Il
y a des sentiments de joie qui pourraient apparaître quelque peu
surréalistes mais qui marquent les individus et les sociétés pour un moment. Comme par exemple celui d'ouvrir une parenthèse culturelle, pas
cultuelle, sinon les sentiments seraient réalistes , alors
qu'on est plongé dans des situations inextricables de la vie
quotidienne, d'une guerre sans fin ou d'une occupation militaire, et
qu'on tente d'y échapper pendant un laps de temps, sachant
pertinemment qu'on va y replonger mais avec une once d'espérance. Bref, c'était
le pain quotidien des Libanais d'hier, c'est celui des Syriens de
demain et des Palestiniens de toujours.
Voici donc dans quelle perspective l'ONG « Film Lab Palestine » a donné ce weekend le coup d'envoi de la 3e édition de son festival « Aïyam cinama2iyat », les Journées du Cinéma. Au programme, 82 films arabes et internationaux qui seront projetés entre le 15 et le 21 octobre.
Amis,
visiteurs, lecteurs et cinéphiles, j'ai le plaisir de vous annoncer
que le documentaire « Lebanon Wins The World Cup », réalisé par Tony ElKhoury et Antony Lappé, fait partie de la sélection palestinienne. Inutile de vous dire à quel point tous ceux qui ont travaillé sur ce projet, moi compris, sont heureux et flattés par cette tournée cinématographique en Palestine. Pas
parce que ces Journées du Cinéma constituent un grand festival du
genre. Nos motivations sont ailleurs.
Pour
les comprendre, il faut d'abord se souvenir du pitch de ce
court-métrage qui a remporté deux fois le prix du Best Documentary Short aux festivals du film de
Varsovie (Pologne) et de Santa Barbara (Etats-Unis).
Alors, si vous êtes dans les parages, ça se passe à Jénine ce dimanche. Lundi, « Lebanon Wins The World Cup » sera à Jérusalem, mardi à Bethléem et mercredi à Ramallah. L'entrée est libre. Bon film et bon festival à toutes et à tous. Par-delà les frontières, bons baisers de Beyrouth à Jérusalem.
Le film libanais, qui a été réalisé avec une contribution américaine, raconte l’histoire de deux vétérans libanais, Edouard, un combattant aguerri chrétien, et Hassan, un guérillero intellectuel musulman, engagés dans des camps opposés durant la guerre civile libanaise. Les deux hommes se préparent la veille du Mondial de football de l’été 2014, à soutenir leur
équipe favorite, le Brésil. Ce tournoi leur donne une occasion de se remémorer à la fois, des matchs inoubliables de 1982, alors que
l’armée israélienne encerclait Beyrouth, et des batailles
décisives de 1975, comme celle des Grands hôtels.
Ceci étant dit, nous
sommes heureux et flattés
de sa projection en Palestine pour diverses raisons.
Primo,
parce que Lebanon Wins The World Cup, qui évoque la guerre libanaise
à laquelle des « Palestiniens du Liban » ont participé,
sera projeté aux « Palestiniens de la Palestine », qui
ont eux aussi, comme les Libanais, une grande passion pour le
football, tant pour le Brésil que pour l'Allemagne, le thème du film en arrière-plan.
Secundo,
parce que Lebanon Wins The World Cup, qui aborde la réconciliation
islamo-chrétienne et le pouvoir de pardonner, constitue un élément
important de cette bouffée d'espérance que j'ai évoquée
précédemment et dont on a le plus besoin au Moyen-Orient.
Tertio,
parce que nous sommes des orientaux sentimentaux. Savoir
que ce court-métrage sera visionné dans une ville aussi mythique
que Bethléem -là où
Jésus, le fils de
Dieu pour les Chrétiens et un prophète pour les Musulmans, serait
né- et surtout dans la légendaire Jérusalem -cette
ville trois fois sainte, vénérée a la fois par les Juifs
(à cause du Mur des Lamentations, vestige du temple de Jérusalem,
construit par le roi Salomon, pour abriter l'Arche d'alliance, le
coffre qui contient les Dix commandements donnés par Yahvé à Moise
sur le mont Sinaï ; il fut réalisé avec des architectes et des maçons, envoyés par Hiram, le roi phénicien de Tyr, avec du
bois de cyprès et de Cèdre du Liban ; il sera détruit par les
armées de Babylone et de Rome), par les Musulmans
(à cause de la mosquée Al-Aqsa, bâtie à l'emplacement même d'où
Mahomet, le dernier des prophètes pour l'islam, est venu de La
Mecque, lors d'un voyage nocturne, et est monté aux sept cieux, pour
rencontrer Allah et tous les prophètes qui l'ont précédé, avant de retourner chez lui) et les
Chrétiens (à cause de l'église du Saint-Sépulcre qui renferme le tombeau de Jésus
de Nazareth, lorsqu'il a été déposé de la Croix, où a eu lieu la
résurrection du Christ trois jours après sa mise à mort)- nous
remplit de fierté, sans que l'on sombre dans le syndrome de
Jérusalem pour autant, le délire messianique qui s'empare de
certains esprits à la première bouffée d'oxygène de la ville sainte.
Alors, si vous êtes dans les parages, ça se passe à Jénine ce dimanche. Lundi, « Lebanon Wins The World Cup » sera à Jérusalem, mardi à Bethléem et mercredi à Ramallah. L'entrée est libre. Bon film et bon festival à toutes et à tous. Par-delà les frontières, bons baisers de Beyrouth à Jérusalem.
Et avant que je n'oublie, au cas où vous vous posez la question, nous serons à Jérusalem-Est, capitale de la Palestine, actuellement
occupée, annexée et colonisée par Israël, en violation de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et du droit
international. Hasard des coïncidences, heureux bien entendu, une résolution toute fraiche adoptée ce mardi 18 octobre par l'Assemblée plénière de l'Unesco, sur une proposition présentée par sept pays arabes (dont le Liban, l'Egypte, l'Algérie et le Maroc), malgré l'opposition de six pays (dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne), et l'abstention de 26 pays (dont la France), vient encore de nous le rappeler. Dans ce texte composé de 41 points, qui énumère toutes les violations culturelles commises par l'Etat hébreux, Israël est systématiquement désigné par la "Puissance occupante" de Jérusalem-Est.