Tout le monde salue son courage. Elle a brisé le silence pour parler aux noms de toutes les femmes de ce sujet tabou. Le 7 mars, une dénommée Dayna Asyah défraie la chronique beyrouthine avec un post publié sur Facebook relatant l’agression sexuelle dont elle aurait été victime dans les locaux d’un pub-radio renommé de la capitale, Radio Beirut. D’habitude je suis peu porté sur les faits divers. Mais celui-là dénote une certaine dérive de la société libanaise que je me vois dans l’obligation de dénoncer, n’en déplaise au petit cercle des néo-bien-pensants de la capitale libanaise.
Les réactions suscitées par l'évènement, basées sur des allégations sans preuves, ont pris des proportions démesurées: appels au boycott, insultes et agressions (verbales et physiques). On ne peut donc plus garder le silence, sous peine d’être complices des conséquences, trainer gratuitement dans la boue la réputation de certaines personnes et provoquer la fermeture arbitraire d’une entreprise qui fait partie du patrimoine culturel et musical de Beyrouth et qui fait vivre une dizaine de familles.
Ce qui dérange d’emblée dans cette affaire, c’est la forme, l’utilisation abusive de Facebook par Dayna Asyah pour surmédiatiser le fait divers qui la concerne, et d’ameuter ses amis pour transformer un réseau social en un tribunal. Du coup, une foule s’est appropriée le pouvoir de juger sommairement les présumés coupables, désignés sans enquête et condamnés sans preuve, et sans aucune autre forme de procès. Cette dérive qui n’est pas propre au Liban, doit être condamnée avec une grande vigueur car elle constitue une perversion grave du fonctionnement sain des sociétés contemporaines.
Radio Beirut est un bar créé par Jihad Samhat. C’est un lieu de divertissement unique à Beyrouth, avec un concept de diffusion d’émissions live sur internet. Il constitue depuis 2012 une catégorie à part dans le quartier de Mar Mikhaël. Ni snob ni bobo, ni intello ni arty-farty, c’est un lieu normal, pop, sans fioriture, comme on en voit tant à Paris, Londres et San Francisco. Parmi les programmes de la semaine, il y a les Open Jam Sessions, présentées par Dayna Asyah le mardi, où la scène est partagée par des musiciens professionnels permanents et un public de passage. Radio Beirut offre la possibilité à tout un chacun de monter sur scène pour chanter ou pour jouer.
De notre temps, il est de coutume, à juste titre, de ne pas remettre en cause le témoignage d’une femme qui se présente comme victime. Ce n'est pas une situation enviable. Il n’empêche que certains éléments de ce cas précis sont troublants.
Voici texto les termes utilisés par Dayna Asyah pour annoncer urbi et orbi, à la ville et au monde, son agression sexuelle : « Je me trouvais dans la cabine de radio accueillant la jam-session avec le propriétaire et deux ingénieurs du son. Un membre du groupe (de musique) de Radio Beirut est arrivé comme un cheveu sur la soupe pour introduire ses doigts de force dans mon vagin, afin de me donner envie de jouer avec lui ». « His fingers » et « forced into my vagina », désolé de commencer par ces détails crus, mais c’est l’élément déclencheur de l’émotion collective et la réaction en chaine depuis 96 heures. Contrairement à ce que l'animatrice a affirmé, le cheveu sur la soupe n’est pas un employé du bar, mais un artiste engagé, comme elle l’était elle-même.
« J'étais tellement choquée et effrayée que… je lui ai demandé de ne plus jamais empiéter sur mon espace personnel ». Il se serait moqué d’elle et l’aurait accusé d’être « trop radicale avec sa liberté d'expression artistique ». Alors qu’on a une agression vaginale odieuse, allez savoir pourquoi il n’est question que d’un « empiétement sur l’espace personnel » d’un côté, et d’une « censure de la liberté d’expression artistique » de l’autre. Bizarre. Un peu plus loin, changement de ton. La prétendue victime tient à préciser qu’elle n’a demandé « aucune sanction contre le harceleur », alors qu’il s’agit à un moment de son propre récit du « local où j'avais été violée ». Enfin bref, de deux choses l’une : soit on a affaire à un gros pervers, soit à une mytho ! Enfin, dans les deux cas, les termes utilisés par Dayna Asyah pour décrire sa mésaventure, loin d’être choisis par hasard, ne sont pas judicieux.
Le deuxième élément qui étonne dans ce fait divers, est de quadruple nature. Il soulève quatre questions sur la forme : pourquoi tant de déballage public, pourquoi choisir un réseau social pour évoquer un sujet sensible (Facebook), pourquoi cela survient un mois après les faits et pourquoi il n’y a à ce jour aucune plainte pénale ? Le post de Dayna Asyah ne permet de répondre à aucune de ces questions. Pire, il en soulève bien d’autres qui remettent en question la sincérité de la démarche.
Sur le fond, ce n’est guère mieux. Qui lit la déposition de l’ex-animatrice de Radio Beirut sur Facebook, éprouvera trois types de sentiments : de la sympathie pour Dayna Asyah, de l’antipathie pour le propriétaire des lieux et de l’indifférence pour le présumé coupable. Si le premier peut trouver une justification, si on prend le témoignage pour parole d'évangile, on ne peut qu’être étonné par le deuxième et le troisième.
Alors que Dayna Asyah se présente comme victime de monsieur XY (pas nommé), toute son énergie est concentrée sur le patron de Radio Beirut, Jihad Samhat. Bizarre quand même. Mais il y a encore plus bizarre. D’après une source bien informée, dès qu’il a eu connaissance de l’incident, le patron de Radio Beirut a réuni son staff pour le prévenir qu’il ne tolérera aucun harcèlement sexuel au sein de son établissement et que l’accusé devrait s’éclipser jusqu’à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire avec la principale intéressée.
Jihad Samhat est un binational libano-américain. Il est né à Los Angeles d’un père qui a émigré clandestinement aux Etats-Unis à l’âge de 14 ans, mais qui deviendra une décennie plus tard, un « héros ». C'est une autre adaptation de l'American Dream. Engagé dans l’armée américaine, il participera à la bataille décisive d'Incheon (1950), au cours de laquelle des marines engagés sous l’égide des forces de l’ONU ont mis fin à l’avancée des troupes communistes, de ce qui deviendra la Corée du Nord, permettant ultérieurement la libération de Séoul.
Sur les traces du père, le fils s’est engagé aussi dans l’armée américaine. Après quatre ans de bons et loyaux services, il a décidé de venir découvrir le pays de ses ancêtres. Pour mettre son expérience à profit, il rejoint les démineurs du Service d’action antimines des Nations Unies (UNMAS). Cela lui donnera l’occasion de sillonner la région pendant 15 ans, risquant sa vie tous les jours -au Darfour, au Soudan, en Bosnie, au Kosovo, au Kenya, en Ethiopie, à Chypre et au Sud-Liban, d’où il est originaire- afin que les populations victimes des sales guerres puissent retrouver la paix et la sécurité. Mission accomplie, il retourne au Liban afin de s’installer définitivement à Beyrouth et d’ouvrir le bar Radio Beirut.
De l’avis de tous, c’est un homme sympa, positif, sensible, idéaliste, dévoué, généreux, sincère, avec le cœur sur la main. Si j'ai pris la liberté de m'étaler sur sa biographie, c'est justement pour attirer l'attention sur le fait que Jihad Samhat est tout sauf un imposteur de salon. Il n’est pas le genre à faire passer une agression sexuelle pour une partie de touche-pipi. A moins que ça ne l’était vraiment !
Passons maintenant à l’élément clé dans cette affaire. D’après les propres aveux de Dayna Asyah, Jihad Samhat a œuvré à plusieurs reprises, pour que les deux protagonistes puissent se rencontrer et s’expliquer, afin de confronter leurs versions des faits. « Rencontrons-nous avec l’accusé, avant que cela n’aille plus loin que ça ne devrait. Je ne suis pas un dieu, mais je ferai beaucoup pour résoudre le problème. Cela ne peut être fait que si nous nous rencontrons tous et parlons ». Niet. Dayna Asyah n’a pas voulu en entendre parler. C’est ce qui a amené le patron de Radio Beirut à exprimer avec franchise ce qu’il pense du comportement de l’intéressée : « Au fait, cela commence à sentir l’orchestration ». Et ce ne sont pas les éléments qui manquent pour étayer l’hypothèse de l’orchestration, pas de l’incident spécialement, mais de tout le reste, notamment de l’exploitation de l’incident. Ils sont de plusieurs ordres.
L’incident a eu lieu dans la nuit du 5-6 février et non le 6 comme l’affirme la présumée victime sur Facebook. Cependant, Dayna Asyah n’a évoqué l’affaire avec Jihad Samhat que le 11 février, le 7e jour après les faits, une semaine de réflexion et de consultations peut-être. Sachant que le site est sous vidéo-surveillance 24h/24 et 7j/7, l’extérieur et l’intérieur, la cabine comprise, et que les images sont conservées pendant 6 jours, si elle s’était manifestée le 10, l’affaire aurait été bouclée, le harceleur foutu dehors avec un grand pied au cul. Mais non, elle ne s’est manifestée que le 11 svp. Plus d’images et plus de preuves, comme par hasard.
Et le hasard fait tellement bien les choses, qu’il semble d’après la même source, qu'aucune personne présente dans la cabine radio ce soir-là n’avait remarqué quoi que ce soit !
La source évoque aussi un autre fait troublant, le vol d’argent liquide survenu dans l’établissement au lendemain de Noël, un incident qui a conduit le patron de Radio Beirut à réunir son staff et à le sommer de se manifester dans les 6 jours au moindre problème, afin de récupérer et exploiter les images de la vidéosurveillance. Ainsi, Dayna Asyah était parfaitement au courant du délai de conservation des preuves. Elle aurait décidé sciemment de le dépasser. Après elle s'étonne qu'on doute de sa version des faits !
Comme par enchantement aussi, l’affaire personnelle est subitement devenue une affaire collective : « Ce que moi-même et d’autres femmes harcelées dans ton établissement demandons est simple : des excuses publiques à toutes les femmes qui ont fait face à des situations de harcèlement sexuel similaires dans ton établissement ». Mais voyons et pourtant, elle avait commencé son offensive médiatique avec : « J'ai été employée de Radio Beirut pendant trois ans et j'ai invité tous les membres de ma communauté (LGBT) à venir dans cet espace, le considérant comme un lieu sûr depuis que j'y travaillais ». On dirait que Dayna Asyah n’est pas à une contradiction près, sauf que le fil du mensonge est court, ça ne dépasse pas la taille d’un post sur Facebook.
Il est intéressant de revenir sur le déroulement des événements du 11 février. Ce jour-là, Dayna Asyah prévient Jihad Samhat par WhatsApp, qu’elle souhaite le voir. La rencontre a eu lieu comme à l’accoutumée au bar. Elle se déroulera en trois temps. L'animatrice a commencé par annoncer son départ. Motif évoqué en premier : son second travail dans le cadre d’une ONG, Haven for Artists (une plateforme artistique, qui fait de la live music et des jam-sessions !), qui ne lui permettra plus de remplir convenablement son contrat avec Radio Beirut. Elle a précisé ensuite, qu’elle était prête à assurer le programme pendant la phase de transition d’un mois et à former sa remplaçante. Ce n’est qu’à la fin que le second motif de départ était évoqué : l’incident de la nuit du 5 février. Voilà un enchainement qui le moins qu'on puisse dire laisse perplexe. Il ne peut être celui de quelqu'un « tellement choquée et effrayée » par ce qui lui est arrivé.
Le 26 février, trois semaines après les faits, le personnel et les clients de Radio Beirut ont été témoins d’une vive altercation entre Dayna Asyah et Jihad Samhat. Le motif: le retour du présumé harceleur. La prétendue victime avait crié haut et fort : « Et s’il avait violé ta fille ? » Réaction sincère ou mise en scène ? Une chose est sûre, la comparaison renvoie encore au viol. Dans tous les cas, les détails de son post se rapportant à la rencontre ne concordent pas avec les faits. « Je suis parti calmement et sans scène, sans crier, ni pleurer, rien qui puisse être qualifié de femme hystérique en termes misogynes. » Et pourtant, les témoins sont nombreux pour contredire ce compte-rendu.
Notons aussi que l’annonce urbi et orbi du harcèlement n’a eu lieu que le 7 mars à 19h08, la veille du 8 mars, la journée de la femme, près d'un mois après l'incident, comme par hasard, sachant qu’un tel événement ne pouvait qu’amplifier une telle accusation.
Dayna Asyah affirme qu’elle voulait « partir avec dignité », elle demandait simplement que « l’établissement n’engage pas cet homme pendant deux nuits supplémentaires ». Elle a exigé de Radio Beirut « des réformes et la formation du personnel » afin de protéger à la fois les « employées et les clientes… des violations sans conséquences pour les agresseurs ». C’est très honorable de sa part, mais il y a manifestement une volonté ferme de présenter Radio Beirut comme un lieu douteux. En tout cas, ses allégations sont en totale contraction avec ce qu’elle affirme au début de son post : Radio Beirut est « un lieu sûr » où elle a invité ses amies.
Cette dernière allégation est à la fois malhonnête et ingrate. Et pour cause. Il y a deux ans, la communauté LGBT du Liban a voulu organiser une Gay pride et fêter l’événement comme il se doit. Qui a osé leur offrir ses locaux pour cela ? Jihad Samhat. Oh, ce n’était pas une partie de plaisir. Il a dû faire face à quelques ennuis de la part des autorités. L’année d’après rebelote, et c’est grâce à l’intervention et aux contacts de Jihad Samhat, que la communauté LGBT et les bars du quartier, allaient fêter l’événement et échapper aux ennuis policiers, mais la manifestation fut annulée par les organisateurs. Dans ce post, pour ameuter la foule contre Radio Beirut, Dayna Asyah n’hésite pas à impliquer la communauté LGBT à deux reprises : en s’adressant « à tout le monde là-bas », et spécialement à « my community » et à « our community ».
D’après cette source proche du dossier, c'est un secret de Polichinelle, Dayna Asyah elle-même s’est permise des gestes déplacés, et parfaitement du même genre !, à plusieurs reprises et pendant des années, avec les musiciens de Radio Beirut, notamment avec le prétendu harceleur ! L’agresseur et l’agressée se connaissent même très bien depuis fort longtemps, et même, en dehors du travail. Pire encore, le prétendu « pervers », que Dayna ne pouvait plus voir en peinture, a déjà joué pour Haven for Artists. Ah mais ils se connaissent si bien que dans le passé, ils ont fait partie du même groupe de musique, Ovid.
Ceci ne justifie pas cela, bien évidemment, mais il est plutôt malhonnête de ne pas évoquer publiquement un détail de cette taille, pour concentrer les attaques contre les soi-disant manquements de Jihad Samhat dans la gestion du « harcèlement sexuel » au sein de son établissement. Beaucoup des 2 600 personnes qui ont liké, des 558 qui ont commenté et des 881 qui ont partagé son fameux post sur Facebook, ne l’auraient pas fait en l’apprenant. A cause de tous ces détails, où le diable s’est bien caché, je n’ose pas imaginer que L’Orient-Le Jour serait allé jusqu’à titrer « Mouvement de solidarité en ligne après une tentative de viol révélée par une jeune Libanaise » ou que le blogueur Gino Raidy aurait osé appeler au boycott de Radio Beirut, « un pub (qui) menace une victime d’abus sexuel ».
Tous ces éléments expliquent pourquoi Jihad Samhat a cru longtemps à une mauvaise blague entre de très bons copains qui a mal tournée, que les protagonistes étaient suffisamment adultes pour accepter de s’expliquer entre eux en face-à-face et qu’il pouvait annoncer sur sa page de Radio Beirut que le show pouvait reprendre, « see you on the dance floor », une phrase quelque peu maladroite qui a provoqué de vives réactions.
L’ex-animatrice de Radio Beirut semble avoir très mal accepté la perplexité de Jihad Samhat face à son obstination, refusant toute confrontation avec celui qu’elle accuse, alors qu’il était de plus en plus clair au fil des semaines que les deux personnes se connaissent bien et qu’il y a un doute sérieux sur ce qui s’est passé précisément dans la nuit du 5 février : « Cela est en train de devenir enfantin et je suis incapable de déterminer maintenant s'il s'agit en réalité de harcèlement sexuel ou simplement d’une occasion de pisser dans un violon le jour et au cours de l’ère de l'ultra-féminisme ». Inutile de préciser que ça lui a valu la crucifixion. Il est vrai que la majorité des gens ignoraient tous ces détails et tout le monde avait déjà oublié que Radio Beirut a toujours soutenu et organisé des événements de charité pour les orphelins et les enfants victimes de la guerre, mais aussi pour défendre la lutte du mouvement LGBT, la cause des travailleurs domestiques et les droits de la femme.
Sur le fond, ce qui dérange dans l’affaire Dayna Asyah, ce sont d’abord les innombrables incohérences d’un récit réfléchi et réécrit, qui fragilisent le témoignage spontané d’une prétendue victime. Ce qui dérange ensuite, c’est l’exploitation par l’intéressée d’un événement hypothétique, survenu avec un musicien engagé par l’établissement, à des fins personnelles, s’en prendre à une entreprise renommée, Radio Beirut, et à un patron respecté, Jihad Samhat. Ce qui dérange enfin, ce sont les conséquences de ces réactions en chaine, déplacées et disproportionnées, qui prennent des formes condamnées par les lois en vigueur au Liban : le lynchage sur les réseaux sociaux, la vindicte populaire, l’appel au boycott, l’agression verbale (des filles se sont présentées au pub, criant et insultant ceux qui y travaillent) et l’agression physique d’un des employés pris par erreur pour Jihad Samhat. Des violences qui devraient être condamnés sans ambiguïté.
Dayna Asyah prétend dans son post non seulement qu'elle était « tellement choquée » et « effrayée », qu'elle est devenue « rouge » et qu'elle a « tremblé », mais qu'elle est « rentrée tôt » la nuit du 5 février. Or, les cinq éléments ne résistent pas à l'examen minutieux des faits. Derniers en date, l'enregistrement audio de la soirée mis en ligne il y a trois jours. On apprend: primo, Dayna Asyah apparaît enjouée ce soir-là comme à l'accoutumée ; secundo, l'ex-animatrice a assurée 3h06 d'antenne comme à son habitude, elle n'a quittée Radio Beirut qu'après 1h du matin, elle a fait le show jusqu'au bout ; tertio, la présumée victime a tenu à citer le prénom du prétendu harceleur dans ses remerciements à la fin de la soirée musicale. Si la version de Dayna Asyah est véridique, « his fingers /out of nowhere / into my vagina », une telle gratitude dans un tel contexte à un tel pervers, est une première mondiale. Hélas, cet enregistrement fragilise davantage son témoignage et fait ressortir ses nombreuses incohérences.
C’est ce qui nous amène à tirer la première conclusion dans l’affaire Dayna Asyah. Un être humain n’a pas à imposer à un autre être humain quoi que ce soit. La liberté de disposer de son corps est non-négociable, même au sein d’un couple marié. De ce fait, tout harcèlement ou agression de nature sexuelle est odieux et abjecte, quel qu’en soit le contexte. C’est parce qu’il s’agit d’une violation grave de la loi, seule la justice a le pouvoir de le confirmer et d’infliger une sentence appropriée aux coupables, selon les lois en vigueur.
Avec le recul dont nous disposons, dans la mode #metoo en général et l’affaire Asyah en particulier, il est clair que ce n’est pas à une foule conditionnée, qui peut être manipulée facilement, de juger. Qui se sent lésé et veut obtenir réparation, d’une manière honnête et civilisée, doit se tourner vers les tribunaux et non les réseaux sociaux.
D’un prétendu harcèlement sexuel de l'animattrice Dayna Asyah, on est passé à un flagrant harcèlement social de Radio Beirut et de son fondateur, Jihad Samhat. Une soi-disant justice qui se révèle être sommaire, expéditive et corrompue, n’est qu’injustice. La vindicte populaire, sans approche judiciaire, révèle une société immature et violente. Dans un environnement civilisé, les différends se règlent devant les tribunaux selon les lois en vigueur, et nulle part ailleurs sous quelle que forme que ce soit.
La deuxième conclusion concerne les femmes victimes de l’ignominie des hommes. Nous les attendons et nous les soutiendrons devant les tribunaux, davantage que sur les réseaux sociaux. Bien sûr qu’il sera toujours difficile d’apporter la preuve dans ce domaine, mais si on ne signale pas et on ne consigne pas d’une manière systématique et officielle les abus sexuels au Liban, comment peut-on espérer changer efficacement la loi et les mœurs au pays du Cèdre ? Sur les réseaux sociaux, c’est une mode éphémère et un réconfort égocentrique que nous récolterons, ni plus ni moins. On l’a vu avec les vagues #metoo et #balancetonporc.
La troisième conclusion concerne Dayna Asyah elle-même. Je la poserai sous la forme d’une question : pourquoi la prétendue victime n’a pas voulu porter plainte, afin qu’une enquête officielle approfondie soit menée par la police, que les faits soient exposés devant un tribunal et que LA vérité, la seule, éclate au grand jour ? La question se pose d’autant plus que d’après la même source proche du dossier, l’accusé ne l’aurait pas touché, mais lui aurait tout simplement montré son majeur après l’avoir sucé. C’est obscène sans doute, voire du harcèlement sexuel, mais ça n’a rien à voir avec une agression sexuelle -même pas du harcèlement sexuel, encore moins un viol- où « il aurait introduit ses doigts de force dans son vagin », à moins de fumer sa moquette. Et si cela est vrai, il y a bel et bien diffamation à son égard.
Maintenant que l'affaire est public et les dégâts graves, nous attendons des explications de la part de Dayna Asyah. Pour l'instant, en vain, alors que dans ce domaine, mieux vaut tard que jamais. A défaut, je crains qu’elle ne puisse plus être en mesure d'écarter complètement une certitude : elle aurait privilégié les allégations superficielles sans preuves sur Facebook, tellement plus commodes et beaucoup plus efficaces pour atteindre ses objectifs. Elle craignait et craindrait qu'une plainte officielle ne conduise pas les enquêteurs à découvrir le pot aux roses.
Dayna Asyah s’est exprimée de nouveau cet après-midi. Toujours aucune réponse à toutes les questions et les doutes soulevés dans cet article, et encore des attaques contre le bar et son patron. La seule véritable annonce concerne le présumé agresseur : « Dans mon cas, le harceleur n'avait AUCUNE intention de me violer ni AUCUNE tentative de viol », en majuscules svp, pour marquer combien elle en est sûre. Il y a quatre jours, au lancement du scandale, pour ameuter la foule on avait l’histoire d’ « un membre du groupe (de musique) de Radio Beirut (qui) est arrivé comme un cheveu sur la soupe pour introduire ses doigts de force dans mon vagin ».
Si on croit Dayna Asyah dans son premier post sur Facebook, il s'agit sur le plan judiciaire d'un viol pur et simple, un crime passible de la Cour d'assises, l'auteur risque jusqu'à 15 ans de prison ferme. Si on croit Dayna Asyah dans son deuxième post sur Facebook, qui concorde avec les révélations de mon enquête décrites précédemment, l'homme n'a fait que sucer son doigt, il ne s'agit même pas de harcèlement sexuel, une accusation irrecevable pour un tribunal. Et après on s’étonne que le témoignage de certaines femmes ne soit pas pris au sérieux ! L'avenir nous dira à quel point Dayna Asyah, ses ami-e-s et la foule qui lui ont apporté un soutien à l'aveugle, ont nui à la cause des femmes harcelées au Liban, avec ces contradictions grotesques.
La dernière conclusion concerne le patron de Radio Beirut. De Jihad Samhat, nous attendons un grand débat sur le sujet à Radio Beirut. C’est dans l’air du temps en plus. Mais nous devons être conscients, qu’il ne peut pas appliquer tout seul dans son coin, un code des mœurs suédois entre les hommes et les femmes, où tout le monde se touche pour un oui ou pour un non, alors que nous vivons dans l’exubérance de la Méditerranée, dans la chaleur de l’Orient et dans le pays des « hayété », « habibté », « albé », « 3eïné », qui fusent avant la 36e seconde d’une conversation, même avec un douanier.
Au Liban, nul ne sait vraiment où placer la ligne rouge dans les relations humaines, entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, dans la rue comme sur les lieux de travail, sur les murs des réseaux sociaux comme en inbox. Il est important de profiter de cette affaire pour aller au-delà de l’évidence et bien expliquer ce qui relève de la blague et de la drague lourdes, et ce qui fait partie du harcèlement sexuel, de l’agression sexuelle et du viol, des délits et des crimes condamnés par les lois en vigueur au Liban. Alors, rendez-vous à Radio Beirut. Santé à toutes et à tous.
Les réactions suscitées par l'évènement, basées sur des allégations sans preuves, ont pris des proportions démesurées: appels au boycott, insultes et agressions (verbales et physiques). On ne peut donc plus garder le silence, sous peine d’être complices des conséquences, trainer gratuitement dans la boue la réputation de certaines personnes et provoquer la fermeture arbitraire d’une entreprise qui fait partie du patrimoine culturel et musical de Beyrouth et qui fait vivre une dizaine de familles.
1 Dayna Asyah préfère plaider son affaire sur un réseau social qu'à la barre d'un tribunal
Ce qui dérange d’emblée dans cette affaire, c’est la forme, l’utilisation abusive de Facebook par Dayna Asyah pour surmédiatiser le fait divers qui la concerne, et d’ameuter ses amis pour transformer un réseau social en un tribunal. Du coup, une foule s’est appropriée le pouvoir de juger sommairement les présumés coupables, désignés sans enquête et condamnés sans preuve, et sans aucune autre forme de procès. Cette dérive qui n’est pas propre au Liban, doit être condamnée avec une grande vigueur car elle constitue une perversion grave du fonctionnement sain des sociétés contemporaines.
2 Radio Beirut : ni snob ni bobo, ni intello ni arty-farty
Radio Beirut est un bar créé par Jihad Samhat. C’est un lieu de divertissement unique à Beyrouth, avec un concept de diffusion d’émissions live sur internet. Il constitue depuis 2012 une catégorie à part dans le quartier de Mar Mikhaël. Ni snob ni bobo, ni intello ni arty-farty, c’est un lieu normal, pop, sans fioriture, comme on en voit tant à Paris, Londres et San Francisco. Parmi les programmes de la semaine, il y a les Open Jam Sessions, présentées par Dayna Asyah le mardi, où la scène est partagée par des musiciens professionnels permanents et un public de passage. Radio Beirut offre la possibilité à tout un chacun de monter sur scène pour chanter ou pour jouer.
3 « Out of nowhere, (he) forced his fingers into my vagina »
De notre temps, il est de coutume, à juste titre, de ne pas remettre en cause le témoignage d’une femme qui se présente comme victime. Ce n'est pas une situation enviable. Il n’empêche que certains éléments de ce cas précis sont troublants.
Voici texto les termes utilisés par Dayna Asyah pour annoncer urbi et orbi, à la ville et au monde, son agression sexuelle : « Je me trouvais dans la cabine de radio accueillant la jam-session avec le propriétaire et deux ingénieurs du son. Un membre du groupe (de musique) de Radio Beirut est arrivé comme un cheveu sur la soupe pour introduire ses doigts de force dans mon vagin, afin de me donner envie de jouer avec lui ». « His fingers » et « forced into my vagina », désolé de commencer par ces détails crus, mais c’est l’élément déclencheur de l’émotion collective et la réaction en chaine depuis 96 heures. Contrairement à ce que l'animatrice a affirmé, le cheveu sur la soupe n’est pas un employé du bar, mais un artiste engagé, comme elle l’était elle-même.
4 Soit on a affaire à un gros pervers, soit à une mytho
« J'étais tellement choquée et effrayée que… je lui ai demandé de ne plus jamais empiéter sur mon espace personnel ». Il se serait moqué d’elle et l’aurait accusé d’être « trop radicale avec sa liberté d'expression artistique ». Alors qu’on a une agression vaginale odieuse, allez savoir pourquoi il n’est question que d’un « empiétement sur l’espace personnel » d’un côté, et d’une « censure de la liberté d’expression artistique » de l’autre. Bizarre. Un peu plus loin, changement de ton. La prétendue victime tient à préciser qu’elle n’a demandé « aucune sanction contre le harceleur », alors qu’il s’agit à un moment de son propre récit du « local où j'avais été violée ». Enfin bref, de deux choses l’une : soit on a affaire à un gros pervers, soit à une mytho ! Enfin, dans les deux cas, les termes utilisés par Dayna Asyah pour décrire sa mésaventure, loin d’être choisis par hasard, ne sont pas judicieux.
5 Beaucoup de questions qui restent sans réponse
Le deuxième élément qui étonne dans ce fait divers, est de quadruple nature. Il soulève quatre questions sur la forme : pourquoi tant de déballage public, pourquoi choisir un réseau social pour évoquer un sujet sensible (Facebook), pourquoi cela survient un mois après les faits et pourquoi il n’y a à ce jour aucune plainte pénale ? Le post de Dayna Asyah ne permet de répondre à aucune de ces questions. Pire, il en soulève bien d’autres qui remettent en question la sincérité de la démarche.
6 Pourquoi toute cette énergie contre le patron de Radio Beirut et pas contre le présumé harceleur ?
Sur le fond, ce n’est guère mieux. Qui lit la déposition de l’ex-animatrice de Radio Beirut sur Facebook, éprouvera trois types de sentiments : de la sympathie pour Dayna Asyah, de l’antipathie pour le propriétaire des lieux et de l’indifférence pour le présumé coupable. Si le premier peut trouver une justification, si on prend le témoignage pour parole d'évangile, on ne peut qu’être étonné par le deuxième et le troisième.
Alors que Dayna Asyah se présente comme victime de monsieur XY (pas nommé), toute son énergie est concentrée sur le patron de Radio Beirut, Jihad Samhat. Bizarre quand même. Mais il y a encore plus bizarre. D’après une source bien informée, dès qu’il a eu connaissance de l’incident, le patron de Radio Beirut a réuni son staff pour le prévenir qu’il ne tolérera aucun harcèlement sexuel au sein de son établissement et que l’accusé devrait s’éclipser jusqu’à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire avec la principale intéressée.
7 Jihad Samhat, ex-démineur au Darfour, Kosovo et Sud-Liban
Jihad Samhat est un binational libano-américain. Il est né à Los Angeles d’un père qui a émigré clandestinement aux Etats-Unis à l’âge de 14 ans, mais qui deviendra une décennie plus tard, un « héros ». C'est une autre adaptation de l'American Dream. Engagé dans l’armée américaine, il participera à la bataille décisive d'Incheon (1950), au cours de laquelle des marines engagés sous l’égide des forces de l’ONU ont mis fin à l’avancée des troupes communistes, de ce qui deviendra la Corée du Nord, permettant ultérieurement la libération de Séoul.
Sur les traces du père, le fils s’est engagé aussi dans l’armée américaine. Après quatre ans de bons et loyaux services, il a décidé de venir découvrir le pays de ses ancêtres. Pour mettre son expérience à profit, il rejoint les démineurs du Service d’action antimines des Nations Unies (UNMAS). Cela lui donnera l’occasion de sillonner la région pendant 15 ans, risquant sa vie tous les jours -au Darfour, au Soudan, en Bosnie, au Kosovo, au Kenya, en Ethiopie, à Chypre et au Sud-Liban, d’où il est originaire- afin que les populations victimes des sales guerres puissent retrouver la paix et la sécurité. Mission accomplie, il retourne au Liban afin de s’installer définitivement à Beyrouth et d’ouvrir le bar Radio Beirut.
De l’avis de tous, c’est un homme sympa, positif, sensible, idéaliste, dévoué, généreux, sincère, avec le cœur sur la main. Si j'ai pris la liberté de m'étaler sur sa biographie, c'est justement pour attirer l'attention sur le fait que Jihad Samhat est tout sauf un imposteur de salon. Il n’est pas le genre à faire passer une agression sexuelle pour une partie de touche-pipi. A moins que ça ne l’était vraiment !
8 Le refus catégorique de Dayna Asyah de toute confrontation avec le prétendu harceleur
Passons maintenant à l’élément clé dans cette affaire. D’après les propres aveux de Dayna Asyah, Jihad Samhat a œuvré à plusieurs reprises, pour que les deux protagonistes puissent se rencontrer et s’expliquer, afin de confronter leurs versions des faits. « Rencontrons-nous avec l’accusé, avant que cela n’aille plus loin que ça ne devrait. Je ne suis pas un dieu, mais je ferai beaucoup pour résoudre le problème. Cela ne peut être fait que si nous nous rencontrons tous et parlons ». Niet. Dayna Asyah n’a pas voulu en entendre parler. C’est ce qui a amené le patron de Radio Beirut à exprimer avec franchise ce qu’il pense du comportement de l’intéressée : « Au fait, cela commence à sentir l’orchestration ». Et ce ne sont pas les éléments qui manquent pour étayer l’hypothèse de l’orchestration, pas de l’incident spécialement, mais de tout le reste, notamment de l’exploitation de l’incident. Ils sont de plusieurs ordres.
9 Incident évoqué au 7e jour, sachant que la vidéosurveillance n'est conservée que 6 jours
L’incident a eu lieu dans la nuit du 5-6 février et non le 6 comme l’affirme la présumée victime sur Facebook. Cependant, Dayna Asyah n’a évoqué l’affaire avec Jihad Samhat que le 11 février, le 7e jour après les faits, une semaine de réflexion et de consultations peut-être. Sachant que le site est sous vidéo-surveillance 24h/24 et 7j/7, l’extérieur et l’intérieur, la cabine comprise, et que les images sont conservées pendant 6 jours, si elle s’était manifestée le 10, l’affaire aurait été bouclée, le harceleur foutu dehors avec un grand pied au cul. Mais non, elle ne s’est manifestée que le 11 svp. Plus d’images et plus de preuves, comme par hasard.
Et le hasard fait tellement bien les choses, qu’il semble d’après la même source, qu'aucune personne présente dans la cabine radio ce soir-là n’avait remarqué quoi que ce soit !
La source évoque aussi un autre fait troublant, le vol d’argent liquide survenu dans l’établissement au lendemain de Noël, un incident qui a conduit le patron de Radio Beirut à réunir son staff et à le sommer de se manifester dans les 6 jours au moindre problème, afin de récupérer et exploiter les images de la vidéosurveillance. Ainsi, Dayna Asyah était parfaitement au courant du délai de conservation des preuves. Elle aurait décidé sciemment de le dépasser. Après elle s'étonne qu'on doute de sa version des faits !
10 Dayna Asyah n’est pas à une contradiction près
Comme par enchantement aussi, l’affaire personnelle est subitement devenue une affaire collective : « Ce que moi-même et d’autres femmes harcelées dans ton établissement demandons est simple : des excuses publiques à toutes les femmes qui ont fait face à des situations de harcèlement sexuel similaires dans ton établissement ». Mais voyons et pourtant, elle avait commencé son offensive médiatique avec : « J'ai été employée de Radio Beirut pendant trois ans et j'ai invité tous les membres de ma communauté (LGBT) à venir dans cet espace, le considérant comme un lieu sûr depuis que j'y travaillais ». On dirait que Dayna Asyah n’est pas à une contradiction près, sauf que le fil du mensonge est court, ça ne dépasse pas la taille d’un post sur Facebook.
11 Le déroulement curieux de la rencontre entre Dayna et Jihad le 11 février
Il est intéressant de revenir sur le déroulement des événements du 11 février. Ce jour-là, Dayna Asyah prévient Jihad Samhat par WhatsApp, qu’elle souhaite le voir. La rencontre a eu lieu comme à l’accoutumée au bar. Elle se déroulera en trois temps. L'animatrice a commencé par annoncer son départ. Motif évoqué en premier : son second travail dans le cadre d’une ONG, Haven for Artists (une plateforme artistique, qui fait de la live music et des jam-sessions !), qui ne lui permettra plus de remplir convenablement son contrat avec Radio Beirut. Elle a précisé ensuite, qu’elle était prête à assurer le programme pendant la phase de transition d’un mois et à former sa remplaçante. Ce n’est qu’à la fin que le second motif de départ était évoqué : l’incident de la nuit du 5 février. Voilà un enchainement qui le moins qu'on puisse dire laisse perplexe. Il ne peut être celui de quelqu'un « tellement choquée et effrayée » par ce qui lui est arrivé.
12 « Et s’il avait violé ta fille ? »
Le 26 février, trois semaines après les faits, le personnel et les clients de Radio Beirut ont été témoins d’une vive altercation entre Dayna Asyah et Jihad Samhat. Le motif: le retour du présumé harceleur. La prétendue victime avait crié haut et fort : « Et s’il avait violé ta fille ? » Réaction sincère ou mise en scène ? Une chose est sûre, la comparaison renvoie encore au viol. Dans tous les cas, les détails de son post se rapportant à la rencontre ne concordent pas avec les faits. « Je suis parti calmement et sans scène, sans crier, ni pleurer, rien qui puisse être qualifié de femme hystérique en termes misogynes. » Et pourtant, les témoins sont nombreux pour contredire ce compte-rendu.
13 L'annonce de l'incident programmé la veille de la journée de la femme
Notons aussi que l’annonce urbi et orbi du harcèlement n’a eu lieu que le 7 mars à 19h08, la veille du 8 mars, la journée de la femme, près d'un mois après l'incident, comme par hasard, sachant qu’un tel événement ne pouvait qu’amplifier une telle accusation.
14 Radio Beirut: un lieu sûr au début du post, pas sûr à la fin du post
Dayna Asyah affirme qu’elle voulait « partir avec dignité », elle demandait simplement que « l’établissement n’engage pas cet homme pendant deux nuits supplémentaires ». Elle a exigé de Radio Beirut « des réformes et la formation du personnel » afin de protéger à la fois les « employées et les clientes… des violations sans conséquences pour les agresseurs ». C’est très honorable de sa part, mais il y a manifestement une volonté ferme de présenter Radio Beirut comme un lieu douteux. En tout cas, ses allégations sont en totale contraction avec ce qu’elle affirme au début de son post : Radio Beirut est « un lieu sûr » où elle a invité ses amies.
15 Dayna Asyah n’hésite pas à impliquer la communauté LGBT
Cette dernière allégation est à la fois malhonnête et ingrate. Et pour cause. Il y a deux ans, la communauté LGBT du Liban a voulu organiser une Gay pride et fêter l’événement comme il se doit. Qui a osé leur offrir ses locaux pour cela ? Jihad Samhat. Oh, ce n’était pas une partie de plaisir. Il a dû faire face à quelques ennuis de la part des autorités. L’année d’après rebelote, et c’est grâce à l’intervention et aux contacts de Jihad Samhat, que la communauté LGBT et les bars du quartier, allaient fêter l’événement et échapper aux ennuis policiers, mais la manifestation fut annulée par les organisateurs. Dans ce post, pour ameuter la foule contre Radio Beirut, Dayna Asyah n’hésite pas à impliquer la communauté LGBT à deux reprises : en s’adressant « à tout le monde là-bas », et spécialement à « my community » et à « our community ».
16 Les présumés harceleur et harcelée se connaissaient bien ! Pire, la victime a déjà eu des gestes déplacés avec les musiciens
D’après cette source proche du dossier, c'est un secret de Polichinelle, Dayna Asyah elle-même s’est permise des gestes déplacés, et parfaitement du même genre !, à plusieurs reprises et pendant des années, avec les musiciens de Radio Beirut, notamment avec le prétendu harceleur ! L’agresseur et l’agressée se connaissent même très bien depuis fort longtemps, et même, en dehors du travail. Pire encore, le prétendu « pervers », que Dayna ne pouvait plus voir en peinture, a déjà joué pour Haven for Artists. Ah mais ils se connaissent si bien que dans le passé, ils ont fait partie du même groupe de musique, Ovid.
Ceci ne justifie pas cela, bien évidemment, mais il est plutôt malhonnête de ne pas évoquer publiquement un détail de cette taille, pour concentrer les attaques contre les soi-disant manquements de Jihad Samhat dans la gestion du « harcèlement sexuel » au sein de son établissement. Beaucoup des 2 600 personnes qui ont liké, des 558 qui ont commenté et des 881 qui ont partagé son fameux post sur Facebook, ne l’auraient pas fait en l’apprenant. A cause de tous ces détails, où le diable s’est bien caché, je n’ose pas imaginer que L’Orient-Le Jour serait allé jusqu’à titrer « Mouvement de solidarité en ligne après une tentative de viol révélée par une jeune Libanaise » ou que le blogueur Gino Raidy aurait osé appeler au boycott de Radio Beirut, « un pub (qui) menace une victime d’abus sexuel ».
17 « See you on the dance floor », la phrase qui a mis le feu aux poudres
Tous ces éléments expliquent pourquoi Jihad Samhat a cru longtemps à une mauvaise blague entre de très bons copains qui a mal tournée, que les protagonistes étaient suffisamment adultes pour accepter de s’expliquer entre eux en face-à-face et qu’il pouvait annoncer sur sa page de Radio Beirut que le show pouvait reprendre, « see you on the dance floor », une phrase quelque peu maladroite qui a provoqué de vives réactions.
18 « Harcèlement sexuel ou une occasion de pisser dans un violon à l’ère de l'ultra-féminisme ? »
L’ex-animatrice de Radio Beirut semble avoir très mal accepté la perplexité de Jihad Samhat face à son obstination, refusant toute confrontation avec celui qu’elle accuse, alors qu’il était de plus en plus clair au fil des semaines que les deux personnes se connaissent bien et qu’il y a un doute sérieux sur ce qui s’est passé précisément dans la nuit du 5 février : « Cela est en train de devenir enfantin et je suis incapable de déterminer maintenant s'il s'agit en réalité de harcèlement sexuel ou simplement d’une occasion de pisser dans un violon le jour et au cours de l’ère de l'ultra-féminisme ». Inutile de préciser que ça lui a valu la crucifixion. Il est vrai que la majorité des gens ignoraient tous ces détails et tout le monde avait déjà oublié que Radio Beirut a toujours soutenu et organisé des événements de charité pour les orphelins et les enfants victimes de la guerre, mais aussi pour défendre la lutte du mouvement LGBT, la cause des travailleurs domestiques et les droits de la femme.
19 Tout ce qui dérange dans l’affaire Dayna Asyah
Sur le fond, ce qui dérange dans l’affaire Dayna Asyah, ce sont d’abord les innombrables incohérences d’un récit réfléchi et réécrit, qui fragilisent le témoignage spontané d’une prétendue victime. Ce qui dérange ensuite, c’est l’exploitation par l’intéressée d’un événement hypothétique, survenu avec un musicien engagé par l’établissement, à des fins personnelles, s’en prendre à une entreprise renommée, Radio Beirut, et à un patron respecté, Jihad Samhat. Ce qui dérange enfin, ce sont les conséquences de ces réactions en chaine, déplacées et disproportionnées, qui prennent des formes condamnées par les lois en vigueur au Liban : le lynchage sur les réseaux sociaux, la vindicte populaire, l’appel au boycott, l’agression verbale (des filles se sont présentées au pub, criant et insultant ceux qui y travaillent) et l’agression physique d’un des employés pris par erreur pour Jihad Samhat. Des violences qui devraient être condamnés sans ambiguïté.
20 L'enregistre audio qui fragilise le témoignage de Dayna Asyah*
Dayna Asyah prétend dans son post non seulement qu'elle était « tellement choquée » et « effrayée », qu'elle est devenue « rouge » et qu'elle a « tremblé », mais qu'elle est « rentrée tôt » la nuit du 5 février. Or, les cinq éléments ne résistent pas à l'examen minutieux des faits. Derniers en date, l'enregistrement audio de la soirée mis en ligne il y a trois jours. On apprend: primo, Dayna Asyah apparaît enjouée ce soir-là comme à l'accoutumée ; secundo, l'ex-animatrice a assurée 3h06 d'antenne comme à son habitude, elle n'a quittée Radio Beirut qu'après 1h du matin, elle a fait le show jusqu'au bout ; tertio, la présumée victime a tenu à citer le prénom du prétendu harceleur dans ses remerciements à la fin de la soirée musicale. Si la version de Dayna Asyah est véridique, « his fingers /out of nowhere / into my vagina », une telle gratitude dans un tel contexte à un tel pervers, est une première mondiale. Hélas, cet enregistrement fragilise davantage son témoignage et fait ressortir ses nombreuses incohérences.
Dayna Asyah, co-animatrice radio, et Jihad Samhat, fondateur et gérant de Radio Beirut |
21 La vindicte populaire, sans approche judiciaire, révèle une société immature et violente
C’est ce qui nous amène à tirer la première conclusion dans l’affaire Dayna Asyah. Un être humain n’a pas à imposer à un autre être humain quoi que ce soit. La liberté de disposer de son corps est non-négociable, même au sein d’un couple marié. De ce fait, tout harcèlement ou agression de nature sexuelle est odieux et abjecte, quel qu’en soit le contexte. C’est parce qu’il s’agit d’une violation grave de la loi, seule la justice a le pouvoir de le confirmer et d’infliger une sentence appropriée aux coupables, selon les lois en vigueur.
Avec le recul dont nous disposons, dans la mode #metoo en général et l’affaire Asyah en particulier, il est clair que ce n’est pas à une foule conditionnée, qui peut être manipulée facilement, de juger. Qui se sent lésé et veut obtenir réparation, d’une manière honnête et civilisée, doit se tourner vers les tribunaux et non les réseaux sociaux.
D’un prétendu harcèlement sexuel de l'animattrice Dayna Asyah, on est passé à un flagrant harcèlement social de Radio Beirut et de son fondateur, Jihad Samhat. Une soi-disant justice qui se révèle être sommaire, expéditive et corrompue, n’est qu’injustice. La vindicte populaire, sans approche judiciaire, révèle une société immature et violente. Dans un environnement civilisé, les différends se règlent devant les tribunaux selon les lois en vigueur, et nulle part ailleurs sous quelle que forme que ce soit.
22 Signaler tout abus sexuel aux autorités libanaises
La deuxième conclusion concerne les femmes victimes de l’ignominie des hommes. Nous les attendons et nous les soutiendrons devant les tribunaux, davantage que sur les réseaux sociaux. Bien sûr qu’il sera toujours difficile d’apporter la preuve dans ce domaine, mais si on ne signale pas et on ne consigne pas d’une manière systématique et officielle les abus sexuels au Liban, comment peut-on espérer changer efficacement la loi et les mœurs au pays du Cèdre ? Sur les réseaux sociaux, c’est une mode éphémère et un réconfort égocentrique que nous récolterons, ni plus ni moins. On l’a vu avec les vagues #metoo et #balancetonporc.
23 Pourquoi Dayna Asyah privilégie les allégations sur Facebook aux accusations devant un tribunal ?
La troisième conclusion concerne Dayna Asyah elle-même. Je la poserai sous la forme d’une question : pourquoi la prétendue victime n’a pas voulu porter plainte, afin qu’une enquête officielle approfondie soit menée par la police, que les faits soient exposés devant un tribunal et que LA vérité, la seule, éclate au grand jour ? La question se pose d’autant plus que d’après la même source proche du dossier, l’accusé ne l’aurait pas touché, mais lui aurait tout simplement montré son majeur après l’avoir sucé. C’est obscène sans doute, voire du harcèlement sexuel, mais ça n’a rien à voir avec une agression sexuelle -même pas du harcèlement sexuel, encore moins un viol- où « il aurait introduit ses doigts de force dans son vagin », à moins de fumer sa moquette. Et si cela est vrai, il y a bel et bien diffamation à son égard.
Maintenant que l'affaire est public et les dégâts graves, nous attendons des explications de la part de Dayna Asyah. Pour l'instant, en vain, alors que dans ce domaine, mieux vaut tard que jamais. A défaut, je crains qu’elle ne puisse plus être en mesure d'écarter complètement une certitude : elle aurait privilégié les allégations superficielles sans preuves sur Facebook, tellement plus commodes et beaucoup plus efficaces pour atteindre ses objectifs. Elle craignait et craindrait qu'une plainte officielle ne conduise pas les enquêteurs à découvrir le pot aux roses.
Dayna Asyah s’est exprimée de nouveau cet après-midi. Toujours aucune réponse à toutes les questions et les doutes soulevés dans cet article, et encore des attaques contre le bar et son patron. La seule véritable annonce concerne le présumé agresseur : « Dans mon cas, le harceleur n'avait AUCUNE intention de me violer ni AUCUNE tentative de viol », en majuscules svp, pour marquer combien elle en est sûre. Il y a quatre jours, au lancement du scandale, pour ameuter la foule on avait l’histoire d’ « un membre du groupe (de musique) de Radio Beirut (qui) est arrivé comme un cheveu sur la soupe pour introduire ses doigts de force dans mon vagin ».
Si on croit Dayna Asyah dans son premier post sur Facebook, il s'agit sur le plan judiciaire d'un viol pur et simple, un crime passible de la Cour d'assises, l'auteur risque jusqu'à 15 ans de prison ferme. Si on croit Dayna Asyah dans son deuxième post sur Facebook, qui concorde avec les révélations de mon enquête décrites précédemment, l'homme n'a fait que sucer son doigt, il ne s'agit même pas de harcèlement sexuel, une accusation irrecevable pour un tribunal. Et après on s’étonne que le témoignage de certaines femmes ne soit pas pris au sérieux ! L'avenir nous dira à quel point Dayna Asyah, ses ami-e-s et la foule qui lui ont apporté un soutien à l'aveugle, ont nui à la cause des femmes harcelées au Liban, avec ces contradictions grotesques.
24 De Jihad Samhat, nous attendons un grand débat sur le sujet à Radio Beirut
La dernière conclusion concerne le patron de Radio Beirut. De Jihad Samhat, nous attendons un grand débat sur le sujet à Radio Beirut. C’est dans l’air du temps en plus. Mais nous devons être conscients, qu’il ne peut pas appliquer tout seul dans son coin, un code des mœurs suédois entre les hommes et les femmes, où tout le monde se touche pour un oui ou pour un non, alors que nous vivons dans l’exubérance de la Méditerranée, dans la chaleur de l’Orient et dans le pays des « hayété », « habibté », « albé », « 3eïné », qui fusent avant la 36e seconde d’une conversation, même avec un douanier.
Au Liban, nul ne sait vraiment où placer la ligne rouge dans les relations humaines, entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, dans la rue comme sur les lieux de travail, sur les murs des réseaux sociaux comme en inbox. Il est important de profiter de cette affaire pour aller au-delà de l’évidence et bien expliquer ce qui relève de la blague et de la drague lourdes, et ce qui fait partie du harcèlement sexuel, de l’agression sexuelle et du viol, des délits et des crimes condamnés par les lois en vigueur au Liban. Alors, rendez-vous à Radio Beirut. Santé à toutes et à tous.
*
Dernière mise à jour le 25 mars
L'article en anglais (28 mars)
Does “Radio Beirut” deserve a public lynching and death sentence? Exclusive investigation into the inconsistencies of the Dayna Asyah case (Art. 600-Eng)
Article lié au sujet (5 avril)
“Mr. One-Dollar Blogger”, Gino Raidy, vs “M. Molière Le Snob”, Bakhos Baalbaki (Art.605-Fr)
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