nadine) véhicule des messages politiques dangereux (SVP!) et prie la talentueuse réalisatrice libanaise, au moins pour moi, de se cantonner aux sujets sociologiques". Wlak cool Raoul, ce n'est qu'un film! Le machisme c'est comme le racisme, il est parfois d'une grande discrétion, sournois!
L'autre mérite de la jeune réalisatrice libanaise, Danielle Arbid, un pack de mérites en fait, c'est d'avoir poussé un très grand acteur français Charles Berling à jouer dans cette production (au passage Darine Hamzé est ravissante!), d'avoir convaincu une chaine de télévision française, Arte, de programmer le film (la censure n'y est pour rien, la décision date du mois d'octobre 2011), et surtout d'avoir démontré à travers sa mésaventure avec la Sûreté générale libanaise que la censure est une action non seulement stupide mais surtout inefficace, pire elle conduit exactement au contraire de ce que certains esprits archaïques souhaitent, c'est la meilleure publicité qui soit!
Post Scriptum (28 janvier 2012)
La mise en ligne du film sur le site d'Arte pendant une semaine (du 20 au 27 janvier) a permis à 34 049 personnes de le visionner et à 1 768 personnes de l'évaluer. Il a obtenu 4,86 étoiles (sur 5)! Je présume essentiellement des Français et des Allemands de souche!
Réf.
Beyrouth Hôtel / Arte
Le film est disponible sur le site d'Arte, n'en déplaise à la Sûreté générale libanaise!
http://videos.arte.tv/fr/videos/beyrouth_hotel-6334084.html
أسمهان – يا حبيبي تعالى إلحقني وشوف إيه اللي جرالي
http://www.youtube.com/watch?v=-ez7VUj6qiU