Aussitôt après l’ouverture de la séance parlementaire, Walid beik Joumblatt, le seul député
libanais qui porte officiellement sur ses papiers d’identité ce titre féodal
ottoman, alors qu'il est membre de l'Internationale Socialiste quand même, a proposé de rendre hommage à
George Clooney, l’acteur et réalisateur américain. Sur ce, Shant Mardiros Chinchinian, arrivé en
retard et de très mauvais poil puisqu’il a dû renoncer à زنود الست le matin, proteste violemment : « Mais enfin,
c’est un navet son Monument Mens ».
Silence dans la salle. Et voilà qu’avec un ton ironique Serge Tour-Sarkissian, député rigolard depuis 14 ans pour qui toutes
les occasions sont bonnes pour blaguer, balance à ses collègues : « Parti comme c'est parti, good night and good luck les
gars ». Brouhaha général dans la cour basse. Devant l’incompréhension de l’Assemblée,
W beik glisse avec un sourire narquois tout en tripotant le muscle auriculaire
postérieur droit, habituellement atrophié chez l’homme, sauf chez certains
opportunistes à qui il permet de coucher l’oreille dans le sens du vent : « ما بدها هلقددي ولو، خصوصية
درزية صدقوني », pas besoin d'en faire autant, spécificité druze oblige !
La salle pouffe de rire. A cet instant précis la séance
semble compromise. D’autant plus, qu’ils ne sont que 76 députés à rigoler. Il manque
dix pour assurer le quorum de séance selon le grand manitou de la République
libanaise. Ils ne viendront jamais par crainte d’affronter le spectre de Meerab. Tous
les regards convergèrent alors vers ce vieux renard.
ما تحكينيش يا وليد عن اوماج ولا بلوط، ما معنا اسمو الثولاثي لل زلمي
ما تحكينيش يا وليد عن اوماج ولا بلوط، ما معنا اسمو الثولاثي لل زلمي
وليد! روء عى وضعك نتفه! إنت بدك تمرقها عى واحد محننك متلي، ولاو يا بيك! هيدا بل غرب بسممو الإسم التاني مش الثولاثي. بقى خلصونا من هل قصة، دقيقة صمة لل زلمي، لأنو مش عارف المعتر شو عمل بس خطب الأمورة اللبنانية. وقامت خلصت يا شباب
Ainsi, au nom de l’intérêt suprême de la nation et de tous
les députés mâles de ce Liban fier, Nabih Berri décida d’imposer une minute de
silence تضامناً en signe de
solidarité avec l’acteur le plus convoité de Hollywood, pour l’enterrement de sa
vie de garçon, depuis qu’il s’est entiché d’une belle brune, une brillante avocate et une britannico-libanaise
du village druze de Baakline (caza du Chouf dans la région du Mont-Liban), Amal Alamuddin. Info fracassante révélée ce weekend, mais connue depuis un certain temps, qui a mis en
émoi tous les Libanais romantiques fleurs bleues, ainsi que les centristes du
pays, qui en ont trouvé une diversion en or pour éviter de se prononcer sur le
choc des titans, Samir Geagea contre Michel Aoun, le nouveau feuilleton à rebondissements.
Pendant que les députés libanais observaient leur minute
de silence, on entendait des manifestants scandaient place de l’Etoile, sur la
musique de Pierre Perret, « Tout tout tout, vous saurez tout sur le zizi de
Clooney », une allusion à ce fait divers de l'été dernier où les frères d’une jeune druze de Bayssour (village situé à une dizaine de km de Baakline),
éprise d’un sunnite de la région d'Akkar (qu'elle a connu sur Facebook), forts mécontents de cette union mixte, ont pratiqué une re-circoncision freestyle sur le pauvre malheureux et lui ont prodigué des soins dentaires non-conventionnels. Mais, je tiens à rassurer les fans, soyez sans crainte pour les attributs virils de George et sa belle gueule, Amal elle-même est le fruit d'une union mixte heureuse et sans histoire.
A l’expiration de cette pause chauvine
transcommunautaire people, des voix se sont élevées tout de suite pour réclamer la prorogation de cette minute de
silence d'un petit quart d'heure, renouvelable automatiquement jusqu’au mariage des
tourtereaux en septembre, maintenant que les 39 projets en suspens ont été
avalisés à la hâte et sans débat sérieux lors des Journées de sprint législatif
organisées le 1, 2 et 3 avril.
Heureusement qu’il n’a pas échappé à Samy Gemayel, cheikh
Samy pardon!, que cette prorogation de la part des députés était en réalité une ruse politicienne destinée
à continuer à payer gracieusement par l’argent public 128 personnes près de 100 000 $/an (sans compter les avantages financiers et non-financiers de toutes sortes dont bénéficient les députés actuels mais aussi les anciens députés!) dans un pays endetté à hauteur de 64 milliards de dollars où on ne paye pas d'impôt sur le revenu (et pas que ça!), eh na3am, alors que ces représentants de la nation ne sont même pas
fichus de voter un budget des dépenses depuis 2005 (eh oui, imaginez, vous n’avez
pas de relevés de compte officiels de votre banque depuis 9 ans !), de
rédiger une loi électorale moderne pour ce pays (et en finir une fois pour
toutes avec la loi féodale de 1960 !) et d'élire démocratiquement un nouveau président de la République libanaise (19 reports la dernière fois et une mini guerre civile pour y arriver!). Le cheikh de Bikfaya a proposé du
coup de suspendre le versement des salaires des députés pendant la phase de
prorogation silencieuse du Parlement. Il a reçu un blâme sévère de ses collègues
pour avoir osé y penser et donné le mauvais exemple : « ما بقى تنائذنا هيك يا شيخ سامي، بكففينا مشاكل ووجع راس », "ne nous fais plus peur de la sorte cheikh Samy, on a assez de problèmes comme ça", lui aurait dit
le vieux renard, avant de suspendre la séance et de reporter le 3e tour
de l’élection présidentielle au Liban au mercredi 7 mai. On l'entendait marmonner. « Non mais, quoi encore ! »
Post-scriptum
Sérieux, seule la députée Bahia Hariri, sur 128 parlementaires, a eu le courage et l'honnêteté de « rendre au peuple libanais » le montant intégral de ses salaires de députée reçus depuis 2009, soit 350 000 dollars, parce qu'elle a jugé « qu'elle n'a pas rempli son devoir et qu'elle a touché un salaire qu'elle n'a pas mérité ». Elle a pris cette décision au début du mois de septembre, moins de trois mois après l'autoprorogation du mandat du Parlement libanais de près d'un tiers de son mandat (17 mois). Ce geste est d'autant plus remarquable que cette extension décidée par les parlementaires eux-mêmes n'a pas reçu l'approbation du Conseil constitutionnel et que la productivité des députés libanais est particulièrement lamentable, se limitant la plupart du temps à assister aux mariages et aux enterrements de leurs électeurs et des membres de leurs familles.
Post-scriptum
Sérieux, seule la députée Bahia Hariri, sur 128 parlementaires, a eu le courage et l'honnêteté de « rendre au peuple libanais » le montant intégral de ses salaires de députée reçus depuis 2009, soit 350 000 dollars, parce qu'elle a jugé « qu'elle n'a pas rempli son devoir et qu'elle a touché un salaire qu'elle n'a pas mérité ». Elle a pris cette décision au début du mois de septembre, moins de trois mois après l'autoprorogation du mandat du Parlement libanais de près d'un tiers de son mandat (17 mois). Ce geste est d'autant plus remarquable que cette extension décidée par les parlementaires eux-mêmes n'a pas reçu l'approbation du Conseil constitutionnel et que la productivité des députés libanais est particulièrement lamentable, se limitant la plupart du temps à assister aux mariages et aux enterrements de leurs électeurs et des membres de leurs familles.
Réf.
L’élection présidentielle au Liban : une commedia dell'arte qui vire à la tragicomédie (Art.223) par Bakhos Baalbaki