samedi 26 mars 2016

Quand des islamistes ont recours à la musique de « La Passion du Christ » pour recruter ! Et d’autres anecdotes sur la Semaine sainte (Art.346)


C’était hier ou jamais, et pourquoi pas aujourd’hui, pour en parler. Nous étions Vendredi saint. Près 2,419 milliards de chrétiens de par le monde commémoraient la crucifixion de Jésus de Nazareth, considéré par ses fidèles comme le fils incarné de Dieu. Enfin, soyons précis, ce sont les fidèles catholiques et protestants qui fêtent la Passion du Christ cette semaine, les orthodoxes la célébreront à la fin du mois d’avril. En 2017, ça sera le même jour pour toutes les Eglises chrétiennes d’Orient et d’Occident, une fois n'est pas coutume. La date de Pâques est forcément liée au jour de dimanche. Elle dépend de l'équinoxe du Printemps (date fixe), de l'apparition de la pleine lune qui le suit (date mobile) et du calendrier de calcul (sujet de discorde). Les Eglises orthodoxes se basent sur le calendrier julien (introduit par Jules César en l'an 46 avant J.C.), alors que les Eglises catholiques et protestantes suivent le calendrier grégorien (en usage civil par la quasi totalité des pays du monde ; c'est le calendrier julien réformé par le pape Grégoire XIII en 1582 afin de corriger sa dérive). Depuis la nuit des temps, des voix sages appellent à l'instauration d'une date commune, en vain. Toujours est-il que le Vendredi saint est un jour férié pour les uns, la plupart des pays de tradition protestante, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada, le Mexique, le Brésil, certains cantons suisses et certains Etats américains, mais aussi le Liban, un jour ordinaire pour les autres, comme la France, l’ex-fille ainée de l’Eglise.

Nous ne débattrons pas dans cet article pour savoir si le Vendredi saint, où Jésus a été torturé et mis à mort, est plus important que le lundi de Pâques, un jour férié au Liban et en France, mais pas aux Etats-Unis. Si j'en parle quand même c'est pour y revenir dessus un peu plus loin. La question ne se pose évidemment pas pour le jour glorieux de Pâques, le dimanche, où Jésus ressuscite selon les Evangiles. La différence linguistique, « V » en majuscule d’une part, « l » en minuscule d’autre part, est conventionnel, elle est sans signification particulière. Cela dit, les Maronites par exemple, qui forment la principale Eglise catholique d’Orient, attachent beaucoup d’importance à la mort du fils de Dieu, en ce vendredi, comme les Protestants et les Orthodoxes évidemment, pour tout ce qu’elle symbolise. Les Orthodoxes eux, accordent beaucoup de place au jour même de la résurrection du Christ, le dimanche, comme tous les Chrétiens, mais aussi à celui qui le suit, le lundi, comme les Catholiques d'ailleurs. En général, les cérémonies religieuses orthodoxes sont assez impressionnantes tout le long de la période pascale. Dans certains pays, les deux jours sont fériés, comme au Liban et en Australie. Autrefois, avant que nous naissions, même en France, qui n’a pas toujours été un pays laïc, toute la semaine qui suivait Pâques, était fériée. C'est pour dire ! De quoi nous faire rêver de nos jours. Fait unique dans son genre, même de notre temps, il n’y a pas de cotation à la Bourse de Paris, du Vendredi saint au lundi de Pâques inclus. Sans doute par égard à Jésus, qui a été on ne peut plus clair sur le sujet : « Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu » (Matthieu 19:24). Que dire encore à part que ceux qui ne mettent jamais les pieds à l’église, s’y rendent ce vendredi, au point que dans une partie de la région d’Alsace, où c’est un jour férié dans toute commune qui possède un temple protestant (d’après une ordonnance qui date de 1892 et qui est toujours en vigueur au pays de la loi de 1905, portant sur la séparation des Eglises et de l'Etat), on parle même de « chrétiens du Vendredi saint ». Ah, ce n’est pas très catholique quand même ! Et puisqu'on y est sachez qu'il existe aussi une espèce catholique qui ne communie qu'une fois par an, le jour de Pâques. Elle est à l'origine de l'expression « faire ses Pâques », qui est validée par le pape Paul VI (1963-1978).

Vendredi saint, on jeûne. De tradition, on ne mange pas de viande, ou alors en cachette, sous un torchon. C’est un sacrilège. Si on vend d’habitude des chawarmas, mieux vaut s’en abstenir ce jour-là et se mettre aux falafels. Petit, j’aimais bien la mélancolie et la sobriété qui caractérisaient cette journée. Il y avait une ambiance propice à la réflexion. Le côté « happy end » de la vie de Jésus me plaisait. Et il ne faut pas oublier, le Vendredi saint est le seul jour de l’année où les tartuffes ne peuvent pas être endimanchés, cela va de soi, ils sont dans leurs petits souliers, ce qui n’était pas pour me déplaire. Le Chemin de croix et la procession de 15h, marqués par l’exubérance méditerranéenne, le cercueil qui fait le tour de l’église, de la rue, du quartier, selon le degré de dévotion et la peur de ne pas faire assez, les volutes de fumée d’encens, tous ces efforts déployés pour simuler le martyre et l’enterrement de Jésus, plus de 1 950 ans après sa mort, ainsi et surtout, les chants de la liturgie orientale spécifiques de cette journée, tous rites confondus, sont fascinants ! Par contre, allez comprendre par quelle dévotion tartuffienne, alors que ça n’existait absolument pas dans le passé, on a adopté chez les Catholiques et les Orthodoxes, la pratique des « prières transmises par des haut-parleurs fixes », installés à l’extérieur des églises, pour pénétrer dans la tête de tout être vivant sur un rayon de 3 km, voire aux « prières transmises par des haut-parleurs mobiles », pour rattraper celles et ceux qui se sont réfugiés sous la douche pour échapper aux premiers.

Sachez également que le soir du Vendredi saint, il fallait se taper encore les 6 heures et 16 minutes de Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli, la série télévisée produite avec la bénédiction du pape Paul VI. Excellente adaptation des Evangiles, mais quand c'est pour la énième fois que vous la visionnez, vous avez envie de zapper. Oui, sauf qu'il n’y avait que deux ou trois chaines de télévision à l’époque. Mais, on était heureux et non aliénés par 345 chaines en continu. A vrai dire, on était nombreux à avoir cette envie de varier un peu. Dire qu'il a fallu attendre je ne sais plus quel âge pour que je voie L'Evangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini, une adaptation authentique et dépouillée de la vie de Jésus ! Oui, sauf que que c'était trop demandé aux chaines libanaises de passer le film de ce réalisateur qui se situe à gauche, controversé mais très engagé contre le consumérisme de la société italienne. En somme, un bon chrétien ! En tout cas, pour revenir au film de Zeffirelli, le rôle principal était assumé par l’acteur britannique Robert Powell. Le pauvre, il a 64 films à son actif, produits entre 1967 et 2005, mais le public ne se souvient que de son opus « Jésus de Nazareth » de 1977. Il parait que nous sommes un club de 2,5 milliards d’individus à l’avoir vu. Et moi, et vous et nous tous.

Avant que je n’oublie, j’ai déjà joué à l’apôtre et un prêtre m’a lavé les pieds un jour, ah si, comme l’a fait humblement le pape François en ce Jeudi saint, le jour de commémoration de la Cène où Jésus institua l'eucharistie. Bon, à l’époque on ne puait pas des pieds puisqu'on ne portait ni espadrilles ni baskets. Cela dit, à ma grande surprise, aucun repas ne nous a été servi. C'était une adaptation libre des Evangiles.

Si comme disait Jésus, « à chaque jour suffit sa peine » (Matthieu 6:34), eh oui c’est lui qui l’a dite !, une fois le Vendredi saint terminé, ne croyez surtout pas que le samedi c’était shabbat, un jour de repos. Tout le monde devait mettre la main à la pâte, c’est le cas de le dire, la pâte des maamouls ! Eh oui, il fut une époque où de braves mères libanaises préparaient elles-mêmes ces délicieux gâteaux secs de Pâques, confectionnés avec beaucoup d'amour et de la semoule, et farcis avec des noix ou des dattes, mes maamouls préférés, voire des pistaches ou des amendes, avec l’aide de tous les membres de la famille âgés de 7 à 77 ans. Aujourd’hui, faute de temps ou de volonté, on a le choix entre Sea Sweet et Sri Lanka. Maintenant, ne salivez pas trop, c’était une galère pas possible, la semoule beurrée durcissait en moins de 7 secondes quand on arrêtait de la malaxer. Mais bon, on s'amusait comme des fous et ça valait grandement la peine.

Et venait le lendemain, Pâques, où l’on fêtait le fondement même de la foi chrétienne, la résurrection de Jésus-Christ, qui selon le catéchisme que j’ai reçu, est venu se sacrifier pour sauver l’homme de ses péchés et lui montrer la voie vers la vie éternelle. Avec 2 000 ans de recul, on peut dire que c'est peine perdue ! Il n'empêche, ce jour-là le pape délivrait sa bénédiction urbi et orbi, à Rome et au monde. En Orient, on entendait partout les gens s'échanger ces deux répliques : al-massi7 qam (
le Christ est ressuscité) et 7aqan qam (il est vraiment ressuscité). Ce dimanche, c’était aussi l’intemporel festin de Babette, qui réunissait toute la famille autour de délicieux mets libanais, ceux qui ont banni la viande pendant 40 jours comme ceux qui se sont abstenus d’en manger entre deux repas. Aujourd’hui, l’agneau pascal est mis à toutes les sauces, comme en France ou en Allemagne. Le gigot libanais est parfois accompagné de whisky. Quel sacrilège ! C’est pire que de manger de la viande à 15h un Vendredi saint. Enfin, même si la viande grillée se marie bien avec le vin, pour moi, à Pâques c'est forcément l'arak. Cette odeur anisée est gravée au fin fond de ma mémoire. Elle restera à tout jamais, ma « madeleine de Proust ».

Et puisqu'on est dans l'enfance, encore une anecdote. Comment parler de Pâques sans évoquer les batailles d’œufs. Non, non, non, on ne se balançait pas des œufs crus à la figure, quoique, ça aurait été plus drôle. Ce n'était pas non plus des œufs de chocolat. Il s'agissait bel et bien d'œufs de poule, cuits au préalable. Certains, pas que des filles, les décoraient après, joliment, comme en Allemagne, aux Etats-Unis et en Russie (là-bas, on en fait de véritables œuvres d'art !), mais aussi en Alsace, et dans beaucoup de communautés chrétiennes. Le principe de cet affrontement puéril, non limité à la gent masculine, est d'entrechoquer la tête des œufs et de sortir indemne. Il y avait des techniques de perfectionnement, acquises au fil des ans et de l'expérience. Encercler le sommet de l’œuf avec le pouce et l'index, quand on est en position de défense. Coup sec, quand on est en position d'attaque. Il y avait aussi les farceurs, comme moi, qui glissait toujours un œuf cru dans le lot.
Vous imaginez les éclats de rire à l'instant où le blanc dégouliné sur la main de l'adversaire. Il fallait bien marquer son œuf cru, sinon, on risquait de vivre l'histoire de l'arroseur arrosé. Celui qui avait son œuf dur cassé, devait l'offrir au vainqueur pour le manger. Mais, parfois on faisait la règle inverse en disant que c'était au perdant de le manger. C'était plus drôle. On reconnaissait facilement les vainqueurs et les vaincus, les contents et les mécontents, ils n'avaient jamais faim, tous.

Revenons à nos moutons, cette opposition du Vendredi saint au lundi de Pâques a été au centre d’une polémique politique il y a quelques temps, lorsque le Premier ministre Fouad Siniora, qui ne savait pas où il mettait les pieds, a voulu supprimer quelques jours fériés du très généreux calendrier officiel libanais. Du côté musulman, ohlala, allez-y pour trouver une entente entre les Sunnites et les Chiites sur un tel point, déjà que les deux communautés ne sont jamais d’accord sur l’apparition de la lune du mois de Ramadan ! Du côté chrétien, c'était encore pire. Les uns ont estimé qu’on pouvait se passer du lundi de Pâques, et les autres, du Vendredi saint. La polémique qui était purement interchrétienne s’est transformée rapidement en une polémique islamo-chrétienne, quand des hommes religieux chrétiens ont accusé le pauvre Siniora de vouloir supprimer le Vendredi saint, alors qu’il n’y était absolument pour rien. Toujours est-il que pour résoudre ce casse-tête au pays des 17 communautés religieux en sus de la communauté athée, on a gardé les deux jours fériés chrétiens, et on a fini par en rajouter un autre, le jour de l’Annonciation de la grossesse de la Vierge Marie par l’ange Gabriel, le seul jour religieux férié de l’histoire de l’humanité qui est fêté à la fois par les Chrétiens et les Musulmans. D'ailleurs, on l'a fêté hier. Sacré Liban !

Venons maintenant au titre de l’article. Tout commence par le visionnage d’un documentaire français sur le processus de radicalisation de certains jeunes en France. Afin d’illustrer la démarche d’embrigadement idéologique islamiste, les auteurs du documentaire ont intégré des extraits des vidéos de propagande des djihadistes de Syrie. Une des séquences m’a attiré l’attention, plutôt les oreilles. Il s’agit d’un extrait qui provient des vidéos islamistes de la série intitulée « 19 HH », qui fait référence aux terroristes du 11-Septembre et aux tours jumelles du World Trade Center. Celles-ci sont considérées comme une importante source d’autoradicalisation. Après quelque recherche sur internet, je parviens à retrouver le film islamiste original, qui circule encore et toujours sur YouTube, la version ici présente a été ajoutée le 5 février 2016.

Dans ce film de propagande qui dure près de 2h, on voit entre 1:43:17 et 1:51:40, un islamiste Franco-Sénégalais notoire, originaire de Nice, Omar Diaby (alias Omar Omsen ; il a été tué en août 2015), sur un bateau l’emmenant en Turquie, puis en Syrie, débitant en boucle des délires apocalyptiques et des théories du complot, avec une voix tenaillante, un débit de paroles important, et en français svp car figurez-vous le prédicateur ne parle pas arabe. Il explique que la communauté musulmane ressemble à l’immensité de cette eau qui l’entoure, de laquelle émergera l’écume de mer, les islamistes élus par Allah, et que pour faire partie de cette « écume », il faut se lancer dans la « hijra » (émigration), quitter la France et aller définitivement en Syrie car tout bon musulman ne peut pas vivre parmi les mécréants. C'est là où l'histoire peut apparaitre surprenante comme disait l'autre ! Le film comporte des passages grotesques, naïfs et ridicules, qui feraient sourire en temps normal, mais hélas, il a le pouvoir de précipiter de jeunes Français musulmans dans la spirale infernale de l’islamisme et du djihadisme. Pour ceux qui sont intéressés, vous pouvez visionnez le reportage d’Envoyé spécial, « Jihad 2.0 : la guerre de la propagande », diffusé le 5 mars 2015, qui décortique les méthodes de propagande de ce monde.

Dans cette séquence du film de propagande djihadiste, on entend une musique lancinante en continu. Nul ne peut douter un instant que celle-ci joue un rôle important dans l’intensité de l’émotion globale ressentie au cours du visionnage. Je l’avais entendu auparavant, mais il m’était impossible de l’identifier. Toutefois, il ne m’a pas fallu longtemps pour découvrir que ces islamistes avait choisi, ni plus ni moins que la musique de La Passion du Christ, et pas n’importe laquelle, « Raising the Cross » de John Debney, celle qui accompagne l’élévation de la Croix sur laquelle était crucifié Jésus-Christ, le fondateur du christianisme, dans le film de Mel Gibson. Comme l’extrait musical ne dure pas longtemps et les auteurs avaient besoin de couvrir plus de 8 minutes de vidéo, ils l'ont dupliqué. Enfin, voici une preuve s’il en est, que les islamistes constituent l’archétype de l’imposture sectaire.

vendredi 11 mars 2016

Crise des déchets au Liban, huit mois plus tard : « Tol3et Re7etkom » ento kamena, « Vous puez » vous aussi, « You Stink » you too (Art.343)


Comme l’enseignait un grand professeur de médecine français plein d’humour, face aux personnes enrhumées, il y a deux grandes stratégies médicales à suivre. « Avec des médicaments, la maladie guérit en une semaine. Sans médicament, elle passe en sept jours. Laissez toujours les patients choisir, il y va de votre succès thérapeutique ! » Ah, si ça pouvait être aussi le cas pour nous autres patients du Liban, enlisés dans la crise des déchets, la maladie dans cet exemple, les hommes politiques et la société civile, étant dans ce cas, les médicaments censés traiter notre maladie.

"River of Trash" (rivière de déchets), Beyrouth, Liban
Photo : Mohammed Tawfeeq, CNN (25 février 2016)

Mettons-nous d’accord, pour ce qui est de l’incompétence et de l’irresponsabilité des hommes politiques libanais, haddiss bel 7araj. On en parle depuis la nuit des temps et on en parlera jusqu’à la fin des temps. Faire une vidéo, par les temps qui courent, pour promouvoir le tourisme au Liban, est une idée saugrenue. C’est gaspiller l’argent public ! Mais bon, si chacun faisait son métier au Liban, les vaches libanaises seraient bien gardées. C’est ce qu’on attend d’un ministère du Tourisme, même dans le cadre d’une mission impossible. Cette administration n’est pas censée élire le 13e président de la République, améliorer les conditions de vie des Libanais, assurer la sécurité des citoyens, ramener l’électricité et l’eau 24h/24, lutter contre l’enlaidissement de Beyrouth par la poussée des tours, freiner la gentrification de la capitale, arrêter la mutilation des arbres des trottoirs, relever le pouvoir d’achat, protéger les plus démunis, sauvegarder la faune et la flore du pays du Cèdre, et j’en passe et des meilleures. Encore moins de s’attaquer à la crise des déchets. Pour remplir sa tâche, le ministère a donc décidé de faire le clip touristique « Rise Above Lebanon » (Monter au-dessus du Liban). Sur une musique entrainante et planante, défilent de belles images du pays du Cèdre vu du ciel : de la réserve de Jabal Moussa au Mont-Liban, d’Ain Zhalta dans le Sud-Liban, des ruines phéniciennes d’Anfeh, du village de Deir el-Amar, des temples de Zeus à Faqra et de Bacchus à Baalbek. On y voit également des forêts, des montagnes, des concerts, des clins d’oeil à la cohabitation islamo-chrétienne et des feux d’artifice, mais aussi, des images de Beyrouth, Jounieh, Beiteddine, Byblos, Saïda, Jezzine et Tyr, des lacs de Chouwen et de Qaraoun, de l’île aux lapins de Tripoli et de la vallée de la Bekaa. Même s’il ne s’agit que de clichés, c’est beau et ça fait du bien. On peut regretter tout de même le défilé brut des images (sans aucune mention !), l’absence du Cèdre (l’emblème du Liban !) et le zapping de la gastronomie libanaise (une des meilleures au monde ; le seul patrimoine qui nous reste !). Il n’empêche que le clip est une belle réussite.

Oui mais « Tol3et Re7etkom » a voulu s’en mêler. Ou disons plus exactement, ce clip touristique a inspiré à ces militants de la société civile, une parodie sur les déchets « Rise Above Lebanon’s Political Garbage » (Monter au-dessus des déchets politiques du Liban), qui reprend une idée de la chaine CNN (photo de couverture de Mohammed Tawfeeq). Au lieu de voir l’eau turquoise serpentée dans une forêt, vous verrez les ordures stagnées dans un paysage urbain. Pourquoi pas, sauf que les dirigeants de ce mouvement ne semblent rien apprendre avec le temps. On dirait, amateurs un jour, amateurs toujours. Le malheur de « Tol3et Re7etkom », c’est qu’il aurait pu exercer une pression productive dans la crise des déchets, si ses dirigeants ne s’étaient pas montrés aussi irresponsables que les politiques qu’ils ne cessent de dénoncer. Parodier, admettons. Méconnaitre le rôle du ministère du Tourisme, passons encore. Violer les droits d’auteur et induire en erreur, mais c’est complétement illégal ! La parodie utilise le logo du ministère, ainsi que le titre et la musique du clip, comme si de rien n’était. La première fois que je suis tombé sur la parodie, je n’avais pas encore vu le clip touristique, j’ai cru que le ministère du Tourisme s’était associé à Tol3et Re7etkom, officiellement et scandaleusement ! Mais bon, ceux qui ont eu recours à la violence pour parvenir à leurs fins, en attaquant les forces de police, en occupant les locaux du ministère de l’Environnement et en forçant les barbelés du Sérail et du Parlement, et qui ont par ailleurs des réclamations politiques chaotiques et décousues, n’allaient quand même pas se soucier beaucoup des droits d’auteur.

Sur le fond, c’est encore pire. « Leur corruption nous tue. La décision est entre nos mains tous. La soumission et le silence ? Ou l’affrontement. Le dernier avertissement, samedi 12 mars, à 16h, place Sassine, Achrafieh » Si en forgeant qu'on devient forgeron, il n’y a pas de doute, c'est en parlant la langue de bois qu'on devient politicien, et c'est en lançant des batailles contre des moulins à vent qu'on se donquichottise ! En huit mois de crise, ce collectif, pas plus que le gouvernement qu’il dénonce, n’a jugé utile de donner des conseils précis et des idées ingénieuses à la population libanaise, afin de circonscrire l’amoncellement des déchets à Beyrouth et au Mont-Liban. Mais pour lancer des ultimatums, ils sont très forts les gars ! Ah mais le clip-trash c’est pour dénoncer la schizophrénie du ministère du Tourisme qui a filmé le « beau Liban », évitant soigneusement de montrer le « Liban laid ». Wallah ! Ils filment ces monticules d’ordures comme si ce n’était pas les leurs et comme s’ils n’étaient pas eux aussi responsables de ce désastre, directement et indirectement.

Je le dis depuis le 1er jour, la fermeture de la décharge de Naamé, sous la pression de Walid Joumblatt, de quelques centaines de personnes des environs et de quelques dizaines d’écolos déconnectés de la réalité, fut une très grave erreur aux conséquences désastreuses pour l’ensemble de la population libanaise. Le maintien de cette fermeture, sous la pression de divers acteurs et d'intérêts, des hommes politiques et de la société civile, dont « Tol3et Re7etkom », fut aussi une très grave erreur aux conséquences désastreuses pour l’ensemble de la population libanaise. Les tergiversations du gouvernement incompétent de Tammam Salam, fut également une très grave erreur aux conséquences désastreuses pour l’ensemble de la population libanaise.

Pas la peine de tourner en rond encore huit mois, autour de projets délirants tels que « l'exportation » ou la « production électrique », et des slogans creux et puérils du genre « c’est la soumission ou l’affrontement » et « c’est le dernier avertissement », qui se soucie de ce scandale doit exiger du Conseil des ministres qu’il reconduise immédiatement la société Sukleen, en charge de la gestion des déchets depuis les années 1990, et qu’il ordonne illico presto la réouverture de la décharge de Naamé et sa mise sous la protection de l’armée libanaise, dans l’intérêt de l’ensemble de la population libanaise de Beyrouth et du Mont-Liban, jusqu’à nouvel ordre, la mise en œuvre d’un plan B pour une gestion responsable des déchets. Il n’y a pas de choix.

Exporter les déchets, était un projet délirant, depuis le début. Faire de l’électricité à partir des ordures, est un projet théorique, inadapté et polluant. Il faut peut-être tacher de ne pas oublier qu’entre autochtones et réfugiés (syriens et palestiniens), nous sommes actuellement, parmi les grands pays, le territoire le plus dense au monde après le Bangladesh. Quelle que soit la solution adoptée, une bonne gestion des déchets passe obligatoirement par trois niveaux d’action :
- Le niveau 1 exige une réduction draconienne du volume des déchets produits.
- Le niveau 2 impose un tri sévère des ordures ménagères.
- Le niveau 3 nécessite le recyclage systématique de tout ce qui peut l’être.

« Réduire, trier et recycler », c’est la seule combinaison gagnante. Elle est incontournable. Cessons de caresser les gens dans le sens du poil comme le fait « Tol3et Re7etkom » avec beaucoup de populisme. Tout n’est pas la faute de l’Etat libanais. Réduire la production de nos déchets, grâce à un changement radical des modes de consommation et de vie est vital, surtout que les Libanais sont loin, très loin, d’être un modèle écologique. Même les gestes les plus élémentaires ne sont pas encore adoptés par la population libanaise en 2016 ! Il n’y a qu’à s’installer devant les caisses d’un hypermarché pour s’apercevoir que peu de gens font leurs courses avec des cabas réutilisables. Alors le « dernier avertissement », c’est à la population libanaise qu’il faut le lancer : sans une réduction du volume des ordures ménagères, nous serons submergés par nos déchets et la pollution. Installer un système de collecte-collectif des produits à recycler, un point de tri par rue ou par zone, est plus simple à mettre en place et moins couteux, qu’un système de collecte à domicile. On n’est pas mieux que les Suisses, on peut porter nos déchets jusqu’aux points de tri ! Snobisme et écologie sont incompatibles. Des usines de recyclage existent au Liban. Elles sont artisanales. Il suffit de les alimenter, de les encourager et de les développer. Les individus interviennent aux niveaux 1 et 2. Les municipalités, aux niveaux 2 et 3. Les organisations privées et l’Etat aux niveaux 1, 2 et 3.

Et comme si on n'en avait pas assez, voilà que le quotidien britannique, The Guardian, s'en mêle aussi, et se propose de faire une synthèse entre le clip-touristique et le clip-trash. Toujours est-il qu'en attendant que l’Etat libanais sorte de sa léthargie, et que les élections législatives (normalement avant juin 2017) et municipales (normalement dans quelques mois), permettent à la nation de se débarrasser de ses incompétents représentants, kelloun ye3né kelloun, tous sans exception, la solution à la crise des déchets est à la portée des municipalités libanaises, avec peu de frais (si elles cessent de gaspiller l’argent des contribuables sur des projets sans grand intérêt !), et des individus, avec beaucoup d’efforts (comme l’usage des sacs, des cabas et des récipients réutilisables pour les produits emballés comme pour les produits frais, l’installation d’un compost et même, l’élevage de poules pour les aventuriers ; eh oui, il faut savoir ce qu’on veut !). Je l’ai développé dans les trois longs articles que j’ai consacrés à ce scandale. Tout ce qui est en dehors de ça, n’est que palabres, amateurisme et prolongement de la crise. Au mieux, son report.

Réf.

Trois articles sur la « CRISE DES DÉCHETS » au Liban: comment nous en sommes arrivés là, les responsabilités et comment s'en sortir.

Un article pour comprendre comment nous en sommes arrivés là au Liban et découvrir quelques pistes réalistes pour s’en sortir.

Un article qui établit la liste des responsabilités dans la crise des déchets au Liban, d’une manière chronologique, et explique aux Libanais pourquoi depuis la mi-juillet la situation va de mal en pis.

Cet article dresse un ensemble de mesures faciles à mettre en œuvre, sans attendre l’Etat, mais qui constituent néanmoins, une révolution des modes de consommation. C’est valable pour le Liban, où la crise des déchets est aigüe, mais aussi pour le reste du monde où la crise des ordures est latente. Ces mesures dépendent des individus, des municipalités et des Etats. Elles visent à donner des idées pratiques pour résoudre la crise des déchets au Liban d’une manière intelligente, rendre les individus au Liban et dans le monde plus écologiques, aider les habitants de la Terre à aller vers le noble objectif de « zéro poubelle », préserver les ressources de la Planète bleue et lutter efficacement contre la pollution et le réchauffement climatique de cette belle perle de l'Univers.