Mariage de Samy Gemayel avec Karine
Tadmouri Bikfaya, le 1er octobre 2016 Photos : page officielle de Samy Gemayel |
1. Samy Gemayel a beau cherché la discrétion sur son mariage lorsqu'il est apparu sur la chaine libanaise MTV avec le journaliste Walid Abboud, décidément, non seulement les militants n’en veulent pas, mais cela n'a rien d'étonnant.
2. La première chose qui frappe dans l'union de cette importante figure politique libanaise c’est le fait qu’il soit
plus modeste qu’une grande partie
des mariages conclus au Liban, toutes communautés confondues, qui ont une fâcheuse tendance à dériver avec les
années vers une grandiloquence qui confine au ridicule. On peut avoir une très bonne idée du mariage d'hier en ne regardant que le maquillage de la mariée ou la décoration de l'église ! Comme quoi, l'élégance dépend essentiellement de la sobriété et de la finesse, pas de la démesure et de l'outrance.
3. « Cheikh Samy
» et « cheikha Karine » dans la bouche d’un prêtre zélé, bien avant que les jeunes ne soient unis par les liens du mariage, ont chatouillé mes oreilles. Et combien même, Jésus serait plutôt pour l’abolition des
privilèges et non pour leur perpétuation, soit dit au passage. D'ailleurs, les futurs époux n'en demandaient pas tant.
4. Il y a manifestement une triple, nette et forte volonté, privée, politique
et médiatique, de ne pas mettre en lumière la seule information qui mérite à mes
yeux l’attention du peuple. Samy
Gemayel est un compatriote Libanais chrétien maronite de Bikfaya, Karine Tadmouri est une
Franco-Libanaise musulmane sunnite de Tripoli. On est donc face à un « mariage mixte islamo-chrétien ».
Dire que ce dernier symbolise en quelque sorte l’unité nationale libanaise serait exagéré, il n'empêche que cette union publique a forcément une triple et énorme portée, nationale, politique et surtout, sociale.
5. Quel dommage de ne pas évoquer une telle mixité religieuse, et même d'insister dessus, alors que c’est
précisément ce genre d’événement qui contribue
efficacement à l’abolition du confessionnalisme des esprits avant de l'abroger de la législation, "bel noufouss qabla el nousouss", comme
l’a si bien dit un jour le patriarche maronite, Mar Nasrallah Boutros Sfeir. C'est un million de fois plus efficace que n'importe quelle loi !
6. La particularité du mariage du fils d'Amine Gemayel, ex-Président de la République libanaise, qui est aussi le neveu de Bachir Gemayel, un ex-Président de la République libanaise également, ne réside pas seulement dans cette mixité
religieuse abordée précédemment, mais aussi dans le fait que l’union fut célébrée en toute simplicité au
Liban et non en grande pompe à l’étranger, comme l’ont fait le fils de l'ex-Premier ministre du Liban Najib
Mikati (Maroc, avril 2015), et la fille de l'ex-vice Premier ministre libanais Issam Farès (France, juin 2015). Une décision qui ne peut que forger le respect
et plaire aux Libanais.
Eglise Mar Mikhaïl (Saint-Michel) Bikfaya, Mont-Liban |
8. Là aussi et contrairement à ce que pensent beaucoup de Libanais et de gens de par le monde, c’est pratiquement
la même chose dans l’islam, pour un mariage mixte dans une
mosquée entre un homme musulman et une femme chrétienne. Cette dernière peut
garder sa foi chrétienne, les enfants seront a priori musulmans. L'exemple le plus
célèbre pour illustrer ce cas de figure, nous concerne également, c’est celui de Rula Ghani, chrétienne maronite libanaise et épouse d’Ashraf Ghani,
musulman sunnite afghan, président de la République islamique d’Afghanistan svp, qui se retrouve de ce fait, Première dame chrétienne d'un pays musulman, une situation extraordinaire dans l'histoire.
Dans le cas d’un mariage mixte dans une mosquée entre une femme musulmane et
un homme non-musulman, il y a obligation
de conversion à la religion islamique. Sinon, là encore, les tourtereaux
n’ont qu’à s’unir dans une chambre à coucher sans trop de formalités et on n’en
parle plus.
9. Toujours est-il que tout couple mixte a
quand même la possibilité de se marier
civilement devant le(la) maire de sa commune, en France et dans beaucoup de pays du monde. Hélas, ce n’est toujours pas possible au pays du
Cèdre. Le lobbying religieux
islamo-chrétien, vive l'union nationale !, ainsi que le conservatisme absolu de tous les partis
politiques libanais sur ce point, vive l'entente politicienne !, ne le permet pas encore au Liban. Et
pourtant, je suis de l’école, minoritaire, qui croit que la
déconfessionnalisation de la société libanaise en particulier, et arabe en général, passe entre autres par la légalisation du mariage civil,
qui doit être rendu obligatoire à mon humble avis, en faisant du mariage religieux une
option et non une obligation, comme cela se passe en France. Une telle réforme est impérative
pour faire évoluer la société libanaise, et les sociétés arabes aussi, une condition sine qua non avant même de penser à l’abolition du confessionnalisme
politique ou de la religion d'Etat. A défaut, les esprits de certains Libanais et arabes resteront figés dans l'obsession de l'appartenance religieuse, quel que soit le système politique adopté.
10. Et comme, kel 3eréss 2elo qoréss, ce
mariage mixte fait jaser dans les chaumières. Alors, « si quelqu’un a quelque raison que ce soit de s’opposer à ce mariage,
qu’il parle maintenant ou qu’il se taise à jamais. » J’ai cru entendre des chrétiens se lamenter : « Non mais, n’y a-t-il plus de jolie
chrétienne pour l’épouser ? » Eh bien non, to2o wou mouto, Karine Tadmouri est une blonde authentique, née et élevée en France, dentiste de profession, par contre, achtung baby, les racines vous trahissent et vous aigrissent. Dans la même foulée, j’ai cru entendre des musulmans se plaindre : « Non mais, était-il vraiment nécessaire
que cette jolie sunnite l’épouse à l’église ? » Eh bien oui, Samy Gemayel est l’héritier politique d’une famille
dont le nom est étroitement lié à l’histoire contemporaine du Liban et des chrétiens libanais,
il ne pouvait pas en être autrement. Cela étant dit, comme les mauvaises
langues n’ont rien d’intéressant à dire et à faire, elles n'ont qu'à avaler leur langue et se taire à
jamais.
11. Terminons cette note dominicale sur deux anecdotes. La première est en rapport avec la photo ci-contre, qui m'a fait sourire. Samy
Gemayel embrassant sa dulcinée Karine Tadmouri sur le front et non sur la bouche, ce n’est
pas la première fois que je vois deux (futurs) mariés libanais et arabes le faire. A une
époque de surenchères nombrilistes et de déballage indécent, je trouve la
pudeur des deux tourtereaux devant les invités et les caméras plutôt touchante. L'autre cliché qui m'a attiré l'attention, c'est celui que j'ai placé dans l'en-tête. C'est une coutume orientale qui me fera toujours rire, celle qui consiste à porter sur les épaules, pour un oui ou pour un non, des enfants ou des adultes, des célibataires ou des mariés, des célébrités ou des politiciens, des poids plume ou des poids-lourds, et j'en passe et des meilleurs. Sacrés Libanais.
12. Allez, amour, bonheur et longue vie aux deux ravissants mariés. Santé !
12. Allez, amour, bonheur et longue vie aux deux ravissants mariés. Santé !