Lundi restera comme une journée noire dans l'histoire du Liban. Notre pays a fait face à 140 feux simultanés pour une grande partie, de Jezzine au Akkar, de Bint Jbeil à Jbeil, de Sour à Dénniyé, Marjeyoun à Aley, du Metn à Nabatiyé, du Chouf au Kesrouan, etc. Il y a des morts, des blessés, des compatriotes terrorisées, des dégâts considérables dans les maisons et les voitures, et beaucoup de questions en suspens. On a demandé de l’aide à Chypre. La Grèce et la Jordanie ont proposé de nous donner un coup de main. Les conditions climatiques étaient extrêmes. Il a fait chaud, sec et il y avait du vent. Qu’importe les causes, le résultat et les conséquences sont les mêmes, il y a eu défaillance et le Liban n'est que désolation ce matin. Il a fallu le retour de la pluie mardi, pour permettre aux pompiers libanais de venir à bout de cette série d'incendies. Cela n'empêchera pas le questionnement des dirigeants libanais sur cette catastrophe inédite.
1 La première question qui revient sur toutes les lèvres ce mardi matin est celle de savoir pourquoi nous n’avons pas des avions pour éteindre les feux de forêts qui consument RÉGULIÈREMENT notre patrimoine écologique ? En réalité, c’est faux, nous en avons. J'en ai parlé en long et en large, souvenez-vous, à l’occasion d’un important incendie survenu dans la région de Baabda en mai 2014 déjà. Ce sont les fameux « Sikorsky ». Il y en a trois d’une capacité d'intervention totale de près de 13 000 litres d’eau à chaque largage, ce qui n’est pas si mal sachant que la Méditerranée n’est qu’à quelques minutes de vol de n’importe quel coin du territoire libanais. Eh bien, chers compatriotes et amis du Liban, figurez-vous que nos bombardiers d'eau n’ont pas pu décoller hier, pas plus qu’il y a cinq ans, faute de maintenance régulière.
2 Les Sikorsky sont des hélicoptères militaires de fabrication américaine dont certains modèles civils sont utilisés dans la lutte contre les incendies. Ils ont été acquis par la Défense civile à l'été 2009 pour 16 millions de dollars sur des recommandations de l'armée de l'air du Liban et du Bureau Veritas, une société de conseil et de certification. Ils ont été payés grâce à des dons personnels, Saad Hariri assurant la moitié du montant, des hommes d'affaires l'autre moitié. C'est à croire que l’Etat libanais est très regardant sur ses dépenses ! Quelle mascarade. Pour des raisons évidentes et pratiques, notamment en ce qui concerne le pilotage de ces appareils, les Sikorsky ont été confiés à l’armée libanaise. Ils ont été utilisés avec succès contre une douzaine de feux de forêts survenus entre 2009 et 2012. MAIS à l’expiration des trois années de maintenance et l'épuisement du stock de pièces détachées, inclus dans le pack d’achat, càd en 2012, les hélicoptères sont devenus progressivement HS, hors service. Bienvenue au Liban.
3 Avant de vous énerver, encore un détail, évoqué déjà dans mon article de 2014. Aussi incroyable que cela puisse paraitre, il ne faut qu’entre 100 000-150 000 $/an pour maintenir ces hélicoptères opérationnels. Ziad Baroud, l'ancien ministre de l'Intérieur, l'a confirmé aujourd'hui aux chaines Al-Jadeed, LBCI et MTV : il faut compter autour de 450 000 $ pour la maintenance, en omettant de bien préciser que c'est pour trois ans. Toujours est-il qu’on n'a jamais réussi à réunir la somme nécessaire.
Notre dette publique est de 85 milliards de dollars, mais on n’a pas trouvé 100 000 $ pour nos hélicoptères-bombardiers d’eau ! Eh oui, le budget de l’Etat libanais est de 18 milliards $ pour 2019, mais on ne trouve pas 100 000 $ pour pouvoir éteindre nos feux de forêts ! Qu’est-ce qu'on peut dire encore, le budget libanais de la Défense pour l’année en cours est de près de 2 milliards $, mais on a beau cherché, on ne pourra pas avoir 100 000 $ pour combattre efficacement les flammes. On n’a même pas trouvé un pauvre richissime homme d’affaires ayant compris que les richesses de ce monde restent dans ce monde, qui soit prêt à combler le déficit de l’Etat. Les feux ravages nos montagnes pendant que les hélicoptères bombardiers d'eau rouillent sur une base aérienne de l'armée libanaise. Il n'y a pas à dire, notre pays dans sa composante publique comme privée est un désastre.
4 Tout est dans mon article du 6 mai 2014. Pour bien souligner le ridicule de la situation, je lui avais donné ce titre sarcastique : « Après le scandale de l’incendie de la forêt de Baabda : un député en moins à entretenir permettrait la maintenance à vie des Sikorsky ». On ne m’a pas écouté ! Eh oui, chers compatriotes-contribuables, un député nous coûte à peu près 100 000 $/année de mandat. Le hasard des chiffres, c''est le même ! Il fallait simplement qu’un de nos représentants se sacrifie pour doter le Liban de Sikorsky opérationnels à vie ! On en a 128 en mandat. Etant donné la performance qui laisse à désirer, on avait l’embarras du choix. Et vous ne savez pas la nouvelle, on va passer à 134 députés aux prochaines législatives ! Et toujours rien pour nos Sikorsky. Quelle bande de nases ! Comptez aussi les ministres en activité. Mais également, les députés et les ministres à la retraite, ainsi que les hauts fonctionnaires et les innombrables conseillers dans les domaines du gaz, de l’électricité, des barrages, de l’économie, des déchets, des palabres, wa 2art el 7aké wou tébwiss el lé7é wa hallouma jara.
5 Aux dernières nouvelles, le Premier ministre libanais, Saad Hariri, n’a pas jugé utile de commenter les incendies sur Twitter. Et pourtant, il est bavard d’habitude. Il s’est contenté de déclarer aux médias que l’Etat remboursera les sinistrés ! Michel Aoun a pris l’affaire plus au sérieux, il a ordonné une enquête pour savoir pourquoi nos Sikorsky sont restés cloués au sol. Comme si les Libanais l'ignoraient encore. Ce qu’il faut ce sont des sanctions contre tous les descendants d’autruche qui se sont succédés entre 2012 et 2019. Au fait, si le président de la République avait annulé son dernier voyage stérile à New York, accompagné d’une 7achiyé de 65 personnes à ce qu’on dit (on n'a jamais su le chiffre exact, c'est un secret d'Etat), on aurait eu des Sikorsky opérationnels jusqu’à la fin de son mandat, au moins !
6 Pour la ministre de l’Intérieur, Raya el-Hassan, l'explication se trouve dans le fait que les Sikorsky ne sont peut-être pas adaptés au Liban et par le coût élevé de la maintenance. Même son de cloche du côté du ministre de l'Environnement, Fady Jreissati, qui pense que les hélicoptères spécialisés ont de gros moteurs qui les rendent impropres à la lutte contre les feux de forêts. Smallah wou yékhzil 3ein, dix pour s’en rendre compte. La belle excuse ! Alors pourquoi les avoir achetés ? Hassan était au pouvoir à l’époque, aux Finances même. Jreissati était trop pris par la gestion de sa société immobilière.
En fait, ce que les deux ministres ont dit est faux et archifaux. Les Sikorsky ont été choisis sur recommandations de l'armée libanais et du Bureau Veritas ! On a préféré ces hélicoptères-bombardiers aux avions-bombardiers comme les Canadairs, parce que justement, ils étaient plus adaptés à la nature et la géographie libanaises. Quant au coût de la maintenance, vu les chiffres évoqués précédemment, les deux ministres ne savaient vraiment pas de quoi ils parlaient.
Cela étant dit, la palme d'or de l'ânerie du siècle revient sans partage au député Mario Aoun (originaire de la région de Damour): « Ces feux posent de gros points d'interrogation, notamment pour ce qui est de savoir comment se fait-il qu'ils ne concernent que les villages et régions chrétiennes précisément ! » C'est pour vous dire, fumer sa moquette en plein feu de forêt n'est pas très conseillé.
7 Autre chose qui m’a frappé en visionnant les reportages de la MTV, c’est d’apprendre du chef de la Défense civile, qu’il y a des zones minées, donc inaccessibles aux pompiers. Non mais qu’est-ce qui justifie que 30 ans après la fin de la guerre, il y a encore des mines dispersées sur le territoire libanais, au Chouf, comme à Sannine ou au Sud-Liban ? Rien à part la défaillance de l'Etat libanais.
8 Hélas, la lutte contre les feux de forêts est un combat désespéré. 140 feux à éteindre hier au Liban, c’était une mission impossible, même si nous avions les moyens de la Grèce, du Portugal, du Brésil ou de la Californie. Mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras. Il faut agir à tous les niveaux, aussi bien publics que privés, pour être mieux préparé à l'avenir.
. En amont : obliger les municipalités à débroussailler les forêts régulièrement au lieu de gaspiller l'argent des contribuables sur des projets sans intérêt, intégrer les gardes forestiers reçus au concours d'Etat mais dont l'embauche est bloqué à cause du déséquilibre confessionnel, encourager le retour des bergers et des troupeaux comme autrefois, nettoyer la nature libanaise, ramasser les bouteilles/déchets, virer un député du Parlement afin d'assurer la maintenance de nos hélicoptères-bombardiers d’eau, acheter des camions de lutte contre les feux, ramener l’eau dans les régions menacées, installer des bornes à incendie dans les régions sensibles, tracer des chemins de terre pour les camions de pompiers dans les forêts (petits et non goudronnés !), donner plus de moyens à la Défense civile, mobiliser les hommes et les femmes, etc.
. En aval : punir les pique-niqueurs qui laissent leurs déchets dans la nature, interdire le camping sauvage, interdire le barbecue dans la nature, cadrer la production de charbons de bois (mache7ra), sanctionner les pyromanes-psychopathes et condamner sévèrement les pyromanes-promoteurs.
9 La lutte contre la catastrophe des feux de forêts n’est pas uniquement une affaire d’Etat, c’est aussi l’affaire de toutes et de tous. Trois réflexions.
. Primo, la construction de sadd Bisri au Sud-Liban est actuellement en train de détruire 6 000 000 m2 de prairies et de forêts de l’une des régions les plus belles et les plus préservées de notre pays. Par comparaison, on estime que les incendies détruisent chaque année entre 14 et 34 millions de mètres carrés de forêts (25 millions m2 étant la moyenne entre 2006 et 2018). Les destructions volontaires de Bisri, représentent entre la moitié et le cinquième des destructions involontaires par le feu (le quart de la moyenne annuelle) ! Au fait, les arbres, vous les préférez comment, crus à la tronçonneuse ou carbonisés par les flammes? Halte à la tartufferie, qui est favorable à la construction de cet aberrant barrage -dans une zone hautement sismique alors que tout le réseau de distribution de l'eau au Liban est vétuste et fuit- mais qui vient verser des larmes de crocodiles sur les incendies du Mont-Liban ce matin, qu’il soit responsable ou citoyen, « ma yisame3na sawto el yom », yi sedd ni3o wou bouzo.
. Secundo, quelle que soit l’ampleur de la désolation, nous devons nous mobiliser toutes et tous et mettre en œuvre les moyens publics et privés nécessaires afin de reboiser les régions ravagées dans les plus brefs délais. Mais aujourd’hui, au-delà de cette évidence, chaque Libanais doit se demander, quel est son bilan d’arbres ? Personnellement, j’ai mon petit bois, avec des chênes, deux cèdres du Liban et un Séquoia géant. Plantons ce que nous voulons, mais plantons quelque chose, dans un jardin ou sur un trottoir, en pleine terre ou dans un grand pot, olivier, vigne, noyer, cerisier, poirier, pommier, oranger, avocatier, amandier, pin, genévrier, platane d'Orient, peuplier d'Italie, plaqueminier du Japon, et j'en passe et des meilleurs. Qui n'a pas de jardin ou de terrasse, peut faire un don aux organisations impliquées dans le reboisement du Liban ou faire pression sur la municipalité de Beyrouth par exemple, pour qu'elle arrête de tailler les arbres d'ornement des trottoirs en de grotesques boules décoratives !
. Tertio, si nous en sommes là, c’est parce qu'une frange de la population libanaise, responsables comme citoyens, méprise les arbres, les vallées, les prairies et les montages. Ils ne voient dans la terre qu'une surface à construire ! Ils ne sont affectés et effrayés que par l'idée que leurs propres biens partent en fumée. Hélas, c'est la triste réalité dans notre pays. Il est donc temps de prendre conscience de l’importance des arbres et de la faune pour les êtres humains et cesser de les considérer comme des ennemis pestiférés, qu’il faut éloigner des habitations, couper, tailler, mutiler et déraciner. Les arbres constituent les moyens les plus efficaces pour purifier l'air que nous respirons, lutter contre le principal gaz à effet de serre (le dioxyde de carbone, CO2), et freiner le réchauffement climatique irréversible de la Planète bleue. Dans cette optique, je profite de drame pour partager de nouveau avec vous ce rêve qui est parfaitement à notre portée, que toutes les rues et routes du monde soient bordées d’arbres ! Fermons les yeux et pensons-y un instant, ça sera le paradis sur Terre. Il va falloir commencer quelque part. Et pourquoi pas au Liban à la suite de cette catastrophe?
1 La première question qui revient sur toutes les lèvres ce mardi matin est celle de savoir pourquoi nous n’avons pas des avions pour éteindre les feux de forêts qui consument RÉGULIÈREMENT notre patrimoine écologique ? En réalité, c’est faux, nous en avons. J'en ai parlé en long et en large, souvenez-vous, à l’occasion d’un important incendie survenu dans la région de Baabda en mai 2014 déjà. Ce sont les fameux « Sikorsky ». Il y en a trois d’une capacité d'intervention totale de près de 13 000 litres d’eau à chaque largage, ce qui n’est pas si mal sachant que la Méditerranée n’est qu’à quelques minutes de vol de n’importe quel coin du territoire libanais. Eh bien, chers compatriotes et amis du Liban, figurez-vous que nos bombardiers d'eau n’ont pas pu décoller hier, pas plus qu’il y a cinq ans, faute de maintenance régulière.
2 Les Sikorsky sont des hélicoptères militaires de fabrication américaine dont certains modèles civils sont utilisés dans la lutte contre les incendies. Ils ont été acquis par la Défense civile à l'été 2009 pour 16 millions de dollars sur des recommandations de l'armée de l'air du Liban et du Bureau Veritas, une société de conseil et de certification. Ils ont été payés grâce à des dons personnels, Saad Hariri assurant la moitié du montant, des hommes d'affaires l'autre moitié. C'est à croire que l’Etat libanais est très regardant sur ses dépenses ! Quelle mascarade. Pour des raisons évidentes et pratiques, notamment en ce qui concerne le pilotage de ces appareils, les Sikorsky ont été confiés à l’armée libanaise. Ils ont été utilisés avec succès contre une douzaine de feux de forêts survenus entre 2009 et 2012. MAIS à l’expiration des trois années de maintenance et l'épuisement du stock de pièces détachées, inclus dans le pack d’achat, càd en 2012, les hélicoptères sont devenus progressivement HS, hors service. Bienvenue au Liban.
3 Avant de vous énerver, encore un détail, évoqué déjà dans mon article de 2014. Aussi incroyable que cela puisse paraitre, il ne faut qu’entre 100 000-150 000 $/an pour maintenir ces hélicoptères opérationnels. Ziad Baroud, l'ancien ministre de l'Intérieur, l'a confirmé aujourd'hui aux chaines Al-Jadeed, LBCI et MTV : il faut compter autour de 450 000 $ pour la maintenance, en omettant de bien préciser que c'est pour trois ans. Toujours est-il qu’on n'a jamais réussi à réunir la somme nécessaire.
Notre dette publique est de 85 milliards de dollars, mais on n’a pas trouvé 100 000 $ pour nos hélicoptères-bombardiers d’eau ! Eh oui, le budget de l’Etat libanais est de 18 milliards $ pour 2019, mais on ne trouve pas 100 000 $ pour pouvoir éteindre nos feux de forêts ! Qu’est-ce qu'on peut dire encore, le budget libanais de la Défense pour l’année en cours est de près de 2 milliards $, mais on a beau cherché, on ne pourra pas avoir 100 000 $ pour combattre efficacement les flammes. On n’a même pas trouvé un pauvre richissime homme d’affaires ayant compris que les richesses de ce monde restent dans ce monde, qui soit prêt à combler le déficit de l’Etat. Les feux ravages nos montagnes pendant que les hélicoptères bombardiers d'eau rouillent sur une base aérienne de l'armée libanaise. Il n'y a pas à dire, notre pays dans sa composante publique comme privée est un désastre.
4 Tout est dans mon article du 6 mai 2014. Pour bien souligner le ridicule de la situation, je lui avais donné ce titre sarcastique : « Après le scandale de l’incendie de la forêt de Baabda : un député en moins à entretenir permettrait la maintenance à vie des Sikorsky ». On ne m’a pas écouté ! Eh oui, chers compatriotes-contribuables, un député nous coûte à peu près 100 000 $/année de mandat. Le hasard des chiffres, c''est le même ! Il fallait simplement qu’un de nos représentants se sacrifie pour doter le Liban de Sikorsky opérationnels à vie ! On en a 128 en mandat. Etant donné la performance qui laisse à désirer, on avait l’embarras du choix. Et vous ne savez pas la nouvelle, on va passer à 134 députés aux prochaines législatives ! Et toujours rien pour nos Sikorsky. Quelle bande de nases ! Comptez aussi les ministres en activité. Mais également, les députés et les ministres à la retraite, ainsi que les hauts fonctionnaires et les innombrables conseillers dans les domaines du gaz, de l’électricité, des barrages, de l’économie, des déchets, des palabres, wa 2art el 7aké wou tébwiss el lé7é wa hallouma jara.
5 Aux dernières nouvelles, le Premier ministre libanais, Saad Hariri, n’a pas jugé utile de commenter les incendies sur Twitter. Et pourtant, il est bavard d’habitude. Il s’est contenté de déclarer aux médias que l’Etat remboursera les sinistrés ! Michel Aoun a pris l’affaire plus au sérieux, il a ordonné une enquête pour savoir pourquoi nos Sikorsky sont restés cloués au sol. Comme si les Libanais l'ignoraient encore. Ce qu’il faut ce sont des sanctions contre tous les descendants d’autruche qui se sont succédés entre 2012 et 2019. Au fait, si le président de la République avait annulé son dernier voyage stérile à New York, accompagné d’une 7achiyé de 65 personnes à ce qu’on dit (on n'a jamais su le chiffre exact, c'est un secret d'Etat), on aurait eu des Sikorsky opérationnels jusqu’à la fin de son mandat, au moins !
Le président de la République Michel Aoun demande l'ouverture d'une enquête sur les raisons de cette grave défaillance. Comme si les Libanais n'avaient pas déjà la réponse ! |
6 Pour la ministre de l’Intérieur, Raya el-Hassan, l'explication se trouve dans le fait que les Sikorsky ne sont peut-être pas adaptés au Liban et par le coût élevé de la maintenance. Même son de cloche du côté du ministre de l'Environnement, Fady Jreissati, qui pense que les hélicoptères spécialisés ont de gros moteurs qui les rendent impropres à la lutte contre les feux de forêts. Smallah wou yékhzil 3ein, dix pour s’en rendre compte. La belle excuse ! Alors pourquoi les avoir achetés ? Hassan était au pouvoir à l’époque, aux Finances même. Jreissati était trop pris par la gestion de sa société immobilière.
En fait, ce que les deux ministres ont dit est faux et archifaux. Les Sikorsky ont été choisis sur recommandations de l'armée libanais et du Bureau Veritas ! On a préféré ces hélicoptères-bombardiers aux avions-bombardiers comme les Canadairs, parce que justement, ils étaient plus adaptés à la nature et la géographie libanaises. Quant au coût de la maintenance, vu les chiffres évoqués précédemment, les deux ministres ne savaient vraiment pas de quoi ils parlaient.
Cela étant dit, la palme d'or de l'ânerie du siècle revient sans partage au député Mario Aoun (originaire de la région de Damour): « Ces feux posent de gros points d'interrogation, notamment pour ce qui est de savoir comment se fait-il qu'ils ne concernent que les villages et régions chrétiennes précisément ! » C'est pour vous dire, fumer sa moquette en plein feu de forêt n'est pas très conseillé.
7 Autre chose qui m’a frappé en visionnant les reportages de la MTV, c’est d’apprendre du chef de la Défense civile, qu’il y a des zones minées, donc inaccessibles aux pompiers. Non mais qu’est-ce qui justifie que 30 ans après la fin de la guerre, il y a encore des mines dispersées sur le territoire libanais, au Chouf, comme à Sannine ou au Sud-Liban ? Rien à part la défaillance de l'Etat libanais.
8 Hélas, la lutte contre les feux de forêts est un combat désespéré. 140 feux à éteindre hier au Liban, c’était une mission impossible, même si nous avions les moyens de la Grèce, du Portugal, du Brésil ou de la Californie. Mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras. Il faut agir à tous les niveaux, aussi bien publics que privés, pour être mieux préparé à l'avenir.
. En amont : obliger les municipalités à débroussailler les forêts régulièrement au lieu de gaspiller l'argent des contribuables sur des projets sans intérêt, intégrer les gardes forestiers reçus au concours d'Etat mais dont l'embauche est bloqué à cause du déséquilibre confessionnel, encourager le retour des bergers et des troupeaux comme autrefois, nettoyer la nature libanaise, ramasser les bouteilles/déchets, virer un député du Parlement afin d'assurer la maintenance de nos hélicoptères-bombardiers d’eau, acheter des camions de lutte contre les feux, ramener l’eau dans les régions menacées, installer des bornes à incendie dans les régions sensibles, tracer des chemins de terre pour les camions de pompiers dans les forêts (petits et non goudronnés !), donner plus de moyens à la Défense civile, mobiliser les hommes et les femmes, etc.
. En aval : punir les pique-niqueurs qui laissent leurs déchets dans la nature, interdire le camping sauvage, interdire le barbecue dans la nature, cadrer la production de charbons de bois (mache7ra), sanctionner les pyromanes-psychopathes et condamner sévèrement les pyromanes-promoteurs.
Un hélicoptère Sikorsky au-dessus d'un avion Cessna sur une base de l'armée libanaise (2009) |
9 La lutte contre la catastrophe des feux de forêts n’est pas uniquement une affaire d’Etat, c’est aussi l’affaire de toutes et de tous. Trois réflexions.
. Primo, la construction de sadd Bisri au Sud-Liban est actuellement en train de détruire 6 000 000 m2 de prairies et de forêts de l’une des régions les plus belles et les plus préservées de notre pays. Par comparaison, on estime que les incendies détruisent chaque année entre 14 et 34 millions de mètres carrés de forêts (25 millions m2 étant la moyenne entre 2006 et 2018). Les destructions volontaires de Bisri, représentent entre la moitié et le cinquième des destructions involontaires par le feu (le quart de la moyenne annuelle) ! Au fait, les arbres, vous les préférez comment, crus à la tronçonneuse ou carbonisés par les flammes? Halte à la tartufferie, qui est favorable à la construction de cet aberrant barrage -dans une zone hautement sismique alors que tout le réseau de distribution de l'eau au Liban est vétuste et fuit- mais qui vient verser des larmes de crocodiles sur les incendies du Mont-Liban ce matin, qu’il soit responsable ou citoyen, « ma yisame3na sawto el yom », yi sedd ni3o wou bouzo.
. Secundo, quelle que soit l’ampleur de la désolation, nous devons nous mobiliser toutes et tous et mettre en œuvre les moyens publics et privés nécessaires afin de reboiser les régions ravagées dans les plus brefs délais. Mais aujourd’hui, au-delà de cette évidence, chaque Libanais doit se demander, quel est son bilan d’arbres ? Personnellement, j’ai mon petit bois, avec des chênes, deux cèdres du Liban et un Séquoia géant. Plantons ce que nous voulons, mais plantons quelque chose, dans un jardin ou sur un trottoir, en pleine terre ou dans un grand pot, olivier, vigne, noyer, cerisier, poirier, pommier, oranger, avocatier, amandier, pin, genévrier, platane d'Orient, peuplier d'Italie, plaqueminier du Japon, et j'en passe et des meilleurs. Qui n'a pas de jardin ou de terrasse, peut faire un don aux organisations impliquées dans le reboisement du Liban ou faire pression sur la municipalité de Beyrouth par exemple, pour qu'elle arrête de tailler les arbres d'ornement des trottoirs en de grotesques boules décoratives !
. Tertio, si nous en sommes là, c’est parce qu'une frange de la population libanaise, responsables comme citoyens, méprise les arbres, les vallées, les prairies et les montages. Ils ne voient dans la terre qu'une surface à construire ! Ils ne sont affectés et effrayés que par l'idée que leurs propres biens partent en fumée. Hélas, c'est la triste réalité dans notre pays. Il est donc temps de prendre conscience de l’importance des arbres et de la faune pour les êtres humains et cesser de les considérer comme des ennemis pestiférés, qu’il faut éloigner des habitations, couper, tailler, mutiler et déraciner. Les arbres constituent les moyens les plus efficaces pour purifier l'air que nous respirons, lutter contre le principal gaz à effet de serre (le dioxyde de carbone, CO2), et freiner le réchauffement climatique irréversible de la Planète bleue. Dans cette optique, je profite de drame pour partager de nouveau avec vous ce rêve qui est parfaitement à notre portée, que toutes les rues et routes du monde soient bordées d’arbres ! Fermons les yeux et pensons-y un instant, ça sera le paradis sur Terre. Il va falloir commencer quelque part. Et pourquoi pas au Liban à la suite de cette catastrophe?