mercredi 11 décembre 2013

Cachez donc ces seins que les Tartuffe iraniens ne sauraient voir (Art.197)


Prologue

Si les photos mettent en appétit et parlent d’elles-mêmes, ce n’est pas une raison de se priver d’un accompagnement croustillant, n’est-ce pas ? Je vous propose donc une sorte de roman-photo de la couverture médiatique du tirage au sort de l’Iran pour la prochaine Coupe du monde de football. 350 ans séparent Tartuffe des mollahs, et pourtant, tous deux voudraient cacher ces seins qu’ils ne sauraient voir. Récit.

Acte I

Nous sommes le 6 décembre 2013, tous les regards sont tournés vers le Brésil. Il est 17h passé. La cérémonie du tirage au sort des nations pour la prochaine Coupe du monde de football a commencé dans le grand hall de 9 000 m2 d’un luxueux complexe touristique. Celle-ci se déroulera entre le 12 juin et le 13 juillet de l’été prochain. Pas moins de 200 pays transmettent le spectacle. Tout se fait dans la joie et la bonne humeur avec huit grandes stars du foot dont le magnifique Zizou, Zinédine Zidane. Néanmoins, beaucoup de supporters de par le monde retiennent leur souffle, priant pour que leurs pays se retrouvent avec des équipes de petites pointures, et ne pas avoir à affronter les mastodontes du foot dans de mauvaisons conditions climatiques dans un stade au fin fond de l’Amazonie, pour espérer avoir une chance de passer le premier tour et éviter de rentrer bredouille après les trois matchs d’ouverture.

Acte II

Arrive le moment tant attendu à Paris, Berlin, Téhéran et 32 capitales du monde, le tirage au sort de l’Iran par Jérome Valcke, le secrétaire général de la FIFA, la Fédération Internationale de Football Association.

Acte III

Puis vint l’instant du placement de l’Iran dans son groupe de compétition par l’éblouissante présentatrice brésilienne, top-modèle et actrice à ses heures perdues, Fernanda Lima. « F3 » dit-elle aux millions de personnes suspendues à ses lèvres, au sens propre comme au sens figuré. Et l’Iran s’est retrouvé alors dans le groupe F, en 3e position, en compagnie de l'Argentine, du Nigéria et de la Bosnie-Herzégovine.

Acte IV

Zoom out dans la salle. L’Iran est mis à l’honneur. Vue générale de la cérémonie. Les téléspectateurs du monde entier voient s’afficher sur le grand écran, la carte géante de l’Iran pendant quelques secondes.

Acte V

De tout cela, les Iraniens n’ont vu que dalle ! Ils auraient écouté la radio, ils n’auraient absolument rien raté. Dame Anastasie, embauchée en CDI, pour un contrat à durée indéterminée, par les mollahs de la République islamique d’Iran, n’y est pas allée de main morte avec les ciseaux de la censure. Aucune image claire n’a filtré aux 76 millions de ressortissants iraniens. Tout ce qu’ils voyaient sur leur petit écran, c’est une salle plongée dans l’obscurité, des images inversées à ne plus rien comprendre et le logo de la télé iranienne en bas à gauche au lieu d’être en haut. Des caches misères kaléidoscopiques furent créés de toute urgence pour l’occasion. Et pourtant, la télé d’Etat de l’Iran s’était préparée à un très grand show en direct, malgré un léger différé, Révolution islamique oblige, avec de nombreux invités, des footballeurs chevronnés, pour marquer la qualification historique de l’Iran à sa 4e participation à une Coupe du monde. Mais, il y avait un os ! Les spectateurs iraniens avaient vite compris que la mystérieuse formule du jeune présentateur, « nos amis les techniciens font tout ce qui est en leur pouvoir pour diffuser ce qui est possible, en fonction, vous savez, de certaines exigences », cachait plutôt un problème en chair et en os.

Acte VI

Ce problème en chair et en os, le sujet de toutes les convoitises, autant que des censures, c’était la silhouette affriolante de Fernanda Lima, qui transcendait de cette robe moulante, laissant échapper un soupçon de sa généreuse poitrine. Pas de quoi ameuter les pudibonds sans frontières, mais il ne fallait pas bien davantage aux censeurs de la République islamique d’Iran, pour priver la population iranien d’un si beau spectacle. C’est bien dommage.

Epilogue

Cette histoire de censure ne manquera pas de faire penser certains à la célèbre réplique écrite par Molière et mise dans la bouche du personnage principale de sa comédie, Tartuffe ou l’Imposteur, l’hypocrite, faux dévot, qui se présente comme un homme pieux, attaché aux pratiques religieuses (chrétiennes en l’occurrence), alors qu’en réalité il n’est qu’un parasite qui profite de la générosité des autres.

Le voilà, dans l’acte III, à la scène II. Dès qu’il aperçoit Dorine, la dame de compagnie de Mariane, il lui tend un mouchoir et lui dit :

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir.
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées. »

C’est criant de vérité ! Et pour le plaisir de la poésie, je vous livre la suite, la réponse sarcastique de l’intéressée, une féministe dans l’âme :
« Vous êtes donc bien tendre à la tentation,
Et la chair sur vos sens fait grande impression !
Certes je ne sais pas quelle chaleur vous monte :
Mais à convoiter, moi, je ne suis pas si prompte ;
Et je vous verrois nu, du haut jusques en bas,
Que toute votre peau ne me tenteroit pas ! »

Remis à sa place, vexé mais pas dépité, Tartuffe répond:
« Mettez dans vos discours un peu de modestie,
Ou je vais sur le champ vous quitter la partie. »

Un échange délicieux, vous conviendrez ! Vous comprenez donc pourquoi la première de Tartuffe ou l’Imposteur fut chaudement applaudie par le Roi-Soleil au château de Versailles en 1664. Mais sous la pression de l’archevêque de Paris, Louis XIV était contraint par la suite d’interdire à Molière, toute représentation publique de la pièce. Ses ennemis l’accusaient de mépriser le christianisme en donnant une bien mauvaise image de la dévotion et des croyants. Le dramaturge se retournait contre ses détracteurs en leur reprochant d’être de dangereux hypocrites. Finalement, la comédie fut autorisée en 1669 et connut un grand succès auprès des Parisiens.

Nous voilà 350 ans plus tard, la page facebook de Fernanda Lima connut elle aussi un grand succès, un pic de fréquentation inhabituelle, notamment en provenance de la zone du Moyen-Orient. Certains visiteurs, conditionnés par l’interminable propagande du régime des mollahs, venaient l’insulter, la traitant de « pétasse » qui aurait gâché leur plaisir. D’autres, tombés sous le « charme », exprimaient leur indignation devant l’obscurantisme de certains de leurs compatriotes.

Toujours est-il, une telle beauté n’offense que les esprits étriqués qui la souillent de leur simple regard. Qui veut se priver de cette grâce providentielle, qu’elle soit de Dieu, à en croire les religieux, ou qu’elle soit issue du brassage génétique, à en croire la science, n’a qu’à trainer ses yeux laids sur ses petits souliers. Au diable les Tartuffe faux dévots, de tous les temps et tous les lieux, et surtout, de toutes les religions. 

Rideau !

jeudi 14 novembre 2013

« 70 ans d’independence » : le déclin d’un pays se conjugue à tous les temps et à tous les niveaux. L’affaire du billet de la Banque du Liban (Art.192)


L'intention est noble. Et pourtant, la fête a été gâchée par cette coquille. On peut regretter tout de même qu’elle ait échappé aux yeux des concernés. Mais, ce qui m’étonne le plus dans ce nouveau billet de banque ce n’est évidemment pas la faute d’orthographe. D’abord, parce que je n’ai jamais été parmi les premiers de la classe ! Estaghfarallah el 3azim. Faire partie de ces intellos, ces fayots ou ces bolos, dans le langage djeune d’aujourd’hui, Dieu merci, ce n'était pas pour moi. Et puis, celle-ci s’explique aisément par le virage anglo-saxon du Liban depuis bien longtemps, hélas, mille fois hélas. Le français devient petit à petit, une langue de salon, la langue de l’intelligentsia et des snobs, alors que l’anglais gagne toutes les couches et les sphères de la société libanaise, y compris la Banque du Liban, à mon plus grand regret. La France est en partie responsable de ce repli, mais c'est une autre histoire. Il est évident que ceux qui ont travaillé sur ce billet sont aujourd’hui plus imprégnés par la langue de Shakespeare, les films hollywoodiens et les fast-foods que par la french touch, la langue de Molière et le french kiss. Enfin bref, « indépendance » s’écrit avec un « e » en anglais. Bassita. Mais, il n’y a pas que cela.

L’autre raison qui devrait pousser votre œil inquisiteur à l’indulgence, c’est le fait que ces grossières erreurs de français arrivent même en France. Selon une étude récente, 90 % des mails des entreprises contiennent au moins une faute d’orthographe. Beaucoup se souviennent aussi, de la circulaire de novembre 2009 d’Eric Besson, le ministre français de l’identité nationale du gouvernement de Nicolas Sarkozy, achtung  baby à « l’identité nationale », qui devait organiser le grand débat sur l’identité nationale justement, elle comportait une demi-douzaine de fautes d’orthographes. Bon, il faut peut-être comprendre par-là, que la maîtrise de la langue française ne fait pas partie de l’identité nationale de la France ! El7aslo. Restons dans le monde politique. Sachez également que l’on a dénombré une demi-douzaine de fautes d’orthographes dans le communiqué de presse de la présidence de la République française, sous Nicolas Sarkozy, publié à l’occasion de la mort de Danielle Mitterrand en novembre 2011. Décidément, il faut croire que ce mois de novembre ne porte pas bonheur !

A propos, tenez, il y a une semaine jour pour jour, tout le monde s’est afféré pour inaugurer une esplanade à Reims, nommée en hommage au 21e président de la République française, François Mitterrand. 14 ans de règne, donc vous pouvez imaginer combien de fois son nom a été cité et lu. Tout le monde sait que « Mitterrand » prend deux « t » et deux « r », c’est facile à se rappeler, sauf les services de la voirie de Reims. La honte c’est que la faute viendrait de la mairie et non de la voirie. Rajoutez à cela que la capitale du champagne et le chef-lieu de la Champagne-Ardenne est dirigée par des socialistes, les héritiers de François Mitterrand, vous pouvez imaginer l'ampleur de ce petit scandale.

Toujours est-il, le nouveau billet de 50 000 LL émis par la Banque du Liban n’est pas un chef d’œuvre. On est bien d’accord. Mais bon, ce n’est pas non plus une catastrophe. Il devait être mis en circulation le 22 novembre pour commémorer le 70e anniversaire de l’indépendance du Liban de la France, qu’au moins 1,75 million de Libanais regrettent amèrement aujourd’hui. Ah mince, elle est peut-être là, la raison de la bourde ! Tout n’est pas mauvais dans ce billet, quand même. Il y a trop de couleurs (mais ça passe). J'aime bien le palais de Bchamoun au recto (pour ce qu’il représente sur le plan national), ainsi que l’esthétique de l’écriture arabe (masrif lebnan, khamsoun alf lira), le clin d’œil à l’hymne national (ba7rouhou, barouhou) et le « drapeau de l’indépendance » du verso (l’acte de naissance du Liban où figurent les signatures des hommes de l’indépendance). A l’heure où les « chiffres arabes » (qu’on utilise dans les pays occidentaux: 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9), envahissent tous les médias libanais d'expression arabe, il faudrait rendre hommage aux services de l’État libanais qui continuent contre vents et marées, à utiliser les « chiffres arabo-indiens » (qu’on utilisait autrefois au Liban ; les chiffres de mon enfance: ٠، ١، ٢، ٣، ٤، ٥، ٦، ٧، ٨، ٩). Il faut quand même rappeler aux médias libanais d'expression arabe, qu'il y a deux décennies, maxi trois, les chiffres arabes n'étaient utilisés que par le Parti Social-Nationaliste Syrien (el hezb souré el 2awmé el ejtimé3é) ! Alors, de grâce, qu'ils reviennent aux « chiffres arabo-indiens » qui s’associent élégamment et harmonieusement avec l’écriture arabe.

Hélas, le reste du billet relève d’un graphisme enfantin, surchargé et de très mauvais goût, sur lequel il est inutile de s’étendre. Tout le contraire de ce que nous avions autrefois comme le montre ce majestueux billet de 100 livres libanaises (LL). Les pompons de la laideur dans le nouveau billet de 50 000 LL: le choix des fontes (en français et certaines en arabe), la multiplication des fontes (il y en a sept types en arabe !), le drapeau moderne (recto, en haut, à droite) et l’affreux hologramme géométrique du cèdre vert (recto et verso). Ce qui me révolte le plus, ce n’est pas tant ce travail graphique enfantin, que de m’apercevoir que cette mésaventure apporte une preuve de plus du déclin du Liban. Ce billet est moche, mais il est dans l’air du temps. Il colle parfaitement avec ces immeubles laids qui poussent comme des champignons un peu partout au Liban, même et surtout, dans les quartiers soi-disant huppés de la capitale, au Centre-Ville, à Achrafieh comme à Verdun. Et puis, qu’est-ce qu’on s’imagine, on oublie qu’il existe un principe qui gère tous les phénomènes sur Terre : c’est le principe de cohérence.

Dans un Etat où l'on assiste à la destruction de l'atmosphère convivial (dégradation de la cohabitation inter-communautaire, islamophobie, christianophobie, racisme, exploitation, appât du gain, obsession de l'argent, insécurité ambulante, règne des milices, stress du travail, des embouteillages, des doubles factures, des interminables chantiers, etc.); des valeurs humaines (refus de soins, trafic d'organes, frais de scolarité et d'université exorbitants) ; de l'héritage démocratique (assassinats politiques, appauvrissement des débats politiques, Parlement autoprorogé, gouvernement démissionnaire, vacance présidentielle en perspective, loi électorale archaïque, limitation des libertés individuelles, censure omniprésente, intimidation); du patrimoine immobilier (démolition systématique des anciennes bâtisses de Beyrouth, du littoral et de la montagne, pour construire des résidences hideuses et des maisons grotesques de nouveaux riches ; des biens culturels (abandon des sites archéologiques libanais, destruction de l’ancien hippodrome romaine de Beyrouth, destruction du port phénicien de Beyrouth) ; des atouts naturels (bétonnage du littoral, défiguration des paysages par les carrières de sable et de pierre, défiguration des alentours de la forêt des Cèdres à Arz pour le mariage d’un fils à papa, multiples violations dans la vallée sainte de Qannoubine, infâme déchetterie de Saïda, infecte fleuve de Beyrouth) ; de l'environnement (abattage massif des forêts pour construire de la laideur sur des terrains défraichis et se chauffer avec le bois récupéré, mutilation des arbres d’alignement des trottoirs de Beyrouth pour en faire de ridicules boules décoratives, transformation de 2/3 du sous-sol du jardin de Geitawi à Achrafieh en parking) ; de la faune (chasse hystérique des espèces locales et des oiseaux migrateurs, comme l’aigle de Bonelli, une espèce méditerranéenne menacée, pris pour un aigle espion israélien ; aménagement d’une plage réservée aux femmes sur le littoral de Tyr qui empêchera les tortues de mer de se reproduire là où elles sont nées) ; j’en passe et des meilleures, alors franchement, comment peut-on s’étonner après que notre pays imprime un billet de banque aussi nase, alors que nous avions de véritables œuvres d’art jadis ?

Pas de doute, le déclin d’un pays se conjugue à tous les temps et à tous les niveaux, et ce ne sont pas les rooftops qui le compenseront ! De la politique à l’immobilier, ainsi qu’aux créations littéraires, artistiques, médiatiques et monétaires, tous les secteurs peuvent être affectés. Je ne sais même pas pendant combien de temps nous autres résistants, nous pourrons encore résister? Comment voulez-vous que je sache, alors que je ne suis pas très sûr que même notre héritage culinaire échappera à ce déclin. I n'est pas exclu que l'on soit amenés à lancer un SOS bientôt : « Il faut sauver le tabboulé libanais ». Préserver la tradition est aujourd’hui quelque chose de honteux pour certains, qui voudraient tout moderniser, même le hommous. Est-il acceptable d'avoir du mal à manger un bon hommous au pays du hommous ? Wlé maa2oul ! La protection de notre patrimoine est l’affaire de tous, et pas seulement celle de l’État. Wayniyé el dawlé, ne doit pas servir d’excuse pour échapper à l’auto-questionnement : que puis-je faire pour protéger notre patrimoine, inverser la tendance, stopper ce déclin et élever le niveau général ? A trop vouloir attendre l’État libanais, un jour, il sera déjà trop tard.

Post-scriptum

D’après le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salameh, le mot « indépendance » a été correctement orthographié. La faute relevée sur le billet reviendrait plutôt à l’imprimeur. Avouez que nous avons là, une bien curieuse explication !

Non seulement, on ne sait pas par quelle voie mystérieuse le fichier envoyé par la Banque du Liban à l’imprimeur anglais, a pu être modifié sans autorisation, ce qui constituerait une faute grave de la part de l’imprimeur, mais en plus, tout client d’une imprimerie, même d’un « Copy center », sait que la procédure d’usage prévoit dès la réception du fichier numérique une sortie papier que l’imprimeur envoie à son client, pour « correction » justement. Cette copie temporaire du document final, doit être retournée à l’expéditeur, corrigée, datée et signée. Sans la mention « Bon à tirer », apposée sur la copie, aucun imprimeur dans ce monde, aussi insouciant et incompétent soit-il, ne met ses rotatives en marche pour exécuter la commande de son client. Vous pensez bien, dès qu’il s’agit d’argent, personne n’est fou. Surtout s’il faut imprimer le document à 50 000 exemplaires ! Il est clair que le gouverneur de la Banque du Liban a présenté au peuple libanais une excuse bidon pour couvrir des fonctionnaires qui n'ont pas fait leur boulot de contrôle et des artistes qui étaient manifestement en mal d'inspiration.


En tout cas, Riad Salameh a décidé quand même de mettre en circulation le billet en question, comme prévu le 22 novembre. Sur ce point, je suis entièrement d’accord, j'approuve sans réserve cette décision. Détruire ces billets, maintenant qu’ils sont imprimés, ne sert pas à grand-chose. A part gaspiller l’argent public ! Pourvu que le gouverneur financier ait tiré les leçons de cette mésaventure. Riad Salameh est un brillant économiste reconnu, élu à de multiples reprises et par divers magazines comme meilleur gouverneur de banque centrale au Moyen-Orient, mais pas nécessairement un bon graphiste. Encore une fois, ce n’est pas tant la faute d’orthographe qui est la plus gênante dans cette histoire, mais la qualité esthétique de ce billet. Sans l'ombre d'un doute, la Banque du Liban peut faire mieux. Elle l'a longtemps prouvé dans le passé. A bon entendeur, salut !

mercredi 30 octobre 2013

Les niaiseries de Karl Lagerfeld, directeur artistique de Chanel, sur les femmes rondes (Art.189)


Si Karl Lagerfeld a le droit de s’exprimer librement sur tout le monde, n’importe qui a le droit aussi de s’exprimer sur Karl Lagerfeld. Maintenant que la boucle est bouclée et que l’équation est posée, passons à ce qui fâche.

Le couturier allemand n’aime pas voir des grosses dans la mode. Bon, il ne vaut pas plus que ceux qui n’aiment pas voir des pédés dans les films ! J’avoue que c’est plus subtil que cela. En fait, Karl -je m’autorise cette petite familiarité car le styliste totipotent est omniprésent sur le petit écran depuis ma tendre enfance- n’aime pas voir des femmes rondes dans l’univers de la mode. Pourquoi pas. Disons, c’est un peu comme ceux qui n’aiment pas voir des hommes efféminés dans leur champ visuel. Admettons, il faut tout pour faire un monde. Le problème c’est que le créateur de mode a fait état de cette répulsion à plusieurs reprises, dans un livre publié récemment autour de sa personne, « Le monde selon Karl » aux éditions Flammarion (sept. 2013), et lors d’une émission TV. Dans le monde de Karl, « personne n’a envie de voir des femmes rondes sur les podiums ». Waouh, mais c’est le délire ! Mais de quoi et de qui il parle ? A l’en croire, on dirait que Najat Vallaud-Belkacem, la ministre française des Droits de la femme, veille scrupuleusement à l’application d’une disposition législative fictive qui impose à tous les créateurs de mode un quota de 33 % de femmes en surpoids d’au moins 10 kg, à tous les défilés de mode à Paris et dans toutes les villes de plus de 700 habitants des provinces de France et de Navarre ! Tss-tss, la moquette ce n’est pas bon pour la santé, même roulée avec de la marijuana bio. Mais bordel, que Karl Lagerfeld nous explique quelle est la chance d’une femme ronde aujourd’hui de passer sur un podium ? Et puis, qui sont ces mannequins rondes insolentes qui l’ont traumatisé à un point qui l’a poussé à sortir une niaiserie de ce calibre ? On veut des noms ! Évidemment, il n’y en a pas. Des foutaises sur toute la ligne.

En tout cas, on ne cesse de dénoncer régulièrement les diktats de la mode, élaborés par les Karl Lagerfeld en puissance, hommes et femmes confondus, qui imposent depuis des dizaines d’années des maigrichonnes-chétifs sur les podiums. Si cet homme a encore des complexes à 78 ans, que ça soit au niveau sexuel (KL est homosexuel au cas où cela a pu échapper à certains) ou au niveau de la corpulence (KL était un homme souffrant d'obésité sévère, il a perdu 43 kg en 13 mois en l’an 2000), cela se règle sur le divan d’un psy et non à travers un défoulement sur les « femmes rondes ». Ce flagrant mépris à l’égard d’une partie de la population est indigne d’un personnage public, directeur artistique de Chanel, la prestigieuse maison parisienne de haute couture.

Il faut dire que le designer n’est pas à sa première grossièreté. Il y a quelques semaines dans une émission TV (sur la chaine D8), il a expliqué avec la simplicité de tout prétentieux à cinq centimes, que « le trou de la Sécurité sociale, c'est aussi toutes les maladies attrapées par les gens trop gros ». Il fait plus fort que le Front national ! Oui, les personnes en surpoids et obèses sont exposées à des maladies chroniques (cardiovasculaires, diabète, articulaires, etc.). Et alors M. Lagerfeld, on en fait quoi au juste de ces « gens trop gros »? Et pourquoi ne pas dire aussi dans la foulée des niaiseries de moules marinières que « le trou de la Sécurité sociale, c'est aussi toutes les maladies attrapées par les gens qui ont le sida ». Et puisqu’on est échauffé un peu dans cet eugénisme virtuel médiatique, pourquoi se gêner, disons aussi que le trou de la Sécu, c’est aussi tout ce que nous coûtent les vieux de son âge en consultations, en examens médicaux et en médicaments, ainsi que tous les contrôles médicaux des femmes engrossées et toutes les saloperies de virus que ces petits salopards de morveux attrapent au fil des ans, j’en passe et des meilleures. Il est tout simplement lamentable.

Une plainte vient d’être déposée par l’association « Belle, ronde, sexy et je m'assume », qui est associée au comité Miss Ronde France, contre Karl Lagerfeld pour « propos diffamatoires et discriminants ». Quand on y pense, les propos de Karl Lagerfeld sont plus que ça. Ils sont d’une stupidité inqualifiable. Mais personnellement, je n’aurai rien fait, à part écrire ces quelques lignes satiriques sur un personnage qui apparait plus que jamais antipathique au plus haut degré.

Karl Lagerfeld n’est pas vraiment, comment vous dire, un homme sympathique. En tout cas, il n’est pas attachant. Trop froid. Je le vois bien réincarner en serpent. Étant connu pour le sens de la formule, voici un tour d’horizon du personnage pour vous en convaincre, en quelques citations qu’il appelle pompeusement, les karlismes, regroupés dans son livre et son site internet sous la rubrique « karlism ». Alors, commençons par ce merveilleux constat. « J’ai autour de moi des gens jeunes et beaux. J’ai horreur de regarder la laideur. » Tiens, tiens, il est sûr et certain, qu’il ne doit pas avoir beaucoup de miroirs chez lui ! « Je déteste avoir des conversations intellectuelles, seule ma propre opinion m’intéresse. » Comme c’est passionnant ! Il ne manque pas d’air pour un grand nombriliste. L’ancien obèse, comme le montre cette photo, ose balancer à la presse à propos de la chanteuse de Rolling in the Deep, « Le truc du moment c’est Adele. Elle est un peu trop grosse, mais elle a un beau visage et une voix divine ». Et il penserait quoi le bonhomme, quand il apprendra que BB le trouve un peu trop nase, même s’il est talentueux ! Il faudra absolument que quelqu’un lui offre un miroir à Noël, je suis sûr que ça pourrait l’humaniser un peu. « Choupette (sa chatte) est pourrie gâtée. Deux gouvernantes s'occupent d'elle jour et nuit. Elles tiennent un journal intime dans lequel elles notent ses moindres faits et gestes en mon absence. » Pour rappel, KL a 78 ans quand même et dirige trois maisons de mode ! Vous l’avez compris, on a affaire à un narcissique-pompeux de haut calibre, comme le prouve d’ailleurs, l’adresse de son site internet « karl.com » !

Si le directeur artistique de Chanel trouve que les femmes rondes n’ont pas leur place sur le podium, il doit aussi accepter que beaucoup de gens trouvent que Karl Lagerfeld himself est un personnage égocentrique, dépourvu de toute amabilité, ayant une tête à claques, avec une tronche de cake, qui s’habille d’une façon ringarde, parle avec un débit verbal et un accent disgracieux, semble aussi coincé que le cul d’une nonne, et qu’en fin de compte, il ne mérite pas d’être mis sur un piédestal par les médias français et internationaux. Et avant que je n’oublie, pitié, qu’un bénévole se charge de lui expliquer que Halloween, ce n’est pas tous les jours de l’année, mais c’est uniquement la veille de la Toussaint, le 31 octobre ! Voilà c’est dit. Eh oui, il n’y a pas mieux qu’un jeu de rôle, pour qu’il mesure la sottise de ces propos.

Le débat sur la taille des mannequins dans la mode n’est pas nouveau. On sait depuis longtemps que la maigreur est impérative, l’anorexie est tolérée. Plusieurs reportages et documentaires, dont celui de Sara Ziff, « Picture Me : A Model's Diary », cinq années de travail d’un ex-mannequin qui a commencé à défiler à l’âge de 14 ans, fondatrice du syndicat américain « Model Alliance », montrent parfaitement la face noire du mannequinat dans les pays occidentaux. Il s’agit d’un milieu superficiel, dans un monde déconnecté posant de multiples problèmes éthiques concernant à la fois le travail des mineurs, l’exploitation des adolescentes, l’abus sexuel, l’obsession du poids, etc. Les concernés n’en parlent jamais, c’est l’omerta. Les magazines rarement, trop dépendants de la publicité des créateurs de mode.

Question législation, sur les conditions de travail, l’Etat de New York vient d’imposer il y a quelques jours, l’obligation que les mineurs quittent leurs lieux de travail avant minuit dans la semaine (les jours d’école !), minuit trente le weekend. On parle du durcissement des règles de travail des mineurs, et la protection de ces derniers contre les abus. Lol ! Il faut dire qu’on vient de loin. La jeune Ondria Hardin, un mannequin très recherché en ce moment, a posé dès l’âge de 13 ans pour la marque Prada et a défilé dès l’âge de 15 ans pour des marques comme Chanel et Louis Vuitton ! Aujourd’hui, l’âge de ces tops-modèles est fixé à 16 ans, sauf que l’amende prévue en cas de violation de cette règle, progressive, n’est que de 1 000 dollars. En France, si les agences de mannequins ne peuvent pas faire défiler des filles de moins de 16 ans, rien ne les empêchent de les recruter avant. Question poids, c’est le vide juridique et déontologique. Le législateur semble oublier qu’à 16 ans, il s’agit encore de mineures. On se demande par quelle logique absurde, on fait travailler des jeunes filles mineures, et on exploite leur image, alors que le produit final s’adresse à des adultes ! La moindre des choses que l’on puisse dire, c’est qu’il y a tromperie sur la marchandise et publicité mensongère.

A propos, selon une étude publiée par la revue scientifique PLOS ONE en 2012, non seulement les mannequins sont trop maigres mais en plus, le contrôle de la silhouette et du poids, qui tourne à l’obsession chez les femmes, surtout à l’approche des beaux jours et du sable blanc, viendrait des podiums et des magazines. « Il y a là une preuve qu'être constamment entourés de célébrités via les médias contribue à faire adopter aux jeunes filles et aux femmes des pratiques malsaines pour le corps. » Et comment ! Surtout avec des propos tyranniques comme ceux de Karl Lagerfeld. Et puisque j’y pense, ça fait longtemps que j’ai envie de le lui dire. C’est ce soir ou jamais : « Mon cher Karl, il me semble que si vous desserrez le col de votre chemise, votre cerveau sera plus irrigué, vos neurones mieux oxygénés et vous vous porterez comme un charme. On pourra espérer trouver moins d’aigreur et de vanité dans vos propos, plus d’humanisme et de gentillesse. Vous comprendrez également que toutes les conneries ne sont pas bonnes à dire, que certains propos blessent inutilement et que les complexes des célébrités se règlent sur le divan d’un psy, pas dans les médias, encore moins en se défoulant sur les autres. » Allez, sans rancune !

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