jeudi 11 octobre 2018

Pourquoi il a fallu une vive polémique pour qu'enfin César Abi Khalil, le ministre libanais de l'Energie, daigne s'intéresser à l'offre de Siemens ? (Art.563)


Et de surcroît, en octobre plutôt qu'en juin! Si vous êtes pressé ou si vous donnez votre langue au chat, je vous demande d'être patients et curieux, vous en saurez plus à la fin de l'article. Sachez d'emblée, César contre-attaque! Mardi sur OTV (chaine du Courant patriotique libre), vendredi sur al-Manar (chaine du Hezbollah). Et je peux vous dire que personne n'est aussi doué que notre ministre de l'Energie pour se comporter comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Après l'échange surréaliste qu'il a eu avec le PDG de Siemens, Joe Kaeser, 24-27 septembre, auquel j'ai consacré un réquisitoire accablant contre le ministre libanais et qui a eu un très grand succès, soyez-en remerciés, je vous dois de couvrir la suite tragicomique de la mésaventure de notre César national, qui le moins qu'on puisse dire, n'est pas à la hauteur de son prénom, un titre honorifique des empereurs romains et byzantins.

Dietmar Siersdorfer, le directeur général de Siemens Moyen-Orient, 3e en partant de la gauche, présentant les grandes lignes de l'offre Siemens au ministre libanais de l'Energie, comme on le voit sur un des écrans qui se trouve de l'autre côté de la salle. Photo publiée par César Abi Khalil lui-même (lundi 8 octobre)

Quelques jours de polémique et le revoilà de retour, lundi 8 octobre. Au début de la semaine, comme par enchantement, César Abi Khalil a organisé une réunion avec un groupe de travail de la société allemande, mené par Dietmar Siersdorfer, le directeur général de Siemens Moyen-Orient. Extraordinaire initiative, mais qui vient avec trois mois et demi de retard. Cette réunion aurait dû avoir lieu fin juin, tout de suite après la visite de la chancelière allemande, Angela Merkel, accompagnée du PDG de Siemens, Joe Kaeser. Pire encore, cette réunion n'a eu lieu qu'après la vive polémique déclenchée il y a deux semaines, à laquelle j'ai pris part, ce qui prouve que le ministre est coupable de négligence et méritait pour cela un licenciement sec sans solde.

Aussitôt après la réunion, César s'est précipité sur Twitter. D'abord, pour faire savoir : « Notre rencontre est positive avec l’équipe Siemens et son objectif est de clarifier et de lever toutes les ambiguïtés qui se cachaient derrière les rumeurs concernant des offres faites (par Siemens) ». Notez bien « l'objectif » mis en avant par le ministre de l'Energie. Il est clair que ce dernier est préoccupé par redorer son blason, davantage qu'à ramener l'électricité 24h/24 dans les foyers libanais.

Mais encore? Une heure plus tard, le ministre publie une déclaration commune concernant la réunion libano-allemande de la matinée. Et comme si ce n'était pas suffisant, le lendemain mardi, il republie le même communiqué dans la matinée, après avoir surligné studieusement quelques phrases clés, croyant pouvoir avec un Stabilo boss, camoufler la faute grave qu'il a commise en négligeant l'offre de Siemens lors de la visite de Merkel au Liban en juin et dans l'espoir naïf de sauver sa tête la veille de la formation du nouveau gouvernement. « La réunion visait à déterminer comment Siemens pouvait soutenir le plan global du gouvernement libanais visant à moderniser l'infrastructure électrique et à garantir un approvisionnement en électricité fiable et abordable (…) Siemens a présenté une approche visant à amener le système à des normes d'efficacité très élevées concernant toute la chaîne de valeur, de la production à la transmission, la distribution et la collecte, dans des plans à moyen et à long terme. »

César Abi Khalil, ministre libanais de l'Energie, très regardant sur la traduction de l'anglais vers l'arabe et grand amateur de Stabilo boss

Concentré sur son stabiloboss, César n'a pas remarqué que rien absolument rien dans ce communiqué ne contredit les propos tenus par Joe Kaeser, le PDG de Siemens, lors de l'échange qu'il a eu avec lui (24-27 septembre), ou le contenu de mon réquisitoire contre lui (1er octobre). « Oui, nous l'avons fait (proposer ou discuter une offre quelconque avec le gouvernement libanais concernant l'électricité). Au cours de la visite avec notre chancelière, j’ai proposé d’aider à améliorer la valeur de toute la chaîne de l'électricité et de faire venir notre équipe pour évaluer ce qui convient le mieux pour les gens (les Libanais). Aucune réponse du gouvernement (libanais)... L'offre que j'ai faite au gouvernement pour aider à optimiser l'électrification est toujours valable. Les Libanais méritent ça. #La puissance d'une promesse. »

Alors une question s'impose et restera suspendue comme une épée de Damoclès au dessus de la tête de notre César : encore une fois, pourquoi diable, le gouvernement libanais en général et le ministre de l'Energie en particulier, n'ont pas donné suite aux propositions allemandes de juin 2018 et qu'il a fallu une vive polémique pour que le ministre de l'Energie daigne s'intéresser à l'offre de Siemens ? Une telle défaillance ne méritait-elle pas une sanction?


Quelques heures après, imbu de lui-même, César part se réfugier dans les locaux feutrés de la chaine complaisante de son parti, OTV, pour lancer la contre-attaque. Dans la foulée, il prévoit de passer demain vendredi sur al-Manar, la chaîne du Hezbollah, qui a lui aussi contrôlé le ministère de l'Energie pendant plusieurs années (2005-2008).

نبارك للبنان وللبنانيين بفوز مدينة بيروت باستضافة اسبوع الطاقة العالمي للعام ٢٠٢٠
سنستقبل المجتمع الطاقوي الدولي في بيروت في 2020 وذلك لأننا نجحنا ببلوغ هدفنا بإنتاج الطاقة المتجددة قبل الوقت المتوقع ونسير قدماً في هذا القطاع

Du grand n'importe quoi! Et surtout pas de quoi pavoiser et aucun mérite particulier, le monde a voulu honorer le Liban comme d'habitude, pas ses ministres, cela va sans dire. Ça n'a surtout rien à voir avec les batailles donquichottiennes de ce dernier. Pour éviter de se  couvrir de ridicule, César aurait dû se pencher sur l'étude portant sur la qualité d'approvisionnement en électricité des populations dans le monde menée par le World Economic Forum pour 2017/2018. Un petit coup d'oeil et il aurait appris que le pays du Cèdre, n'arrive qu'à la 134e place, sur 137 pays étudiés svp. La Suisse, la vraie, se hisse à la 2e place, la France est 7e, Israël 23e, Arabie saoudite 30e, Grèce 54e, Egypte 63e, Iran 67e, Arménie 77e, Turquie 88e, Sri Lanka 96e, Bangladesh 101e, Ethiopie 109e, Zimbabwe 112e, Népal 118e et Venezuela 128e. Eh oui, le Liban ne fait mieux que trois pays: Haiti, Nigeria et le Yémen. C'est une honte. Quand on tient le ministère de l'Energie depuis dix ans et on affiche une performance aussi médiocre, au pire, on fait profil bas, et au mieux, on dépose sa démission et on va pêcher la sardine en Méditerranée, et qu'ils mettent la canne sur mon compte. A défaut, on rase les murs au lieu de pavoiser sur Twitter.


يهمنا إظهار الحقيقة بدون مواربة ومن لم ينجح في وزاراته سابقاً يهمه نشر الإشاعات والإفتراءات

Hallucinant. Justement, c'est ton cas César et le cas de Gebrane, que tu as conseillé quand il était ministre de l'Energie (2009-2013). Le ministère de l'Energie est contrôlé de facto par le Courant patriotique libre depuis 2008, Bassil y a passé plus de 4 ans et Abi Khalil 2 ans, le reste du temps, c'était entre les mains de deux ministres du Tashnag, un mouvement qui fait partie du Bloc du Changement et de la Réforme constitué autour du Courant patriotique libre. A maintes reprises, tout ce beau monde a promis l'électricité aux Libanais 24h/24 pour 2014-2015. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. C'est donc un fiasco.

منفتحون على كل الشركات وليس "سيمنز" فحسب وذلك ضمن الأطر القانونية المعمول بها في لبنان

Ça y est il recommence! Personne ne lui a demandé de dépasser les lois et les règlements en vigueur au Liban. Et puis, il faut savoir que c'est lui qui les dépasse tout seul, comme le prouvent les irrégularités de son dernier appel d'offres. Il a été épinglé par le comité qui en avait la charge. C'est après un bras de fer avec le parti des Forces libanaises (soutenu par les autres partis politiques), que le Conseil des ministres l'a contraint et forcé d'y revenir et d'étoffer et de durcir le cahier des charges.

Toujours est-il que cette phrase prouve à quel point César Abi Khalil est déconnecté de la réalité. Quand on est un ministre responsable et à la hauteur de la tâche, qu'on apprend que Siemens vient de terminer il y a deux mois un projet pharaonique pour la production de 14 400 mégawatts en Egypte, réalisé en un temps record (moins de trois ans), qu'on découvre que la société allemande est sur le point de signer un autre contrat pharaonique de 11 000 mégawatts avec l'Irak (il y a trois semaines), qu'on sait qu'avec 3 000 mégawatts en sus on peut s'offrir le luxe de climatiser les rues de Beyrouth, qu'on constate que la situation est lamentable depuis 30 ans, que l'on contrôle le ministère de l'Energie depuis dix ans, qu'on n'ignore pas que le Liban a reçu 430 millions $ en 2017 de l'Allemagne et que ce pays participera à l'octroi au Liban de plus de 10 milliards $ de prêts et près de 1 milliard $ de dons, eh bien, on ne continue pas à jouer au plus malin et à faire la fine bouche avec Siemens. Alors de grâce, que le César arrête de répéter cet argument primaire : ah mais il n'y a pas que Siemens !

أصبحنا معتادين على البطولات الوهمية و"الهمروجات" التي يقوم بها البعض عند كل استحقاق وبخاصة قبيل تشكيل الحكومة لتقديم أوراق اعتماد إلى رؤساء أحزابهم

Pas possible ce mec! Paroles d'un connaisseur on dirait. Tiens, comme le prouvent les déclarations donquichottiennes depuis lundi.

المدير التنفيذي للشرق الأوسط في شركة "سيمنز" هو من أصر على استخدام كلمة "شائعات" في بياننا المشترك وهذا ما يلغي كل المحاولات لتضليل الرأي العام

Foutaises. Comme je l'ai rapporté dans mon article, les propos de la chancelière allemande, en juin 2018, et ceux du PDG de Siemens, Joe Kaeser, en septembre 2018, sont on ne peut plus clair à ce sujet. Après sa rencontre avec Saad Hariri le 22 juin 2018, Angela Merkel a déclaré : « Nous voulons aider le Liban à mettre en œuvre ses réformes structurelles (...) Je pense que l’Allemagne peut apporter une bonne contribution, tant dans le domaine de l’énergie qu’en matière de gestion des déchets. » Cette déclaration figure sur le site du gouvernement fédéral d'Allemagne. Ainsi, les dirigeants allemands ont proposé leurs aides, dans les domaines de l'électricité et des déchets, et comme si de rien n'était, les dirigeants libanais se sont offert le luxe de les ignorer pendant plusieurs mois. Il a fallu une vive polémique libanaise en automne pour donner suite à la proposition allemande de l'été.

ه55% من الإلتزامات المالية في مؤتمر "سيدر" مخصصة لوزارة الطاقة ما يؤكد ثقة المجتمع الدولي  بخططنا بغض النظر عن عرقلتها سياسياً

Faux. Cela prouve à la fois l'étendue du désastre et que le CPL en général, César et Gebrane en particulier, qui contrôlent le secteur depuis dix ans, n'ont pas réussi à ramener l'électricité 24h/24. Le reste n'est que palabres, balivernes, wou 2art 7aké.

سيمنز قدمت أفكاراً للتطوير مبنية على خطة الكهرباء التي وضعناها في 2010 وهي مستعدة للمساعدة في هذا القطاع لكن ضمن الأطر القانونية والإدارية أي عبر المناقصات

Mais c'est pour cette raison que tu aurais dû cher César investir dans un bon sac à couchage pour aller camper à Munich devant le siège de Siemens, au départ d'Angela et de Joe le 23 juin 2018, quand l'Allemagne a proposé d'aider le Liban dans ce domaine, afin de discuter nuit et jour et sans relâche pour trouver une solution à un problème qui dure depuis trente ans.

نعاني من نقص في التغذية الكهربائية لأنه لم يتم بناء أي معمل منذ التسعينات حتى اليوم في ظل تزايد الطلب
وضعنا خطة للكهرباء في 2010 لبناء معامل جديدة لكننا بحاجة إلى طاقة مستعجلة الى حين اكتمال هذه المعامل وهنا الغاية من انتاج الطاقة عبر المعامل العائمة

Quel désastre! Cela prouve l'irresponsabilité de l'actuel ministre de l'Energie, César Abi Khalil, comme de l'ancien, Gebrane Bassil. Aucune centrale n'a été construite depuis les années 1990! Même après la fin de l'occupation syrienne du Liban en 2005. Et que fait son parti, le CPL, sachant qu'il contrôle le secteur depuis dix ans? Nazariyett bé 3elm el nabett? Ah non mieux que ça. On a une dette publique de près de 80 milliards de dollars, et le CPL n'a rien trouvé de mieux à faire que de batailler nuits et jours pour louer des centrales flottantes turques pour 850 millions de dollars par an, près de 1% de la dette publique, une somme astronomique qui ne fera que creuser davantage notre dette abyssale et placer le Liban au bord de la faillite économique! Les dirigeants libanais et les entrepreneurs turcs sont pratiquement les seuls au monde à faire de cette stupide idée des navires-générateurs électriques une solution à moyen terme, qui va nous coûter en cinq ans 4,25 milliards de dollars, de l'argent jeté par les fenêtres, dans la Méditerranée et dans les poches des intermédiaires turcs et libanais.

*

La responsabilité de César Abi Khalil dans ce dossier est partagé partiellement avec le président de la République, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, et au-delà, par le Courant patriotique libre et le Courant du Futur en particulier, qui veulent ramener le courant électrique rapidement, en dépit du bon sens, indépendamment du coût. A mon humble avis, ils devraient revoir leur copie et renoncer définitivement à la promotion de l'aberrante idée des centrales flottantes turques.

Quant à savoir pourquoi il a fallu une vive polémique pour qu'enfin César Abi Khalil daigne s'intéresser à l'offre de Siemens, avec trois mois et demi de retard, c'est parce que le ministre libanais de l'Energie est justement préoccupé par justifier cette aberration et par sauver son poste, davantage que par ramener le courant électrique 24h/24, rapidement, durablement et au moindre coût.

Certains Libanais préfèrent vivre à la bougie que de voir leur pays au bord de la faillite, à cause de l'irresponsabilité et de la défaillance de tous ses dirigeants, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues, certains plus que d'autres, bien entendu ! Mais entre nous, quel est le responsable libanais qui ne dort pas la nuit à cause de la dette publique? Aucun. Personne n'en parle. Aucun parti libanais ne s'est opposé farouchement à la stupide idée des centrales électriques flottantes turques, c'est pour dire.

Je n'ai rien contre ces deux hommes en particulier, mais César Abi Khalil et Gebrane Bassil doivent assumer pleinement leurs responsabilités, sur le plan individuel, en tant que ministres de l'Energie, et sur le plan collectif, en tant que parti politique contrôlant le ministère de l'Energie depuis dix ans. Personnellement, je ne leur fais plus confiance dans ce domaine. Si ça ne dépendait que de moi, je leur interdirais de s'approcher à moins de 100 m du ministère de l'Energie.

Je suis fier d'avoir livré bataille avec vous chers lectrices et lecteurs, et d'autres compatriotes, activistes et politiques de divers bords, pour faire pression sur César Abi Khalil afin qu'il donne suite à l'offre de Siemens. Désormais, il nous appartient de suivre de près ce dossier et de faire entendre notre colère à chaque fois que la situation l'exigerait, pour espérer un jour en finir avec cette situation archaïque qui durent depuis trente ans, les coupures électriques.

lundi 1 octobre 2018

L'échange surréaliste de César Abi Khalil, le ministre libanais de l'Energie, avec Joe Kaeser, le PDG de Siemens (Art.561)


Faut-il destituer César Abi Khalil, bannir Gebrane Bassil et engager Joe Kaeser, pour que, enfin, les Libanais aient le courant électrique 24h/24 ? Matière à réflexion.



- Flashback. Samedi 22 septembre. Dans un enregistrement vocal qui a fuité dans la presse, on entend le député Jaber Yassine, bloc parlementaire du Développement et de la Libération (Nabih Berri) pester contre le Courant patriotique libre (CPL) et le ministre de l'Energie, César Abi Khalil. « Malheureusement, ils ont fait rater au Liban une grande opportunité. Les diplomates accrédités à l'ONU nous ont demandé, comment avez-vous pu traiter Merkel de cette façon, pourquoi avoir refusé l'offre de Siemens. Est-ce que vous êtes devenus fous? » Oh, mais ils l'étaient déjà depuis un bail.

- Dimanche 23 sept. César Abi Khalil brise le silence pour faire savoir que « Siemens n'a pas pris part à l'appel d'offres » concernant la réhabilitation du secteur électrique. Attention, César est un grand malin, il joue sur les mots.

- Lundi 24 sept. La journaliste d'al-Arabiya, Yara Alandary, décide de prendre le taureau par les cornes et d'interroger directement le PDG de la société allemande à ce sujet : « Est-ce que Siemens a proposé ou discuté une offre quelconque avec le gouvernement libanais concernant l'électricité? » Aucune réponse de l'intéressé, il était en voyage d'affaires.


- Mercredi 26 sept. à 17h22, à son retour d'Irak, Joe Kaeser fait savoir, en anglais: « Oui, nous l'avons fait. Au cours de la visite avec notre chancelière, j’ai proposé d’aider à améliorer la valeur de toute la chaîne de l'électricité et de faire venir notre équipe pour évaluer ce qui convient le mieux pour les gens (les Libanais). Aucune réponse du gouvernement (libanais). Notre porte est ouverte! L'offre tient toujours. Appelez à tout moment! ». Réponse précise, made in Germany.


- Brainstorming au ministère libanais de l'Energie. A 19h56 précises, César Abi Khalil revient à la charge. Alors qu'il est tagué dans la discussion lancée par Yara Alandary, il ne répond pas tout de suite à Joe Kaeser. Sa priorité est ailleurs. Il prend son temps pour entreprendre une étude de texte du petit tweet de Joe Kaeser et de balancer en arabe et avec sarcasme urbi et orbi : « Petite traduction pour ceux qui ont été trahi par leur niveau d'anglais: "Nous avons proposé l'aide" ... Nous n'avons pas nié la réalité, nous avons publié le compte-rendu. "Nous enverrons notre équipe pour évaluer ce qui est le mieux pour le peuple libanais", c'est-à-dire qu'il n'y a pas encore d'offre officielle. » Traduction à cinq piastres et aucun compte rendu n'a été publié, César fait encore le malin, joue sur les mots et gagne du temps, avec une seule idée en tête, sauver la face et son poste en pleine formation du nouveau gouvernement. Donc, des foutaises sur toute la ligne. Une offre officielle a bel et bien eu lieu et a été ignorée par celui qui était obnubilé par la transaction concernant la location des trois centrales flottantes turques, Fatmagul Sultan, Orhan Bey et Esra Sultan.


- Quelques minutes après, le ministre libanais de l'Energie dédaigne répondre en anglais au PDG de la société allemande : « Nous sommes impatients de coopérer avec Siemens pour l’évaluation des besoins et, en conséquence, de recevoir peut-être une proposition formelle. » Un tweet d'aucune utilité, 2aret 7aké.


- Peu de temps après, sur son compte perso, César Abi Khalil rajoute : « Je réitère mon invitation à Siemens et à toutes les entreprises qualifiées pour rester à l’écoute des annonces du ministère concernant le prochain appel d’offres IPP, Selaata I et Zahrani II. » Toutes les entreprises qualifiées de la Voie lactée ! Et qu'en est-il de l'offre globale de Merkel-Kaeser précisément ? Niet. A croire le ministre libanais, Siemens et consorts sont plus impatients de décrocher le marché de Selaata et de Zahrani au Liban, que César Abi Khalil et consorts ne sont pressés de ramener l'électricité promise 24h/24 aux 4,2 millions de Libanais pour 2015! Mais voyons, « stay tuned » les gars hein, khalikoun 3al sama3 ya chabeb?


- Jeudi 27 sept. à 14h07, de nouveau Joe Kaeser prend le temps pour préciser : « Merci à tous pour cet excellent dialogue. Cela montre que vous vous souciez de l'avenir de votre pays! J'ai demandé à mon équipe régionale de contacter le ministre (César Abi Khalil) dès que possible. L'offre que j'ai faite au gouvernement (libanais) pour aider à optimiser l'électrification est toujours valable. Les Libanais méritent ça. #La puissance d'une promesse .» Et dire que César Abi Khalil essaie encore de noyer le poisson avec Selaata et Zahrani! Ce nouveau tweet du PDG de Siemens confirme sans l'ombre d'un doute qu'une offre a bel et bien était faite au gouvernement libanais en général et au ministre libanais de l'Energie en particulier, qui s'est permis de ne donner aucune suite depuis trois mois, à part ce « stay tuned » après l'éclatement du scandale.


- Jeudi 27 sept. à 14h50, la société allemande via la branche en charge du Moyen-Orient publie un tweet dans lequel elle fait savoir que « Siemens est prête à aider le Liban pour mettre à niveau son infrastructure électrique, en utilisant une technologie fiable et efficace au bénéfice de la population. Nous sommes impatients de coopérer avec le gouvernement libanais sur de futurs projets. Pour d'autres questions, veuillez contacter tamara.hamdan@siemens.com ».

- Jeudi 27 sept. à 15:37. Panique à bord, on aurait aimer se passer de cette nouvelle polémique qui assombrit encore plus l'avenir de César au ministère de l'Energie. Brainstorming à haut niveau et finalement la montagne accoucha d'une souris. Le ministre de l'Energie finit par retweeter un tweet d'OTV (chaine du CPL), dans lequel on apprend: « Abi Khalil en réponse au nouveau tweet du président de Siemens : Nous sommes toujours dans la déclaration d'intentions et si Dieu le veut, cela se traduira par une offre sérieuse et contraignante, dans le cadre d'un appel d'offres sérieux ». Inch'allah! Pour résumer la situation en une phrase, disons que pour notre César national, le PDG de Siemens ne peut pas encore être pris au sérieux à ce stade.


- Vendredi 28 septembre à 10h30 précises, c'est le coup de grâce pour César Abi Khalil : « Est-ce que nous devons donner des projets aux douze entreprises qui ont accompagné la délégation allemande et qui étaient disposées à (nous) aider? » Non, mais quoi encore, nous n'allons pas prendre le premier venu et inventer des projets comme ça! Affligeant. Il est inadmissible, vu la situation désastreuse de l'électricité au Liban, un secteur qui dépend de son parti depuis dix ans, que le ministre qui en a la charge depuis deux ans se comporte avec autant de désinvolture.

César Abi Khalil, le ministre libanais de l'Energie, le 28 septembre 2018 : « Est-ce que nous devons donner des projets aux douze entreprises qui ont accompagné la délégation allemande et qui étaient disposées à (nous) aider? » Mais voyons ! 28 ans après la fin de la guerre, les coupures électriques font toujours partie du quotidien des Libanais. Le secteur électrique coûte près de 5 milliards de dollars par an (énergie de l'Etat libanais via EDL, des centrales flottantes en location et des générateurs privés).  Le ministère de l'Energie est de facto entre les mains du Courant patriotique libre depuis 2008, Gebrane Bassil y a passé plus de quatre ans et César Abi Khalil près de deux ans.

La chancelière allemande Angela Merkel après sa rencontre avec Saad Hariri le 22 juin 2018 : « Nous voulons aider le Liban à mettre en œuvre ses réformes structurelles (...) Je pense que l’Allemagne peut apporter une bonne contribution, tant dans le domaine de l’énergie qu’en matière de gestion des déchets. » D'après le site du gouvernement fédéral d'Allemagne.

L'info sur l'offre Siemens circulait en coulisse depuis la visite de la chancelière allemande Angela Merkel au Liban, accompagnée par le président-directeur général de la société Siemens, Josef Kaeser, les 21 et 22 juin. La rumeur parlait d'un projet allemand pour ramener le courant électrique au Liban 24h/24 en 6 mois pour 800 millions de devises, euros pour les uns et dollars pour les autres. Certes, l'info de cet été était erronée et les propos du député Yassine sont approximatifs. Il n'empêche qu'il n'est nullement besoin d'être Einstein ou dans les secrets des dieux pour imaginer que la chancelière allemande n'est pas venue au Liban pour faire du coloriage avec les petits réfugiés syriens et que le PDG de Siemens ne s'est pas déplacé à Beyrouth pour aller manger une fattit hommous chez Le Chef à Gemmayzé !

Il y a trois certitudes que le ministre libanais aura beaucoup de mal à cacher à ses compatriotes : un échange de nature économique et commerciale a bel et bien eu lieu à Beyrouth fin juin entre le Liban et l'Allemagne ; les Allemands ont proposé d'aider le Liban notamment dans deux domaines où la situation est lamentable, la production électrique et la gestion des déchets ; les responsables Libanais n'ont pas donné suite aux propositions allemandes. César Abi Khalil peut faire le malin et jouer sur les mots, il n'empêche comme le rapporte le site internet du gouvernement fédéral d'Allemagne, la chancelière a tenu à faire savoir au cours de sa visite à Beyrouth : « Nous voulons aider le Liban à mettre en œuvre ses réformes structurelles (...) Je pense que l’Allemagne peut apporter une bonne contribution, tant dans le domaine de l’énergie qu’en matière de gestion des déchets. » Facile à comprendre à moins que notre ministre de l'Energie ne sait plus à quoi correspond son poste au juste.

Pour mesurer la gravité du comportement libanais et l'insoutenable légèreté de César Abi Khalil, sachez que l'Allemagne a versé 370 millions d'euros (soit 430 millions de dollars) pour venir en aide au Liban au cours de l'année 2017. Elle fait partie des pays qui se sont engagés à accorder au pays du Cèdre 10,2 milliards de dollars de prêts et 860 millions de dollars de dons lors de la conférence qui s'est tenue à Paris en avril 2018, à condition que le Liban entreprenne des réformes sectorielles, justement dans les domaines de l'énergie et des déchets. César Abi Khalil peut snober la Syrie et l'Iran, il a carte blanche, mais pas l'Allemagne pardi !

Pas besoin de se perdre dans 1001 détails et rumeurs. Les faits sont là et ils sont accablants pour l'actuel ministre libanais de l'Energie. César Abi Khalil est ni à sa place ni à la hauteur de la tâche. Alors que la situation électrique est désastreuse au Liban, il s'est permis de ne donner aucune suite à la proposition d'aide de Siemens, tantôt sous le prétexte qu'elle ne s'inscrit pas dans le cadre d'une adjudication ou d'un appel d'offres, tantôt sous l'excuse bidon qu'elle ne correspond pas à nos besoins. Le problème c'est quand le ministre libanais fait des appels d'offres, il ne respecte pas scrupuleusement les lois et les règles en vigueur en matière d'attribution de marchés publics au Liban. Il a fallu un long bras de fer avec les ministres du parti des Forces libanaises, pour remettre le train sur les rails. Son dernier soi-disant appel d'offres s'est limitée de facto à une seule société, comme par hasard. C'est cette confrontation CPL-FL sur ce dossier précis qui a dégradé les relations entre les deux partis chrétiens. Non seulement il n'a rien fait de sérieux contre le non-paiement des factures et le branchement illégal sur le réseau public, qui peut atteindre 70% dans certaines régions, mais il bataille depuis des lustres, aujourd'hui en tant que ministre et hier en tant que conseiller de Bassil, pour favoriser l'aberrante location de centrales électrique flottantes turques, depuis 2013, dont le coût pour les contribuables libanais est astronomique aujourd'hui : 850 millions de dollars par an ! Au total, d'après les contrats en cours, nous allons jeter par les fenêtres et dans les poches d'intermédiaires libanais et turcs, plus de 4,25 milliards de dollars, de quoi construire plusieurs usines pour assurer les besoins en électricité d'une dizaine de millions de personnes !

Au lieu de prendre le premier avion pour aller s'installer à Munich et discuter de jour et de nuit et en détails avec Joe Kaeser de la proposition faite à Beyrouth au mois de juin, dans l'intérêt des Libanais, César Abi Khalil joue aux fines bouches, fait le malin et s'amuse à avoir le dernier mot sur Twitter.

D'un côté, les Libanais ont la parole de Joe Kaeser, PDG de Siemens, une société fondée en 1847, qui représente 387 000 salariés et qui pèse plus de 92 milliards d'euros de capitalisation, soit 107 milliards de dollars. Pour prendre conscience avec qui César Abi Khalil s'amusait à tweeter à la légère, la prestigieuse entreprise allemande vient de terminer la mise en oeuvre du plus grand contrat de son histoire, conclu avec l'Egypte en 2015, construire pour six milliards de dollars trois centrales électriques produisant 14 400 mégawatts. Les gouvernements libanais depuis 2010, Hariri-Mikati-Salam-Hariri, avec Bassil-Tabourian-Nazarian-Abi Khalil aux ministères de l'Energie, ont prévu de dépenser presque autant, pour louer des centrales électriques flottantes turques! Cherchez l'erreur. Le projet gigantesque de Siemens en Egypte a été réalisé en un temps record, 27,5 mois seulement. Il a été inauguré cet été. Assurant l'électricité pour plus de 40 millions de personnes svp (sept fois la population au Liban, réfugiés syriens compris), il doit mettre fin aux coupures électriques chroniques qu'a connues le pays et qui étaient en partie responsables des manifestations qui ont conduit à la destitution du président Mohammad Morsi. C'était une promesse du général Sissi en 2014. Elle a été tenue. Chez nous, on vient de faire une chanson pour vanter les mérites du ministre toti-pluri-multipotent, Gebrane Bassil. César Abi Khalil doit encore faire ses preuves, pour mériter cela.

« Il y a trois ans, nous avons promis de fournir de l'énergie à plus de 40 millions d'Egyptiens. Hier, nous avont créé l'avenir avec nos partenaires. J'ai eu l'honneur de recevoir cette lettre d'appréciation du président égyptien. Equipe de Siemens, celle-ci va à vous! #La puissance d'une promesse »

Et ce n'est pas tout. Si César Abi Khalil était moins obnubilé par les navires-générateurs turcs et sauver sa face, et plus préoccupé par les intérêts des Libanais et être à la hauteur de son interlocuteur, il aurait appris que Joe Kaeser était en Irak dimanche dernier à la demande des autorités locales, pour proposer un autre projet pharaonique, l'augmentation de la production électrique irakienne de 50%, soit près de 11 000 mégawatts supplémentaires en seulement quatre ans, pour neuf milliards de dollars. Avec 3 000 mégawatts en sus, nous pourrions s'offrir le luxe de climatiser les rues de Beyrouth, enfin, couvrir largement nos besoins! Mais non, la vie serait trop belle. Tout ce que le ministère de l'Energie a trouvé de mieux à faire c'est de se réveiller enfin, après 30 ans de pratiques sauvages des rapaces des moteurs, pour imposer la pose de compteurs sur les installations électriques privées.

« Nous avons fait une promesse au peuple irakien et nous la tiendrons, comme nous l’avons fait en Égypte en un temps et avec une efficacité sans précédent. Notre feuille de route pour l'Irak fournira une électricité fiable au pays, une éducation pour des milliers de jeunes et 60 000 nouveaux emplois pour un nouvel Irak. »

Ainsi, la parole de Joe Kaeser est à mettre dans la balance contre celle de César Abi Khalil, de Gebrane Bassil et du Courant patriotique libre, qui ne savent plus quoi dire pour justifier le mépris inadmissible de la proposition allemande. C'est la parole de ces hommes politiques qui contrôlent un ministère vache à lait, celle de l'Energie, depuis dix ans et qui ont promis aux Libanais en 2011, au cours d'une campagne d'affichage et dans la presse, « Leban-off-on », qu'ils auront l'électricité de l'Etat 24h/24 dès la fin de l'année 2014. En vain.

Promesse faite en 2011 par le ministre de l'Energie Gebrane Bassil: l'électricité 24h/24 pour 2014-2015 

Cet échange est entre les mains du peuple libanais, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues. C'est à lui d'en juger et de prendre acte. Malgré la facture globale exorbitante du secteur électrique au Liban, les Libanais dépensent près de 5 milliards de dollars par an (production de l'Etat libanais via Electricité du Liban, production des centrales flottantes turques vendue à EDL et production des générateurs privés libanais), la situation électrique des Libanais est la plus archaïques au monde. Et cela dure depuis près de trente ans. L'heure n'est plus à la recherche de l'erreur, l'heure est à la révolte. Je l'ai dit et redit, je persiste et signe, le ministère de l'Energie ne doit plus être accaparé par les forces du 8-Mars en général (pro-Assad et pro-Hezbollah) ou le Courant patriotique libre en particulier, comme c'est respectivement le cas depuis 1990 et 2008. Stop! César Abi Khalil doit être congédier. Si les gouvernements successifs depuis la fin de la tutelle syrienne en 2005 avaient confié à Siemens la charge de réhabiliter le secteur électrique, les Libanais seraient aujourd'hui en mesure de vendre de l'électricité à la Syrie et non dans la situation hallucinante d'acheter du courant électrique à ce pays qui est ravagé par la guerre depuis sept ans ! Mieux vaut tard que jamais, pour destituer César Abi Khalil sur le champ, comme pour engager Siemens sans plus tarder.