mardi 25 décembre 2012

« AK-47 avec des pâtes au pesto et alla genovese ! » Un jour de Noël, entre BB himself et Bakhos Baalbaki (Art.94)


Hier, le monde était pris d’une hystérie collective contre laquelle l’Union des psychiatres sans frontière n’a rien pu faire, absolument rien. Ça y est, on y était. On a beau essayé d’oublier les fêtes, et bien les fêtes ne nous oublient pas, hélas ! C’est Noël. Ça aurait pu être Mawlad el-Nabawi el-Charif, non c’est Noel, chaque fête en son temps. Et voilà que beaucoup de gens sur Terre se sont affairés hier pour réaliser leurs derniers achats et passer et ressasser en boucle l’éternel et cyclique questionnement de circonstance. Où, comment et avec qui, ont taraudé tous les esprits.

« Alors voyons, à l'église, à la maison ou au resto ? »
Simplifions, l'église c'est pour plus tard. Pour le reste, difficile d’échapper aux clichés, Noël c’est « cosy » à la maison, le Nouvel An c’est « otarie » au resto. « Cosy d’accord mais otarie c’est quoi au juste BB ? » Que je t’explique. Déjà que je déteste les restos en temps normal, le bavardage de fond perturbe mon homéostasie, mais un jour de fête ou pire à Noël ou au Nouvel An, cela me fait toujours penser à ces otaries entassées sur les côtes de Namibie. « Râleur, grognon et rouspéteur ! » Je préfère railleur, moqueur, persifleur, ironique et sarcastique. Dans tous les cas, le mot d’ordre des fêtes de fin d’année pour certains, se distinguer, à défaut de réussir c’est le ridicule qui guette, parfois, même souvent ! Et fort heureusement que le ridicule ne tue pas, car il permet à nous autres d’en rire.

Continuons le questionnement. « En famille ou entre amis ? » La barbe ! Mais non pas celle de père Noël mais celle de l’agacement. Déjà qu’on « se farcit » sa famille -on dit « se coltiner » de préférence, pour la belle famille- 364 jours par an, on peut s’accorder une pause de 24 heures ! Entre amis, et pourquoi pas ? « Eh bien, ça ne se fait pas, Noël est une fête familiale et puis il y a les enfants. Noël c’est la fête des enfants avant tout. » D’accord, les enfants c’est mignon comme tout et blablabla et patati, patata. Mais avouez un peu, un enfant est un être immature et égoïste, qui ne pense qu’à son nombril. Okay, c’est une spécificité puérile aussi, mais il n’empêche que si vous relisez sa liste de cadeaux qu’il a espérés obtenir du père Noël, alors qu’il savait hypocritement et depuis l’âge de 3 ans, que le ramoneur finlandais n’a jamais existé et que ce sont ses vieux qui lui payent tout ça ! « Ah, mais il y a l’innocence et la bonté. » Tu parles, il n’y a qu’à voir les gamins avec leurs semblables. L'enfance est parfois un monde sans pitié qui fait envier celui des adultes. Rappelons-nous comment nous étions lorsque nous avions l’âge de môme. Des anges ?  J’en doute. Des petits monstres oui ! A ricaner sur le petit, le gros, le basané et le ringard, sur l’accent, le vêtement, le cartable et la coupe de cheveux, sur ceci et sur cela. Rien ne change à l’âge adulte. Oui Lavoisier avait raison, mille fois raison : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » L’hypocrisie remplace la franchise et le calcul remplace la spontanéité.
« Reste à savoir si on est vraiment gagnants dans l'histoire ! » Je ne te le fais pas dire mon cher.

Bon, revenons à nos moutons si tu le veux bien. « Mais nonnnnnn BB, le mouton c’est pour Pâques et Eid el-Adha. Voyons, tu n’as pas encore dessoûlé ! » Donc on se demandait très cher(e)s ami(e)s que faire pour le repas festif ? D’accord, on avait dit pas de foie gras cette année car ce délicieux mets est obtenu par le gavage cruel des oies et des canards. La barbarie apprivoisée, non merci, pas sous mon toit. « Tu parles, cette belle résolution tient bon entre deux Noël, dans le meilleur des cas ! Quid de la dinde aux marrons ? » Aux marrons, cause toujours, je dirais même plus, tu oses encore, plutôt aux hormones oui. « Ah, puis parlons de cette insupportable standardisation et uniformisation de tout ! » Absolument ! Téléphone, c’est BlackBerry ou iPhone. Voiture, c’est 4x4 ou 4x4 ! Nez et lèvres, c’est Dr Nader ou Docteur Saab. « Et maintenant même les repas de fêtes ! » Berk. Imaginez 7 milliards d’individus sur Terre -tiens au passage, pour une fois je peux placer ce truc, cela me rappelle un journaliste d’un quotidien libanais de langue arabe qui se veut à scandale, que je tairais le nom par magnanimité, mais qui se reconnaitra, qui parlait au cours d’un talkshow de 3 ou 4 milliards d’individus sur Terre alors qu’on a dépassé les 4 milliards en 1974 ; faut peut-être se mettre à jour de temps à autre !- à la discipline chinoise pour les fêtes, c’est-à-dire, ils veulent tous bouffer de la dinde aux marrons à Noël. Je sais, on peut leur passer la chanson de Renaud l’Hexagone, et souhaiter « les voir crever, étouffés de dinde aux marrons », mais ce n’est pas gentil. Donc comment pensez-vous qu’on pourrait obtenir suffisamment de dindes pour subvenir aux besoins des réveillonneurs et des réveillonneuses de tous les pays ? Voilà, dindons de la farce, régalons-nous d’hormones et Messieurs ne nous étonnons pas si nos seins commencent à rivaliser avec ceux de bobonnes ! Berk encore. « Et pourquoi ne pas manger ce qu’on aime tout simplement. » Tu penses au caviar ? « T’es sérieux ou tu blagues ? » A ton avis ? C’est le mets le plus dégueulasse que l’humanité de tous les temps ait jamais inventé. « On ne dit pas dégueulasse, comme les mômes que tu viens de lyncher, on dit qu’on n’aime pas, point. » Accordé, mais je préfère un cocktail à base de pamplemousse, avec la peau, et de kaki astringent ! Les huitres ? « Heureux que tu en parles. » T’excites pas trop, je n’ai jamais compris l’engouement pour cette chose froide ! On ne sait pas en plus, si elle est morte ou vivante, et si elle ne se recompose pas dans l’estomac comme les Alien. « Mais c’est aphrodisiaque ! » Bof, tu parles, autant prendre un bol de lait et de poudre de cornes de rhinocéros tous les matins. « Tayeb, alors quoi ? » Légende pour légende, je préfère celle de l’ail. Oui je prendrais bien des pâtes à l’ail et à l’huile d’olive, saupoudrées de parmigiano reggiano d’Italie. « Des pâtes à Noël, maa2oul ! Et puis tu ne te rends pas compte, on puerait l’ail toute la soirée. » Figure-toi que j’ai envie de me faire plaisir un jour de fête, donc oui des pâtes à l’ail et basta cosi ! Al dente pour ta gouverne et au pesto et alla genovese si ça te chante.

« D’accord, on arrive à solb el mawdou3, quoi offrir et à qui offrir ? »
Mais putain de bordel de foutaises, pourquoi faut-il offrir quoique ce soit à qui que ce soit le jour de Noël parce qu’on fête l’anniversaire de Jésus, qui n’est plus de ce monde il y a belle lurette. Et encore, s’il y a quelque chose à offrir c’est bel et bien au principal concerné, le petit Jésus. Comme il n’est plus parmi nous, c’est uniquement quelque chose de spirituel qu’on pourrait lui offrir. On ne va pas recommencer avec les rites païens ! « Oh, c’est symbolique et c’est pour faire plaisir. » Tu parles de plaisir ! Pourquoi diable je dois me rabattre à faire un cadeau au nouveau compagnon de mon ex-copine ! Moi, j’ai envie de lui offrir une belle paire de claques, en espérant qu’il suivra les conseils du Christ. Mais il parait d’après mon ex, qu’il le prendrait très mal à Noël. « Pas de souci, tu essayeras à un autre moment de l’année ! » Mais qu’il soit maudit celui ou celle qui a inventé cette pratique commerciale qui conduit parfois à des situations grotesques où vous trouvez sous le sapin de votre hôte, que vous ne connaissez pas d’ailleurs, mais où l’on vous a trainé, au sens propre, en tout cas pour moi, votre nom inscrit sur des étiquettes collées sur un livre de Marc Levy et sur une paire de chaussettes noires avec le lapin de Playboy comme ornement. « Ya 3adra dakhil esmik, malla zalamé ! »

Toujours est-il, après des années de réflexion sur la question, BB himself a décidé que dorénavant il offrira à tout le monde, Bakhos Baalbaki compris, partout où il est invité, et s’il daigne s’y rendre, un AK-47 ! « Dis-moi je rêve ! A moins que je ne me trompe. » Non, tu ne te trompes pas, ce n’est pas un drone pour mater les voisines l’été, ni le dernier modèle de chaine Hifi de Denon pour écouter Sleep with lights on des Wanton Bishops et Bloody Mary d'Oak, ni une PlayStation pour s’amuser avec Lara Croft, mais le célèbre fusil d’assaut de fabrication russe, la Kalachnikov ! « Mais pourquoi ? » Eh bien parce qu'il est si facile à se la procurer, elle n’est pas chère (on en trouve à 700 $ au Liban et même en France !), elle est increvable, elle figure même sur un drapeau, bien de chez nous de surcroit, celui du Hezbollah en l'occurence -j’ai la chair de poule rien que d’en parler, quelle fierté pour les Libanais de se distinguer de la sorte, et quelle stimulation pour l'économie nationale et pour le tourisme de guerre !- et vue les perspectives de croissance des conflits au Liban et dans le monde, c’est un bon investissement d’avenir ! « Tu déconnes grave ! » Bakhos réveille-toi mon coco, c’est le monde qui déconne grave. Plus de 100 000 000 de pièces ont été produites depuis 1947, sans parler des autres fusils d’assaut comme le M16 (USA, 8 000 000 d’exemplaires produits), des armes automatiques qui peuvent tirées de 600 à 900 coups/minute, donner la mort n’a jamais été aussi facile et pas cher !

Et pourtant, la conférence internationale tenue cet été par l’ONU, avec la participation de 193 pays, et qui avait pour but de rédiger le premier traité sur le commerce des armes conventionnelles, s’est achevée sans parvenir à aucun accord. « Merci les lobbys des complexes militaro-industriels ! » Depuis 1990, Amnesty International souhaite intégrer une certaine éthique dans ce « sale commerce ». Une règle d’or qui vise à « empêcher tout transfert d’armes à tout destinataire dès lors qu’il existe un risque substantiel de violations graves des droits humains, du droit international humanitaire ou qui pourrait saper le développement économique et social d’une région du monde. » En vain !

Bon, revenons sous notre sapin. Une fois Noël passé, vous n’êtes pas au bout de vos peines. Rebelote pour le Nouvel An. « Où, comment et avec qui ? », se posent avec plus d’acuité, avec quelques variantes, et une différence, l’absence de cadeaux est compensée par l’explosion de l’hystérie collective. Je n’ai jamais été porté sur Noël ni sur Mawlad el-Nabawi el-Charif, ni sur le Nouvel An du calendrier grégorien, ni sur Ras el-Séné el-Héjriyé, encore moins sur le Nouvel an chinois, pas plus sur les anniversaires des autres, même des êtres qui me sont chers, même sur le mien. Je m’en fous et contrefous de toutes les festivités nationales et religieuses. A chaque fête ou anniversaire, je n’y peux rien, ma première pensée va toujours, non à l’événement lui-même, mais plutôt au plus grand poète arabe de tous les temps, Al-Mutanabbi, et à ce vers intemporel :

عـيدٌ بِـأَيَّةِ حـالٍ عُـدتَ يا عيدُ        بِـما مَـضى أَم بِـأَمرٍ فيكَ تَجديد

Et toute cette intro mes ami(e)s, n’est là que vous préparez chères lectrices et chers lecteurs à la question qui est de loin la plus difficile de toutes, à chaque fête religieuse ou nationale, que l’on soit par omission, égoïste ou écorché vif, ou que l’on soit par conviction, nombriliste ou altruiste : « comment festoyer dans la joie et la bonne humeur alors que des gens souffrent autour de nous, au Liban comme de l’autre côté de l’Anti-Liban, tout près de nous ou à l’autre bout de la planète ? » Eh bien, la solution passe soit par l’introduction d’une dose de schizophrénie dans nos vies, ce qui nous permettra de survivre sans trop de peine dans ce monde de brutes, soit par l’engagement à changer le monde. Enfin, je vous souhaite mes cher(e)s ami(e)s un joyeux Noël. Yalla à votre santé, tous mes vœux pour 2013 !


Réf.

Un télé-achat meurtrier (AK-47) - Amnesty International France
(parodie)
Contre le commerce irresponsable des armes - Amnesty International France (page Facebook)