mercredi 26 décembre 2012

Les dernières frasques de Ziad Rahbani : bass tékbar bé rasso lal énssan ! (Art.95)


Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, c’est incontestable, Ziad Rahbani est un artiste libanais talentueux. Fin observateur de son environnement, il a su mettre en exergue à travers des pièces de théâtre mémorables, les niaiseries de la société libanaise. Nazl el-Sourour (1974), Bél nésbé la bokra chou (1978), Film amériki tawil (1980), et Chi féchil (1983). On peut les écouter en boucle, et même 20 ou 30 ans après, elles n’ont rien perdu de leur fraicheur, de leur justesse et de leur mordant. Ziad Rahbani, fils de Fairouz et d’Assi Rahbani, est aussi un musicien hors pair, il a composé un grand nombre de chansons qu’on fredonne encore. Qui n’a pas chanté lors d’une soirée ou d’un pique-nique « 3a hadir el bosta » ou « el 7ali té3béné ya Leila ».

Allez savoir pourquoi, il y a quelques jours, alors qu’il commence son dernier spectacle avec 1h20 de retard, sans un mot d’excuse, et parce que certaines personnes ont osé manifester une légère irritation, il n’a pas trouvé mieux que de balancer à l’un « Si tu n’es pas content, pourquoi es-tu encore là ? », à un autre « Tu peux sortir de la salle stp », et à une autre « Ecoute-moi ou tu vas entendre quelque chose qui ne te plaira pas ». Les gorilles sont intervenus pour expulser « les voix qui perturbent » le bon déroulement du spectacle. L’artiste a justifié le retard par le fait qu’il fallait attendre tous les retardataires ! Ha ha ha ha, mieux vaut en rire. Et même si c’était vrai, est-ce que cela justifie de mépriser celles et ceux qui sont venus à l’heure ? Quand même !

Certes, il n’y a pas de quoi fouetter un chat, mais on ne peut pas s’empêcher de ressentir une franche déception car ce n’est absolument pas ce qu’on attend d’un artiste de son rang. Un petit mot d’excuse aurait désarmé les plus grincheux et les plus coriaces des râleurs. Mais, l’ego du libanais en général, et le ridicule ego de certaines « notoriétés » en particulier (artistes, politiciens, ...), font que cette frontière demeure infranchissable pour eux.

Et au lieu que les fans, se montrent un peu plus exigeant à l’égard de leur idole, ils ont applaudit énergiquement les frasques-grotesques de l’artiste. Eh bien, si on n’exige pas d’être respecté, peut-on après aller se plaindre de ne pas l’être ! Cette réflexion est valable non seulement dans ce cas précis, mais en politique aussi. Tant qu’on n’est pas capable de critiquer les erreurs, les abus et les dérives de ceux que nous soutenons, que l’on ne s’étonne pas qu’on soit pris pour des moutons.

Enfin, dernière anecdote. Comme d’habitude, certains esprits libanais fertiles et tordus, pour ne pas dire la7issin éjrein, encore moins tizein, ont commencé à parler même de « complot » qui aurait été organisé par « ceux qui sont dérangés par le succès de Ziad Rahbani et effrayés par ses idées » ! Wlak khafo rabkoun ya jamé3a ;)

Réf.
 

mardi 25 décembre 2012

« AK-47 avec des pâtes au pesto et alla genovese ! » Un jour de Noël, entre BB himself et Bakhos Baalbaki (Art.94)


Hier, le monde était pris d’une hystérie collective contre laquelle l’Union des psychiatres sans frontière n’a rien pu faire, absolument rien. Ça y est, on y était. On a beau essayé d’oublier les fêtes, et bien les fêtes ne nous oublient pas, hélas ! C’est Noël. Ça aurait pu être Mawlad el-Nabawi el-Charif, non c’est Noel, chaque fête en son temps. Et voilà que beaucoup de gens sur Terre se sont affairés hier pour réaliser leurs derniers achats et passer et ressasser en boucle l’éternel et cyclique questionnement de circonstance. Où, comment et avec qui, ont taraudé tous les esprits.

« Alors voyons, à l'église, à la maison ou au resto ? »
Simplifions, l'église c'est pour plus tard. Pour le reste, difficile d’échapper aux clichés, Noël c’est « cosy » à la maison, le Nouvel An c’est « otarie » au resto. « Cosy d’accord mais otarie c’est quoi au juste BB ? » Que je t’explique. Déjà que je déteste les restos en temps normal, le bavardage de fond perturbe mon homéostasie, mais un jour de fête ou pire à Noël ou au Nouvel An, cela me fait toujours penser à ces otaries entassées sur les côtes de Namibie. « Râleur, grognon et rouspéteur ! » Je préfère railleur, moqueur, persifleur, ironique et sarcastique. Dans tous les cas, le mot d’ordre des fêtes de fin d’année pour certains, se distinguer, à défaut de réussir c’est le ridicule qui guette, parfois, même souvent ! Et fort heureusement que le ridicule ne tue pas, car il permet à nous autres d’en rire.

Continuons le questionnement. « En famille ou entre amis ? » La barbe ! Mais non pas celle de père Noël mais celle de l’agacement. Déjà qu’on « se farcit » sa famille -on dit « se coltiner » de préférence, pour la belle famille- 364 jours par an, on peut s’accorder une pause de 24 heures ! Entre amis, et pourquoi pas ? « Eh bien, ça ne se fait pas, Noël est une fête familiale et puis il y a les enfants. Noël c’est la fête des enfants avant tout. » D’accord, les enfants c’est mignon comme tout et blablabla et patati, patata. Mais avouez un peu, un enfant est un être immature et égoïste, qui ne pense qu’à son nombril. Okay, c’est une spécificité puérile aussi, mais il n’empêche que si vous relisez sa liste de cadeaux qu’il a espérés obtenir du père Noël, alors qu’il savait hypocritement et depuis l’âge de 3 ans, que le ramoneur finlandais n’a jamais existé et que ce sont ses vieux qui lui payent tout ça ! « Ah, mais il y a l’innocence et la bonté. » Tu parles, il n’y a qu’à voir les gamins avec leurs semblables. L'enfance est parfois un monde sans pitié qui fait envier celui des adultes. Rappelons-nous comment nous étions lorsque nous avions l’âge de môme. Des anges ?  J’en doute. Des petits monstres oui ! A ricaner sur le petit, le gros, le basané et le ringard, sur l’accent, le vêtement, le cartable et la coupe de cheveux, sur ceci et sur cela. Rien ne change à l’âge adulte. Oui Lavoisier avait raison, mille fois raison : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » L’hypocrisie remplace la franchise et le calcul remplace la spontanéité.
« Reste à savoir si on est vraiment gagnants dans l'histoire ! » Je ne te le fais pas dire mon cher.

Bon, revenons à nos moutons si tu le veux bien. « Mais nonnnnnn BB, le mouton c’est pour Pâques et Eid el-Adha. Voyons, tu n’as pas encore dessoûlé ! » Donc on se demandait très cher(e)s ami(e)s que faire pour le repas festif ? D’accord, on avait dit pas de foie gras cette année car ce délicieux mets est obtenu par le gavage cruel des oies et des canards. La barbarie apprivoisée, non merci, pas sous mon toit. « Tu parles, cette belle résolution tient bon entre deux Noël, dans le meilleur des cas ! Quid de la dinde aux marrons ? » Aux marrons, cause toujours, je dirais même plus, tu oses encore, plutôt aux hormones oui. « Ah, puis parlons de cette insupportable standardisation et uniformisation de tout ! » Absolument ! Téléphone, c’est BlackBerry ou iPhone. Voiture, c’est 4x4 ou 4x4 ! Nez et lèvres, c’est Dr Nader ou Docteur Saab. « Et maintenant même les repas de fêtes ! » Berk. Imaginez 7 milliards d’individus sur Terre -tiens au passage, pour une fois je peux placer ce truc, cela me rappelle un journaliste d’un quotidien libanais de langue arabe qui se veut à scandale, que je tairais le nom par magnanimité, mais qui se reconnaitra, qui parlait au cours d’un talkshow de 3 ou 4 milliards d’individus sur Terre alors qu’on a dépassé les 4 milliards en 1974 ; faut peut-être se mettre à jour de temps à autre !- à la discipline chinoise pour les fêtes, c’est-à-dire, ils veulent tous bouffer de la dinde aux marrons à Noël. Je sais, on peut leur passer la chanson de Renaud l’Hexagone, et souhaiter « les voir crever, étouffés de dinde aux marrons », mais ce n’est pas gentil. Donc comment pensez-vous qu’on pourrait obtenir suffisamment de dindes pour subvenir aux besoins des réveillonneurs et des réveillonneuses de tous les pays ? Voilà, dindons de la farce, régalons-nous d’hormones et Messieurs ne nous étonnons pas si nos seins commencent à rivaliser avec ceux de bobonnes ! Berk encore. « Et pourquoi ne pas manger ce qu’on aime tout simplement. » Tu penses au caviar ? « T’es sérieux ou tu blagues ? » A ton avis ? C’est le mets le plus dégueulasse que l’humanité de tous les temps ait jamais inventé. « On ne dit pas dégueulasse, comme les mômes que tu viens de lyncher, on dit qu’on n’aime pas, point. » Accordé, mais je préfère un cocktail à base de pamplemousse, avec la peau, et de kaki astringent ! Les huitres ? « Heureux que tu en parles. » T’excites pas trop, je n’ai jamais compris l’engouement pour cette chose froide ! On ne sait pas en plus, si elle est morte ou vivante, et si elle ne se recompose pas dans l’estomac comme les Alien. « Mais c’est aphrodisiaque ! » Bof, tu parles, autant prendre un bol de lait et de poudre de cornes de rhinocéros tous les matins. « Tayeb, alors quoi ? » Légende pour légende, je préfère celle de l’ail. Oui je prendrais bien des pâtes à l’ail et à l’huile d’olive, saupoudrées de parmigiano reggiano d’Italie. « Des pâtes à Noël, maa2oul ! Et puis tu ne te rends pas compte, on puerait l’ail toute la soirée. » Figure-toi que j’ai envie de me faire plaisir un jour de fête, donc oui des pâtes à l’ail et basta cosi ! Al dente pour ta gouverne et au pesto et alla genovese si ça te chante.

« D’accord, on arrive à solb el mawdou3, quoi offrir et à qui offrir ? »
Mais putain de bordel de foutaises, pourquoi faut-il offrir quoique ce soit à qui que ce soit le jour de Noël parce qu’on fête l’anniversaire de Jésus, qui n’est plus de ce monde il y a belle lurette. Et encore, s’il y a quelque chose à offrir c’est bel et bien au principal concerné, le petit Jésus. Comme il n’est plus parmi nous, c’est uniquement quelque chose de spirituel qu’on pourrait lui offrir. On ne va pas recommencer avec les rites païens ! « Oh, c’est symbolique et c’est pour faire plaisir. » Tu parles de plaisir ! Pourquoi diable je dois me rabattre à faire un cadeau au nouveau compagnon de mon ex-copine ! Moi, j’ai envie de lui offrir une belle paire de claques, en espérant qu’il suivra les conseils du Christ. Mais il parait d’après mon ex, qu’il le prendrait très mal à Noël. « Pas de souci, tu essayeras à un autre moment de l’année ! » Mais qu’il soit maudit celui ou celle qui a inventé cette pratique commerciale qui conduit parfois à des situations grotesques où vous trouvez sous le sapin de votre hôte, que vous ne connaissez pas d’ailleurs, mais où l’on vous a trainé, au sens propre, en tout cas pour moi, votre nom inscrit sur des étiquettes collées sur un livre de Marc Levy et sur une paire de chaussettes noires avec le lapin de Playboy comme ornement. « Ya 3adra dakhil esmik, malla zalamé ! »

Toujours est-il, après des années de réflexion sur la question, BB himself a décidé que dorénavant il offrira à tout le monde, Bakhos Baalbaki compris, partout où il est invité, et s’il daigne s’y rendre, un AK-47 ! « Dis-moi je rêve ! A moins que je ne me trompe. » Non, tu ne te trompes pas, ce n’est pas un drone pour mater les voisines l’été, ni le dernier modèle de chaine Hifi de Denon pour écouter Sleep with lights on des Wanton Bishops et Bloody Mary d'Oak, ni une PlayStation pour s’amuser avec Lara Croft, mais le célèbre fusil d’assaut de fabrication russe, la Kalachnikov ! « Mais pourquoi ? » Eh bien parce qu'il est si facile à se la procurer, elle n’est pas chère (on en trouve à 700 $ au Liban et même en France !), elle est increvable, elle figure même sur un drapeau, bien de chez nous de surcroit, celui du Hezbollah en l'occurence -j’ai la chair de poule rien que d’en parler, quelle fierté pour les Libanais de se distinguer de la sorte, et quelle stimulation pour l'économie nationale et pour le tourisme de guerre !- et vue les perspectives de croissance des conflits au Liban et dans le monde, c’est un bon investissement d’avenir ! « Tu déconnes grave ! » Bakhos réveille-toi mon coco, c’est le monde qui déconne grave. Plus de 100 000 000 de pièces ont été produites depuis 1947, sans parler des autres fusils d’assaut comme le M16 (USA, 8 000 000 d’exemplaires produits), des armes automatiques qui peuvent tirées de 600 à 900 coups/minute, donner la mort n’a jamais été aussi facile et pas cher !

Et pourtant, la conférence internationale tenue cet été par l’ONU, avec la participation de 193 pays, et qui avait pour but de rédiger le premier traité sur le commerce des armes conventionnelles, s’est achevée sans parvenir à aucun accord. « Merci les lobbys des complexes militaro-industriels ! » Depuis 1990, Amnesty International souhaite intégrer une certaine éthique dans ce « sale commerce ». Une règle d’or qui vise à « empêcher tout transfert d’armes à tout destinataire dès lors qu’il existe un risque substantiel de violations graves des droits humains, du droit international humanitaire ou qui pourrait saper le développement économique et social d’une région du monde. » En vain !

Bon, revenons sous notre sapin. Une fois Noël passé, vous n’êtes pas au bout de vos peines. Rebelote pour le Nouvel An. « Où, comment et avec qui ? », se posent avec plus d’acuité, avec quelques variantes, et une différence, l’absence de cadeaux est compensée par l’explosion de l’hystérie collective. Je n’ai jamais été porté sur Noël ni sur Mawlad el-Nabawi el-Charif, ni sur le Nouvel An du calendrier grégorien, ni sur Ras el-Séné el-Héjriyé, encore moins sur le Nouvel an chinois, pas plus sur les anniversaires des autres, même des êtres qui me sont chers, même sur le mien. Je m’en fous et contrefous de toutes les festivités nationales et religieuses. A chaque fête ou anniversaire, je n’y peux rien, ma première pensée va toujours, non à l’événement lui-même, mais plutôt au plus grand poète arabe de tous les temps, Al-Mutanabbi, et à ce vers intemporel :

عـيدٌ بِـأَيَّةِ حـالٍ عُـدتَ يا عيدُ        بِـما مَـضى أَم بِـأَمرٍ فيكَ تَجديد

Et toute cette intro mes ami(e)s, n’est là que vous préparez chères lectrices et chers lecteurs à la question qui est de loin la plus difficile de toutes, à chaque fête religieuse ou nationale, que l’on soit par omission, égoïste ou écorché vif, ou que l’on soit par conviction, nombriliste ou altruiste : « comment festoyer dans la joie et la bonne humeur alors que des gens souffrent autour de nous, au Liban comme de l’autre côté de l’Anti-Liban, tout près de nous ou à l’autre bout de la planète ? » Eh bien, la solution passe soit par l’introduction d’une dose de schizophrénie dans nos vies, ce qui nous permettra de survivre sans trop de peine dans ce monde de brutes, soit par l’engagement à changer le monde. Enfin, je vous souhaite mes cher(e)s ami(e)s un joyeux Noël. Yalla à votre santé, tous mes vœux pour 2013 !


Réf.

Un télé-achat meurtrier (AK-47) - Amnesty International France
(parodie)
Contre le commerce irresponsable des armes - Amnesty International France (page Facebook)

dimanche 23 décembre 2012

Beyrouth, J+2, Solea V : The Wanton Bishops & Oak ! (Art.93)


Ne me demandez pas quel type de musique ils font. Grunge, Rock’n Roll, Rock tout seul, Indie, Funk, Fusion, Hip hop, Trip hop, New Wave, Alternative, R’n’B, Garage, Chambre, Salle-de-bain, Sous-la-douche, dans l'ordre ou le désordre, je n’en sais rien et je ne veux pas le savoir. En matière de musique je serais une espèce de croisement entre le Koala et le Panda, mes eucalyptus et mes bambous sont U2, Coldplay, Red Hot, Radiohead, Pink Floyd, The Beatles et un tas d’autres du même style. Tout ce que je peux vous dire c’est que ces deux groupes jouent des notes qui plaisent aux oreilles, des harmonies qui font décoller les émotions. Bon d’accord, je sais quand même que ce n’est pas du classique, même au sens le plus large, ni dans l’art ni dans les usages ! Ce n’est pas non plus de la country, ni du reggae, ni du jazz. Du blues, certainement, dans la musique de l’un et c’est loin d’être un chouia. De la folk, plus qu’une pincée, sur la musique de l’autre. De la musique pop pour les deux, ah oui, c’est même l’ingrédient principal.

Mais avant de vous présenter ces auteurs-compositeurs-interprètes, pour faire sérieux comme à Taratata, commençons par le commencement, par le réalisateur sans lequel l’événement du 23 ne verra pas le jour. A défaut de pouvoir aller voir les artistes dans leur environnement, BEIRUT JAM SESSIONS, s’est fixé comme objectif de vous les amener dans le vôtre, tout près de chez vous au cœur de Beyrouth. Ça c’est le côté pile. Côté face, des passionnés de musique filment à l’improviste des artistes in vivo plongés dans l’antre de la ville, la nôtre, avec leur guitare comme seul accompagnement, un retour aux sources, sans artéfact et sans eau de Cologne, sans les décorations de Noël et sans l’insupportable bling-bling de certains clips. Ce sont les dénommées « Sessions », des petits bijoux d’authenticité qui font oublier pour quelques minutes que nous sommes à Beyrouth et que notre capitale s’enlaidit à vue d’œil et croule sous le vacarme des marteaux-piqueurs et des klaxoneurs-marteaux, des têtes à claques et des frustrés de tout poil, des générateurs électriques et des génératrices hystériques ! Khei, je me sens beaucoup mieux.

C’est Emilie Gassin qui a ouvert le bal. Même si elle chante en anglais, c’est la plus frenchy des Australiennes. Sa gracieuse voix fait penser indéniablement à Amy Winehouse, t3ich wou tékhoud 3oumra quand même ! Elle s’est produite le 6 juin 2012 au DRM, The Democratic Republic of Music. Non, ce n’est pas un dernier hommage de quelques nostalgiques de l’URSS, mais une insoupçonnable salle de concert nichée entres les immeubles du quartier de Hamra, d’une capacité de 350 personnes ayant à son actif plus d’une centaine d’artistes libanais et internationaux (américains, français et arabes). Après Emilie, il y a eu Nadéah, le 30 août encore au DRM. Australienne aussi, frenchy kaména, chantant en anglais également. Avec sa voix sensuelle, on tombe sous le charme en quelques secondes. Beirut Jam Sessions prévoyait ensuite pour le 27 novembre Pony Pony Run Run, un groupe français d’électro-dance, qui chante aussi en anglais. Le concert fut annulé, dans la tristesse et le désespoir des fans, pour des raisons médicales. On dit aussi pour des raisons de sécurité. Le contraire aurait étonné ! « Welcome Lebanon », comme dirait le rabatteur en chef du Le Chef de la rue Gouraud à Gemmayzé, en tout et pour tout et sans un « to » du tout ! Prochaine étape, le 23 décembre, les organisateurs beyrouthins nous concoctent un événement 100 % lebanese, The Wanton Bishops et Oak.

 
THE WANTON BISHOPS ne font pas dans la dentelle musicale ! Et pourtant ils auraient pu, avec un nom qui fait référence à la femme qui est au bord de l’orgasme, 3ala wachak el nachwat bél 3arabé, aw 3ala nakzé enno yéjé dahra bel mchabra7. Wlak okay féhmna, et les évêques c’est pourquoi faire ? Prendre le son peut être ! Pas très catholique tout ça. En tout cas, ils voulaient un nom qui, when we google it, on ne tombe sur rien d’autre. Pari réussi. Vous l’aurez compris, ce sont des provocateurs-nés. Nader (Mansour), le chanteur, fait penser immanquablement à Jim Morrison, yi3ich wou yékhod 3omro. Encore ! Il a la barbe d’un chaman, la voix teintée par le bourbon, des paroles écrites au fil du rasoir et enfin l’air égaré, ce qui ne manquera pas de réveiller cet instinct de materner chez la gent féminine une fois qu’elle aurait fini de parcourir les ornements tatoués sur le Jim national. Oh ! Eh bien, féministes de Simone de Beauvoir et du Marquis de Sade, remettez-vous à la lecture et lynchez-moi après le concert du 23 ! « Tous ceux qui l’inspirent sur le plan musical ont déjà tiré leur révérence ! » Vous êtes donc prévenus, et cela rime avec cohérence. L’air de dandy d’Eddy (Ghossein), qui pourrait passer pour un british comme il faut, ne l’empêcherait tout de même pas à mon avis d’être capable de presser un citron vert -je dirais vert et bio SVP, c’est le côté « dandy » !- sur les plaies de son compagnon de route quand il l’agace. Deux egos en harmonie qui jouent pourtant sur un autre registre que la légende vivante du Père Lachaise. Nader et Eddy nous servent des cocktails musicaux Blue Devils, les fameux « blues », les diables bleus des idées noires, ou comme on disait dans un vieux français, les « blues » des histoires personnelles. Leur musique est à écouter les yeux fermés, vous serez transportés à la vitesse du son dans l’Etat du Magnolia, le Mississippi !

Leur hit, incontestablement, Sleep with the lights on, un titre tout en lumière pour un hommage déchirant à une amie disparue, tôt, très tôt. Seul dans la nuit, « But the night had no pity, shattered my dreams. » Et maintenant qu’elle est partie pour de bon, il faudrait dormir la lumière allumée. Le hic, irrémédiablement, c’est le Liban. Vous savez c’est ce pays où même en 2012, 69 ans après sa 1re indépendance, 20 ans après la fin de la guerre, 7 ans après la 2e indépendance, il ne suffit pas de mettre l’interrupteur sur « on » pour avoir de la lumière ! A défaut, « For my sins be forgiven, so I can pass the test, to see you again in heaven, where angels rest. » Sublime. Dans Bad rhyme, il est question de couple et de ses couacs, « Remember the cries, remember the smiles, now the devil may take my soul... I wish I had a dime for every time I heard this bad rhyme » et dans Whoopy, d’amour et de ses tourments : « Well in love, I’m a casualty, once was in pain and agony, but the closer you got now babe the less the gravity, turning blasphemy into rhapsody. »

Ces deux chansons ont fait l'objet de sessions, et celles-ci sont à l'image des Wanton Bishops, anti-conventionnelle. Tout se passe dans une maison de caractère abandonnée dans le quartier de Sioufi. Ah, ça ne peut que me plaire. Ils projettent jouer dans des lieux insolites : les vieux bus, tiens, comme ceux en bas de Karm el-Zeitoun, il y a de quoi remplir un petit stade de foot, hélas !; les stations de trains, ils auront du mal à en trouver encore, à moins qu’ils se rabattent sur les derniers rails qui restent de notre chemin de fer flambant neuf construit entre 1895 et 1942 -composé de 417 km et de 45 gares, qui permettait il y a déjà 70 ans d’aller de Londres au Caire, en passant par Vienne, Istanbul, Beyrouth et Haifa, wou ma ba3da Haifa- mais abandonné par l’inqualifiable bêtise libanaise !; ou les usines, transformées pour un lapse de temps en cathédrales musicales. Et voilà, on y arrive à destination. Aoujourd'hui, The Wanton Bishops vous donne rendez-vous au Solea V à Sin el-Fil, pour le lancement de leur premier album.


OAK fait tout dans la dentelle. Un look familier et d’ailleurs, une voix suave, un air de Jeff Buckley, kamén yi3ich wou yékhod 3omro -décidemment ! heureusement que les Wanton Bishops et Oak ne sont pas superstitieux- Allen (Seif) voulait un nom qui sonne bien pour son groupe et le plus court possible. Pari réussi sauf que when we google it, on tombe sur 518 millions résultats ! Alors vous avez intérêt à bien noter l’adresse de son site et sa page Facebook.

Sa musique baigne dans la pop anglaise et irlandaise. Ses sujets de prédilection, un vaste tour d’horizon. Que l’on soit dans une ballade romantique, un plaidoyer contre la guerre ou les expéditions sentimentales, la richesse des images est frappante dans les chansons d’Oak, et la nature est omniprésente avec ses quatre éléments : la Terre (sol, montagne, nature), l’Eau (pluie, marées), l’Air (ciel, vent, espace) et le Feu (soleil, flamme). Le titre poétique de son premier album, lancé à Sydney, résume bien le personnage : On the Bordeline (Between the Heart and the Mind). Et pour ce qui est des frontières, Oak connait bien les contraintes, dans la vie en général, et dans l’amour en particulier, mais aussi en géographie, voilà pourquoi il voudrait bien s’en affranchir et être One of those who fly. Normal, pour quelqu’un qui se définit lui-même comme un « travelling troubadour ». Like. De Peat’s Ridge Festival de Sydney, aux pubs irlandais de Paris, Iron Bell & McBrides, en passant par Welligton, Casablanca et Beyrouth, Oak sera aussi au rendez-vous de Solea V ce dimanche, en opening act.

Son hit, incontestablement, Bloody Mary, c’est le One d’Oak, une ode au rythme crescendo sur les blessures des séparations amoureuses. Et cela donne un clip
studio-champêtre de toute beauté et captivant. « A page of history is keeping me apart... Go away, as fast as you can, as far as you scan... Gravity, she won’t let me be, one of those who fly, high in the sky... We’re out of tune, like December in June, the weather is fine, we’ve just cross the line. » L’autre grand titre de cet album, Pop War, inspirée par les guerres du Liban et les guerres du Golfe, une chanson poignante sur le monde libre, une dénonciation du concept des « guerres populaires », présentées comme un produit de grande consommation, un mal nécessaire, et des « guerres futuristes » menées par les avions de chasse, les bombardiers et les drones, des guerres considérées comme un jeu vidéo avec l’illusion du zéro mort. « Look at the scars in the sky, no one else can fly... The moon rises up from behind the ashes, the night’s being insulted by the flashes. » Pop War aborde aussi toute la difficulté de l’après-guerre, avec la nécessité de dépasser les lignes de démarcation, les blessures et les clivages, bref, de tourner la page : « And now ain’t it time, we erase the line... frightening thoughts, worse than mines ». Très juste, en tout lieu et de tout temps, notamment au Liban et comme tous les Libanais, Allen est bien placé pour le savoir.


Sa session, There Must Be a Reason (Your Lover Tonight), une chanson extraite d’un nouvel album en cours d’enregistrement, est toute conçue à son image. Un dimanche, dans la « Petite Manille » de Beyrouth. Et pourquoi pas au Bouddha Bar ? « Ah, il a fermé... Bon, après le scandale raciste de l’été relayé par Zeid Hamdan -General Suleiman, Zeid and the Wings... si si, ma ghaiyro !- avec ces piscines privées interdites aux domestiques étrangères, j’avais envie de faire un clin d’œil à ces gens qui facilitent la vie des autres ». Le résultat est tout simplement ravissant.

The Wanton Bishops et Oak
ont beaucoup de points communs, à commencer par l’harmonica. L’instrument du voyageur-vagabond, dont la version moderne est l’œuvre d’un Bohémien nommé Richter. Et ce nomadisme leur va si bien. Et rien que pour ça, on est d’emblée conquis. Et rien qu’avec ça, le dépaysement est garanti. Ils ne sont pas les seuls musiciens « occidentaux » à Beyrouth, mais ils ont une « touch », a Western touch, singulière et touchante. Ils complètent l’offre déjà riche de la scène musicale de Beyrouth. D’autres groupes plein d’avenir existent dans notre pays. Des phénomènes se sont même imposés, au Liban et à l’étranger, par leur talent et leur originalité, comme Mashrou3 Leila (Raksit Leila). J’ai souhaité à travers ces quelques lignes rendre un humble hommage à tous ces acteurs, 100 % lebanese ou double-nationaux, de tous horizons et de tous styles, qui insufflent dans les poumons de Beyrouth, un air d’ailleurs, du Mississippi ou de l’Andalousie, de Buenos Aires ou de Paris, de Sydney ou d’Istanbul, du Caire ou de Londres. Ils nous rappellent que le Liban a toujours été ouvert au monde et à toutes les cultures, au croisement des civilisations et des tendances.


Deux dernières choses. Si vous tenez à l’art, soutenez-les artistes. N’hésitez pas à liker leur page Facebook et à acheter leurs œuvres online bien qu’elles soient disponibles gratuitement, car il ne faut pas croire, même les artistes ne vivent pas d’amour et d’eau fraîche ! Je sais, je vous balance la vérité crue et je vous choque. Et je ne vais pas m’arrêter en si bon chemin, j’en remets une couche, même deux : le père Noel n’existe pas et Michel Hayék est une ordure ! Enfin, si vous souhaitez vous rendre à Sin el-Fil tout à l'heure apprenez ces deux phrases par cœur. Elles vous seront d’une grande utilité.  C’est le code de déchiffrage de votre soirée. Pour l’ouverture d’Oak : « No police and no decrees, no calendars and no agendas, no more street signs, free of the ground, let me be now, one of those who fly. » Pour la cloture des Wanton Bishops : « I cleaned up my act, for judgment day, Lord have mercy, pray for me pray. » Et comme la fin du monde a été reporté à une date ultérieure, avec de bonnes chances qu’elle ait lieu un jour grâce aux 19 000 têtes nucléaires qui nous restent et à celles en cours de fabrication par les Ahmadinejad & Co, soyez sans crainte vous pouvez encore acheter votre billet pour ce soir, votre (future) belle-mère s’en remettra et sa Mloukhiyé attendra. En y allant soyez-en sûrs, Oak et les Wanton Bishops, ont la capacité d’envoyer les gourous de la Méditation transcendantale se confier sur le divan d’un psy et les Mayas se faire voir chez les Grecs. Vous m’en direz des nouvelles au retour. Et au passage, passez de bonnes fêtes ! Mais au fait, Is there anybody out there ?

dimanche 11 novembre 2012

Quelques vérités qui dérangent (Art.85)



Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. Le monde étant ainsi fait, nous n’allons pas le refaire. En tout cas pas moi. Je zappe allégrement. Je dirais même plus, je zappe allégrement et d’une manière joyeuse, pleine d’entrain et d’allant ! Je zappe surtout et par-dessus tout, les considérations d’ordre personnel, aussi minables que dénuées d’intérêt. C’est la nature humaine sous une mauvaise lumière! Il est connu, mieux vaut faire envie que pitié. Facebook n'y change rien, bien au contraire, dans le royaume du paraître et du nombrilisme, au milieu des interactions frénétiques, la jalousie exacerbe la frustration de certains. Après, c’est la porte ouverte à tous les délires. Si on n’est pas équilibré dans la vie réelle, on risque de l’être encore moins sur Facebook. Bon, chacun ses problèmes. Le mien est ailleurs, c’est la menace qui pèse sur la sacro-sainte liberté d’expression qui me préoccupe aujourd’hui.

Sous des prétextes bidon, on veut tout simplement museler les plumes « Think different », la mienne entre autres. Quand les manœuvres classiques ne parviennent pas à avoir gain de cause, les restrictions de l’accès aux médias, l’esprit de caste, la culture du bocal-club, la politique de l’autruche, la médisance, le snobisme, le dénigrement et les rumeurs, on recourt à l’argument fasciste par excellence, la « dangerosité » des écrits. Le comble, c’est que cela émane de personnes du 14 Mars qui soi-disant militent contre le « fascisme » du Hezbollah et des régimes d’Assad et d’Iran. Une mascarade ! Schizophrénie mon amour, comme tu peux être bien commode.

Nombreux sont les amis centristes et du 14 Mars qui m’ont apporté un soutien infaillible, ce soutien qui peut booster un éléphant en léopard. Ce n’est pas que la menace soit sérieuse ou qu’elle puisse infléchir mes propos et ma détermination, mais voir que nous sommes nombreux à partager les mêmes valeurs, est fort rassurant. Je leur suis éternellement reconnaissant. Ce qui m’a fait autant plaisir ce sont les témoignages de solidarité d’amis sympathisants du Courant Patriotique Libre et du Hezbollah. Et pourtant je n’ai jamais été tendre avec les deux formations politiques qu’ils soutiennent. Ils m’ont fait comprendre que la tolérance dépasse les différends politiques. Je leur dit merci pour cette leçon de vie, je m’en souviendrai longtemps.

Pour celles et ceux qui ont raté les chapitres précédents et se demandent pourquoi mes écrits sont considérés « dangereux » par certains esprits étriqués du 14 Mars, je vous fais un petit résumé d'une vingtaine de points particulièrement dérangeants abordés dans mes 85 articles, en 20 mois d’activisme sur Facebook et sur mon blog. Je persiste et je signe : 

- ce n’est pas parce que certains du 14 Mars espéraient une intervention américaine en Syrie et le bombardement de l’Iran qu’il fallait souhaiter pour notre planète Mitt Romney comme président des Etats-Unis ; voilà pourquoi j'ai soutenu Barack Obama ;
- il n’y aura pas d’intervention militaire occidentale en Syrie sous Obama II sans l’accord des Russes ; d'ailleurs, il n’y aurait pas eu sous Romney non plus ;
- Assad ne tombera pas de sitôt ; je le dis, à contrecourant et sans cesse, depuis le 15 mars 2011, alors que le 14 Mars l'annonce tous les vendredis depuis 20 mois ;
- rien ne changera en Syrie avant d’avoir 100 000 morts sauf si les rebelles revoient leur stratégie qui a montré son échec à renverser le régime syrien ;
- Assad pourrait réactiver l'Etat des Alaouites
- armer les rebelles prolongera la guerre civile en Syrie et l’espérance de vie du régime d’Assad ;
- les rebelles ne sont pas des saintes nitouches (crimes de guerre, exécutions sommaires, attentats-suicide, kidnapping...) ;
- la chute d’Assad ne changera pas en profondeur la donne politique au Liban ;
- le Hezbollah tire sa force avant tout de la communauté chiite libanaise qui le soutient massivement et non de ses armes ou des régimes syrien et iranien ;
- Michel Aoun tire sa force des communautés chrétiennes qui le soutient encore et toujours ;
- les communautés chrétiennes libanaises sont plus préoccupées par la dégradation de leurs conditions de vie que par la situation en Syrie, et ce n’est pas pour autant qu’elles manquent d’humanisme... les nouvelles tragiques n’empêchent pas, à ce que je sache, aucun libanais ulcéré par le drame syrien de s’amuser sur Facebook, d’aller au restaurant ou de voyager, avec le sourire et la bonne humeur ;
- Walid Joumblatt est le seul responsable de la chute du gouvernement Hariri le 12 janvier 2011, de la prise du pouvoir par le Hezbollah, et du maintien du gouvernement Mikati au Sérail ;
- le ménagement du chef de Moukhtara malgré toutes les niaiseries qu’il débite à longueur d’année et les retournements opportunistes dont il est capable, est anti-démocratique ;
- tout ce qui est bâtit sur des sables mouvants s’écroulera ; le Bek est les sables mouvants aujourd’hui ;
- le patriarche Rai n’est pas un punching-ball pour les frustrés du 14 Mars ;
- le 14 Mars ne s’est pas posé les bonnes questions après la mort de Wissam el-Hassan ;
- les drapeaux syriens et l’attaque du Sérail, lors des funérailles du chef des renseignements des FSI, le 21 octobre 2012 place des Martyrs, comme l’affichage déplacé du portrait du roi Abdallah le 13 mars 2011 sur la même place, sont des erreurs choquantes de la  part d'un camp « souverainiste » ;
- le 14 Mars ne reviendra pas au pouvoir que par les urnes, avec un programme électoral ambitieux, réaliste, concret et chiffré ;
- Mikati restera au Sérail jusqu’aux prochaines élections législatives en 2013 ;
- demander la démission du gouvernement Mikati est une erreur tactique monumentale du 14 Mars ;
- étant donné les esprits communautaires au Liban, caractérisés par le vote en bloc des communautés libanaises, chiite, sunnite et druze, une loi électorale basée sur le vote intracommunautaire est la seule à pouvoir remédier à un défaut démocratique originel, la mauvaise représentation des communautés chrétiennes au Parlement libanais.

Ouf, heureusement que la liste n’est pas exhaustive. J’aurai pu continuer mais je préfère qu’on aille à l’essentiel, à quelque chose de plus important. Toute analyse, toute critique ou toute remarque a sa place dans une démocratie digne de ce nom. Seuls la réflexion et l’échange permettront d’avancer dans ce sens. Le problème des leaders politiques libanais des deux camps, c’est de ne pas avoir d’avis divergents autour d'eux. Ils sont tous entourés de beaucoup de « békharjiyé ». A partir de là, tout reproche qui n’est pas public au Liban, risque d'être enterré par un « boukra min chouf », « khalina n3ich », « lézim nédréssa », « badda 3a2dé », wa hallouma jarra.

Je crois fermement que la « concurrence politique » entre les partis et la « diversité politique » au sein des partis, ainsi que des médias à la hauteur, pousseront les dirigeants libanais à être plus inventifs, plus sincères et plus audacieux. Elles relèveront le niveau du débat politique au Liban, de médiocre à passable. En tout cas, de mon côté je vous promets mes cher(e)s ami(e)s que je n’accepterai aucune restriction à ma liberté d’expression sous quelque prétexte que ce soit, du plus sincère au plus hypocrite et du plus noble ou plus minable. J’accompagnerai désormais mes articles avec un avertissement : « tout public » ou « interdit aux esprits étriqués ». L'océan de la liberté fait peur aux poissons rouges. Qu'ils restent dans leur bocal, c'est beaucoup plus rassurant. Aux esprits démocrates de tous bords, je dis à la prochaine. Aux autres, la porte est toujours grande ouverte, pour quitter ma liste d’amis et me bloquer à tout moment ; bon courage, bonne chance et bon vent !

jeudi 25 octobre 2012

Si chacun balayait un peu devant sa porte, les murs se porteraient mieux ! (Art.82)



Les beaux titres font de bons films. Tenez comme par exemple, The Thin Red Line. Quoique, pas toujours. En tout cas, au pluriel le titre du superbe film de Terrence Malik peut résumer la vie merveilleusement bien. Oui, on se trouve incessamment aux frontières des lignes de la vie, aux croisements des couleurs et des destinations. Et il suffit de peu, de pas grand-chose, parfois de beaucoup, pour passer de l’autre côté de la ligne ! De l’arc en ciel de la vie, je voudrais me limiter à la ligne rouge, terne ou vive, et à ceux qui la franchissent, consciemment ou pas. Des surnoms en surnombre pullulent dans nos entourages et se bousculent dans nos têtes.

Des psychopathes qui rasent les murs, des poisseux déambulants, des schizophrènes accommodés, des éternels frustrés, des âmes ténébreuses, des jaloux en paille, des anarchistes à l’interminable crise d’adolescence, des branleurs de trottoirs, des tarés de placards, des nases nasillards, des irrécupérables en tous genres, des salopards de première, des esprits obtus, des aigris à toutes épreuves, des cons de masse, des conards à la pelle, des pétasses à la mords-moi-le-nœud, des conasses de service, des pouffiasses contemporaines, des snobs à cinq piastres, des potiches de compagnie, des endoctrinés au biberon, des lobotomisés à l’eau de Javel, des aveuglés qui en veulent, des lavés du ciboulot, des canidés élevés la moitié de leur vie dans une cave obscure, des batraciens qui se prennent pour des rapaces, le masculin et le féminin se confondent bien entendu, j’en passe et des meilleurs. Ouf, je reprends mon souffle !

Toujours est-il, si la vie vous fait voir de toutes ces couleurs, des énergumènes qui vous parasitent l’existence, vous pompent l’air ou vous agacent tout simplement, rejoignez donc le nouveau mouvement salvateur contre le gaspillage énergétique, en face-à-face aussi bien que sur Facebook ! N’oubliez pas les chiens aboient, la caravane passe. Etant associé malgré moi à une conversation inboxienne hier, un de ces zozos énumérés plus haut, un multirécidiviste aux multiples surnoms, chatouilleux de la soutane, a espéré me provoquer à réagir aux âneries qu’il débitait à ses deux amies. Sans un mot, j’ai aussitôt quitté la conversation. L’ignorance demeure une attitude princière ! Mais n’est pas prince qui veut.

Morale de l’histoire. De grâce, si chacun balayait un peu devant sa porte, je pense que les murs de Facebook se porteraient bien et comme par enchantement, le Liban irait un peu mieux. « Every man fights his own war. » Tenez, les bons films font aussi de beaux sous-titres.

dimanche 2 septembre 2012

De grands arbres dans toutes les rues de Beyrouth... Yes we can ! (Art.72)


Enfin c’est la journée sans voiture à Achrafieh ! Non, vous ne rêvez pas, on a bel et bien réussi à exclure l’automobile d’une partie de Beyrouth de 8h à 18h. Que le projet « Achrafieh 2020 », réalisé par des friends, soit fait avec des arrières pensées politiques ou qu’il soit purement écologique, n’a pas beaucoup d’importance à mes yeux. On a souvent reproché à Bono de s’accaparer des « causes » politiques et humanitaires. Je préfère l’humanisme des Bono et des Geldof au nombrilisme des Jagger et à la niaiserie des Klink. Avec les 150 000 $, coût de l’opération, est-ce qu’on aurait pu faire mieux pour améliorer la qualité de vie de la population beyrouthine, comme se le demande une amie écolo ? Incontestablement oui. Disséminer dans tout Beyrouth 15 000 peupliers d’Italie aurait couté moins cher et aurait pu être beaucoup plus utile pour la population !

Mais l’heure n’est plus aux polémiques. On est déjà le 2 septembre 2012, et cette journée restera une date importante dans la mémoire collective libanaise. Rien ne peut décrire ce que je ressens vraiment aujourd'hui, même si je ne pourrai pas participer à l’opération. Le libanais ne mesure sans doute pas suffisamment la portée d’un tel événement. La voiture, persona non grata à Beyrouth pendant 10h, c’est un exploit considérable quand on sait que le fantasme absolu de certains libanais, hommes ou femmes, n’est pas d’ordre sexuel mais factuel, c’est de coucher avec leur voiture ! A défaut de la mettre au lit, ils la garent tout près, au rez-de-chaussée de leur immeuble, à l’abri du vent, de la pluie, du soleil et de la poussière, mais au vu et au su de tous. Ceci est rendu possible par certains architectes qui ont fait plus de dégât à l’urbanisme de cette ville que les miliciens de la guerre civile, et qui se croient par-dessus le marché très créatifs en imaginant ce concept hideux d’immeubles. Et ça se considèrent faire du « luxe » aussi. C’est à se demander ce qu’attend encore Bertrand Delanoë pour réaménager les immeubles haussmanniens « à la libanaise »!

Si la voiture est un engin détesté dans tous les pays du monde, elle est particulièrement maudite dans notre capitale. C’est avant tout une importante source de pollution et à tous les niveaux, pulmonaire, olfactive, visuelle et auditive. Beaucoup de libanais ignorent qu’il était interdit de klaxonner à Beyrouth avant la guerre sauf en cas de danger imminent. Impensable aujourd’hui ! Alors dans mon délire, je me suis demandé pourquoi l’Etat n’infligerait pas à l’auteur de chaque klaxon égocentrique une amende de 10$ ? Je suis sûr qu’on pourrait rembourser notre dette abyssale en quelques années. Mon Dieu que le libanais se montre rustre en conduisant et a la main lourde sur son klaxon ! Le klaxon est selon le conducteur ou la conductrice, un godemiché, un objet fétiche, un lit de psychanalyse, l’instrument de torture, l’outil de vengeance, et surtout le déversoir de toutes les frustrations. A propos, une étude récente publiée dans le très farfelu « Journal of BB » montre que plus on klaxonne moins on est satisfait sexuellement. Avis à diffuser massivement à vos ami(e)s avec un avertissement « Achtung Baby, un klaxon en dehors d’une menace imminente reflète une vie sexuelle pas éminente » ! Si BB le dit, c’est que c’est scientifiquement prouvé.

Pour revenir à nos moutons, à liyyé et non à danab, disons qu’organiser une journée sans voiture dans un grand quartier de Beyrouth est déjà un exploit en soi. Je ne peux donc que saluer cette excellente initiative et m’incliner admiratif devant l’effort qui a été fourni pour concrétiser ce projet. Inutile d’attendre le retour des bannies pour mesurer le succès de l’opération et le bien-être temporaire qui a découlé de ce bannissement. Bravo, alléluia, parfait, amen. Et maintenant on va où ?


Ce qui frappe quand on arrive dans la capitale libanaise c’est indiscutablement le manque de verdure ! Il existe 4 types de verdure dans une ville : les forêts qui dépendent de Dame Nature, les parcs et les arbres des trottoirs, qui dépendent des pouvoirs publics et les diverses dispositions privatives qui dépendent du bon vouloir des citoyens. C’est à ne pas douter, on est maudit par les dieux puisque les 4 types de verdure manquent cruellement au Liban.

1. LES FORETS. Elles se réduisent en peau de chagrin. Entre le feu, souvent d’origine criminelle, le commerce illégal du bois de chauffage (avec l’engouement romanesque « douteux », j’insiste sur douteux, de certains libanais pour la « cheminée » !), l’abattage sauvage des arbres par les habitants du Mont-Liban (pour leur propre consommation de bois surtout depuis la hausse du prix du mazout), le bétonnage d’el-akhdar wel yébiss et le changement climatique, les forêts au Liban ne représentent plus aujourd'hui que 7 à 13% de la surface du pays contre 35% en 1965. Des experts estiment que si rien n’est fait pour arrêter cette dégringolade, le pays du Cèdre pourrait perdre définitivement son héritage écologique vers 2030. Il est donc évident que le Liban doit déclarer l’état d’urgence sur le plan écologique et établir un plan national de grande envergure pour sauver ce qui reste de nos forêts d’antan. Evident pour certains, mais pas pour nos élus !

2. LES PARCS, LES JARDINS ET LES SQUARES. Ils sont une denrée rare dans les villes libanaises. Nous avons actuellement près de 393 000 m² d’espaces verts dans les 20 km² de la mégapole de Beyrouth, où réside près de la moitié de la population libanaise (1,4 millions d’habitants). Inutile de vous dire que cela constitue une misérable récolte.

Par comparaison, car rien n’est plus parlant que les chiffres, une escale dans quelques mégapoles dans le monde montrera l’étendue du désastre. Première escale à PARIS. Dans la capitale de la France, il existe 5 550 000 m² d’espaces verts intramuros, 450 au total, répartis sur 16 parcs, 137 jardins, 274 squares et 8 promenades! Ce chiffre ne prend pas en considération les kilomètres d’arbres des trottoirs, une surface considérable, et surtout les 2 grands bois périphériques de la capitale parisienne (créés sous Napoléon III, vers 1850), le Bois de Boulogne et le Bois de Vincennes, qui à eux seuls totalisent 18 410 000 m². Au total, Paris offre donc 24 millions m² de verdure aux 2,2 millions de Parisiens, alors que Beyrouth n’offre que  de 0,4 million m² de verdure aux 1,4 million de Beyrouthins ! Impressionnant. Mais de l’autre côté du Rhin, Paris fait piètre figure devant BERLIN. 2500 espaces verts, 18% du territoire urbain recouvert par des bois et des forêts, 14% par des parcs, jardins et squares, soit une surface totale de 64 millions m² pour 3,4 millions d’habitants. Ils ne font pas dans la demi-mesure les Allemands ! Alors que le prix du mètre carré vaut de l’or dans les capitales occidentales, l’urbanisation ne s’est pas faite au détriment des espaces verts. Au cœur de Berlin, le grand parc du Tiergarten (aménagé vers 1835), offre 2 100 000 m² de verdure accessible à toutes heures et en toutes saisons. Pour l’histoire, ce parc a été complétement détruit lors de la seconde guerre mondiale (incendies lors des bombardements de la ville par les Alliés et lors des combats de 1945, abattage des arbres pour le chauffage, dégagement des terrains pour la culture...). Moins de 4 ans après la fin de la guerre, 1 million d’arbres furent plantés pour le faire renaître de ses cendres ! Le « modèle allemand », il est là dans toute sa splendeur. Au cœur de LONDRES, Hyde Park, qui a été aménagé vers 1820, offre 2 500 000 m² aux anglais ! Enfin, Central Park, qui se situe au cœur de NEW YORK, offre 3 410 000 m² aux résidents de la ville depuis 1873, quand la grande pomme n’était qu’un petit fruit de quelques centaines de milliers d’habitants ! Paris, Berlin, Londres et New York, ne seraient pas ce qu'elles sont aujourd'hui sans des hommes et des femmes visionnaires, idéalistes et passionnés.

Au Liban c’est tout simplement la misère. Actuellement il n’y a que 1 parc et 2 jardins dignes de ce nom à Beyrouth ! Le Bois des Pins, le jardin de Sanayéh et le jardin de Sioufi. Si je suis ce que je suis c’est en partie grâce au jardin de SIOUFI (20 000 m²). C’est toute mon enfance. Je garde un merveilleux souvenir de ce lieu. J’étais émerveillé à chaque fois que ma mère m’emmenait nourrir les canards. Certains 3abé2ra min cha3bna el 3azim, n’ont rien trouvé de mieux que d’envisager de construire un parking dans le sous-sol du terrain ! Tenez, on revient au fantasme du libanais, coucher avec sa voiture. Comprendre par-là, qu’on remplacera les arbres par des arbustes et les arbustes par des pensées ! Pitoyable. Aujourd’hui le jardin de Sioufi est abandonné à la fois par la municipalité de Beyrouth, qui a d’autres priorités comme la récupération des taxes municipales des honnêtes citoyens, et hélas, par les Beyrouthins aussi, sous le prétexte bidon qu’il n’est pas aux « normes », traduction, pas suffisamment bourgeois pour la communauté chrétienne du quartier. L’autre espace vert important de Beyrouth, c’est le jardin de SANAYE3 (22 000 m²). Il n’a rien à envier à Sioufi, mais même topo, sauf qu’il est mieux fréquenté par la communauté musulmane. Mais le scandale des scandales concerne le BOIS DES PINS !

C’est le plus grand espace vert de la capitale. Un triangle de 300 000 m². Pour avoir une idée de ce que cela représente, sachez que le jardin des Tuileries fait 280 000 m² et le jardin du Luxembourg 225 000 m². Quelle chance nous avons ! Pas d’enthousiasme romantique déplacé s’il vous plait. Figurez-vous, que le Bois des Pins est fermé au public libanais jusqu’à nouvel ordre ! Hallucinant. Pour pénétrer ce haut lieu sécurisé par la municipalité de Beyrouth, il faut avoir plus de 35 ans et demander une autorisation spéciale ou être de nationalité française. Consternant. Le Bois des Pins est ce qui subsiste des vastes pinèdes de l’époque ottomane. Il a été créé en 1968 mais la guerre civile de 1975 a mis un coup d’arrêt à son aménagement et l’a transformé en une « ligne de démarcation » entre les belligérants. Il fut ravagé par les incendies lors de l’invasion israélienne en 1982. Et depuis 1992, il est fermé au public. Voilà un bref historique, peu glorieux, du plus grand espace vert de la capitale libanaise. Pas de quoi pavoiser. Un accord conclu entre la région Ile-de-France et la municipalité de Beyrouth prévoyait son réaménagement et son ouverture au public en 2002, c’est-à-dire il y a 10 ans ! Les élus municipaux de la capitale ne semblent pas être pressés ni pour l’enregistrer comme un « espace public », ce qui rendra son ouverture au public obligatoire, ni de communiquer sur le sujet. Mais oui voyons, pourquoi communiquer avec les administrés-bons-citoyens-honnêtes-gens, à partir du moment où ils payent gentiment leurs taxes municipales sans râler ! Certains craignent les dégradations. Mais oui c’est connu, les Beyrouthins sont une bande de racailles. D’autres redoutent qu’il soit le théâtre d’affrontement des communautés qui l’entourent, chrétienne (coté Badaro), sunnite (côté Kaskas) et chiite (côté Goubeiry et Chiyah). C’est c’là oui, encore ces sauvageons de Beyrouthins. Qu’importe les prétextes, les excuses bidon, les négligences et les priorités, il est grand temps que l’ouverture complète et définitive du Bois des Pins devienne un enjeu lors des prochaines élections à Beyrouth (législatives en 2013 et municipales en 2016).

3. LES ARBRES DES TROTTOIRS. Ils sont systématiquement mutilés. Dans un pays chaud, avec 300 jours d’ensoleillement dans l’année, où les températures estivales avoisinent les 30°C, avec un taux d’humidité dépassant les 70%, une pluviométrie nulle ou presque la moitié de l’année, poussiéreux, pollué, bétonné, laid et défiguré, la municipalité de Beyrouth n’a pas trouvé mieux à faire que de transformer les ficus des trottoirs d’Achrafieh en de ridicules boules et cubes décoratifs ! Affligeant.

4. LES BALCONS ET LES TERRASSES. Ils sont désespérément déserts. Le Libanais rêve de terrasse, pas pour la couvrir de pots et de jardinières et d'en faire une jungle de verdure, mais uniquement lal yat2a, yat2a bel sa7ra! Il faudrait sans doute faire appel aux Psychologues Sans Frontière, pour vaincre la peur hystérique d’une majorité de libanais des feuilles mortes et des insectes.


Face à cette situation calamiteuse que propose le génie libanais ? Comme d’habitude et comme dans d’autres domaines, le génie libanais quand il ne se perd pas dans les détails, il s’égare dans les grands projets. Il est fidèle à sa philosophie, pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer. Deux exemples piochés pas trop au hasard. Le premier, c’est sur l’aménagement du FLEUVE de Beyrouth en un parc naturel, avec des espaces verts, des pistes cyclables et des cafés, un projet proposé par le Parti vert libanais. Il doit s’étaler sur 10 ans ; ça c’est pour les papiers officiels ; à la libanaise, il faut rajouter 5 ans ; et avec les incertitudes politiques, encore 5 ans ! Le coût ? Pas d’estimation ! Pourquoi faire, ce n’est pas nécessaire au pays des 60 milliards de dollars de dette.

L’autre grand projet farfelu que le génie libanais a sorti de son chapeau, ce sont les jardins suspendus, la verdure sur les TOITS de Beyrouth. La « Beirut Wonder Forest » imaginée par le jeune architecte Wassim Melki, consiste à encourager et même à inciter par des mesures fiscales, voire des mesures obligatoires, les libanais à installer des arbustes sur les toits de leurs immeubles. Un prototype est réalisé dans cette perspective avant d’entrainer les pouvoirs publics dans le coup ! Et le coût ? Passons, on n’est pas à une lettre près ! Et comme d’habitude on va s’inspirer d’Allemagne. Magnifique. Je ne sais pas pourquoi nos Wassim Melki ne voient pas, qu’il vaut mieux énno nballit el salonn abel ma nballit el ba7ér, et qu’avant de passer dans les airs, le sol de Berlin est noyé « littéralement » dans la verdure. Si la surface de végétation des toitures de Berlin tourne autour de 100 000 m² (projet initié dans les années 80, à Berlin Ouest ; il est subventionné par la ville à hauteur de 80% !), les espaces verts au sol sont de l’ordre de 64 000 000 m² ! C’est sans parler de l’esprit écologique des Allemands : seulement 1 adulte sur 3 possède une voiture, les transports en commun sont très développés et le vélo est très répandu. Métl el 3adé, béyél2ato el fékra min tiza !


Voilà la situation misérable dans laquelle nous vivons actuellement. C’est vrai que tout cela est déprimant, mais si aujourd’hui on ne fait rien, la situation ne peut que s’aggraver. Une comparaison avec Dubaï serait à notre avantage. Bon, à chacun ses sources d’inspiration, les miennes en matière d’espaces verts et dans bien d’autres domaines, sont Paris, Berlin, Londres et New York. Mais au-delà de tout ça, ce qui sûr et certain, qui sème peu, ne récolte pas grand-chose et mieux vaut agir tardivement que jamais ! On peut lancer 1001 projets pour y remédier. Réclamer des millions de dollars pour les réaliser. Pester de ne pas être entendu. Cracher sur nos politiciens. Jeter l’argent des contribuables par les fenêtres. Manger des falafels à la mode de Baal. Palabrer dans l’hémicycle, les conseils municipaux, les journaux et sur Facebook. Pourtant il suffit de pas grand-chose pour transformer cette ville infernale en une agréable cité. Voici donc quelques lignes directrices pour nos décideurs en matière d’espaces verts.

1. LANCER DES CAMPAGNES DE REHABILITATION DES ARBRES. En faisant intervenir les écolos (magazines, associations, réseaux sociaux), les ministères (publicités, affichages, brochures), les politiciens (débats, conférences), les journalistes (documentaires, articles), les religieux (églises, mosquées) et les enseignants (écoles). Expliquer à nos compatriotes et à nos enfants que les arbres ne sont pas des ennemis, bien au contraire, ce sont des amis qui nous veulent du bien. Et plus précisément, qu’il fera plus frais sous les arbres, que les températures diminueront dans les zones arborées (même au niveau de l’ensemble de Beyrouth !), que les arbres empêcheront que la chaussée et les immeubles ne se transforment en radiateurs à accumulation la nuit pendant l’été (il n’a jamais fait aussi chaud à Beyrouth, et pour cause !), qu’ils permettront de faire marcher moins la climatisation (donc moins de consommation électrique), qu’on pourra planter des arbres à feuilles caduques près des immeubles (pour laisser les rayons du soleil d’hiver passés), qu’ils dépollueront la ville, qu’ils assainiront l’air des appartements, qu’ils diminueront la prévalence des maladies respiratoires, qu’ils seront un confort pour les yeux et un réconfort pour l’âme, qu’ils permettront de déstresser, qu’ils seront de formidables plumeaux pour dépoussiérer l’atmosphère (donc moins de ménage !), que les feuilles mortes feront de beaux tableaux, que les débris végétaux n’abîmeront pas les voitures (le soleil si !), que feuilles et débris serviront l’automne à fabriquer du compost (qui pourrait être distribué aux gens au printemps pour mieux fleurir les balcons), que les insectes prouveront qu’on ne vit pas dans un environnement stérilisé, que plus il y a d’arbres moins il y aura de déjection d’oiseaux (par la dispersion des animaux sur une large zone), et cætera, etcétéra, etc. Parler de la réhabilitation des arbres au Liban, c’est quand même fou d’en arriver là !

2. ARRETER DE MUTILER LES ARBRES existants, notamment les ficus des trottoirs. Même les deux ficus du jardin Samir Kassir n’y ont pas échappé! En voulant les alléger, on en a fait de ces géants de verdure des arbres chétifs. A l’USJ ce fut un massacre. Devant le stade de Jounieh, ce fut un massacre aussi. Devant l’université de Louwaizé, ce fut un massacre également. Partout, c’est la même désolation. Est-ce trop demander à nos municipalités bienveillantes, notamment à celle de Beyrouth, d’arrêter de mutiler les ficus et de laisser ces pauvres arbres s'épanouir ? Il suffit d’une décision municipale pour bouleverser la vie des Beyrouthins ! Le comble, c’est que ce « projet » ne coutera pas une livre libanaise aux contribuables.

3. DIRE HALTE AUX TOURS HIDEUSES qui pullulent dans Beyrouth, et particulièrement aux promoteurs sans scrupule, aux adorateurs de Benjamin Franklin et aux architectes archaïques, qui joignent leurs forces pour répandre la laideur dans la ville.

4. PLANTER, ARROSER ET PROTEGER. NON aux petits projets minables où 3 arbustes et 7 pensées se battent en duel sur un rond-point ! NON aux projets pharaoniques, comme l’aménagement du fleuve et des toits de Beyrouth, et aux projets saisonniers, comme la journée sans voiture. OUI aux projets ambitieux ! OUI à l’efficacité aux moindres couts. « De grands arbres dans toutes les rues de Beyrouth » est un projet qui répond à ces 4 contraintes. Yes we can ! Faisons appel à l’armée libanaise pour rendre ce projet réalisable en peu de temps. Mobilisons les ressources de la municipalité de Beyrouth et de l’Etat. On transformera le fleuve et les toits de Beyrouth, quand on aura réalisé ce projet ambitieux et quand on aura réaménagé les jardins et squares existants et ouvert le Bois des Pins définitivement au public. Nous avons la chance inouïe d’avoir des nappes phréatiques dans le sous-sol de Beyrouth et des égouts en mauvais état, qui peuvent servir à un développement accéléré des arbres ! Ras le bol des pins, symbole de sécheresse, et des palmiers, symbole d’aridité. Marre des pruniers du Japon, des oliviers de Méditerranée et des ailantes du Mont-Liban. Tous ces arbres sont avares d’ombre ! Je rêve de peupliers d’Italie, de platanes de Provence et d’Orient, de tilleuls d’Ile-de-France, de cèdres du Liban, de séquoias de Californie, de ficus de Beyrouth, d’eucalyptus d’Australie, de chênes du Mont-Liban et de noyers d’antan. Eh oui, je rêve de grands arbres pour le Liban en général, et pour Beyrouth en particulier, aux allures majestueuses et aux ombres généreuses !


Conclusion, pour augmenter significativement et aisément la surface des espaces verts à Beyrouth, il existe deux moyens peu couteux : arrêter de tailler sévèrement les arbres des trottoirs existants et reboiser toutes les rues de la capitale. Laisser les arbres des trottoirs se développer en hauteur ne coutera rien et bouleversera la vie des habitants ! Disséminer dans tout Beyrouth 15 000 peupliers d’Italie coutera moins cher qu’une journée sans voiture et sans lendemain, et c’est d’une plus grande utilité pour la population ! Il faudrait habituer nos élus, qu’ils soient députés ou conseillers municipaux, et ceux qui projettent le devenir, à rendre des comptes et à s’engager devant les citoyens de cette ville. Prochains rendez-vous électoraux, 2013 pour les législatives et 2016 pour les municipales. Ils ont encore du temps pour agir concrètement et atteindre ces deux objectifs ou intégrer ces éléments dans leurs programmes électoraux. A défaut, une canne à pêche est un excellent cadeau de départ en retraite anticipée... et la Méditerranée regorge de sardines ! Bon vent et basta cosi.


Réf.
English version (shortened):
Can beirut become a city full of trees? Bakhos Baalbaki. In BEYOND Magazine, 8 Feb. 2013.