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Pour celles et ceux qui ont raté la
saga printanière des locations anciennes, voici un récapitulatif et les
dernières nouvelles du front.
- 1er avril 2014. À la surprise générale, les députés
libanais votent à la hâte et à la dérobée, sans aucune discussion, en un bloc, le
texte de loi concoctée par la commission de Robert Ghanem (14 Mars/Futur) pour
libéraliser les locations anciennes au Liban de la manière la plus sauvage. Cette loi
prévoit la fin arbitraire du régime des « loyers anciens », de
nouveaux contrats de location de 9 ans, avec une hausse progressive des loyers
de 1700 % en pratique, soit près de 1 000 $/mois à la fin de la 5e
année pour un appartement de 100 m² à Achrafieh par exemple, et l’expulsion des
locataires à la fin de la 9e année, sans aucune indemnité ou garantie
de maintien dans les lieux même pour ceux qui seraient capables de payer cette
hausse astronomique de loyer. Seuls deux députés du Hezbollah, sur les 128
représentants du peuple libanais, votent contre cette loi stupide.
- Avril 2014. Ce grave problème social n’intéresse personne du pouvoir. Ni les leaders
libanais (toutes tendances politiques confondues), ni les candidats à la
présidence de la République (ni Michel Aoun, ni Samir Geagea, ni aucun des
candidats en coulisse), ni même les médias du pays (au-delà du minimum syndical
pour informer les gens), ni les autorités religieuses chrétiennes (toutes
communautés confondues). Seules les autorités religieuses musulmanes (aussi
bien sunnites que chiites), manifestent une nette opposition à cette loi inique
et demandent au président de la République de « s'abstenir de signer la nouvelle loi sur les anciens loyers car son
application mettrait un million de personnes à la rue ».
- 7 mai 2014. Le président Michel Sleiman refuse de signer la nouvelle loi. Il décide de ne pas associer son nom, et surtout sa fonction, à
la nouvelle législation parce qu’il a l’intime conviction que la loi de
libéralisation des loyers anciens en l’état, « n’assure pas la justice sociale au Liban ». Le désaveu de Michel
Sleiman du travail bâclé des parlementaires libanais constitue une première
dans les annales de la République libanaise.
- 8 mai 2014. Publication de la nouvelle loi de libéralisation des loyers au Journal officiel quelques heures après le refus du Président de
la République, Michel Sleiman, de la signer, comme si de rien n’était, sans
respecter les délais imposés par la Constitution.
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- 19 mai 2014. En toute logique et en vertu des pouvoirs qui lui sont
conférés, « le président de
la République libanaise, (qui a prêté) serment de fidélité à la Nation
libanaise et à la Constitution, en jurant par Dieu Tout-Puissant d’observer la
Constitution et les lois du Peuple libanais », Michel Sleiman, saisit le Conseil constitutionnel sur la loi de libéralisation des loyers anciens au Liban, à six
jours de l’expiration de son mandat car celle-ci n'assure pas la « justice sociale » et viole par
conséquent, la Constitution libanaise. Il remet en cause certains articles de
la loi, et non la totalité de la loi.
- 21 mai 2014. On apprend par des avocats spécialisés, que cette loi est « illégale » puisqu'elle a été publiée avec 24h d'avance, avant l'expiration du délai
d'un mois dont disposait le Président pour la promulguer.
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Du côté du 14 Mars, on retrouve : Dory Camille Chamoun (député maronite du Chouf / Parti national libéral), Nadim Bachir Gemayel (député maronite de Beyrouth / Kataeb), Fady Haber (député grec-orthodoxe d’Aley / Kataeb) et Elie Marouni (député maronite de Zahlé / Kataeb). Du côté du 8 Mars, on retrouve : Ziad Asswad (député maronite de Jezzine / Courant patriotique libre), Hagop Pakradounian (député arménien orthodoxe du Metn / Tachnag), Nawaf Moussaoui (député chiite de Tyr / Hezbollah), Elwalid Souccariyeh (député sunnite de Baalbeck-Hermel / Hezbollah), Kassem Hachem (député sunnite de Hasbaya-Marjeyoun / parti Baath), Marwan Fares (député grec-catholique de Baalbeck-Hermel / Parti national syrien).
Il est intéressant de constater que
du côté du 14 Mars, trois des cinq députés des Kataeb figurent parmi les
signataires, alors qu’aucun des 26 députés du courant du Futur, ni des 8
députés des Forces libanaises, n’a daigné à le faire, en dépit du fait que les
communautés chrétiennes et sunnites seront frappées de plein fouet par cette
libéralisation sauvage des loyers. Par contre, du côté du 8 Mars, tout le monde
ou presque, est représenté. Il est aussi intéressant de noter qu’aucun député druze
ou sunnite du 14 Mars ne figure sur cette liste, ce qui s’explique aisément par
le fait que la communauté druze n’est pas concernée par cette loi, et que la
communauté sunnite est dominée politiquement par le courant du Futur, qui est en
faveur de la libéralisation sauvage des loyers au Liban.
Autre fait intéressant, un seul
député de Beyrouth, parmi les 19 parlementaires que comptent la capitale
libanaise, où la tragédie des locataires anciens se jouera, a accepté de saisir
le Conseil constitutionnel au sujet de cette libéralisation sauvage des loyers :
Nadim Bachir Gemayel ! Il faut dire que Beyrouth est dominée par le
courant du Futur qui est le principal promoteur de la libéralisation des loyers
anciens au Liban.
C’est noté. Je pense que les électeurs-locataires
de Beyrouth, toutes tendances politiques et appartenances communautaires
confondues, s’en souviendront dans l’isoloir le moment venu, de ceux qui les
poussent à choisir entre le marteau et la faucille : l’acceptation d’une
augmentation de loyer de 1 000 $/mois ou l’expulsion économique des appartements
qu’ils louent depuis des lustres.
- 13 juin 2014. Le Conseil constitutionnel informe les Libanais qu’il
ne peut pas statuer sur le « fond » concernant la loi de
libéralisation des locations anciennes au Liban, car le gouvernement de Tammam
Salam n’a pas respecté la « forme » dans la publication de la loi
dans le Journal officiel. La meilleure ! En effet, comme les intéressés
étaient pressés d’en finir avec cette histoire, ils ont publié le texte le 8
mai, avec 24 heures d’avance, en violation des délais réglementaires fixés par
la Constitution. Le problème c’est que les « sages » du Conseil
constitutionnel, étaient a priori au courant que le Liban ne disposait plus de
président de la République depuis le 25 mai. En renvoyant le texte, ils savaient
pertinemment que ce n’est pas le fantôme du président Sleiman qui pourrait ressaisir
le Conseil quand le texte sera republié, et qu’à l’avenir il n’y aura plus de
recours présidentiel. La décision du Conseil constitutionnel est en soi une
violation des règles démocratiques. C’est affligeant !
- 26 juin 2014. Comme c'était prévisible dans un pays nase qui tient à sa
réputation, la loi a été publiée de nouveau, comme si de rien n’était, en
violation des règles démocratiques les plus élémentaires. Tammam Salam sait que
depuis le samedi 24 mai 2014 minuit, nous n'avons plus de Président, et c'est
le Conseil des ministres qui hérite des pouvoirs et des prérogatives présidentiels,
c'est-à-dire l’institution qui est à l'origine de la loi de libéralisation des
locations anciennes. Alors, comment le Conseil des ministres peut-il saisir le
Conseil constitutionnel et sur quelle base ? Non mais, quel bordel cette
République. Les règles élémentaires démocratiques imposaient au gouvernement de
Tammam Salam, la suspension de la procédure de publication de la loi de
libéralisation des locations anciennes, en attendant l’élection d’un nouveau
président de la République. Mais Tammam Salam, 14 Mars/Futur, est pressé comme
les députés qui ont voté ce texte. Il a d’autres priorités et un autre agenda, sachant
que des trois hauts personnages de l’État libanais avant la vacance
présidentielle, qui avaient le pouvoir de saisir le Conseil constitutionnel au
sujet de cette loi -le Président de la République, le Premier ministre et le Président
du Parlement- seul le chef de l’État, Michel Sleiman, l’a fait. La vacance
présidentielle est aujourd'hui une aubaine pour les défenseurs de cette loi bâclée. On
dirait qu'ils ont fait exprès. Lamentable.
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Sur le plan social, j’en ai parlé en long et en large dans le rapport que j’ai envoyé au président de la République et que j’ai résumé dans un des paragraphes précédents (voir rubrique « Mai 2014 »). Chacun ses valeurs. Vous avez votre Liban, j’ai le mien. Bonne chance les gars !
Mais, la stupidité se situe également au niveau politique. Alors que le chef du courant du Futur, Saad Hariri, donne l'impression, à tort ou à raison, qu'il est aux abonnés absents depuis plus de trois ans, avec une côte de popularité en dégringolade, aussi bien dans la communauté sunnite que dans la communauté chrétienne, et que le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, donne aussi l'impression, à tort ou à raison également, qu'il s’est enlisé dans la bataille présidentielle et peine malgré deux législatives après la seconde Indépendance, à traduire la popularité de son mouvement en un franc succès électoral, comment les dirigeants, les responsables et les conseillers de ces deux partis politiques du 14 Mars, ne voient-ils pas encore que toute « catastrophe sociale » qui découlerait de la mise en œuvre de cette loi injuste dans quelques mois, et qui concernerait près d’un million de personnes, se transformera en une « catastrophe électorale » pour eux ?
Continuez à gaver les gens avec les aventures de Sinbad, de Salah el-Dine el-Ayoubé et de Sykes-Picot et les mésaventures du Hezbollah et de Daech dans les dédales du Croissant stérile, alors que le peuple libanais se trouve condamner à choisir entre le marteau et la faucille de cette libéralisation sauvage des loyers : la résignation à payer plus de 1 000 $ de plus à la fin de chaque mois ou l’exode économique dans son propre pays. Chapeau les gars ! Examen de rattrapage pour les députés de tous bords, pour ressaisir le Conseil constitutionnel et invalider cette loi bâclée, le 11 juillet 2014, dernier délai. A bon entendeur, salut !
Réf.