Enfin
c’est la journée sans voiture à Achrafieh ! Non, vous ne rêvez pas,
on a bel et bien réussi à exclure l’automobile d’une partie de Beyrouth de 8h à
18h. Que le projet « Achrafieh 2020 », réalisé par des friends, soit fait avec
des arrières pensées politiques ou qu’il soit purement écologique, n’a pas
beaucoup d’importance à mes yeux. On a souvent reproché à Bono de s’accaparer
des « causes » politiques et humanitaires. Je préfère l’humanisme des
Bono et des Geldof au nombrilisme des Jagger et à la niaiserie des Klink. Avec
les 150 000 $, coût de l’opération, est-ce qu’on aurait pu faire mieux
pour améliorer la qualité de vie de la population beyrouthine, comme se le demande
une amie écolo ? Incontestablement oui. Disséminer dans tout Beyrouth
15 000 peupliers d’Italie aurait couté moins cher et aurait pu être
beaucoup plus utile pour la population !
Mais
l’heure n’est plus aux polémiques. On est déjà le 2 septembre 2012, et cette
journée restera une date importante dans la mémoire collective libanaise. Rien
ne peut décrire ce que je ressens vraiment aujourd'hui, même si je ne pourrai
pas participer à l’opération. Le libanais ne mesure sans doute pas
suffisamment la portée d’un tel événement. La voiture, persona non grata à
Beyrouth pendant 10h, c’est un exploit considérable quand on sait que le
fantasme absolu de certains libanais, hommes ou femmes, n’est pas d’ordre
sexuel mais factuel, c’est de coucher avec leur voiture ! A défaut de
la mettre au lit, ils la garent tout près, au rez-de-chaussée de leur immeuble,
à l’abri du vent, de la pluie, du soleil et de la poussière, mais au vu et au
su de tous. Ceci est rendu possible par certains architectes qui ont fait plus
de dégât à l’urbanisme de cette ville que les miliciens de la guerre civile, et
qui se croient par-dessus le marché très créatifs en imaginant ce concept
hideux d’immeubles. Et ça se considèrent faire du
« luxe » aussi. C’est à se demander ce qu’attend encore Bertrand
Delanoë pour réaménager les immeubles haussmanniens « à la
libanaise »!
Si
la voiture est un engin détesté dans tous les pays du monde, elle est
particulièrement maudite dans notre capitale. C’est avant tout une
importante source de pollution et à tous les niveaux, pulmonaire,
olfactive, visuelle et auditive. Beaucoup de libanais ignorent qu’il était
interdit de klaxonner à Beyrouth avant la guerre sauf en cas de danger
imminent. Impensable aujourd’hui ! Alors dans mon délire, je me suis demandé
pourquoi l’Etat n’infligerait pas à l’auteur de chaque klaxon égocentrique une
amende de 10$ ? Je suis sûr qu’on pourrait rembourser notre dette abyssale
en quelques années. Mon Dieu que le libanais se montre rustre en conduisant et
a la main lourde sur son klaxon ! Le klaxon est selon le conducteur ou la
conductrice, un godemiché, un objet fétiche, un lit de psychanalyse,
l’instrument de torture, l’outil de vengeance, et surtout le déversoir de
toutes les frustrations. A propos, une étude récente publiée dans le très
farfelu « Journal of BB » montre que plus on klaxonne moins on est
satisfait sexuellement. Avis à diffuser massivement à vos ami(e)s avec un
avertissement « Achtung Baby, un klaxon en dehors d’une menace
imminente reflète une vie sexuelle pas éminente » ! Si BB le dit,
c’est que c’est scientifiquement prouvé.
Pour
revenir à nos moutons, à liyyé et non à danab, disons qu’organiser une
journée sans voiture dans un grand quartier de Beyrouth est déjà un exploit en
soi. Je ne peux donc que saluer cette excellente initiative et m’incliner
admiratif devant l’effort qui a été fourni pour concrétiser ce projet. Inutile
d’attendre le retour des bannies pour mesurer le succès de l’opération et le
bien-être temporaire qui a découlé de ce bannissement. Bravo, alléluia,
parfait, amen. Et maintenant on va où ?
Ce
qui frappe quand on arrive dans la capitale libanaise c’est indiscutablement le
manque de verdure !
Il existe 4 types de verdure dans une ville : les forêts qui dépendent de
Dame Nature, les parcs et les arbres des trottoirs, qui dépendent des pouvoirs
publics et les diverses dispositions privatives qui dépendent du bon vouloir
des citoyens. C’est à ne pas douter, on est maudit par les dieux puisque les 4
types de verdure manquent cruellement au Liban.
1.
LES FORETS. Elles se réduisent en peau de chagrin. Entre le feu,
souvent d’origine criminelle, le commerce illégal du bois de chauffage (avec
l’engouement romanesque « douteux », j’insiste sur douteux, de
certains libanais pour la « cheminée » !), l’abattage sauvage
des arbres par les habitants du Mont-Liban (pour leur propre consommation de
bois surtout depuis la hausse du prix du mazout), le bétonnage d’el-akhdar wel
yébiss et le changement climatique, les forêts au Liban ne représentent plus
aujourd'hui que 7 à 13% de la surface du pays contre 35% en 1965. Des
experts estiment que si rien n’est fait pour arrêter cette dégringolade, le
pays du Cèdre pourrait perdre définitivement son héritage écologique vers 2030.
Il est donc évident que le Liban doit déclarer l’état d’urgence sur le plan
écologique et établir un plan national de grande envergure pour sauver ce qui
reste de nos forêts d’antan. Evident pour certains, mais pas pour nos élus !
2.
LES PARCS, LES JARDINS ET LES SQUARES. Ils sont une denrée rare dans les villes
libanaises.
Nous avons actuellement près de 393 000 m² d’espaces verts dans les 20 km²
de la mégapole de Beyrouth, où réside près de la moitié de la population libanaise
(1,4 millions d’habitants). Inutile de vous dire que cela constitue une
misérable récolte.
Par
comparaison, car rien n’est plus parlant que les chiffres, une escale dans
quelques mégapoles dans le monde montrera l’étendue du désastre. Première escale
à PARIS. Dans la capitale de la France, il existe 5 550 000
m² d’espaces verts intramuros, 450 au total, répartis sur 16 parcs, 137
jardins, 274 squares et 8 promenades! Ce chiffre ne prend pas en considération
les kilomètres d’arbres des trottoirs, une surface considérable, et
surtout les 2 grands bois périphériques de la capitale parisienne (créés sous
Napoléon III, vers 1850), le Bois de Boulogne et le Bois de Vincennes, qui à
eux seuls totalisent 18 410 000 m². Au total, Paris offre donc
24 millions m² de verdure aux 2,2 millions de Parisiens, alors que
Beyrouth n’offre que de 0,4 million m² de verdure aux 1,4 million de
Beyrouthins ! Impressionnant. Mais de l’autre côté du Rhin, Paris fait
piètre figure devant BERLIN. 2500 espaces verts, 18% du territoire
urbain recouvert par des bois et des forêts, 14% par des parcs, jardins et
squares, soit une surface totale de 64 millions m² pour 3,4 millions
d’habitants. Ils ne font pas dans la demi-mesure les Allemands ! Alors
que le prix du mètre carré vaut de l’or dans les capitales occidentales,
l’urbanisation ne s’est pas faite au détriment des espaces verts. Au cœur de
Berlin, le grand parc du Tiergarten (aménagé vers 1835), offre 2 100 000 m² de
verdure accessible à toutes heures et en toutes saisons. Pour l’histoire, ce
parc a été complétement détruit lors de la seconde guerre mondiale
(incendies lors des bombardements de la ville par les Alliés et lors des
combats de 1945, abattage des arbres pour le chauffage, dégagement des terrains
pour la culture...). Moins de 4 ans après la fin de la guerre, 1 million
d’arbres furent plantés pour le faire renaître de ses cendres ! Le
« modèle allemand », il est là dans toute sa splendeur. Au cœur de LONDRES,
Hyde Park, qui a été aménagé vers 1820, offre 2 500 000 m² aux anglais !
Enfin, Central Park, qui se situe au cœur de NEW YORK, offre 3
410 000 m² aux résidents de la ville depuis 1873, quand la grande
pomme n’était qu’un petit fruit de quelques centaines de milliers
d’habitants ! Paris, Berlin, Londres et New York, ne seraient pas ce
qu'elles sont aujourd'hui sans des hommes et des femmes visionnaires,
idéalistes et passionnés.
Au
Liban c’est tout simplement la misère. Actuellement il n’y a que 1 parc et 2
jardins dignes de ce nom à Beyrouth ! Le Bois des Pins, le jardin de
Sanayéh et le jardin de Sioufi. Si je suis ce que je suis c’est en partie grâce
au jardin de SIOUFI (20 000 m²). C’est toute mon enfance. Je garde
un merveilleux souvenir de ce lieu. J’étais émerveillé à chaque fois que ma
mère m’emmenait nourrir les canards. Certains 3abé2ra min cha3bna el 3azim,
n’ont rien trouvé de mieux que d’envisager de construire un parking dans le
sous-sol du terrain ! Tenez, on revient au fantasme du libanais, coucher
avec sa voiture. Comprendre par-là, qu’on remplacera les arbres par des
arbustes et les arbustes par des pensées ! Pitoyable. Aujourd’hui le
jardin de Sioufi est abandonné à la fois par la municipalité de Beyrouth, qui a
d’autres priorités comme la récupération des taxes municipales des honnêtes citoyens,
et hélas, par les Beyrouthins aussi, sous le prétexte bidon qu’il n’est pas aux
« normes », traduction, pas suffisamment bourgeois pour la communauté
chrétienne du quartier. L’autre espace vert important de Beyrouth, c’est le jardin
de SANAYE3 (22 000 m²). Il n’a rien à envier à Sioufi, mais même topo,
sauf qu’il est mieux fréquenté par la communauté musulmane. Mais le scandale
des scandales concerne le BOIS DES PINS !
C’est
le plus grand espace vert de la capitale. Un triangle de 300 000 m².
Pour avoir une idée de ce que cela représente, sachez que le jardin des
Tuileries fait 280 000 m² et le jardin du Luxembourg 225 000 m².
Quelle chance nous avons ! Pas d’enthousiasme romantique déplacé s’il vous
plait. Figurez-vous, que le Bois des Pins est fermé au public libanais
jusqu’à nouvel ordre ! Hallucinant. Pour pénétrer ce haut lieu sécurisé par la
municipalité de Beyrouth, il faut avoir plus de 35 ans et demander une
autorisation spéciale ou être de nationalité française. Consternant. Le Bois
des Pins est ce qui subsiste des vastes pinèdes de l’époque ottomane. Il a été
créé en 1968 mais la guerre civile de 1975 a mis un coup d’arrêt à son
aménagement et l’a transformé en une « ligne de démarcation » entre
les belligérants. Il fut ravagé par les incendies lors de l’invasion
israélienne en 1982. Et depuis 1992, il est fermé au public. Voilà un bref
historique, peu glorieux, du plus grand espace vert de la capitale libanaise.
Pas de quoi pavoiser. Un accord conclu entre la région Ile-de-France et la
municipalité de Beyrouth prévoyait son réaménagement et son ouverture au public
en 2002, c’est-à-dire il y a 10 ans ! Les élus municipaux de la
capitale ne semblent pas être pressés ni pour l’enregistrer comme un « espace
public », ce qui rendra son ouverture au public obligatoire, ni de communiquer
sur le sujet. Mais oui voyons, pourquoi communiquer avec les
administrés-bons-citoyens-honnêtes-gens, à partir du moment où ils payent
gentiment leurs taxes municipales sans râler ! Certains craignent les
dégradations. Mais oui c’est connu, les Beyrouthins sont une bande de
racailles. D’autres redoutent qu’il soit le théâtre d’affrontement des
communautés qui l’entourent, chrétienne (coté Badaro), sunnite (côté Kaskas) et
chiite (côté Goubeiry et Chiyah). C’est c’là oui, encore ces sauvageons de
Beyrouthins. Qu’importe les prétextes, les excuses bidon, les négligences et
les priorités, il est grand temps que l’ouverture complète et définitive du
Bois des Pins devienne un enjeu lors des prochaines élections à Beyrouth (législatives
en 2013 et municipales en 2016).
3.
LES ARBRES DES TROTTOIRS. Ils sont systématiquement mutilés. Dans un pays
chaud, avec 300 jours d’ensoleillement dans l’année, où les températures
estivales avoisinent les 30°C, avec un taux d’humidité dépassant les 70%, une
pluviométrie nulle ou presque la moitié de l’année, poussiéreux, pollué,
bétonné, laid et défiguré, la municipalité de Beyrouth n’a pas trouvé mieux
à faire que de transformer les ficus des trottoirs d’Achrafieh en de ridicules
boules et cubes décoratifs ! Affligeant.
4.
LES BALCONS ET LES TERRASSES. Ils sont désespérément déserts. Le Libanais rêve de
terrasse, pas pour la couvrir de pots et de jardinières et d'en faire une
jungle de verdure, mais uniquement lal yat2a, yat2a bel sa7ra! Il faudrait sans
doute faire appel aux Psychologues Sans Frontière, pour vaincre la peur
hystérique d’une majorité de libanais des feuilles mortes et des insectes.
Face
à cette situation calamiteuse que propose le génie libanais ? Comme d’habitude et
comme dans d’autres domaines, le génie libanais quand il ne se perd pas dans
les détails, il s’égare dans les grands projets. Il est fidèle à sa
philosophie, pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer. Deux
exemples piochés pas trop au hasard. Le premier, c’est sur l’aménagement du
FLEUVE de Beyrouth en un parc naturel, avec des espaces verts, des pistes
cyclables et des cafés, un projet proposé par le Parti vert libanais. Il doit
s’étaler sur 10 ans ; ça c’est pour les papiers officiels ; à la
libanaise, il faut rajouter 5 ans ; et avec les incertitudes politiques,
encore 5 ans ! Le coût ? Pas d’estimation ! Pourquoi faire, ce
n’est pas nécessaire au pays des 60 milliards de dollars de dette.
L’autre
grand projet farfelu que le génie libanais a sorti de son chapeau, ce sont les
jardins suspendus, la verdure sur les TOITS de Beyrouth. La « Beirut
Wonder Forest » imaginée par le jeune architecte Wassim Melki, consiste à
encourager et même à inciter par des mesures fiscales, voire des mesures
obligatoires, les libanais à installer des arbustes sur les toits de leurs
immeubles. Un prototype est réalisé dans cette perspective avant d’entrainer
les pouvoirs publics dans le coup ! Et le coût ? Passons, on n’est
pas à une lettre près ! Et comme d’habitude on va s’inspirer d’Allemagne.
Magnifique. Je ne sais pas pourquoi nos Wassim Melki ne voient pas, qu’il vaut
mieux énno nballit el salonn abel ma nballit el ba7ér, et qu’avant de passer
dans les airs, le sol de Berlin est noyé « littéralement » dans la
verdure. Si la surface de végétation des toitures de Berlin tourne autour de
100 000 m² (projet initié dans les années 80, à Berlin Ouest ; il est
subventionné par la ville à hauteur de 80% !), les espaces verts au sol
sont de l’ordre de 64 000 000 m² ! C’est sans parler de l’esprit
écologique des Allemands : seulement 1 adulte sur 3 possède une voiture,
les transports en commun sont très développés et le vélo est très répandu. Métl
el 3adé, béyél2ato el fékra min tiza !
Voilà
la situation misérable dans laquelle nous vivons actuellement. C’est vrai que tout
cela est déprimant, mais si aujourd’hui on ne fait rien, la situation ne peut
que s’aggraver. Une comparaison avec Dubaï serait à notre avantage. Bon, à
chacun ses sources d’inspiration, les miennes en matière d’espaces verts et
dans bien d’autres domaines, sont Paris, Berlin, Londres et New York. Mais
au-delà de tout ça, ce qui sûr et certain, qui sème peu, ne récolte pas
grand-chose et mieux vaut agir tardivement que jamais ! On peut lancer 1001
projets pour y remédier. Réclamer des millions de dollars pour les réaliser.
Pester de ne pas être entendu. Cracher sur nos politiciens. Jeter l’argent des
contribuables par les fenêtres. Manger des falafels à la mode de Baal. Palabrer
dans l’hémicycle, les conseils municipaux, les journaux et sur Facebook. Pourtant
il suffit de pas grand-chose pour transformer cette ville infernale en une
agréable cité. Voici donc quelques lignes directrices pour nos décideurs en
matière d’espaces verts.
1.
LANCER DES CAMPAGNES DE REHABILITATION DES ARBRES. En faisant
intervenir les écolos (magazines, associations, réseaux sociaux), les
ministères (publicités, affichages, brochures), les politiciens (débats,
conférences), les journalistes (documentaires, articles), les religieux
(églises, mosquées) et les enseignants (écoles). Expliquer à nos
compatriotes et à nos enfants que les arbres ne sont pas des ennemis, bien au
contraire, ce sont des amis qui nous veulent du bien. Et plus précisément,
qu’il fera plus frais sous les arbres, que les températures diminueront dans
les zones arborées (même au niveau de l’ensemble de Beyrouth !), que les
arbres empêcheront que la chaussée et les immeubles ne se transforment en
radiateurs à accumulation la nuit pendant l’été (il n’a jamais fait aussi
chaud à Beyrouth, et pour cause !), qu’ils permettront de faire marcher
moins la climatisation (donc moins de consommation électrique), qu’on pourra
planter des arbres à feuilles caduques près des immeubles (pour laisser les
rayons du soleil d’hiver passés), qu’ils dépollueront la ville, qu’ils
assainiront l’air des appartements, qu’ils diminueront la prévalence des
maladies respiratoires, qu’ils seront un confort pour les yeux et un réconfort
pour l’âme, qu’ils permettront de déstresser, qu’ils seront de formidables
plumeaux pour dépoussiérer l’atmosphère (donc moins de ménage !), que les
feuilles mortes feront de beaux tableaux, que les débris végétaux n’abîmeront
pas les voitures (le soleil si !), que feuilles et débris serviront
l’automne à fabriquer du compost (qui pourrait être distribué aux gens au
printemps pour mieux fleurir les balcons), que les insectes prouveront qu’on ne
vit pas dans un environnement stérilisé, que plus il y a d’arbres moins il y
aura de déjection d’oiseaux (par la dispersion des animaux sur une large zone),
et cætera, etcétéra, etc. Parler de la réhabilitation des arbres au Liban,
c’est quand même fou d’en arriver là !
2.
ARRETER DE MUTILER LES ARBRES existants, notamment les ficus des trottoirs. Même les deux ficus
du jardin Samir Kassir n’y ont pas échappé! En voulant les alléger, on en
a fait de ces géants de verdure des arbres chétifs. A l’USJ ce fut un massacre.
Devant le stade de Jounieh, ce fut un massacre aussi. Devant l’université de
Louwaizé, ce fut un massacre également. Partout, c’est la même désolation.
Est-ce trop demander à nos municipalités bienveillantes, notamment à celle
de Beyrouth, d’arrêter de mutiler les ficus et de laisser ces pauvres arbres
s'épanouir ? Il suffit d’une décision municipale pour bouleverser
la vie des Beyrouthins ! Le comble, c’est que ce « projet »
ne coutera pas une livre libanaise aux contribuables.
3.
DIRE HALTE AUX TOURS HIDEUSES qui pullulent dans Beyrouth, et
particulièrement aux promoteurs sans scrupule, aux adorateurs de Benjamin
Franklin et aux architectes archaïques, qui joignent leurs forces pour répandre
la laideur dans la ville.
4.
PLANTER, ARROSER ET PROTEGER. NON aux petits projets minables où 3 arbustes
et 7 pensées se battent en duel sur un rond-point ! NON aux projets
pharaoniques, comme l’aménagement du fleuve et des toits de Beyrouth, et aux
projets saisonniers, comme la journée sans voiture. OUI aux projets
ambitieux ! OUI à l’efficacité aux moindres couts. « De grands arbres
dans toutes les rues de Beyrouth » est un projet qui répond à ces 4
contraintes. Yes we can ! Faisons appel à l’armée libanaise pour rendre ce
projet réalisable en peu de temps. Mobilisons les ressources de la
municipalité de Beyrouth et de l’Etat. On transformera le fleuve et les toits
de Beyrouth, quand on aura réalisé ce projet ambitieux et quand on aura
réaménagé les jardins et squares existants et ouvert le Bois des Pins
définitivement au public. Nous avons la chance inouïe d’avoir des nappes
phréatiques dans le sous-sol de Beyrouth et des égouts en mauvais état, qui
peuvent servir à un développement accéléré des arbres ! Ras le bol des pins,
symbole de sécheresse, et des palmiers, symbole d’aridité. Marre des pruniers
du Japon, des oliviers de Méditerranée et des ailantes du Mont-Liban. Tous ces
arbres sont avares d’ombre ! Je rêve de peupliers d’Italie, de platanes
de Provence et d’Orient, de tilleuls d’Ile-de-France, de cèdres du Liban, de
séquoias de Californie, de ficus de Beyrouth, d’eucalyptus d’Australie, de
chênes du Mont-Liban et de noyers d’antan. Eh oui, je rêve de grands arbres
pour le Liban en général, et pour Beyrouth en particulier, aux allures
majestueuses et aux ombres généreuses !
Conclusion,
pour augmenter significativement et aisément la surface des espaces verts à
Beyrouth, il existe deux moyens peu couteux : arrêter de tailler
sévèrement les arbres des trottoirs existants et reboiser toutes les rues de la
capitale. Laisser les arbres des trottoirs se développer en hauteur ne
coutera rien et bouleversera la vie des habitants ! Disséminer dans tout
Beyrouth 15 000 peupliers d’Italie coutera moins cher qu’une journée sans
voiture et sans lendemain, et c’est d’une plus grande utilité pour la population ! Il
faudrait habituer nos élus, qu’ils soient députés ou conseillers municipaux, et
ceux qui projettent le devenir, à rendre des comptes et à s’engager devant
les citoyens de cette ville. Prochains rendez-vous électoraux, 2013 pour
les législatives et 2016 pour les municipales. Ils ont encore du temps pour
agir concrètement et atteindre ces deux objectifs ou intégrer ces éléments dans
leurs programmes électoraux. A défaut, une canne à pêche est un excellent cadeau
de départ en retraite anticipée... et la Méditerranée regorge de
sardines ! Bon vent et basta cosi.
Réf.
English version (shortened): Can beirut become a city full of trees? Bakhos Baalbaki. In BEYOND Magazine, 8 Feb. 2013.
Réf.
English version (shortened): Can beirut become a city full of trees? Bakhos Baalbaki. In BEYOND Magazine, 8 Feb. 2013.