Alors
qu’elle n’est même pas fichue d’ouvrir le plus grand espace vert de Beyrouth,
le Bois des Pins, aux résidents libanais -une ouverture qui était censée avoir
lieu il y a plus de 11 ans selon le contrat qui la lie à la région Ile-de-France!-
voilà le dernier délire de l’équipe municipale de Bilal Hamad. Un projet d’autoroute
de 1,3 km sorti des cartons poussiéreux des archives des années 50 en
plein cœur d’Achrafieh ! Il devrait relier l’avenue Charles Helou (zone du
port) à l’autoroute de Hazmieh (route de Damas) à hauteur de Mar Mitr. Le
projet de l’autoroute Fouad Boutros pose plusieurs problèmes majeurs que
tout Libanais devrait connaître car il illustre merveilleusement bien le
tiers-mondisme de certains esprits de nos chers administrateurs.
1. Ce projet
d’autoroute est une atteinte au patrimoine, à l’identité et à l’âme de Beyrouth. Rachid Achkar, le
chargé du Comité de transport au Conseil municipal de Beyrouth, plein d’enthousiasme
précise à propos de ce projet : « Nous
avons une vision à long terme de la ville. Ce projet appartient à une
vision globale des infrastructures routières, ça serait dommage de la désavouer.»
Et pourtant, il devrait savoir que passer
une voie rapide entre des bâtiments datant de l’époque ottomane, c’est tuer
l’âme de Beyrouth. En effet, le tracé actuel détruira une partie d’Achrafieh, en
mutilant gravement des quartiers situés dans la zone La Sagesse-Mar Makhail-Gemmayzé.
Il menacera selon l’association Save Beirut Heritage, une soixantaine de
constructions anciennes dont la moitié d’habitations traditionnelles, incluant les
fameuses demeures aux trois arcs qui font tout le charme de notre capitale.
M. Achkar reconnait pourtant que le projet municipal est une atteinte au
patrimoine : « Le pont sur la
rue d’Arménie est l’élément qui me chagrine le plus, notamment parce que nous
devrons détruire de très belles demeures. » Mais, cela ne l’empêche
pas de dormir ! Décidément, ils n’ont rien compris. C’est à se demander
si le Conseil municipal de notre capitale se donne la peine ne serait-ce que de
lire les signalisations installées à Gemmayzé par exemple : « 7aïy zou tabé3 tourassé »,
quartier à caractère traditionnel ! Et quand on coince Rachid Achkar, il
avoue sans gêne : « On ne fait
pas d’omelette sans casser des œufs. Le projet créera un nouveau flux et
pénalisera certes l’entrée d’Achrafieh. » Wlak tfeh, comme diraient traditionnellement les Libanais écœurés
par tant d’absurdités.
2. Il s’agit d’une
atteinte au cadre de vie des Achrafiotes. La municipalité de Beyrouth prétend qu’une
grande partie de l’autoroute sera enterrée. Faux, rétorquent les activistes. D’après
les plans seulement 300 m le seront ! Passer des voitures qui roulent à 70 km/h
à 10 m du sol et à quelques mètres des appartements des riverains, c’est
condamner tous les immeubles qui bordent cette voie rapide, même ceux situés
dans la 2e, 3e ou 4e rangée ! Franchement, c’est à se demander sérieusement si ce n’est pas
aussi un des buts cachés du projet, expulser la classe libanaise moyenne en
dehors de Beyrouth intramuros afin de préparer le terrain pour racheter les
immeubles anciens, les démolir, et construire à leur place des tours laides
destinées aux richards et aux snobinards Arabes et Libanais ! Et quoi
espérer de plus de « Monsieur circulation » de la municipalité qui
constate avec fatalisme : « Il
n’y a pas de mystère. Il y a des voitures et il faut qu’elles circulent. »
La municipalité de Beyrouth comprend tout de travers. Elle est sans doute l’une
des rares municipalités au monde qui encore en 2013 détruit des habitations
traditionnelles, des îlots de verdure, pour faire de la voiture, sa petite
reine et garde le plus grand espace vert de la capitale fermé au
public ! Je vous ai prévenu, le tiers-mondisme des esprits, c’est une
école de pensée dans nos contrées.
3. Il s’agit d’un
gaspillage flagrant de l’argent public. L’autoroute Fouad Boutros à Achrafieh est financée par
la municipalité de Beyrouth. On parle quand même d'au moins 60 millions de dollars !
Smala fi ba7bou7a hal iyém grâce aux
honnêtes citoyens de la ville, qui payent gentiment leurs taxes municipales depuis
des années, sans trop râler et sans trop exiger en retour. Il sera exécuté
par le Conseil du Développement et de la Reconstruction. De l’avis de tous, il existe des alternatives moins couteuses et plus
respectueuses de l’environnement, de l’homme et de la nature, que le projet
actuel. C’est un gaspillage flagrant de l’argent public, puisque les nouveaux
locataires de la municipalité de Beyrouth font en sorte comme si de 1959 à 2013
-je vous rappelle que le projet date des années 50 !- aucune infrastructure
n’a été réalisé dans Beyrouth, l’avenue Emile Lahoud qui relie le littoral à
Hazmieh n’étant qu’un exemple parmi d’autres! Aucune étude préalable n’a
été menée récemment par la municipalité de Beyrouth pour évaluer sérieusement l’utilité
de l’autoroute en 2013 quant à son influence sur le trafic et les
embouteillages dans Achrafieh, sur le cadre de vie des habitants des quartiers concernés
et sur l’environnement. Ne me demandez pas pourquoi mais le brassage de
l’argent public me rappelle étrangement le brassage de la bière, il y a toujours une
partie du liquide qui s’évapore ! Mais voyons, ce n'est pas par hasard qu’on parle d’argent
liquide.
4. Il ne résout pas
le cauchemar des embouteillages des Libanais. Et ceci pour la simple raison, qu'il ne
s’attaque pas aux sources du problème des embouteillages au Liban : trop
de voitures, peu de transport en commun, centralisation des activités dans la
capitale et des voies de communication inextensibles ! On a une, deux,
quatre ou cinq voitures par foyer. Les transports en commun au Liban sont
une mascarade. Tout passe par Beyrouth. Les rues de la capitale sont exiguës
et les voies qui y mènent sont inextensibles. Ce projet ne s’attaque à aucun de
ces quatre paramètres. La nouvelle autoroute ne fera qu’accentuer les embouteillages
sur les autres axes d’Achrafieh, notamment du côté de Saydé et du côté d’Alfred
Naccache. Yé3né bel mchabra7, avant,
on avait des difficultés pour circuler et du bruit, avec le projet municipal
les Achrafiotes auront plus d’embouteillages et beaucoup de nuisance. Génial.
Merci la municipalité de Beyrouth.
Désespérant
ce pays ! Quand vont-ils comprendre dans cette ville que ce dont les Libanais
ont le plus besoin actuellement ce ne sont pas plus de voitures, plus
d'autoroutes, plus d'immeubles modernes laids, plus d’activités abrutissantes
en tous genres, et plus de projets montés en dépit du bon sens, mais moins de
voitures, moins de klaxons, moins d’interminables chantiers, moins de
poussière, moins de moteurs, wlak
moins de nuisance et de pollution qu’elles soient olfactive, auditive ou
visuelle !
Que
les députés de Beyrouth et les membres du Conseil municipal de la capitale
sachent que certains résidents de la ville s’en foutent royalement de ce
projet. Avant de balancer 60 millions de
dollars par les fenêtres, sur un projet qui ne va pas résoudre le problème de
fond du trafic autoroutier à Beyrouth:
1.
Nous demandons d’abandonner l’idée de faire passer l’autoroute Fouad Boutros à Achrafieh
dans les chambres à coucher des riverains, un projet couteux, inefficace et
nuisible pour les Achrafiotes. Il est encore temps, même si les travaux sont
prévus à la fin de l’année 2013, sur près de 3 ans.
2.
Nous réclamons de stopper immédiatement la destruction des immeubles de taille
humaine de Beyrouth, 2 à 6 étages, pour les remplacer par des tours inhumaines
de 10, 20 ou 50 étages, qui ramènent dans la ville, encore plus de trafic,
alors que les rues de la capitale ne sont pas extensibles, et qui jettent en dehors de Beyrouth la classe libanaise moyenne ! Tenez, au passage, j’aimerai savoir
qui sont ces imbéciles qui ont autorisé à construire une laideur de 50 étages
comme Sama Beirut, binéyé mad7ouché, c’est
vraiment le cas de le dire, entre l’avenue de l’Indépendance et la rue Abed el-Wahab
el-Inghlizé, dont l’entrée et la sortie, tenez-vous bien, se font par une route
à deux voies, une pour l'aller, une pour le retour ! Allah yér7am
trabak ya Alphonse Allais, qui disait « quand
on dépasse les bornes, il n’y a plus de limites », surtout les bornes
de la connerie. Chers administrateurs, sachez que nous aimerions voir dans notre ville plus
d’habitations traditionnelles aux trois arcs plutôt que de hautes tours
modernes, plus de persiennes en bois bleues plutôt que de fenêtres en aluminium
marron et plus de beauté que de laideur. Un peu de bons sens tout de même ! Il
faut renvoyer les promoteurs de tours, à Dbaiyé par exemple, sur La
Marina, une zone qui se situe déjà sur un axe autoroutier, au lieu de les
ramener dans les ruelles et les impasses de la capitale.
3.
Nous souhaitons plus de transports en commun, autres que ces bus de
misère à « 500 LL » où aucune fille ou femme normalement constituée n’ose s’aventurer
si elle n’est pas contrainte, forcée et accompagnée.
4.
Nous voulons plus de taxis dignes de ce nom ! Il faudrait quand même
envisager un jour, avant l’an de grâce 2345, de réglementer et d'homogénéiser les
taxis de Beyrouth et surtout de fixer un certain « standard »,
esthétique et mécanique, qu’on retrouve dans la plupart des capitales de ce
monde. Imposer une couleur, jaune, orange, rouge, bleu, qu’importe mais une
couleur unique obligatoire et reconnaissable à distance, ça éviterait les désagréables et incessants coups de klaxon. Rendre le
compteur obligatoire aussi. Et puisqu’on y est, mettre des bus de qualité entre
l’aéroport de Beyrouth et le centre-ville, wlak au moins pour ne pas apparaitre
ridicules devant les Istanbuliotes !
5.
Nous espérons voir construire plus de parkings abordables en périphérie de Beyrouth, où les
gens pourraient laisser leurs voitures pour la journée pour une modique somme, afin de se rendre à leurs destinations intramuros en bus ou en taxi.
6.
Nous exigeons l’ouverture immédiate du Bois des Pins aux résidents libanais, avec
11 ans de retard, mais son ouverture quand même !
7.
Nous rêvons de plus d’arbres dans les jardins existants et sur les trottoirs.
Etant donné le prix du mètre carré, nous n’espérons plus, ni de nouveau parcs, ni
de nouveaux jardins, ni même de nouveaux squares, mais le reboisement massif
des jardins et des squares existants et surtout de toutes les rues de Beyrouth.
« Des arbres dans toutes les rue de Beyrouth : Yes we can ! » est un
projet peu couteux et réalisable qui bouleversera la vie des Beyrouthins.
8.
Enfin, et c’est sans doute le point qui me tient le plus à cœur, nous
demandons fermement à la municipalité de Beyrouth d’arrêter la transformation
des magnifiques ficus de Beyrouth en de snobinards et de ridicules arbres
d’ornement, taillés en boule ou en cube, dans une ville poussiéreuse et polluée, où il ne pleut pas une
goutte d’eau la moitié de l’année, où il fait plus de 30° six mois durant et
où les Beyrouthins ne disposent que de 0,1 million m² de verdure, alors que les
Parisiens en ont 24 millions m² et les Berlinois 64 millions m² !
Voilà
une partie de nos aspirations. Sachez,
chers administrateurs de Beyrouth, que nous les considérons comme des thèmes
électoraux. Nous vous jugerons aux prochaines élections, législatives de
2013 et municipales de 2016, sur ces points précisément. Vous en faites ce que
vous voulez. A bon entendeur, salut !
Références
Références
Un parking en plein cœur d'un jardin d'Achrafieh : le dernier délire (bis) de la municipalité de Beyrouth (Art.152) par Bakhos Baalbaki
Fête de la musique au jardin de Geitawi le vendredi 21 juin, et pourquoi pas ? (Art.153) par Bakhos Baalbaki
Deux tiers du sous-sol du jardin de Geitawi sera bétonné (Art.155) par Bakhos Baalbaki
Pétition en ligne contre le projet de l'autoroute d'Achrafieh
Mise à jour (1er mars 2014)
On s'active du côté de la municipalité de Beyrouth pour l'autoroute Fouad Boutros à Achrafieh ! BB's BLOGs