lundi 26 août 2019

Des compteurs d’eau au Liban, enfin ! Mais ce n’est pas suffisant (Art.638)


Depuis le temps qu’on en parle ! Personnellement, j’ai déjà évoqué le sujet une demi-douzaine de fois dans le passé. Toli3 3ala lséna cha3er wou ne7na nqoul, IL FAUT DES COMPTEURS D’EAU AU LIBAN. Ça y est, Mesdames, Messieurs, amis, visiteurs et lecteurs, très chers compatriotes, voilà qu’enfin, en l’an de grâce 2019, à une époque où le changement climatique, l'explosion démographique, l'industrialisation, l'urbanisation, la croissance et la modernisation menacent l’approvisionnement en eau d’une grande partie de l’humanité, l’Etat libanais s’est décidé de facturer l’eau intelligemment en se basant sur la consommation et non stupidement selon le débit.

Installation récente de compteurs d'eau à Beyrouth, dans le secteur d'Achrafieh

Ainsi, désormais, ceux qui laissent couler l’eau à flots pendant des heures 3al chatif wou ghasil el siyarat, en se douchant ou en se brossant les dents, en arrosant le gazon matin, midi et soir, en lançant plusieurs lessives quotidiennement et en renouvelant l’eau de la piscine fréquemment, paieront plus cher que ceux qui utilisent et consomment l’eau comme une denrée rare et précieuse. On ne peut donc que s’en féliciter.

MAIS, comme d’habitude les responsables libanais sont toujours incapables de faire les choses comme il convient. L’installation des compteurs d’eau au Liban pose de nouveaux défis à l’Etat libanais pour deux raisons :

- D’une part, parce qu’installer des compteurs d’eau, et construire des barrages d’ailleurs, sans lancer une campagne de sensibilisation de la population à diminuer sa consommation d’eau, est un acte manqué. Il est donc nécessaire de saisir cette occasion pour apprendre aux Libanais, du biberon au diplôme, de la maternelle à l’université, à ne pas gaspiller l’eau.

- D’autre part, parce qu’installer des compteurs d’eau, et même construire des barrages, sans mettre en route un vaste programme national de remplacement de la tuyauterie, vétuste et qui fuie, manquent singulièrement d’intelligence. Il est donc nécessaire d’accompagner la mise en place des compteurs d’eau par un renouvellement des réseaux de distribution publics et privés.

Ainsi, disons qu’installer de nouveaux compteurs d’eau, c’est bien, sensibiliser la population à ne pas gaspiller l’eau et renouveler les réseaux de distribution de l’eau, c’est mieux. Et combien même, tout cela reste largement insuffisant pour assurer une bonne gestion de l’or bleu. Aujourd’hui, on ne peut que s’interroger sur la démarche bancale de l’Etat libanais :

- D’un côté, nous aimerions savoir que prévoit le gouvernement libanais pour maitriser le gaspillage de l’eau dans l’agriculture ? C’est un secret de Polichinelle, les agriculteurs libanais n’ont aucune notion du « juste nécessaire », vergers et potagers sont noyés dans une eau déviée parfois à partir des sources, sans autorisation et sans contrôle, les habitants des contées à proximité des sources considérant cette eau comme la leur !

- D’un autre côté, nous aimerions savoir également que prévoit le gouvernement libanais pour maitriser la fraude et obliger les fraudeurs à payer leur véritable consommation ? C’est un secret de Polichinelle là aussi, beaucoup de citoyens du cha3eb lebnan el3azim sont branchés illégalement sur le réseau public ou ont trafiqué la tuyauterie de telle façon d’avoir plus d’eau et de payer moins, comme pour l’électricité d’ailleurs. En d’autres termes, que prévoit le gouvernement libanais pour que les honnêtes citoyens de Beyrouth, à Achrafieh et à Hamra par exemple, de Jounieh, de Tripoli, de Beiteddine et de Tyr, qui paient gentiment leurs factures, ne se sentent pas comme des pigeons plumés par un Etat incapable d’appliquer la même loi sur tout le territoire libanais, notamment à l'égard des citoyens malhonnêtes que l'on rencontre aux quatre coins du Liban, dans la banlieue sud de Beyrouth, comme au Kesrouane, au Chouf, au Akkar ou à Baalbek, qui fraudent et ne paient pas leurs factures d’eau ? Dans la foulée, on peut se demander que prévoient les responsables libanais pour faire respecter la loi auprès de 1,5 million de Syriens et 0,5 million de Palestiniens réfugiés au Liban?

Beaucoup d’actions sont nécessaires pour garantir une meilleure gestion de l’eau au Liban. En sus de celles évoquées précédemment, je pense notamment à trois mesures :

. Primo, arrêter de tout bétonner et asphalter, afin que l’eau de pluie puisse remplir les nappes phréatiques de la manière la plus optimale et privilégier l’aménagement de petits lacs artificiels en surface, plus efficaces et plus économiques, aux grands barrages à risque, comme l’aberrant barrage de Marj Besri qui détruira l’une des plus vallées-prairies du Liban dans une zone à haut risque sismique.

. Secundo, imposer la construction de grands réservoirs et de puits, pour la récupération de l’eau pluviale, dans les nouvelles constructions comme dans les anciennes, et dont le volume devrait être proportionnel à la superficie des terrains concernés et aux périodes de sécheresse.

. Tertio, aménager Nahr Beirout (29 km) en un grand lac artificiel (le bassin du fleuve qui traverse la capitale libanaise dépasse les 300 km2 !), l’assainir et le dépolluer, et s’il le faut, dévier certains fleuves, comme Nahr el-Kalb, pour l’alimenter quand il est à sec l’été, afin qu’il devienne une source de vie et l’une des plus belles promenades de la ville. L’état du fleuve de la capitale libanaise est une honte pour tous les responsables libanais qui se sont succédés au pays du Cèdre depuis l’indépendance en 1943. Nahr Beirout était un lieu de culte dédié au dieu grec du soleil, Hélios. Les Romains y avaient construit un aqueduc avec un pont de 240 mètres afin d’alimenter Béryte en eau potable. Fakhreddine le Grand a aménagé un pont à sept arches sur le fleuve. Une légende dit que c’est à son embouchure que saint Georges aurait terrassé le dragon. Les Libanais des temps modernes en ont fait l’un des lieux les plus insalubres du pays où coulaient jadis au temps biblique, le lait et le miel.

L’installation progressive des compteurs d’eau au Liban pose de nouveaux défis au gouvernement libanais pour diverses raisons, à commencer par celle de l'égalité entre les citoyens, les bons payeurs et les mauvais ! On se demande à tout hasard comment un Etat incapable de contrôler les jets de pierre dans le ciel, qui auraient abattu des drones israéliens, et décider en réalité de la paix et de la guerre, peut contraindre les fraudeurs à accepter les compteurs d'eau et à payer gentiment leurs factures d'eau ? En tout cas, l’eau c’est la vie. C’est une denrée rare et précieuse. Son gaspillage de nos jours relève de la stupidité. C’est un luxe qu’on ne peut plus se permettre sur la Planète bleue.