Des policières en short, serré et pas très couvrant, ça ne court pas les rues. Sans doute, sauf à Broumana, une commune du Mont-Liban.
La nouvelle police municipale de Broumana : une idée avant-gardiste ou ringarde ? Incontestablement sexiste. |
1 Qui est vraiment Pierre Achkar : un avant-gardiste ou un ringard ?
Ce n'est ni une blague ni une affaire d'Etat, c'est l'idée simpliste du président d'une municipalité libanaise. Pierre Achkar voulait provoquer un « choc » dans l'opinion publique. C'est fait. Sur le fond, il se réfugie derrière des arguments économiques, « attirer l'attention » sur une ville touristique et créer des « emplois ». Done. Et il aurait dû s'arrêter là. Eh bien non, Pierre Achkar ose avancer une argumentation patriotique pour expliquer son choix. « Le but est de transmettre un message spécialement aux Occidentaux, parce qu'au Liban, nous avons besoin de changer la sombre image que nous avons en Occident, afin de séduire les touristes occidentaux. » Rou7 ya ghadanfar! Eh bien c'est raté.
Oublions l'histoire du short un instant, concentrons nous sur le promoteur de cette idée. Qal chou, « changer la sombre image que nous avons en Occident », la bonne blague! Pierre Achkar a mené la bataille municipale en 2010 sous le slogan « Broumana Unie », la liste des familles locales et du Courant patriotique libre (CPL) svp, dont le président de l'époque Michel Aoun avait conclu 4 ans auparavant une entente avec une milice armée illégale, considérée comme terroriste par la majorité des pays occidentaux, qui ternit l'image du Liban et fait fuir les touristes occidentaux justement. En 2016, sa liste n'avait tout simplement pas de concurrent. Pierre Achkar s'en est félicité attribuant ce succès en partie à l'efficacité de ses mesures sécuritaires, la surveillance de la population et le fichage des Syriens comme des Libanais. « La municipalité surveille également les déplacements des habitants de la région et dispose de données sur l'ensemble de la population et de ses mouvements, ce qui rend la zone aujourd'hui très sûre. » Pendant que les midinettes distraient la population, Big Brother surveille! Très sûre peut-être, mais nauséabonde aussi.
Pour Pierre Achkar, les principaux problèmes du secteur hôtelier, ce sont « les taxes ». Mais voyons! Et devinez qui était pour accorder la « résidence à vie » au Liban à tout étranger qui achète un appartement de 300 000 $, dès octobre 2017 svp, ce qui donnera quelque mois plus tard le fameux « article 49 »? Eh oui, c'est Pierre Achkar. La spéculation immobilière, le blanchiment d'argent, l'implantation d'une frange de réfugiés sont les cadets de ses soucis. Allez, encore une : qui est pour « modifier les lois protégeant le littoral » afin d'offrir ce qui reste de nos côtes aux rapaces et aux investisseurs? Bravo, c'est Pierre Achkar.
2 Pourquoi embaucher de jeunes femmes pour les déguiser en policières et les habiller en short pose problème ?
La démarche de la municipalité de Broumana pose problème à deux égards.
• Pierre Achkar n'a pas dû se concentrer plus de trois minutes sur son dossier, perdant le nord en cours de route, au point d'oublier la fonction principale des policières municipales qu'il embauchait : assurer la sécurité intérieure des résidents, organiser la circulation des visiteurs dans la ville et faire respecter les règlements municipaux. Ce n'est certainement pas à une police féminine de relancer la fréquentation touristique au Liban.
• Pour le président de la municipalité de Broumana, « s'arrêter uniquement sur la tenue est ridicule et ne mérite pas une réponse ». Et pour cause, question sexisme, Pierre Achkar semble être un expert en la matière. Si « le short n'est pas une honte », pourquoi les hommes policiers restent en pantalon? Et pourquoi des midinettes et pas des personnes plus âgées, des minces et pas des rondes, des brunes et pas des blondes, des cheveux longs et pas courts, etc. ? Et puisqu'on y est, pourquoi les filles posent et lèvent légèrement la jambe, alors que les hommes sont droits dans leurs bottes? Pourquoi on a la vague impression que ces policières servent de potiches? Wlak depuis quand ces critères superficiels servent à la sélection des policières en Occident? On a là que des stéréotypes sexistes qui font honte -pas au Liban, loin de là!- mais à celui qui en fait la promotion, Pierre Achkar.
Hélas, le président de la municipalité de Broumana a raté une bonne occasion de se taire. Bien sûr que la tenue n'est qu'une convention sociale. Les policières peuvent être en short ou en jupe, et pourquoi pas, en maillot, du moment où on n'oublie pas l'essentiel, comme l'a fait Pierre Achkar, elles sont censées assurer la sécurité des citoyens et faire respecter les lois en vigueur. L'idée serait mieux passée, s'il avait su garder le silence et s'il n'avait pas justifié l'extravagance vestimentaire à caractère sexiste, par une argumentation rachitique et stupide.
3 Ce qui attire les touristes occidentaux c'est un cadre de vie agréable, des transports confortables et des hôtels abordables, entre autres
Oublions l'instabilité politique dans notre pays et le facteur sécuritaire. Sinon, ce n'est même pas la peine de penser ne serait que la moitié d'un quart de seconde aux moyens d'attirer les touristes. Oublions aussi le Hezbollah, une milice classée terroriste par la majorité des pays arabes et occidentaux. Oublions que nous avons deux voisins pas commodes, la Syrie et Israël. Oublions les zones de non-droit et les zones de droit privé aux quatre coins du Liban, notamment la Banlieue-Sud et les douze camps palestiniens. Oublions la guerre civile de nos voisins et le 1,5 million de déplacés syriens réfugiés au pays du Cèdre. Oublions également que notre pays ne dispose ni d'eau ni d'électricité 24h/24 depuis trente ans. Oublions dans la foulée la crise des déchets qui est comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Oublions la pollution de l'air, des terres et de la mer. Oublions la double peine qui frappe le pays où coulaient jadis le lait et le miel avec la défiguration des montagnes pour construire des immeubles et des maisons laids. Oublions Escherichia Coli et ses friends. Oublions ta2élit el dam, wel manyaké, wel ghalaza, wel satlané. Et supposons que sur tous ces paramètres, le Liban est la 8e merveille de l'Histoire de l'humanité et se tient prêt à accueillir le monde. Pour plus d'efficacité, je vous propose de n'aborder que trois paramètres sur lesquels nous pouvons agir aisément et qui peuvent avoir des conséquences importantes sur la fréquentation touristique.
Si la chaleur au Liban en général et à Broumana en particulier impose le port d'un short l'été par les fonctionnaires de police de sexe féminin, non seulement il faut que ça soit un choix et non une obligation, mais en plus, il faut mettre hommes et femmes à pied d'égalité. Eh oui! Et si à cause du changement climatique, cette chaleur devient étouffante et impose le port du maillot un jour, il conviendrait d'anticiper cette évolution néfaste en boisant toutes les rues et routes du Liban avec de grands arbres -ficus, peupliers, eucalyptus, platanes, pins, noyers et cèdres du Liban- qui offriront aux policiers comme aux citoyens, une ombre précieuse et rafraichissante.
Nous ne disposons à Beyrouth que de 0,4 million m² de verdure pour 1,4 million d'habitants, alors qu'à Paris, les 2,2 millions de résidents disposent de 24 millions m² de verdure, et les 3,4 millions de résidents de Berlin en ont 64 millions m². Alors au lieu de perdre son temps sur cette attraction folklorique, Pierre Achkar aurait mieux fait de lancer un ambitieux projet de boisement des rues et routes de sa commune, qui ne manquera pas de séduire les touristes occidentaux.
Parmi les autres facteurs rédhibitoires pour des ressortissants venant de pays occidentaux, il y a le transport! Qu'est-ce que le Liban offre à un couple ou une famille occidentale qui débarque au Liban aujourd'hui? Ah ha! Des transports en commun? Ils sont nases. On n'est même pas capables de mettre une liaison digne de ce nom entre l'aéroport Rafic Hariri et le centre-ville, comme pour toutes les villes du monde! On n'est pas capables non plus de distinguer les taxis/services par une couleur unique! Nooon, il faut garder les insupportables bip-bip, "la wein ya estez"? Et les bus? Infréquentables. Ah, mais il y a les locations de voitures? Wlak, je connais des expatriés "libanais depuis plus de dix ans" qui n'osent plus conduire au Liban! Quiconque s'aventure sur les routes libanaises, sait qu'il risque un accident toutes les 5 minutes.
Et les trains? Le désastre qui résume la malédiction qui frappe le Liban. Nous avions des rails le long du littoral et à travers les montages et la plaine de la Bekaa. 408 kilomètres au total svp! Vous imaginez l'intérêt sur le plan touristique si des responsables visionnaires les avaient gardés : quelle magnifique traversée ça ferait! Et l'impact sur les embouteillages pour désengorger des axes routiers devenus l'enfer quotidien des Libanais et diminuer la pollution atmosphérique! Nous avions même une liaison ferroviaire Beyrouth-Damas, vous vous rendez compte?
C'était un train de montagne. La ligne a été construite par une société française en 1895 svp, les gares étaient d'inspiration française, les rails étaient belges et les locomotives suisses. Au Liban, 92 km passaient par Baabda, Jamhour, Araya, Aley, Bhamdoun, Sawfar, Daher el Baïdar, Saadnayél, Zahlé et Riyak. En Syrie, 25 km passaient par Serghaya, Zabadani, Madaya, Deir Qanoun, Achrafiet Wadi Barada et Mazzéh. Le train « Beyrouth-Damas » traversait le Mont-Liban et l'Anti-Liban. D'une altitude du niveau de la mer, il montait jusqu'à 1 487 m avant de descendre jusqu'à 680 m.
C'était l'équivalent du Bernina Express, le train de montagne suisse qui part de Coire, située à 593 m d'altitude, qui traverse le canton des Grisons et les Alpes orientales, passant par un col à 2 253 m, avant de descendre vers la Lombardie et se garer à Tirano, la commune italien située à 429 m d'altitude. Les paysages qu'il traverse sont à couper le souffle, au point que la ligne a été classée il y a une dizaine d'années, patrimoine mondial de l'Unesco.
Parmi les autres facteurs rédhibitoires pour des ressortissants venant de pays occidentaux, il y a le transport! Qu'est-ce que le Liban offre à un couple ou une famille occidentale qui débarque au Liban aujourd'hui? Ah ha! Des transports en commun? Ils sont nases. On n'est même pas capables de mettre une liaison digne de ce nom entre l'aéroport Rafic Hariri et le centre-ville, comme pour toutes les villes du monde! On n'est pas capables non plus de distinguer les taxis/services par une couleur unique! Nooon, il faut garder les insupportables bip-bip, "la wein ya estez"? Et les bus? Infréquentables. Ah, mais il y a les locations de voitures? Wlak, je connais des expatriés "libanais depuis plus de dix ans" qui n'osent plus conduire au Liban! Quiconque s'aventure sur les routes libanaises, sait qu'il risque un accident toutes les 5 minutes.
Et les trains? Le désastre qui résume la malédiction qui frappe le Liban. Nous avions des rails le long du littoral et à travers les montages et la plaine de la Bekaa. 408 kilomètres au total svp! Vous imaginez l'intérêt sur le plan touristique si des responsables visionnaires les avaient gardés : quelle magnifique traversée ça ferait! Et l'impact sur les embouteillages pour désengorger des axes routiers devenus l'enfer quotidien des Libanais et diminuer la pollution atmosphérique! Nous avions même une liaison ferroviaire Beyrouth-Damas, vous vous rendez compte?
C'était un train de montagne. La ligne a été construite par une société française en 1895 svp, les gares étaient d'inspiration française, les rails étaient belges et les locomotives suisses. Au Liban, 92 km passaient par Baabda, Jamhour, Araya, Aley, Bhamdoun, Sawfar, Daher el Baïdar, Saadnayél, Zahlé et Riyak. En Syrie, 25 km passaient par Serghaya, Zabadani, Madaya, Deir Qanoun, Achrafiet Wadi Barada et Mazzéh. Le train « Beyrouth-Damas » traversait le Mont-Liban et l'Anti-Liban. D'une altitude du niveau de la mer, il montait jusqu'à 1 487 m avant de descendre jusqu'à 680 m.
C'était l'équivalent du Bernina Express, le train de montagne suisse qui part de Coire, située à 593 m d'altitude, qui traverse le canton des Grisons et les Alpes orientales, passant par un col à 2 253 m, avant de descendre vers la Lombardie et se garer à Tirano, la commune italien située à 429 m d'altitude. Les paysages qu'il traverse sont à couper le souffle, au point que la ligne a été classée il y a une dizaine d'années, patrimoine mondial de l'Unesco.
Au Liban, ce patrimoine inestimable est tombé aux oubliettes, des imbéciles ont rayé les rails de la carte et tout ce que ce professionnel du tourisme des temps modernes a trouvé pour attirer les Occidentaux, c'est de déguiser des midinettes en policières et en short! Vous parlez d'un déclin!
De ce qui attirent les Occidentaux, et même les Libanais qui font du tourisme interne, s'il ne faut sélectionner qu'un facteur, c'est sans l'ombre d'un doute des chambres d'hôtels de qualité et bon marché. Cette catégorie manque cruellement au Liban. Tout le monde n'a ni les moyens ni l'envie de se loger dans des hôtels chers et snobs, genre Le Gray, Four Seasons, Albergo, Intercontinental, Summerland, Phoenicia, Riviera et j'en passe et des meilleurs.
Question Occident, Pierre Achkar semble être complètement à côté de la plaque. Ce qui fera venir les touristes, orientaux comme occidentaux, ainsi que les Libanais du pays et de la diaspora, ce n'est certainement pas cette initiative grotesque. Cela n'attirera que des badauds à bedaine de Broumana et des alentours. Ce qui attire les touristes c'est un triptyque qui comprend un cadre de vie agréable (dans un pays où l'on crève de chaleur 4 mois dans l'année!), des transports confortables (dans un pays embouteillé en semaine comme le weekend) et des hôtels abordables (dans un pays concentré sur l'hôtellerie de luxe).
Ainsi, pour parvenir à séduire la masse de touristes, il faut:
• primo, embellir les rues et les routes du Liban avec de grands arbres d'ornement, qui cacheront la laideur architecturale et les tours hideuses, et arrêter de mutiler les arbres des trottoirs, pour en faire de stupides boules décoratives! ;
• secundo, mettre en place un réseaux de transports en commun dignes de ce nom à Beyrouth et entre la capitale et les principaux sites touristiques libanais, qui soient sûrs, propres, climatisés, avec des horaires précis pour les allers et pour les retours! ;
• tertio, développer l'offre hôtelière et la restauration de qualité et bon marché ; tout le monde n'a ni les moyens ni l'envie de se loger dans l'hôtel pompeux de Pierre Achkar, le « Printania Palace », et de manger dans l'une des enseignes snobs chapeautées par la société « Printania Revival » (qui est dirigée par son fils, Georges Achkar), dans les clusters de « Printania Garden » et de « Printania Villa ».
Et ce qui est fâcheux dans toute cette histoire c'est que Pierre Achkar -en plus d'être président du conseil municipal de Broumana, propriétaire de « Printania Palace » et gérant d'un business familial très florissant via « Printania Revival »- est à ses heures perdues « président du syndicat des hôteliers du Liban ». Nous n'arrêtons pas de critiquer l'Etat libanais et ses graves défaillances, enno weiniyé el dawlé!, élevant systématiquement l'entrepreneuriat privé au rang du modèle à généraliser à tous les domaines de la société au Liban, alors que l'affaire Pierre Achkar est un exemple parmi d'autres qui montre les graves défaillances du secteur privé au pays du Cèdre. Comment se fait-il que c'est à Bakhos Baalbaki que revienne la tâche de rappeler quelques évidences en matière de tourisme visant les ressortissants des pays occidentaux au « président du syndicat des hôteliers du Liban »?
Pendant que Pierre Achkar s'enorgueillit de sa mesure stupide et sexiste, de déguiser des midinettes en policières et de les habiller en short, Bakhos Baalbaki est allé faire une petite recherche sur « Booking.com », un des sites de référence pour les réservations hôtelières dans le monde. Je me suis mis dans la peau d'un couple occidental, Emmanuel et Brigitte, de la classe moyenne supérieure, qui peut se permettre de partir en vacances mais qui est regardant sur son budget. Il décide d'aller se ressourcer quelque part, le weekend du 10 août. L'offre d'hébergement sur « booking.com » englobe tout type d'établissements: hôtels, appartements, B&B, chambres d'hôtes, gîtes, maisons, villas, chalets, camping, auberges, motels, lodges, etc. Inutile de préciser que dans mon exemple, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait pas être que fortuite !
Tiens, Emmanuel et Brigitte pensent d'abord au Liban, Dieu merci. Hélas, notre pays ne leur offre que 250 établissements en dessous de 110 $/nuit, soit près de 33% de l'offre global d'hébergement au pays du Cèdre, un tiers des 764 possibilités. C'est déjà pas mal dirait Pierre Achkar! Peut-être bien, mais notre couple occidental hésite avec la Grèce, 13e pays le plus touristique au monde, un pays splendide à la cuisine exquise. Eh bien, figurez-vous que là-bas, il aura à sa disposition 48% des 13 630 hébergements, soit 6 529 possibilités de se loger à moins de 110 $/nuit, la moitié de l'offre global d'hébergement dans le pays.
Précision démographique très utile, la Grèce c'est près de 11 millions d'habitants, disons deux fois la population vivant au Liban (tout dépend si on compte les réfugiés syriens ou pas). Pour être à la hauteur de la Grèce, le Liban doit séduire 25 millions de touristes par an et leur offrir 6 800 établissements (au lieu de de 764), dont 3 250 à moins de 110 $/nuit (au lieu de 250). Face à ce désastre, le président du syndicat des hôteliers du Liban n'a rien trouvé de mieux que cette ridicule histoire de midinettes et de short.
Et si nos aventuriers décident de partir en Turquie, 10e pays le plus touristique au monde, pays aussi superbe et à la cuisine aussi exquise, à l'origine d'une grande partie de la nôtre, alors là, ils auront l'embarras du choix : 9 534 hébergements à moins de 110 $/nuit, soit près de 60% de l'offre global d'hébergement dans le pays, pas très loin des deux tiers quand même.
Et si nos tourtereaux décident d'aller en Italie, en Espagne ou en France (respectivement 5e, 3e et 1re destination touristique au monde), même topo, ils auront plus d'offres bon marché qu'au Liban : 38%, 43% et 46% des hébergements à moins de 110 $/nuit. La différence est énorme! Alors, qu'est-ce qu'il en pense le président du syndicat des hôteliers du Liban?
Le verdict est donc sans appel.
• Primo, l'offre global d'hébergement touristique au Liban est insuffisante : moins de 800 hébergements (dans mon exemple, un séjour pour un weekend au mois d'août), contre près de 15 000 pour la Grèce ou la Turquie, 33 000 pour l'Espagne ou la France et jusqu'à 75 000 pour l'Italie.
• Secundo, l'offre global d'hébergement touristique au Liban est chère par rapport aux grands pays touristiques du monde et surtout, inadaptée aux besoins des ressortissants des pays occidentaux. Un tiers de l'offre libanaise seulement se situe en dessous des 110 $/nuit, alors qu'entre la moitié et les deux tiers des offres de la Grèce et de la France est au-dessous de ce seuil. Et c'est même pratiquement l'inverse en Turquie! Et si notre couple d'Occidentaux peut se permettre d'aller jusqu'à 170 $/nuit, ce qui constitue un budget d'hébergement élevé (3 600 $ pour 3 semaines de vacances et pour 2 personnes sans enfant!), il aura à sa disposition seulement 61% des hébergements au Liban, alors qu'il peut avoir près de 71% de l'offre global d'hébergement de la Grèce ou de l'Italie, 73% de celle de la France et jusqu'à 79% de celle de la Turquie.
• Tertio, il est clair que la décision du président du conseil municipal de Broumana, Pierre Achkar, de déguiser des midinettes en policières et en short, est une mesure superficielle qui est surtout destinée à faire le buzz et à booster le tourisme local (exclusivement à Broumana) et le business familial des Achkar père et fils, patrons de « Printania Palace » et de « Printania Revival » (hôtels et restaurants), comme l'a avoué Pierre Achkar lui-même à la BBC, « Ça pourrait être sexy pour certaines personnes ou ordinaire (pour d'autres). Cela dépend de votre éducation », sous-entendant que les gens soi-disant éduqués, comme lui, trouveraient cette mesure, sexy, et les autres, comme vous et moi, ordinaire. C'est c'là oui! Pas de doute les Tontons flingueurs ont raison: « Les cons ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnait ».
On s'en fouterait royalement de cette mesure grotesque si Pierre Achkar n'était pas à ses heures perdues président du syndicat des hôteliers du Liban. Sa fonction devrait le pousser à se creuser la tête pour trouver les moyens d'attirer les touristes occidentaux au Liban à travers des initiatives intelligentes, remédiant à l'handicap du pays du Cèdre, en développant une offre d'hébergement touristique qui soit suffisante, de qualité et bon marché. C'est cela qui séduira les Occidentaux comme les Orientaux, ainsi que les Libanais du pays et de la diaspora.
De ce qui attirent les Occidentaux, et même les Libanais qui font du tourisme interne, s'il ne faut sélectionner qu'un facteur, c'est sans l'ombre d'un doute des chambres d'hôtels de qualité et bon marché. Cette catégorie manque cruellement au Liban. Tout le monde n'a ni les moyens ni l'envie de se loger dans des hôtels chers et snobs, genre Le Gray, Four Seasons, Albergo, Intercontinental, Summerland, Phoenicia, Riviera et j'en passe et des meilleurs.
4 Trois mesures pour stimuler le tourisme occidental, oriental et interne au Liban malgré l'instabilité politique
Question Occident, Pierre Achkar semble être complètement à côté de la plaque. Ce qui fera venir les touristes, orientaux comme occidentaux, ainsi que les Libanais du pays et de la diaspora, ce n'est certainement pas cette initiative grotesque. Cela n'attirera que des badauds à bedaine de Broumana et des alentours. Ce qui attire les touristes c'est un triptyque qui comprend un cadre de vie agréable (dans un pays où l'on crève de chaleur 4 mois dans l'année!), des transports confortables (dans un pays embouteillé en semaine comme le weekend) et des hôtels abordables (dans un pays concentré sur l'hôtellerie de luxe).
Ainsi, pour parvenir à séduire la masse de touristes, il faut:
• primo, embellir les rues et les routes du Liban avec de grands arbres d'ornement, qui cacheront la laideur architecturale et les tours hideuses, et arrêter de mutiler les arbres des trottoirs, pour en faire de stupides boules décoratives! ;
• secundo, mettre en place un réseaux de transports en commun dignes de ce nom à Beyrouth et entre la capitale et les principaux sites touristiques libanais, qui soient sûrs, propres, climatisés, avec des horaires précis pour les allers et pour les retours! ;
• tertio, développer l'offre hôtelière et la restauration de qualité et bon marché ; tout le monde n'a ni les moyens ni l'envie de se loger dans l'hôtel pompeux de Pierre Achkar, le « Printania Palace », et de manger dans l'une des enseignes snobs chapeautées par la société « Printania Revival » (qui est dirigée par son fils, Georges Achkar), dans les clusters de « Printania Garden » et de « Printania Villa ».
5 Pierre Achkar plus occupé à booster le business familial à Broumana qu'à stimuler le tourisme au Liban
Et ce qui est fâcheux dans toute cette histoire c'est que Pierre Achkar -en plus d'être président du conseil municipal de Broumana, propriétaire de « Printania Palace » et gérant d'un business familial très florissant via « Printania Revival »- est à ses heures perdues « président du syndicat des hôteliers du Liban ». Nous n'arrêtons pas de critiquer l'Etat libanais et ses graves défaillances, enno weiniyé el dawlé!, élevant systématiquement l'entrepreneuriat privé au rang du modèle à généraliser à tous les domaines de la société au Liban, alors que l'affaire Pierre Achkar est un exemple parmi d'autres qui montre les graves défaillances du secteur privé au pays du Cèdre. Comment se fait-il que c'est à Bakhos Baalbaki que revienne la tâche de rappeler quelques évidences en matière de tourisme visant les ressortissants des pays occidentaux au « président du syndicat des hôteliers du Liban »?
Pendant que Pierre Achkar s'enorgueillit de sa mesure stupide et sexiste, de déguiser des midinettes en policières et de les habiller en short, Bakhos Baalbaki est allé faire une petite recherche sur « Booking.com », un des sites de référence pour les réservations hôtelières dans le monde. Je me suis mis dans la peau d'un couple occidental, Emmanuel et Brigitte, de la classe moyenne supérieure, qui peut se permettre de partir en vacances mais qui est regardant sur son budget. Il décide d'aller se ressourcer quelque part, le weekend du 10 août. L'offre d'hébergement sur « booking.com » englobe tout type d'établissements: hôtels, appartements, B&B, chambres d'hôtes, gîtes, maisons, villas, chalets, camping, auberges, motels, lodges, etc. Inutile de préciser que dans mon exemple, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait pas être que fortuite !
6 Offre global d'hébergement touristique : où se situe le Liban? Pas du tout dans la bonne catégorie!
Tiens, Emmanuel et Brigitte pensent d'abord au Liban, Dieu merci. Hélas, notre pays ne leur offre que 250 établissements en dessous de 110 $/nuit, soit près de 33% de l'offre global d'hébergement au pays du Cèdre, un tiers des 764 possibilités. C'est déjà pas mal dirait Pierre Achkar! Peut-être bien, mais notre couple occidental hésite avec la Grèce, 13e pays le plus touristique au monde, un pays splendide à la cuisine exquise. Eh bien, figurez-vous que là-bas, il aura à sa disposition 48% des 13 630 hébergements, soit 6 529 possibilités de se loger à moins de 110 $/nuit, la moitié de l'offre global d'hébergement dans le pays.
Précision démographique très utile, la Grèce c'est près de 11 millions d'habitants, disons deux fois la population vivant au Liban (tout dépend si on compte les réfugiés syriens ou pas). Pour être à la hauteur de la Grèce, le Liban doit séduire 25 millions de touristes par an et leur offrir 6 800 établissements (au lieu de de 764), dont 3 250 à moins de 110 $/nuit (au lieu de 250). Face à ce désastre, le président du syndicat des hôteliers du Liban n'a rien trouvé de mieux que cette ridicule histoire de midinettes et de short.
Et si nos aventuriers décident de partir en Turquie, 10e pays le plus touristique au monde, pays aussi superbe et à la cuisine aussi exquise, à l'origine d'une grande partie de la nôtre, alors là, ils auront l'embarras du choix : 9 534 hébergements à moins de 110 $/nuit, soit près de 60% de l'offre global d'hébergement dans le pays, pas très loin des deux tiers quand même.
Et si nos tourtereaux décident d'aller en Italie, en Espagne ou en France (respectivement 5e, 3e et 1re destination touristique au monde), même topo, ils auront plus d'offres bon marché qu'au Liban : 38%, 43% et 46% des hébergements à moins de 110 $/nuit. La différence est énorme! Alors, qu'est-ce qu'il en pense le président du syndicat des hôteliers du Liban?
Le verdict est donc sans appel.
• Primo, l'offre global d'hébergement touristique au Liban est insuffisante : moins de 800 hébergements (dans mon exemple, un séjour pour un weekend au mois d'août), contre près de 15 000 pour la Grèce ou la Turquie, 33 000 pour l'Espagne ou la France et jusqu'à 75 000 pour l'Italie.
• Secundo, l'offre global d'hébergement touristique au Liban est chère par rapport aux grands pays touristiques du monde et surtout, inadaptée aux besoins des ressortissants des pays occidentaux. Un tiers de l'offre libanaise seulement se situe en dessous des 110 $/nuit, alors qu'entre la moitié et les deux tiers des offres de la Grèce et de la France est au-dessous de ce seuil. Et c'est même pratiquement l'inverse en Turquie! Et si notre couple d'Occidentaux peut se permettre d'aller jusqu'à 170 $/nuit, ce qui constitue un budget d'hébergement élevé (3 600 $ pour 3 semaines de vacances et pour 2 personnes sans enfant!), il aura à sa disposition seulement 61% des hébergements au Liban, alors qu'il peut avoir près de 71% de l'offre global d'hébergement de la Grèce ou de l'Italie, 73% de celle de la France et jusqu'à 79% de celle de la Turquie.
• Tertio, il est clair que la décision du président du conseil municipal de Broumana, Pierre Achkar, de déguiser des midinettes en policières et en short, est une mesure superficielle qui est surtout destinée à faire le buzz et à booster le tourisme local (exclusivement à Broumana) et le business familial des Achkar père et fils, patrons de « Printania Palace » et de « Printania Revival » (hôtels et restaurants), comme l'a avoué Pierre Achkar lui-même à la BBC, « Ça pourrait être sexy pour certaines personnes ou ordinaire (pour d'autres). Cela dépend de votre éducation », sous-entendant que les gens soi-disant éduqués, comme lui, trouveraient cette mesure, sexy, et les autres, comme vous et moi, ordinaire. C'est c'là oui! Pas de doute les Tontons flingueurs ont raison: « Les cons ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnait ».
On s'en fouterait royalement de cette mesure grotesque si Pierre Achkar n'était pas à ses heures perdues président du syndicat des hôteliers du Liban. Sa fonction devrait le pousser à se creuser la tête pour trouver les moyens d'attirer les touristes occidentaux au Liban à travers des initiatives intelligentes, remédiant à l'handicap du pays du Cèdre, en développant une offre d'hébergement touristique qui soit suffisante, de qualité et bon marché. C'est cela qui séduira les Occidentaux comme les Orientaux, ainsi que les Libanais du pays et de la diaspora.