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Samedi 24 octobre 2015. En
Italie (haut), l'oeuvre « Où allons-nous danser ce soir ? », de Sara Goldschmied et
Eleonora Chirari, exposée au Museion Bozen-Bolzano, s’est retrouvée par inadvertance à la
poubelle. Au Liban (bas), les poubelles se sont retrouvées dans les rues de
Beyrouth à cause des pluies diluviennes et par négligence des politiciens libanais.
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Alors que l’œuvre d’art contemporain, « Où allons-nous danser ce soir ? », de Sara Goldschmied & Eleonora Chirari
créée à même un sol rosé avec des bouteilles de champagne, des confettis et une boule à facettes de disco, pour symboliser
l’insouciance de l’Italie des années 1980, fut ramassée samedi dernier par les
employés chargés du nettoyage du musée d’une ville des Alpes et balancée à
la poubelle par inadvertance, le même
jour ce 24 octobre, les poubelles libanaises composées de bric et de broc, de détritus et
de sacs de toutes les couleurs, étaient
éparpillées par négligence dans les rues de cette ville située au pied du Mont-Liban, pour
y constituer un pendant trash d’art moderne de l’œuvre italienne, et représenter l’insouciance des dirigeants
libanais des années 2000. Et pendant que les pluies diluviennes continuent de s’abattre sur la Méditerranée orientale et que Dame Nature s’amuse à jouer à
l’artiste, pour rappeler aux Libanais l’irresponsabilité de leurs dirigeants, le
ministre libanais de l'Agriculture, Akram
Chehayeb, auteur d’un plan pour sortir de la crise des ordures, a menacé de
« tout révéler » aujourd’hui, si le
blocage de la situation se perpétue, son collègue de la Santé, Wael Abou Faour, a décidé de réunir des
experts pour étudier les risques sanitaires et écologiques du phénomène, et
celui de l’Environnement, Mohammad
Machnouk, est resté préoccuper par le cadrage de sa photo de Florence qu’il
a publiée sur les réseaux sociaux. Mais voyons, pourquoi se presser Messieurs, nous ne sommes qu’au 4e mois de la crise et il
n’y aurait que seulement 400 millions
de kilogrammes de déchets grand maximum qui putréfient aux quatre coins du pays où coulaient jadis le lait et le miel ? Eh rou7o tommo 7alkoun ya chabeb.
Bon, oublions les tocards de politiciens, au Liban et ailleurs, vous pourrez les juger aux prochaines
élections. Ne vous inquiétez pas, il y en aura toujours, même au pays du Cèdre. Il est temps de prendre acte. Le Liban est aujourd’hui une vaste zone
sinistrée (comme le prouvent les images depuis ce weekend), on ne peut pas
compter sur les dirigeants libanais (encore moins sur les fantômes du Parlement comme Gilberte Zouein, dont personne ne connait le timbre de sa voix, en 10 ans de mandat svp, ou le dénommé Okab Sakr, il parait qu’on a pu capter sa présence sur
un cliché photographique pris quelque part entre Istanbul et Moscou!), et nous devons encore prévoir le pire (sur tous les
plans, politique, sociale et écologique). Ce
triple constat nous impose d’agir sur le plan individuel pour circonscrire le
mieux possible cette crise des déchets. Les actions proposées dans cet article, sont inspirées de la crise des
ordures au Liban, mais ont évidemment un caractère universel. Avant d’aller polluer la planète
Mars, on doit se fixer UN objectif
terrestre, zéro poubelle, que nous pourrons réellement atteindre par l’adoption de règles simples à mettre en œuvre. Mais, je
vous préviens, c’est d'une véritable révolution de nos modes de consommation qu’il
s’agira.
1. L’USAGE
DES CABAS ET DES SACS RÉUTILISABLES POUR FAIRE LES COURSES ET DU SHOPPING,
AINSI QU’UNE TAXATION LOURDE DES SACS JETABLES
Pour y parvenir, il faut agir à trois
niveaux. Au niveau des INDIVIDUS,
c’est simple, il faut aller systématiquement
avec son cabas, son panier ou sa poussette pour faire ses courses. Revenir d’un
marché, d’un supermarché ou d’un hypermarché, avec des sacs en plastique doit
devenir quelque chose d’irresponsable et de ringard, sujet de raillerie dans la
rue. Cela limitera le pullulement de ces produits dans la nature et dans le
ventre des pauvres dauphins et des tortues qui daignent encore s’aventurer sur nos
côtes et notre littoral. Le comble en
ces temps modernes, consiste à mettre tous les produits achetés dans une grande
surface, dans des sacs en plastique qu’on dispose dans un caddie, pour aller
ensuite dans le parking les entreposer dans sa voiture, avant de les décharger enfin
dans sa cuisine. Un procédé absurde quand on pense qu’on peut faire la même
chose avec trois cabas sous le bras et deux bacs dans sa voiture, le tout,
réutilisable !
Et comme on ne peut pas compter sur le sens
des responsabilités de tout le monde, l’ETAT
doit intervenir et taxer ces contenants
qu’on récupère dans les grandes surfaces, mais aussi chez les marchands de
fruits et légumes. Nous devons en finir une fois pour toutes avec la gratuité. En Europe, les sacs en plastique sont déjà payants, pas encore au Liban. Ceci doit cesser. Mais, même en Europe, il n'y a pas de quoi pavoiser. Non mais il faut être technocrates, pour croire qu’à 10 centimes, on dissuade les Européens d’en
prendre à la caisse ! Il n'y a qu'à faire un tour dans les grandes surfaces pour s'en rendre compte. La solution ne réside absolument pas dans les sacs jetables biodégradables, dont la fabrication est une source de pollution et qui se retrouvent eux aussi dans la nature après un usage unique. Il est évident, le prix de ces contenants, doit être exorbitant. A 1 euros/dollars
le sac en plastique, tout le monde viendrait avec son cabas.
Les COMMERÇANTS
aussi doivent mettre la main à la pâte. Pour les marchands de fruits et légumes par exemple, grands consommateurs de
sacs en plastique dans tous les pays du monde, Europe incluse (après les courses, les gens en Europe comme au Liban, rentrent à chaque fois avec des dizaines de ces sacs jetables, qui ne sont toujours pas payants, ni en Orient ni en Occident !), on peut imaginer un
système avec de petits bacs pour les pesées, qu’on laisse sur place, les
fruits et légumes achetés sont déversés dans les cabas, paniers et poussettes. C’est
à peu près ce qu’on faisait autrefois partout dans le monde. Alors de deux choses l'une: soit les commerçants le feront de leur propre initiative, soit il revient aux Etats, en Orient comme en Occident, d'imposer le bannissement des sacs en plastique aux rayons fruits et légumes et l'adoption de la pratique de la pesée dans des bacs. Pire encore, les images de fin de marché en France sont scandaleuses. Il est inadmissible de voir toujours en 2015, autant de cageots en bois et en carton qui partent à la poubelle, alors que de tels contenants peuvent être réutilisés. Sans l'intervention des Etats, ces pratiques de gaspillage peuvent perdurer longtemps. Une taxation lourde des cageots dès la fabrication, obligera les marchands de fruits et légumes à réutiliser ces contenants.
Le même raisonnement peut s’appliquer aussi
au SHOPPING où les sacs sont plus
épais, donc beaucoup plus polluants pour l’environnement. Encore une fois, la meilleure façon de ne pas polluer
l’environnement, en Occident comme en Orient, ce n’est pas de recycler les ordures, ou d'avoir des sacs biodégradables ou fabriqués à partir de produits recyclés, mais de réduire le
volume de ses déchets, produits biodégradables et recyclés compris. Pour les sacs
de shopping, les prix doivent être encore plus dissuasifs. 5 euros/dollars le
sac. Chers ? Et alors ? Ce n’est pas la fin du monde d’aller faire du shopping
avec un grand sac de plage en toile ! Il suffit d’y penser avant de s’y
rendre. Oui, c’est osé. Mais, il faut bien comprendre, on ne peut plus continuer
à vivre sur notre planète, unique dans son genre, avec autant d’insouciance et d’égoïsme,
voire de crétinisme caractérisé par un manque d’intelligence flagrant dans nos modes de consommation d’aujourd’hui.
2. LE
RECOURS A SES PROPRES RÉCIPIENTS EN PLASTIQUE LORS DES ACHATS DE TOUS LES
PRODUITS FRAIS
Cela implique d’aller chez le boucher, le
traiteur ou le snack du coin, avec ses propres récipients -je vous ai
prévenu, c’est d'une révolution des modes de consommation qu'il s'agira- avec le bénéfice immense
de limiter la production de déchets. A ce propos, anecdote très instructive. Je me trouvais un jour à Beyrouth dans un supermarché
pour acheter rabtit khebez. Je
rappelle à tout hasard, que les pains libanais sont vendus dans un sac, qui en
contient une demi-douzaine ou un peu plus. Eh bien figurez-vous que la jeune fille
de la caisse voulait, tenez-vous bien, me mettre le paquet de pains, déjà
emballé dans un sac en plastique transparent, dans un autre sac en plastique,
qui lui, est opaque. Nuance ! Je l’ai regardé abasourdi par cette
situation tragicomique en lui disant : « non
mais, pourquoi faire ? » Elle me répondit avec un sourire débile :
« ah, mais c’est plus joli ».
Enfin, il
faut oser et surtout choisir, soit d’aller chez les commerçants avec des cabas
et des tupperwares, soit de s'habituer à rouler, marcher et vivre au milieu de nos propres
poubelles ! Règle générale : éviter les produits dans des barquettes jetables en plastique ou en polystyrène et emballées par du cellophane. Mettre le poulet
grillé et les pommes de terre dans une boite en plastique réutilisable ramenée de chez soi, évitera des sacs
trempés par le gras et leur putréfaction ultérieure à l’air libre, et leur
léchage par les rongeurs. Idem pour les viandes crues, les poissons, les poulets, les
plats cuisinés, les salades préparées, le hoummous, les falafels, etc. Les fromages (et d’une manière générale tous les produits laitiers,
labné compris) et la charcuterie (jambon, etc.) peuvent
aussi être récupérés à la découpe dans ses propres récipients, évitant les produits déjà emballés, et du coup, le gaspillage
d’emballages. Il suffit de présenter les tickets de paiement à la caisse. On peut même imaginer comme une ardoise, où
l’on colle tous les tickets au fur et à mesure des pesées. A la caisse, le
paiement ne sera que plus rapide. Cela demande naturellement la coopération des
commerçants ou des décrets des Etats imposants de tels gestes écologiques. En tout cas, précision utile, tous ces récipients sont
lavables en machine ! Avec un
geste aussi simple, nous produirons ZÉRO emballage à jeter, en ce qui concerne
les produits frais. Cela demande un petit effort et exige d’être audacieux, mais le résultat est extraordinaire. La règle générale à Beyrouth comme à Paris ou à Stockholm, éviter
à tout prix les emballages car n’oublions pas encore une fois, contrairement à ce qu'une majorité d'Occidentaux croient en se donnant bonne conscience, le geste le plus écologique consiste à
réduire ses déchets plutôt qu’à les recycler.
3. LE TRI ET LE STOCKAGE DES PRODUITS A
RECYCLER CHEZ SOI
Quand on sait
que même dans un pays développé comme la France, malgré l’école
obligatoire et le matraquage médiatique, la moitié des Français ne trient pas leurs déchets systématiquement et que les jeunes forment la catégorie d’âge qui recycle le
moins, cela laisse présager le pire pour des pays en voie de développement comme le Liban où jamais aucune campagne sérieuse n'a été menée. En tout cas,
quand on a la chance de se trouver dans un pays où il existe une filière bien
organisée pour le recyclage, c’est un
crime contre la Terre de ne pas trier ses ordures, alors que les bacs se trouvent en bas de
son immeuble ou de sa maison.
Pour le Liban et certains pays en voie de développement, il n’y a
pas encore une filière de recyclage digne de ce nom. Alors, nous devons instaurer un système D, et
ceci jusqu’à nouvel ordre, la mise en œuvre d’un plan B, pour une gestion des
ordures ménagères selon les normes en vigueur dans les pays développés. Il faut trier et stocker les produits
recyclables chez soi. On pourra à tout moment, soit les déposer dans une société qui fait du recyclage, soit appeler
une société de recyclage qui accepte de passer régulièrement récupérer les
emballages. On peut faire le tri dans
son propre jardin, pour ceux qui vivent dans une maison ou possèdent une
résidence secondaire, ou dans son immeuble, dans un coin, une pièce ou une cour, pour les autres. Pour une optimisation
de la place, il faut réduire le volume des plastiques, des canettes, des
conserves et des cartons, en les écrasant.
Trier doit être la 2e obsession de tous celles et ceux qui sont soucieux de l’environnement et d’une
bonne gestion des déchets. On peut dans le but de mieux s’organiser,
réunir la copropriété de son immeuble, ou le pâté de maisons, et mettre en place un système à
plusieurs : pour le tri, mais aussi pour le dépôt des emballages ou
leur récupération par les entreprises de recyclage. Sachez au passage, détail qui a son importance, que les produits recyclables se monnaient et chèrement svp pour l'aluminium et certains plastiques (chaises). Donc, le tri et le recyclage peuvent devenir une source de revenus non négligeable pour une copropriété au Liban ou dans les pays en voie de développement, qui peut couvrir largement les charges pour l'entretien de l'immeuble.
4.
METTRE EN PLACE UN « SYSTÈME D » DE RECYCLAGE
Jusqu’à la mise en œuvre d’un plan B, pour
organiser la filière de recyclage au Liban, mais aussi dans tout pays en voie
de développement qui n’en a pas, il faut
pratiquer le « système D », D pour débrouillardise. Pour
commencer le plus simplement au monde, chaque
MUNICIPALITÉ doit mettre à disposition des citoyens, une liste régulièrement
mise à jour, des sociétés de recyclage qui se trouvent dans le caza dont elle
dépend. Un tract peut être distribué à tous les foyers pour les en informer,
comme pour les conseiller en matière de tri. Et sur ce dernier point, tout le monde doit être de la partie. Le ministre de l'Environnement a mieux à faire à Beyrouth qu'à Florence. Idem pour le Hezbollah, il sera plus utile à Baalbek qu'à Damas.
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Filière de recyclage à Laax, une commune du
canton des Grisons en Suisse, où les habitants amènent eux-mêmes les produits
recyclables au centre de tri. Sur les 4 photos de droite, on trouve les
compartiments réservés aux papiers, aux cartons, aux bouteilles en plastique et
aux objets métalliques.
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De plus, chaque municipalité doit, de sa propre initiative ou obligée par l’Etat
sous peine d’amende (eh oui c’est comme ça que les pays développés
fonctionnent), mettre à disposition de
la population, des lieux où les citoyens pourront venir déposer tous les
produits recyclables, à sa charge ensuite, de les transporter vers les
sociétés de recyclage du caza, choisies d'une façon transparente, soit dit au passage. Ce n’est pas compliqué, les municipalités peuvent le faire d’une
manière définitive, ou même d’une manière temporaire en attendant la mise en œuvre
du plan B, qui mettra de toute façon, encore beaucoup de temps pour voir le jour ou être pleinement opérationnel. Et au lieu que les responsables municipaux râlent
sur le vol par l’Etat libanais d’une partie de leurs taxes, afin de
financer la gestion des ordures par Sukleen (dont le contrat s'est arrêté le 17 juillet 2015), des doléances
relayées naïvement par des activistes de la société civile qui connaissent mal le fonctionnement opaque des municipalités libanaises, ils devraient se débrouiller pour prendre
leur part de responsabilités et circonscrire la crise des déchets dans leurs
communes avec les moyens du bord. Les images de ces trois derniers mois,
sont une honte non seulement pour les dirigeants libanais, ainsi que pour tous les partis politiques représentés au Parlement libanais, mais aussi pour toutes
les municipalités libanaises, celle de Beyrouth en tête, la capitale étant la ville la plus touchée par la crise des déchets ! Cela coutera beaucoup moins cher, de mettre
en place une filière de recyclage avec l’esprit « système D », que de
s’engager dans des projets farfelus.
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Il y a toujours un emplacement pour n’importe
quel produit recyclable. Laax / Grisons (Suisse)
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Et que les responsables municipaux sachent au
passage, que c’est exactement de cette
manière qu’on procède en SUISSE -la Suisse authentique, pas la Suisse d'Orient, une contrefaçon où l’on ne fait que pavoiser à coups de narguilé, que l'on peut skier et nager le même jour- comme le montrent la série de photos que des amis suisses de la région de Laax, une commune du canton des Grisons, m'ont envoyées et que je mets gracieusement à la disposition des (ir)responsables libanais, désolé
de les déranger dans leur hibernation, notamment à notre touriste de Florence et aux bloqueurs de
tout poil du plan B, que j'ai dénoncés dans mon dernier article. Comme on le voit bien sur ces photos, un petit terrain suffit pour y construire un simple hangar, le
compartimenter, et rajouter quelques bennes et de grands sacs réutilisables (bleus) -pour le papier, les
cartons, les bouteilles en plastique, le verre, le métal, le bois, le textile, les
batteries, etc.- et le tour est
joué ! Evidemment, il revient
après aux citoyens d’assumer leur part de responsabilités, en triant les
déchets chez eux, et en les ramenant comme les Suisses vers ces zones
municipales. Mais enfin, il faudra bien choisir, soit nous deviendrons vraiment la
Suisse de l’Orient, soit nous n’avons qu’à rester des imposteurs.
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Recyclage du textile et du bois à Laax / Grisons (Suisse)
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Dans ce but, les municipalités (qui ne sont pas à plaindre, loin de là, au moins
dans les zones où la souveraineté libanaise est exercée, taxes et factures sont payées, à Beyrouth et dans la région du
Mont-Liban justement !), doivent
consacrer dorénavant et jusqu’à nouvel ordre, la priorité financière au dossier
des ordures, au lieu de continuer à inventer sans cesse des travaux publics et d’embellissement
douteux et inutiles : élargissement de routes et construction de murs
en pierres sèches, en trompe-l’œil d'ailleurs car en réalité ces murs sont remplis de béton (l’obsession des villages libanais), mutilation des arbres
(grand dada de la municipalité de Beyrouth), création d’une autoroute au pied
des lits et d’un parking dans l’un des rares jardins publics de la capitale (deux
délires de la municipalité de Beyrouth dans le quartier d’Achrafieh), j’en
passe et des meilleurs. Et avant que je n'oublie, comme les produits recyclables se monnaient, une filière de recyclage, surtout sans ramassage individuel des ordures, peut ne rien couter aux citoyens (contrairement à ce que les vautours des ordures veulent faire croire), surtout dans des pays en voie de développement aux ressources insuffisantes en matières premières. Enfin, un seul mot d'ordre, au
travail. Et que cessent pour une fois, la rouspétance, la fainéantise, l’hypocrisie,
l’abrutissement, la mauvaise foi et les magouilles de certains !
5. L’INCONTOURNABLE
COMPOST
Bon, place maintenant à la détente et aux trois dernières parties
que je préfère. Donc, si on suit le programme énoncé précédemment, il reste évidemment
les déchets végétaux, notamment les
épluchures des fruits et des légumes. Tout le monde a déjà entendu parler
de COMPOST. Beaucoup croit que c’est
difficile à faire, alors que c’est à la portée de tous. Disons pour commencer
que tous les végétaux morts se dégradent avec le temps, quelques soient les
conditions environnementales. Cependant, la mise en compost, sous certaines
conditions, a comme objectif de permettre une dégradation optimale des
végétaux, afin d’obtenir une matière riche et équilibrée, qui peut servir de terreau et d’engrais pour les plantes. Maintenant
que vous connaissez le principe, passons à la pratique. Alors, voyons les détails.
. Emplacement : au fond d’un jardin.
. A faire : y mettre tous vos
végétaux. Déduction, un compost ne contient que des produits d’origine
végétale.
. Seule exception : les coquilles d’œuf.
Mieux vaut les broyer avant. En général, on ne met pas les agrumes. Mais bon,
au point où nous en sommes au Liban !
. A oublier : le noyau d’avocat. A
moins de donner votre compost en héritage.
. Règle de base : il est préférable de
découper les végétaux en petits morceaux pour accélérer la fermentation.
. Matériaux : on peut acheter un
contenant spécialement conçu pour cela. Pas évident d’en trouver au Liban.
Aucun souci, vous pouvez construire un cubage avec des morceaux de bois. Comme
des lego, un marteau et des clous, c’est tout ce qu’il vous faut. Vous pouvez
aussi acheter un conteneur en plastique, comme un petit réservoir d’eau par
exemple. Pas la peine de voir trop grand, car il y a une réduction de volume
importante, par absorption et évaporation de l’eau des végétaux.
. Capacité : un 250 l est largement
suffisant pour un foyer. Si vous voulez y mettre les feuilles des arbres et
l’herbe, prévoyez plus grand, 1 000 l par exemple.
. Nombre : il en faut deux en général.
Un en cours d’usage, l’autre en cours de fermentation.
. Entretien : Pas grand-chose. Enfin,
si, pour une bonne fermentation, veillez sur ces deux points. D’un côté, il est important que le compost reste
humide. Au début et s’il est bien alimenté, il le sera. Mais en été, il
risque de se dessécher vite. Alors, il ne faut pas hésiter à verser un arrosoir d’eau de temps en temps. D’un autre côté, il est important que le
compost reste aérer. L’idéal c’est
de retourner les végétaux de temps en temps avec une fourche. Une humidité
suffisante et une bonne aération, c’est le secret d’un bon compost, qui ne sentira
pas mauvais de surcroit. Eh oui, les mauvaises odeurs sont dues à une fermentation anaérobique, sans oxygène.
. Précaution dans la construction : Coupez
le fond de votre contenant car la fermentation des aliments produits du jus,
qui doit s’évacuer. Faites beaucoup de trous sur les côtés, pour favoriser
l’aération (pour éviter la visite nocturne de quelques hôtes indésirables,
installer une moustiquaire métallique). Et prévoyez évidemment un couvercle.
. Délai : 3 à 6 mois, selon les
conditions. Inutile de vous dire qu’avec un peu de compost, vous verrez vos plantes pousser à l’œil nu et vous boosterez votre potager si vous en avez un, et d'une manière bio svp. Allez, à votre santé !
6. ET
QUE FAIRE DES RESTES ALIMENTAIRES ?
Vous pourrez nourrir les chats et les chiens errants si vous n'arrivez pas à contenir votre amour pour les bêtes, les corbeaux si vous en voyez encore, et renards, chacals, hyènes et loups si vous vous trouvez dans certaines
zones très reculées et si les mâles homos libanus ne les ont pas tué déjà. Vous pourrez aussi prendre
un porc en élevage, ça mange tout. C’est un omnivore comme les cochons d’humains.
Bon, j’avoue que ce n’est pas propre. Vous risquez de transformer votre petit
Versailles en une porcherie. En plus, la viande de porc n’a pas la cote au
Liban. Les Libanais musulmans n’en mangent pas, les Libanais chrétiens s’en méfient et les Libanais laïcs s'en foutent. Et
pourtant, les Français trouvent que tout est bon dans le cochon. Les travers de
porc marinés et grillés sont un régal, et une choucroute sans charcuterie c’est comme un
tabboulé à l’huile de tournesol.
Sérieux, si vous avez un jardin, je ne peux que vous conseiller les poules. Il
parait que ça se développe même en ville et c’est très trendy. Bon, plutôt à Berlin qu’à Beyrouth. Pas besoin d'autorisation spéciale, sauf si vous comptez prendre en charge plusieurs dizaines d'animaux. Les poules sont moins
connes qu’elles n’y paraissent, surtout chapeautées par un coq. Ce mâle est utile à la vie du poulailler, mais pas indispensable. A part les
cocoricos dépaysant du coq, les poules mangent
les restes et vous fabriquent des œufs bio, si leur alimentation
l’est. C'est un animal omnivore. A éviter les pommes de terre crues et les poireaux. C’est dans la pure logique de Lavoisier : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. C'est magique. Moi, j’adore ce principe. Et dans les aliments, l’œuf est une merveille
de la nature. Riche en protéines (deux œufs valent un bon morceau de viande, qui, trop
grillée est cancérigène, comme l’a rappelé l’OMS il y a deux jours) et contient
une grand partie des vitamines et des minéraux dont on a besoin. Ne vous
inquiétez pas, il y a des réservoirs d’une grande autonomie pour les graines et
l’eau. Seuls bémols, il faut s’en occuper un peu quand même (car je rappelle que ce sont des êtres vivants), et surtout, nettoyer
le poulailler. Ah, ne rechignez pas, deux fois par mois, on ramasse la paille souillée et les déchets solides, qui iront sur le compost ou feront le bonheur des arbres d'un verger ou les plantes d'un potage, on en remet
de la neuve, et le tour est joué en moins d’un quart d’heure. Un bon poulailler
ne sent pas ! On en trouve tout fait. Et n’oubliez pas, comme on a convenu,
les coquilles d’œuf partent sur le compost et la boucle est bouclée. J’ignore
toujours si l’œuf est venu avant la poule ou si c’est l’inverse. Mais une chose
est sûre, vous avez zéro poubelle. Enfin presque. Et n'oubliez pas, poulaillers et composts peuvent être gérés d'une manière collective.
7. MESURES
SUPPLÉMENTAIRES POUR ATTEINDRE L’OBJECTIF « ZÉRO POUBELLE »
- Toutes
les habitudes de consommation doivent être revues et corrigées de nos jours. C’est ce
que j’appelle "consommer intelligemment". Règle générale en faisant les courses :
privilégiez toujours le grand format au
petit format. C’est sympa les yaourts individualisés à 125 g le pot, mais
c’est mieux un grand seau de 1 kg. Idem pour les eaux minérales, céréales du petit déjeuner, boissons, jus, lait, bière, canettes (il y en a de 15 cl !), chips, gel douche, shampoing, lessive, produit vaisselle, PQ, etc.
- Les morceaux de sucre, joliment emballés, ainsi que les sachets de sucre, sont à bannir. Inutiles et polluants. Mieux maux acheter un paquet de 100 mouchoirs, qu'un paquet de 10 étuis contenant chacun 10 mouchoirs. C'est pratique les biscuits Speculoos emballés individuellement, pour accompagner un café, mais là aussi, mieux vaux acheter un grand paquet qu'on stocke après ouverture dans un bocal fermé hermétiquement. Ils garderont leur caractère croquant, sans gaspillage d'emballage.
- Les boulangers
libanais devraient revenir aux habitudes commerciales d’autant, la vente du pain à la pièce (rghif) et sans emballage, aux
consommateurs de venir avec leur propre sac en plastique rétilisable ou en tissu, lavable
aussi.
- Les pizzérias,
comme d’autres restaurateurs de produits à emporter, devraient limiter le
gaspillage à outrance d’emballages et de sachets divers. Un carton de pizza
peut servir plus d’une fois. Il suffit que le
livreur transporte la pizza à livrer sur une plaque en inox, lavable.
Ainsi, le carton de la pizza, pourra servir plusieurs fois. Sur place, il
n’aura qu’à la déposer une plaque de four ou sur une planche en bois. Ketchup, moutarde et huile pimentée,
mais enfin, on a tous ces produits chez soi. Alors, dès la commande, il faut
préciser, vous n’en voulez pas, ni de ces condiments, ni des couverts en plastique.
- Nespresso
est un produit qui est loin d’être indispensable pour l’humanité. Gaspiller 1,7
g d’aluminium pour consommer un faux espresso, est un acte de mauvais goût, égoïste
et polluant, quand on sait
qu’on peut se faire des dizaines de vrais expressos italiens pour quelques
grammes d'un sachet de café moulu.
- Dans les chaines de
café, comme Starbucks ou Costa, exigez des
tasses en porcelaine et non de gobelets jetables, fournis par défaut, même
pour une consommation sur place.
- Revenir
au torchon et aux mouchoirs en tissu, au lieu d’abuser de papiers absorbants,
d’essuie-tout, de sopalin et de mouchoirs en papier. Les premiers sont lavables en machine, les seconds
encombrent nos poubelles. En plus, on pourra faire des économies. Mais que
demande le peuple de plus ?
- Non mais franchement, il faut en finir avec l’habitude superflue du
papier cadeau, dont la brève durée de vie a des conséquences désastreuses sur
l’environnement : des milliers et des milliers d’arbres y sont sacrifiés
chaque année dans le monde, et de tonnes et de tonnes de papiers se retrouvent
dans les poubelles. A l’approche des fêtes de fin d’année, ce n’est pas un luxe
d’y réfléchir un peu sur ce genre de foutaises. Osons envelopper les cadeaux avec de beaux tissus réutilisables ! Faisons du papier cadeau quelque chose d'exceptionnel. Et croyez-moi, ce n’est pas
Jésus qui vous le reprochera. « Marthe,
Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour bien des choses. Une seule est
nécessaire », faire plaisir tout en prenant soin de la Planète bleue. Et n'oubliez pas, comme l’habit ne fait
pas le moine, le papier cadeau ne fait pas le cadeau !
- Il serait intéressant de remettre le bidet à l’honneur, ça permettra
d’économiser des tonnes de PQ, de tampons et de serviettes hygiéniques à
l’année, mais aussi d’assurer une meilleure hygiène corporelle. Au passage, au
Liban, comme dans d’autres zones méditerranéennes, on ne jette pas les papiers
toilettes dans les cuvettes mais dans une poubelle, notamment dans les zones
rurales où le tout-à-l’égout n’existe pas.
- Toute
campagne pour circonscrire la crise des déchets au Liban ne doit évidemment pas
oublier les réfugiés, syriens et palestiniens. Même s'ils n'ont pas la tête à cela, ils constituent tout de même 33 % de la
population générale. Et comme tout le monde produit des déchets, même un
réfugié, de ce fait, on est tous responsables de la situation, réfugiés
compris.
- Les
prêtres, les imams et les rabbins dans nos contrées rendraient un énorme service au Moyen-Orient et à Dieu, en parlant plus de paradis et d’écologie, que d’enfer et de
politique. Leurs sermons devraient insister sur le fait que la lutte contre le
gaspillage des ressources de la Terre est forcément un acte béni du Créateur.
EN
GUISE DE CONCLUSION
Il faut vraiment prendre conscience que nous sommes dans un sale pétrin, au
Liban plus qu’ailleurs. Avec des dirigeants tocards, il va falloir beaucoup
d’efforts et d'imagination pour s’en sortir. Près de 6
millions d’habitants, réfugiés compris, sur 10 452 km², c’est l’une
des densités les plus élevés au monde. Nous n’avons pas le choix : soit on entame une révolution de notre
manière de consommer, soit nous allons tous être submergés par nos poubelles.
Mon grand différend avec certains activistes de la société civile, réside dans
le fait, qu’ils ont cherché à tout mettre sur le dos des dirigeants libanais,
en excluant certains (ceux du Hezbollah), à faire des revendications incohérentes et à recourir à des actions illégales, le tout en dédouanant
les citoyens dans cette crise, dans une sorte d’amnistie
générale. Je fais partie de ceux qui croient que ces derniers sont non
seulement responsables de leurs destins et de ce qui leur arrive, mais en plus, ils détiennent
réellement les rênes du pouvoir, à condition qu'ils sachent comment s’en servir.
Nous
pouvons agir sur la source du problème comme sur les décideurs qui sont censés
gérer nos problèmes.
Dans un long article consacré à la crise des ordures, j’ai détaillé comment nous en sommes arrivés là et j’ai donné
quelques pistes réalistes pour s’en sortir. Dans mon dernier article, j’ai
établi la liste des responsabilités,
d’une manière chronologique, pour expliquer aux Libanais pourquoi depuis la mi-juillet la situation va de mal en pis. Sur l’importance
des responsabilités de chacun, mieux vaut zapper, au point où nous en sommes,
ça n’a plus beaucoup d’importance. Il faut circonscrire la crise des déchets.
Pour être positif, disons que toute crise
est une opportunité pour améliorer les choses. Les images choquantes et honteuses, qu’on voit depuis trois mois,
avec l’apothéose de l’éparpillement des ordures ménagères par les pluies
diluviennes, dans les rues de Beyrouth, nous
placent à la croisée des chemins et nous imposent de réagir avec détermination
pour sortir de ce cauchemar qui n’a que trop duré. Nous avons aujourd’hui le
choix, non seulement de résoudre cette crise d’une manière intelligente, mais
aussi une occasion en or pour profiter de cette grave épreuve et devenir plus écologiques. Il faut oser le changement, cette révolution dans nos modes de consommation.
C’est valable au Liban, où la crise des déchets est aigüe, mais aussi pour le
reste du monde, où la crise des ordures est latente. Toutes ces mesures énoncées dans le présent article, sont faciles à
mettre en œuvre et ne dépendent pas de l’Etat, en partie, mais de la bonne
volonté de tout un chacun. S’il est difficile d’arriver à « zéro
poubelle » de nos jours, il faut tout mettre en œuvre pour tendre vers ce noble objectif, qui permettra de préserver les ressources de la Planète bleue et de lutter efficacement contre la pollution et le réchauffement climatique de cette belle perle de l'Univers.
Réf.