mercredi 19 novembre 2014

La récupération politicienne de la fermeture de l’abattoir de Beyrouth par Walid Joumblatt (Art.254)


Il est difficile de ne pas soutenir le ministre de la Santé dans sa campagne d’assainissement de l’alimentation des Libanais. La dénonciation publique des pestiférés est obligatoire dans un Etat de droit. Elle est conforme à ce qui se passe dans tous les pays développés. En plus, c’est le seul moyen efficace d’avancer, dans un pays où la corruption et le clientélisme existent. Certes, notre ministre pouvait se contenter d’un communiqué au lieu de faire ses shows politiques. En tout cas, ce que je lui reproche, je l’ai résumé dans l’article 252. En tête de liste, se trouve un certain « amateurisme » qui accompagne sa démarche et la « récupération politicienne ». Dernières preuves en date, chez Marcel Ghanem dans l'émission Kalam el-Nass sur la chaine LBC.

Passons sur sa 3e liste d’une douzaine de contrevenants aux normes sanitaires. Encore une fois, elle ne concerne essentiellement que les régions chrétiennes (Zgharta, Koura, Metn, Jezzine) et sunnites (Saïda). Le décalage entre les régions chrétiennes, sunnites et mixtes d’une part, et les régions chiites d’autre part, devient au fil des apparitions publiques du ministre druze de Walid Joumblatt, de plus en plus grotesque et suspect : près d’une soixantaine de fautifs dans le 1re groupe, près d’une demi-douzaine dans le 2e. Il est quand même difficile d’avaler une telle couleuvre ya ma3alé el wazir !

A part cette dérive biaisée, Wael Abou Faour nous a annoncé hier que le taux d’intoxication alimentaire au Liban est de l’ordre de 1 000 cas, sur les 8 derniers mois, soit une estimation de 1 500 cas par an. Alors, question pour un champion, à votre avis, quels sont les statistiques pour les pays occidentaux ? Hein ?... Non... Non plus... Pas du tout... Encore loin... Quoi ?... Vous donnez votre langue au chat ? Vous avez intérêt, vous ne trouverez jamais. Prenez une chaise et prêtez-moi bien l’oreille. Les statistiques des toxi-infections (le terme médical) dans les pays occidentaux montrent qu’on a jusqu’à 750 000 cas en France, 2 000 000 au Royaume-Uni et 76 000 000 aux Etats-Unis. Ah si ! Certes, il faut voir ce qu’on englobe dans la catégorie des intoxications alimentaires pour chaque pays, mais enfin, ce sont les chiffres officiels. Comparés avec celui annoncé en trombe par le jeune novice, pardon, ministre libanais, notre Liban est le pays le plus sûr de la planète sur le plan alimentaire : il y aurait 50 fois plus d’intoxications alimentaires en France par rapport au Liban et 1000 fois plus aux Etats-Unis, si nous avions les mêmes chiffres démographiques. Eh oui ! Alors de trois choses l’une : les statistiques occidentales sont très largement surestimées, les statistiques libanaises sont très largement sous-estimées, le ministre libanais de la Santé pédale dans le bourghoul. Hélas, je crois que les trois hypothèses sont recevables. Qu’un fonctionnaire libanais payé au salaire minimum avec ces misérables 450 $/mois, soit brouillon, c’est à la limite compréhensible. Mais qu’un ministre d’Etat et député autoprorogé de surcroit, payé une douzaine de milliers de dollars par mois, le soit, c’est indigeste pour les contribuables Libanais. Tout ce que ces derniers demandent c’est qu’il fasse son boulot comme il se doit, d’une « manière scientifique » et non « en se donnant en spectacle », sans qu’il ne soit obsédé par les bénéfices politiques que ces scandales peuvent rapporter, à lui personnellement et à la girouette de Moukhtara, W Beik (Joumblatt) spécialement. J’y reviendrai à la fin de l’article.

Par ailleurs, au cours de l’apparition télévisuelle du ministre de la Santé, Marcel Ghanem a annoncé la décision de mouhafez beirout, le représentant du gouvernement à Beyrouth, Ziad Ch'bib, de fermer l’abattoir de la Quarantaine à Beyrouth, pour rénovation en attendant la construction d’un nouvel abattoir. Cette annonce est une excellente nouvelle pour les Libanais en général et les Beyrouthins en particulier. Peut-être que cette fermeture nous débarrassera enfin des odeurs nauséabondes qu’on ressente dans toute la capitale libanaise de temps à autres. Mais, cela ne permettra pas de changer la mentalité criminelle, perverse et masochiste qui règne dans cet endroit infâme au Liban. Et des abattoirs dans l'état de celui de Beyrouth, il y en a aussi dans d'autres régions libanaises.

La CIWF, Compassion in World Farming, est une ONG fondée par un britannique en 1967 qui milite pour glisser plus de compassion dans le monde de l’élevage et de l’abattage. Il y a du boulot ! « Nous encourageons les pratiques d’élevage respectueuses du bien-être des animaux d’élevage et proposons des alternatives à l’élevage intensif. » La branche française de la CIWF, fondée en 2009, a visité l’abattoir du quartier de la Quarantaine à Beyrouth au cours de l’année 2013. Son rapport sur le traitement réservé aux animaux est accablant. Pas la peine de regarder la vidéo de 3min 25s, vous ne pourrez pas la visionner jusqu’au bout. Voici un résumé du compte rendu publié en décembre 2013. « Le chaos règne dans l'abattoir. Tout est maculé de sang, d'excréments et de morceaux de cadavre d’animaux (tiens, ça pourrait expliquer en partie les contaminations relevées par le ministre de la Santé). La zone d'abattage est bondée de gens, d’animaux vivants et de cadavres. Les bruits et les odeurs sont accablants. Les hommes saisissent les moutons par la toison ou la patte arrière. Ils tombent et sont traînés de force, un par un, vers le poste d'abattage. Les bovins sont traînés par des cordes autour du cou. Quand ils essaient de résister, on leur hurle dessus et on les frappe violemment avec des barres métalliques. Les animaux, visiblement terrifiés, tentent désespérément de s’échapper ; mais ils glissent, trébuchent et tombent, leur tête heurtant violemment le sol en béton. Des moutons sont obligés de sauter par-dessus les cadavres de leurs congénères et de larges gouttières pleines de sang. Ils tentent désespérément de se frayer un chemin à l'écart des organes d'autres ovins qu’ils viennent de voir se faire abattre. Les bovins sont laissés suspendus par une patte pendant de longs moments, entièrement conscients, leurs têtes reposant dans le sang. Ils voient les animaux être abattus tout autour d'eux. Je me demande s’ils se rendent compte que cela sera bientôt leur tour ? » Et oui, ça se passait comme ça depuis des lustres, au pays des inventeurs de l’alphabet et de la Suisse de l'Orient, où la légende dit qu'on peut nager et skier le même jour. Quelle honte !

Suite à ces découvertes insupportables, la CIWF a déposé une plainte contre l’abattoir de Beyrouth et lancer une campagne en ligne le 6 décembre 2013 réclamant la fermeture des locaux. Elle n'était pas seule. Pour éviter qu’un énième scandale n’éclabousse encore ce qui reste de la réputation du Liban, les autorités libanaises ont fini, après des décennies de torture animalière, par décider de fermer l'abattoir. Paix aux âmes de ces milliers d'animaux qui sont passés par ce lieu morbide.

La maltraitance ignoble des animaux par cette bande d’abrutis, de nationalités libanaise et étrangère, ne doit plus être tolérée dans le nouvel abattoir de Beyrouth, et dans tous les abattoirs du Liban d'ailleurs. L’Etat libanais devrait procéder autant à la rénovation des locaux qu'à la « rénovation des esprits primitifs ». Pour l’instant, rien ne garantit que le nouvel abattoir respectera les normes nationales et internationales. C’est bien de vérifier que les Libanais appliquent la loi, c’est encore mieux si l’Etat libanais lui-même, et ses institutions, s’y mettent aussi. Même si cela ne relève pas directement de ses compétences, Wael Abou Faour devrait diminuer la fréquence de ses shows publics pour veiller avec ses collègues à ce que les abattoirs au Liban suivent les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) quant au bien-être des animaux lors de l'abattage. La santé publique en dépend indirectement. Et là, c’est son domaine précisément.

Si je suis revenu sur le sujet c’est aussi pour dénoncer comme je l’ai dit précédemment, la récupération joumblattienne de cette affaire nationale. Vous trouvez sans doute que j’exagère ? Eh bien, de nouvelles preuves viennent tout juste de tomber. Il y a à peine une heure, on a compté pas moins de quatre tweets de Walid Joumblatt autour de l’abattoir de Beyrouth : « Ils semblent qu’ils avaient peur de ma visite à l’abattoir avec Wael et Akram... Les citoyens de Beyrouth refusent toute action cosmétique... Un nouvel abattoir sera construit au même emplacement, loin des pressions politiques... Le CDR devrait lancer un appel d’offres dès que possible ». Dites-moi au juste, quelle est la fonction officielle de W Beik ? D’après mes souvenirs, il n’est pas député de Beyrouth et son poulain est seulement chargé de la Santé. Donc, on ne voit ce qu’il vient foutre dans cette affaire, à part faire de la récupération politicienne. Lamentable. En tout cas, il faudra surveiller de près qui décrochera l’appel d’offres. Affaire à suivre. Une de plus.

dimanche 16 novembre 2014

Les mésaventures de Wael Abou Faour avec Escherichia Coli, Salmonella et Listeria (Art.252)


Non, ce ne sont pas les noms de trois belles italiennes qui font tourner la tête de notre ministre de la Santé. Et allez savoir pourquoi, mais je ne suis point étonné de ses récentes mésaventures. Une campagne ministérielle de contrôle des denrées alimentaires au Liban, a révélé il y a quelques jours, la présence de diverses bactéries, dont les fausses brunes du titre, et même dans certains cas, « des traces de matières fécales humaines » dans la bouffe des Libanais. Des sources bien informées proches de Wael Abou-Faour, mais qui ont souhaité garder l'anonymat, ont déclaré à BB's BLOGs, que pour le ministre de la Santé, le Libanais est prié à partir d'aujourd'hui, quand il se délecte à balancer à ses compatriotes le juron national « kol/kélé khara » (littéralement "mange du caca"), wa kel mechta2et « ékel el khara », d'avoir l'obligeance de préciser si son interlocuteur ou interlocutrice doit prendre cela au sens propre ou au sens figuré, les deux options étant désormais disponibles au Liban, comme la 4G d'ailleurs. On n'arrête pas le progrès, ma heik ? Le déclin non plus. Mesdames, Messieurs, mes chers compatriotes, nous sommes vraiment dans la merde, c’est le cas de le dire.

Ma première réaction face à ce scandale, est de féliciter le ministre libanais d'avoir eu la volonté -même s’il n'a rien inventé, les services de contrôle existaient déjà- mais surtout le courage -fi belad el kharyané, comme par hasard on retrouve la racine de "khara"- de publier une liste d'établissements libanais dont l'hygiène et la sécurité alimentaires laissent beaucoup à désirer et menacent même la santé de la population au pays du Cèdre.

Fallait-il opter pour la dénonciation publique ? Affirmatif. Et dire qu’on lui a reproché cela ! Décidément homo erectus libanus -qui dit « erectus & anus », dit contamination à la chérie Coli- est une espèce énigmatique, qui passe son temps à râler que ses ministres et députés ne font rien, et quand ils font quelque chose, l’espèce leur reproche de ne pas faire assez, et lorsqu’ils font assez, l’espèce proteste qu’ils en ont fait trop. 7tarna ya 2ar3a mnein badna nbousik.

Malgré certaines protestations superficielles des éternels râleurs -dire que certains pensent encore que les Français sont des grands râleurs !- l'attitude du ministre de la santé est conforme aux pratiques et aux mentalités occidentales. Certes, il aurait pu se contenter d'un communiqué officiel, voire de faire son boulot en toute discrétion puisqu'il est payé gracieusement pour ça par les contribuables libanais. Mais, il ne faut pas oublier que le tapage médiatique est le seul moyen efficace pour empêcher les fautifs -de toutes confessions et de toutes tendances politiques, sans exception et comme on peut l'imaginer sans prendre trop de risques- et leurs soutiens à divers niveaux de l'appareil étatique libanais, d'étouffer l'affaire par la corruption et les ingérences politiciennes. Bala 2art 7aké wou de7ek 3al d2oun, vu la nature et l'ampleur du scandale, une conférence de presse s'imposait.

Ceci dit, loin d'être exemplaire le jeune ministre libanais khabbas chouei, eza mich ktir, encore un "kh" comme par hasard. Le premier bémol réside dans le début de son show politique, pardon sa conférence de presse, qui n’a été relevé par personne au Liban. Si le ministre était si préoccupé par la santé des Libanais et la sécurité alimentaire de ce que ses compatriotes mangent, était-il nécessaire de nous gaver jusqu'à la nausée par des considérations politiciennes du genre que « ce qu'il fait s'inscrit dans le cadre de la politique de réforme généralisée adoptée par le Parti socialiste progressiste (PSP) », eh yeredd el 3ein smallah, « dans tous les domaines et dans tous les ministères dont il a la charge », une généralisation grotesque sachant que beaucoup de Libanais savent que le PSP est en réalité un parti confessionnel druze qui se confond avec son leader Walid Joumblatt et que Walid Beik n'est qu'une girouette politique qui change d'avis comme des chemises ? Non, bien évidemment. Et comme si ce n'était pas suffisant, et vas-y bel ma3el2a, il insiste avec lourdeur sur les exploits imperceptibles pour le commun des mortels de ce pays, des anciens ministres druzes du PSP, Ghazi Aridi et Akram Chehayeb, et d'un certain Terro, dont beaucoup ignoraient l’existence même de ce nom de famille. Mais bon, nous sommes au Liban, il ne faut donc pas trop rêver. Zappons.

Zappons aussi l’amateurisme de la mise en scène de ces conférences de presse (1re, 2e), où le jeune socialiste-progressiste, ministre de surcroit, n’était pas fichu de centraliser toutes les données à présenter au public en un document unique posé sur la table devant lui. Tout écolier y aurait pensé, même pour un petit exposé. Il était perdu entre les feuilles qu’on lui passait de droite et celles qu’on lui filait de gauche, constamment en train de se faire confirmer les résultats avec les « experts » qui l’entouraient à droite et à gauche. Zappons de même, la blague à cinq piastres glissée au moment où il a eu à prononcer pour la première fois le nom de la fausse belle italienne du titre, Escherichia Coli : « cela fait une semaine que nous nous entrainons dessus ». Eh bien, apparemment ce n'était pas suffisant. Avouez que ça la fout mal pour un ministre de la Santé ! Passons également sur la naïveté des journalistes présents dans la salle qui ont passé leur temps à pousser des « oh » et des « ouf » sifflants, à chaque fois que le nom d’une enseigne connue était prononcé, chose inimaginable en Occident. Et il y en a eu des oh et des ouf pour Spinneys, Hawa Chiken, Kababji, McDonald’s, SM Fahed, SM Abou Khalil, SM Metro, Bedo, Hallab et surtout pour Roadster, qui pour l’anecdote, « est fière d'être la première chaîne (de dîner) au Moyen-Orient à acquérir le certificat ISO 22000 ». Pas de chance, il va falloir revoir le dossier et déposer une nouvelle demande de certification.

Les contrôles des denrées alimentaires par le ministère de la Santé ont concerné, entre autres, des supermarchés, des restaurants, des boucheries et des boulangeries. Les infractions relevées par les contrôleurs sont très variées: cela va de la contamination des aliments par Escherichia Coli (E. Coli pour les intimes ; ce sont des bactéries intestinales qui représentent près de 80 % de la flore aérobie ; elles sont inoffensifs mais certaines souches pathologiques sont responsables d’infections urinaires, de gastro-entérites et de colites hémorragiques graves), par Salmonella (bactéries à forte contagiosité ; on en dénombre plus de 2 000 stéréotypes ; elles sont très résistantes, pouvant survivre plusieurs semaines en milieu sec et plusieurs mois en milieu humide ; elles se retrouvent dans les excréments des animaux d’élevage ; elles sont responsables d’intoxications alimentaires et de gastro-entérites), et/ou par Listeria (bactéries très répandues, mais une seule espèce est pathogène pour l'homme ; très résistante, même à certains produits désinfectants ; elle est responsable d'intoxication alimentaire et présente un grave danger pour la femme enceinte elle-même et pour le fœtus), à l'usage d'ustensiles de cuisine rouillés, à la présence d’aliments par terre et sur des sacs poubelles, à l’utilisation d’huiles noircies par un emploi excessif et à l'ouverture des cuisines sur les toilettes. Les aliments contaminés regroupent comme on peut l'imaginer essentiellement des produits transformés (viande hachée, kafta, hamburger, tawouk, mkanek, soujouk, produits laitiers). Au total, la campagne de contrôle a touché près de 1 100 établissements répartis soi-disant sur tout le territoire libanais. Le problème c'est qu'à l'arrivée et pour l'instant, malgré deux conférences de presse à 48 heures d'intervalle -we7dé be tizz el tenyé, encore un grand risque de contamination!- on n’entend parler essentiellement que d'établissements dans le Metn, le Kesrouan et Jbeil (des régions chrétiennes), à Tripoli (région sunnite), mais aussi à Baabda, Aley et dans le Chouf (régions mixtes et druzes). Cherchez l'erreur ! Ah si, seuls 4 malheureux établissements de Jnah, Chiyah et Nabatiyé (régions chiites), ont été sacrifiés, pardon, épinglés, alors que 500 établissements de régions à dominante chiite auraient été contrôlés (Bekaa, Liban-Sud, Nabatiyé). Par comparaison, le contrôle de 600 établissements de régions à dominante chrétienne, druze et sunnite du Mont-Liban et du Liban-Nord a permis d'identifier 48 pestiférés. A l’arrivée, nous avons donc 4/500 vs. 48/600 ! L’écart est donc aussi significatif que douteux. « Nous continuons jusqu'au bout. Aucune exception ne sera faite pour quelque région que ce soit ». Wlak, nous ne demandons qu'à vous croire ya ma3alé el wazir.

Il n'empêche qu'à ce stade, même les mauvaises langues sont en droit de se demander pourquoi la loi et la souveraineté libanaises ne sont pas appliquées dans le Kesrouan comme dans la Bekaa, à Tripoli comme à Baalbek, à Achrafieh comme à Dahiyé. Et j'avoue je ne sais pas quoi répondre à ces mauvaises langues. Dans tous les cas, une chose est sûre et certaine, le ministre de Walid Beik s'est précipité pour pavoiser. La publication de ces blacklists en feuilleton, lors de multiples conférences de presse avec des caractéristiques populistes empruntées à la "téléréalité", révèle un certain amateurisme de la part du ministre libanais de la Santé, pour la raison citée précédemment, mais aussi ne serait-ce qu'à cause du fait qu'il est aujourd'hui impossible de comparer les taux d'infraction entre les régions libanaises et le taux national par rapport à ceux des pays développés. Wael Abou-Faour aurait dû se contenter d'une seule et unique conférence de presse à la fin de toutes les analyses. Mais bon, il faut comprendre que lorsque le jeune ministre de la Santé a découvert qu'il avait un scoop sanitaire, on dirait qu'il était déterminé à en tirer un profit politique pour lui et pour son parti, d'où son introduction déplacée lors de la 1re conférence de presse.

Ceci étant, l'amateurisme de son collègue au ministère du tourisme est encore plus consternant. Michel Pharaon -l'homme impliqué indirectement dans l'affaire de te7milit zahlé, encore une contamination!- s'est inquiété davantage pour l'impact négatif des conférences de presse sur le secteur touristique que des révélations scandaleuses elles-mêmes. Enno chou, des touristes libanais et étrangers, intoxiqués par les trois fausses brunes du titre, stimulent le tourisme alimentaire au Liban ? Wallah el3azim rawéyé. Il pense « qu'il faut un examen plus approfondi ». Eh eh, rien de mieux pour noyer le poisson. Le comble c'est quand il déclare son opposition de nommer publiquement les pestiférés « avant que ne soient émises des décisions judiciaires » en ce sens. Ya3ein. Désolé ya ma3alé el wazir, mais ça ne se passe pas comme ça dans les pays développés quand cela touche à la sécurité alimentaire. Ma3lé sma7elna fiya. Le summum de l’amateurisme revient au président du syndicat libanais des propriétaires de restaurants, Tony Rami, qui a le culot de parler de diffamation et de calomnie. Pardonnez-lui, il ne connaissait sans doute pas bien le sens de ces mots. 

Hélas, le Liban n'est pas à son premier scandale sanitaire. On a tout connu: les aliments avariés (viande), les aliments contaminés (poulet, produits laitiers), les animaux non vaccinés (ovins et bovins en provenance de Syrie), les médicaments contrefaits, j'en passe et des meilleurs. Pas besoin de nouvelle loi et d'une haute autorité de santé pour savoir qu’Escherichia Coli, Salmonella et Listeria n'ont pas leur place dans nos assiettes. Et comme d'habitude, certains Libanais, responsables et consommateurs, qui connaissent mal l'Occident, min tizo comme on dit dans notre contrée, commencent à partir dans tous les sens. Désolé, ce n'est pas une nouvelle loi sur la sûreté alimentaire, même vieille de 30 ans, qui empêchera les E. Coli d'infecter la viande et d’empêcher certains établissements de mettre les aliments par terre. Et ce n'est pas la création d'une Autorité libanaise pour la sécurité alimentaire, encore des salaires pour les copains, qui découragera les Salmonella et les Listeria d'infecter les poulets, et d’autres établissements d’utiliser des ustensiles rouillés.

Ce qui le fera, efficacement bien entendu, c'est la conscience professionnelle de tous ceux qui sont impliqués dans toute la chaine alimentaire au Liban, « de la fourche à la fourchette » comme on dit dans les pays développés, « des ports et des aéroports aux usines et aux cuisines » comme Bakhos Baalbaki le dit, qu'ils soient Libanais ou étrangers (c’est tellement facile de mettre tout sur le dos de l’Etat, dans cette philosophie déculpabilisatrice « enno weiniyé el dawlé ! » ; mais bon, il ne faut pas compter dessus), ce sont les normes internationales (qu'on trouve gratuitement sur internet, et qu'on peut résumer dans une circulaire que le ministre de la Santé ou de l'Intérieur peut faire parvenir aux gens concernés ; ça fera largement l'affaire et ne coutera rien), c'est l'hygiène sanitaire élémentaire qu'on apprend dès la maternelle (comme le lavage des mains systématiquement, à l’eau et au savon, et l'essuyage avec une serviette sèche et propre, en évitant les produits désinfectants, après tout passage aux toilettes et lorsqu’on rentre de l’extérieur ; les négligents devraient savoir qu'on retrouve des traces d’une quinzaine d’urines différentes dans un petit bol de cacahuètes sur le comptoir d'un pub ; 1g de selles contient des milliards de bactéries), c'est la salubrité des cuisines et des lieux de stockage des aliments (lavage des ustensiles ; le maintien des lieux propres, notamment le plan de travail ; l’élimination des insectes de ces lieux), c'est la traçabilité basique des aliments (mieux vaut l’oublier pour l’instant, ce n’est pas demain la veille que nous l’aurons, c’est tellement complexe à mettre en place, même dans les pays occidentaux) et c'est avant tout le bon sens (lavage des fruits et légumes ; respect absolu de la chaine du froid ; cuisson à point des viandes ; pas de consommation de lait non-pasteurisé ; éviter les viandes et les poissons crus ; consommation rapide des aliments après l’achat ; décongélation de la viande au réfrigérateur ou aux micro-ondes, et non à température ambiante ; on ne coupe pas la viande et on encaisse avec les mêmes mains ; qui travaille dans le secteur alimentaire, ne doit pas toucher tout objet vecteur de germes comme le téléphone même pour se rendre sur Facebook et lire cet article, les clés, les télécommandes, le clavier, une poignée de porte, un interrupteur, une prise, une rampe, le caddie, les billets de banque, les pièces de monnaie, etc.), l’application du principe de précaution avec certaines catégories de la population (les enfants, les personnes de plus de 65 ans et les personnes immunodéprimées), mais aussi et surtout, c'est le contrôle systématiques et réguliers des établissements (loin de la récupération politicienne) et c'est la condamnation publique des pestiférés (et comment, afin de pousser les concernés à être plus consciencieux et à respecter scrupuleusement les normes nationales et de bon sens ; c’est la clé de voute du rétablissement d’un Etat de droit digne de ce titre). Je n’aborderai pas les problèmes liés à la mauvaise qualité de l’eau au Liban et à la défaillance de la distribution électrique dans notre pays, et leurs influences évidentes sur la sécurité alimentaire, je leur réserverai un article à part à l’occasion d’une nouvelle conférence de presse, encore !, prévu par le ministre de la Santé al semaine prochaine pour parler de l’eau.

On voit bien que pour en finir avec ce sacré merdier des contaminations alimentaires, chacun de nous a un rôle à jouer. La solution ne réside ni dans le fatalisme de certains Libanais ignares, akkilit khara, qui râlent à longueur de journée sur les responsables incompétents et qui continuent en même temps à « bouffer » dans les lieux épinglés, ni dans la dérive identitaire d’autres Libanais chauvins, kamenn akkilit khara, qui sont outrés que les établissements de « leur régions » aient été montrés du doigt. Eh oui, ni la politique de l’autruche, ni l’hystérie collective, ne permettent de protéger les consommateurs libanais de toutes les pratiques honteuses de certains de leurs compatriotes. Pas plus que les conférences de presse don-quichottiennes d'ailleurs. Seule une prise en charge scientifique du problème à long terme le permet.

Il est parfaitement clair que vu les risques sanitaires auxquels nous sommes exposés au Liban, ce qui sauve les Libanais ce sont, d’une part, cette bonne vieille habitude héritée de nos ancêtres, qu’il ne faut pas perdre de vue surtout en ces jours difficiles -et que l’on retrouve dans tout le pourtour méditerranéen, par rapport aux régions d’Europe du Nord- de cuire les aliments à cœur, un procédé qui permet de détruire les bactéries pathogènes, et d’autre part, le fait que le corps humain reste quand même une extraordinaire machine à lutter contre les intrus par deux moyens d’une efficacité redoutable, l’acidité de l’estomac et les défenses immunitaires. Mais, tout système aussi efficace qu’il soit a ses limites. Il faut en être conscient, et faire en sorte, de diminuer les risques alimentaires auxquels sont exposés les êtres humains, par tous les moyens qui sont à notre disposition.

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La récupération politicienne de la fermeture de l’abattoir de Beyrouth par Walid Joumblatt (Art.254) / Bakhos Baalbaki

dimanche 2 novembre 2014

Halloween déchaine les passions de certains Arabes contre Barack Obama (Art.250)


291 500 likes & 7 360 comments pour une photo banale d’Halloween. Oui mais, l’homme et le cadre ne le sont pas. Holloween à la Maison Blanche avec Barack Obama himself, l’homme le plus puissant et le plus décontracté de la planète, pour superviser les opérations de décoration de la façade et des jardins de la Maison Blanche, en attendant l’ouverture des cimetières et le débarquement des morts parmi nous, c’est un événement extraordinaire quand même. Etant tordu, à mes heures perdues, je me suis amusé à lire les commentaires écrits en arabe à cette occasion sur la page facebook du President of the United States of America. Si lui, il ne peut pas le faire, moi, je peux. Je ne l’ai pas regretté. Le résultat est aussi édifiant que terrifiant, comme vous pourrez le constater.

« Ya 3arss* (une dizaine de fois, j’y reviendrai), tu n’as pas honte l’ado (et toi gros nase ?), le noir (signalé dans un but raciste), inchallah c’est ta dernière fête (oubliez Dieu, il ne répond pas à ce genre d’ânerie), l’armée égyptienne est faite d’hommes (avec hachtag svp, qui figure près de deux cents fois, crise nationaliste de virilité aigue), shatup uir maoss oubama (évidemment), je te souhaite une fête noire/sombre (légèrement plus raciste), le mensonge est condamné à l’enfer (je ne te le fais pas dire), le monde est où et toi t’es où (traduction littérale, c’est plus drôle), tu vis ta vie mais ton tour viendra (le tien aussi), les chiens de l’enfer (ya mami), soutien du terrorisme (sans blague), j’espère que tu seras emporté par une crise cardiaque (avec sa silhouette svelte, tu peux rêver), tu retrouveras bientôt les âmes diaboliques dans ta tombe pour ce que tu as fait (un halloweener qui s’ignore), que Dieu te maudisse (pareillement), comment va le hibou (waje3 yekhla3 ni3ak), l’Etat islamique restera et s’étendra (dans tes rêves), Daech est une fabrication américaine pour détruire les sunnites (faut arrêter de fumer ta moquette mon gars), fils de pute, kesss émmak (con de ta mère, juron préféré des Arabes, sous-entendant que la mère est une pute), ta famille a brulé, adorateur du chien, que Dieu te prenne, tu es un incapable, maison des singes (encore plus raciste), retour à l’âge de l’ignorance (préislamique) et à l’âge de pierre (place à l’âge d’or de la stupidité), des gens sans souci, lèche-moi les fesses, que Dieu te mette sur le chemin de l’islam, fils d’esclave (on a affaire à un grand raciste), que ton père soit maudit, tu fêtes ça sans moi l’esclave, tu veux le pétrole irakien et notre argent pour permettre aux libertines de s’embellir pour toi Obama le fou des femmes infidèles (le commentaire le plus délirant d’une obsédée irakienne amoureuse du Liban, on se passerait bien d’une telle pouffiasse) », et comme disait Victor Hugo, j’en passe et des meilleures. Pas de doute, Halloween a eu l’effet de la pleine lune sur certains esprits dérangés du monde arabe.

Petite pause sur le mot « * 3arss » à l’attention de mes amis francophones, même arabophones. A l’origine, il s’agit d’un policier égyptien chargé de contrôler les maisons closes du temps des Anglais. Eh oui, il fut un temps où la prostitution était légale en Egypte, avant d’être interdite sous la pression des « Frères musulmans » en 1949. Je ne me réjouis pas forcément du fait que les prostituées égyptiennes avaient pignon sur rue, mais l’évolution des mœurs en Egypte est quand même intéressante. Au fil du temps, le terme est devenu synonyme de proxénète. Aujourd’hui, il désigne d’une manière plus générale, un homme malhonnête et immoral qui n’est pas digne de confiance et qui ferme les yeux sur le droit et la morale. C’est le surnom donné à Abdel Fattah al-Sissi, par les adversaires islamistes du président égyptien.

Toujours est-il que c’était impensable de parcourir le contenu des messages dans les autres langues, même si je suis persuadé qu’on pourrait y rédiger une thèse de sociologie. Je voulais y consacrer une heure grand maximum à cette expédition. En parcourant la liste, j’avais remarqué qu’il y avait un tas d’autres messages de personnes d’origine arabe tapés en alphabet latin. Beaucoup d’entre eux invitaient le président américain à sauver les Yazidis et Kobané. Il y en a même, qui ont écrit les noms de cette minorité irakienne et de la ville syrienne plusieurs centaines de fois, sans rien d’autre, 3al néchif. Décidément, c’est une manie chez certains Arabes. Ils voulaient être sûrs d’être pris au sérieux. C’est c’là oui ! En parcourant ces œuvres éphémères, je suis tombé sur un certain nombre de messages de ressortissants américains qui désapprouvaient les festivités liées à Halloween. Beaucoup de politique intérieure américaine aussi, certains se montrant très critiques, voire agressifs aussi. Il ne faut pas oublier que nous sommes en démocratie, sans doute la plus importante. J’ai même noté des interrogations profondes, comme ce type du fin fond des Etats-Unis qui pense que « Barack ‘Hussein’ Obama n’est pas un nom catholique irlandais ». Il voulait savoir « pourquoi le président de mon pays soutient les musulmans ». En regardant de près, on s’aperçoit que c’est un ‘Joseph’. Mon pauvre Joseph, tu caches très mal tes origines, le nom du père, ‘Hussein’ dans notre cas, n’est jamais utilisé en Occident, mais seulement en Orient ! Voilà un islamophobe qui ne s’ignore pas. Enfin bref, vous l’avez compris on trouve tout et n’importe quoi, sur le post d’Halloween de Barack Obama. Mais hélas, force est de constater, que la haine, la rancune, la frustration ou l’agressivité figurait dans la majorité des messages écrits en arabe.

Il y avait bien sûr l’incontournable, « il n’y a de Dieu qu’Allah et Mahomet est son messager », laissé par plusieurs personnes qui croient faire honneur à Allah et à Mahomet, et le commentaire drôle qui sort du lot, « donne-moi un visa Mr Obama ». Heureusement, que de l’autre côté, un grand nombre d’Arabes se sont montrés positifs, respectueux et ouverts d’esprit, même s’ils étaient beaucoup moins bavards que les vindicatifs, qui ont une nette propension à faire beaucoup plus de tapage, hélas, et de dégâts, mille fois hélas : « félicitations, mes salutations, c’est lumineux, c’est beau, bonne fête, bonne année, joyeux Halloween », etc.

J’avoue que j’étais assez désespéré par ma curiosité. Ekhtak 3a ékhet hal fekra ya BB ! Toujours est-il que je trouve bien regrettable, qu’à l’heure où les forces américaines sont pleinement engagées dans une longue et coûteuse guerre contre une organisation terroriste qui menace davantage les populations arabes et l’islam, que le peuple américain et ses intérêts, de tomber sur autant de messages agressifs, irrespectueux et hors-contexte. Certains diront, mais il ne faut pas généraliser. Je ne le fait pas. D’autres diront, oui mais, ce sont quelques commentaires populaires isolés. Certes, mais je tombe régulièrement sur le même type de messages dans les médias arabes, de la part d’une « élite », entre guillemets au cas vous ne l’aurez pas vu, de journalistes et d’hommes politiques immatures, pas aussi crus quand même, et dont l’agressivité est parfois à peine camouflée. Tout le monde se souvient d’un « fils de » libanais, qui nous a annoncé il y a plus d’un mois, du haut de sa naïveté juvénile, qu’il était temps de « renoncer à l'actuel président des États-Unis et d’attendre le prochain Président », parce qu'il trouve que les Américains ne sont pas suffisamment engagés dans le bourbier moyen-oriental. Si j’ai décidé de consacrer quelques lignes à ma découverte fortuite, c’est parce que je pense, en connaissance de cause et du terrain, qu’il y a toujours beaucoup d’Arabes -laïcs, chiites, sunnites et même chrétiens, ah si!- qui sont élevés dans la méfiance et la haine de l’Occident, notamment des Américains. Hélas, ces derniers, sont encore et toujours tenus responsables de tous les maux qui rongent le monde arabe. Il est temps pour nous autres Arabes de mûrir, de mettre fin à ce délire paranoïaque chronique et de prendre notre destin en main. On a beaucoup de travail sur la planche, indépendamment de ce que feraient ou ne feraient pas ces "amerloques de ricains".

Je terminerai sur une note positive. Alors que j’étais affligé par ma descente dans les bas-fonds des boites crâniennes à lire autant de niaiseries, j'ai fini par tomber sur ce superbe message, littéralement perdu au beau milieu des 7 360 commentaires : « mes salutations, mes remerciements et ma reconnaissance, du Kurdistan à Washington ». Ah, comme il est simple de communiquer paisiblement et d’établir de bonnes relations avec les autres. Ce qui n’interdit nullement la critique, même caustique. La haine n’a pas sa place dans un débat politique. Enfin, tant qu’il y a un juste dans ce monde, l’humanité est sauvée. Cet Irakien made my day, comme on dit de l'autre côté de l'Atlantique.