mardi 6 mai 2014

Après le scandale de l’incendie de la forêt de Baabda : un député en moins à entretenir permettrait la maintenance à vie des Sikorsky (Art.225)


Pas un jour ne passe sans son lot de mauvaises nouvelles né7na béghena 3announ. Mais bon, il faut bien y faire face dès le premier café de la journée. J'ai appris aujourd’hui que le grand incendie de Wadi Chahrour s’est déclaré hier vers 8h dans la matinée. Je ne sais pas pour vous, mais moi je trouve que c’est un peu tôt pour un incendie naturel. Et voilà que j'apprends aussi par une autre source, comme par hasard il y a un projet d’autoroute qui doit traverser cette belle vallée de Baabda qu'on nomme Khandaq el-rehbèn. D’habitude je suis assez sceptique sur les théories du complot, mais là, avouez que c’est très louche quand même.

En tout cas, à l’étonnement général, les flammes d’hier se sont dirigées à toute vitesse vers le palais présidentiel de Baabda où étaient réunis les leaders libanais autour d’une table de dialogue en formica. Je le précise à tout hasard, que c’est le dialogue qui est en formica, pour la table je n’en sais rien et puis combien même, une table en faux bois n'est pas forcément laide, mais un faux dialogue, si ! Certains comme moi, y ont vu un signe de la malédiction de Baal contre la classe politique libanaise. Les responsables ont immédiatement procédé à l’évacuation des grosses cylindrées de la région, telle était la priorité nationale. Et pourtant, on entendait quelqu'un criait au loin : « Et pour les arbres, on fait quoi ? » Yih, leik wein belo BB, wlak 3omroun ma yerja3o, ma kelloun chajar wou 7achich wou 7rach wou 7acharatt !

Pourquoi cette mauvaise humeur de bon matin ? Eh bien, c’est parce que figurez-vous que j'ai appris dans la foulée que les trois Sikorsky S-61N Mk II n’ont pas pu décoller faute de maintenance après l’expiration de la durée de garantie. Eh na3am! Pour rappel, les Sikorsky sont des hélicoptères militaires de fabrication américaine dont certains modèles civils sont utilisés dans la lutte contre les incendies. Ils sont capables de transporter quatre fois plus d’eau que les hélicoptères classiques. Ils ont été acquis par la Défense civile à l'été 2009 dans le cadre d’un plan national pour la lutte contre les feux de forêts qui ravagent régulièrement notre patrimoine écologique, pour un montant global de 16 millions de dollars assuré par un don personnel de Saad Hariri, chef du bloc du Futur à l'époque, et diverses sources privées, Ziad Baroud était alors ministre de l'Intérieur et des Municipalités. Par la suite, les hélicoptères ont été remis à l’armée libanaise pour des raisons de sécurité.

Bienvenue au Liban. Je suis sûr que vous vous demandez, mais au fait, combien pouvait couter cet entretien pour qu'on y renonce malgré tant de risques dans un pays méditerranéen chaud comme le Liban ? Eh bien, 300 000 $ auraient suffi. Une somme ridicule comparée aux conséquences écologiques du drame d’hier sachant en plus que ce montant ne représente même pas la somme allouée à un des 128 députés libanais durant son mandat parlementaire (payés près de 100 000 $/an/député), ni une partie de la retraite de l’un des centaines d’anciens députés et ministres de la République libanaise. Alors, je me demande non sans une grande colère, comment se fait-il qu’au pays des 64 milliards de dollars de dette, on n'ait pas trouvé 0,0003 milliard $ pour entretenir ces hélicoptères, sachant qu’on savait -pas besoin des lascars de fin d’année, les Michel Hayek et les Leila Abdel Latif- que des feux se déclareront un peu partout sur le territoire libanais dès la fin de la saison des pluies? Comment se fait-il qu’au pays qui a reçu un don de 3 milliards de dollars de l’Arabie saoudite, pour son armée, où le budget militaire s’élève à 1,8 milliard de dollars pour l’année 2013, on ne pouvait pas assurer la maintenance de trois hélicoptères spécialisés ? Pourquoi diable fallait-il attendre la destruction d’une forêt séculaire et la donation de la MEA, Middle East Airlines, eh na3am !, pour que ces avions dotés de grands réservoirs d’eau soient de nouveau opérationnelles dans un mois ? Ce pays est quand même désespérant !

Certes, les conditions climatiques étaient exceptionnelles. Chaleur (35° début mai !), sécheresse et vents forts. Mais, il n’y avait pas que cela. On a appris des militants sur le terrain, que l’incendie pouvait être facilement maitrisé le matin si on avait pu déployer rapidement les moyens techniques et humains nécessaires pour y faire face. A défaut, on estime que 80 % de la réserve écologique de Khandaq el-rehbèn à Baabda a été détruite (soit 100 000 m²). Au total, près de 500 000 m² de forêts sont partis en fumée. Tous les animaux et les insectes qui s'y trouvaient et n'avaient pas pu fuir, comme les tortues, les hérissons et les serpents, ont été carbonisés. L'écosystème de cette zone est donc gravement atteint. 

Quelle désolation, n'est-ce pas ? Et pourtant, allez faire comprendre aux municipalités libanaises qu’une forêt ça s’entretient et qu'en matière d'incendie il vaut mieux prévenir que guérir par un vaste débroussaillage systématique et annuel avant l’arrivée des fortes chaleurs, un point complètement négligé aujourd'hui ! Est-il nécessaire de rappeler aux divers responsables à tous les niveaux, que les pique-niques sauvages doivent être strictement encadrés, que les pyromanes promoteurs ou en free-lance doivent être recherchés et sévèrement sanctionnés, qu'on n’éteint pas de grands incendies avec une mobilisation qui non seulement prend des heures à se mettre en place, mais se fait de surcroit avec des moyens rudimentaires, comme les seaux d’eau, des tuyaux de quelques mètres et des hélicoptères ordinaires, et qu'il faut fournir à la Défense civile et à l'armée libanaise tout ce dont elles ont besoin pour qu'elles puissent circonscrire au plus vite toute menace sur notre patrimoine écologique ? Apparemment, oui. 

Ce qui est fait est fait. L'essentiel c'est de tirer les leçons qui s'imposent pour éviter de réitérer les mêmes erreurs à l'avenir. Par ailleurs, il faut non seulement envisager le reboisement rapide, naturel ou manuel, des zones brûlées, mais il convient aussi de déterminer les responsabilités des uns et des autres dans cette catastrophe, et surtout, de veiller à une stricte interdiction de toute exploitation des zones sinistrées à des fins immobilières ou autoroutières.

Les armes du Hezbollah aussi menaçantes qu’elles puissent être, et les propos de l’ancien commandant iranien des gardiens de la Révolution islamique aussi ignobles qu'ils soient (il a déclaré que les frontières réelles de l'Iran se situent aujourd'hui sur le littoral méditerranéen au Sud-Liban!), sont rien par rapport aux graves conséquences de la désertification du Liban. Que vaudrait la vie au pays du Cèdre, où coulaient jadis le lait et le miel comme nous l'apprend la Bible, si les seules ombres pour protéger notre peau des rayons du soleil viennent plutôt des immeubles que des grands arbres ? Franchement, que vaudrait cette vie si la fraicheur à Beyrouth n'est assurée que par les climatiseurs comme à Abou Dhabi ou Dubaï ? 

Et le comble ce n’est pas seulement le fait que les forêts partent en fumée d'une façon spectaculaire, il y a pire. C’est la destruction de nos forêts en silence et dans l'indifférence par l’abattage sauvage des arbres pour se chauffer l’hiver, soit pour faire des économies (un phénomène très répandu depuis la hausse du prix du mazout et dont personne ne parle), soit à cause de la nouvelle lubie de certains Libanais pour la cheminée. Les gens se servent du bois des forêts librement à un rythme qui menace gravement l’or vert du Liban. 

Et puisqu’on parle des arbres pour une fois, tenez, avant l’expiration des 24h d’intérêt national pour l’environnement, est-ce trop demandé à la municipalité de Beyrouth d’arrêter de mutiler les ficus des trottoirs de la capitale pour en faire de ridicules boules décoratives dans une ville où on crève de chaleur six mois l’année ? Alors de grâce, laissez ces végétaux s'épanouir. Nous voulons de grands arbres dans les rues de Beyrouth et pas des arbres rikiki grotesques, qu'on ne plante même pas dans des capitales européennes plus fraiches et moins ensoleillées que la nôtre, comme Paris, Londres ou Berlin !

Reste à savoir, si la MEA n’avait pas fait ce don, qui des 450 députés en veille, c’est un euphémisme, ou à la retraite dorée, bien entendu, aurait fait une donation des salaires d’un mandat, pour assurer la maintenance de nos trois Sikorsky S-61N Mk II, alors que nous sommes aux portes d’un été d’enfer selon toutes les prévisions ? Ne perdez pas votre temps, c’était une blague ! Une chose est sûre et certaine, un député en moins à entretenir, parmi les 450 bénéficiaires à vie svp, sans compter les anciens ministres & co, c’est la garantie d’assurer la maintenance, à vie aussi, des trois hélicoptères Sikorsky spécialisés dans la lutte contre les incendies qui menacent régulièrement notre patrimoine écologique. Dans la vie, il faut faire des choix. Personnellement, je n’hésiterai pas une seconde et c’est sans état d’âme. Il faudrait en tenir compte dans la rédaction de la prochaine loi électorale. Passons donc à moins de 127 députés pour sauver les hélicoptères Sikorsky, qui sont beaucoup plus utiles pour les Libanais que leurs soi-disant représentants. Alors, à votre avis, on commence par qui ? On a l'embarras du choix !