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Il semble que Muriel Rozelier ait mal
lu la loi de libéralisation des loyers anciens. Elle confond en réalité deux
choses. C’est l’augmentation du loyer
qui est la même pendant les quatre premières années (elle est égale à 15 %
de la différence entre la « valeur locative » du bien immobilier et
le « loyer ancien » ; la valeur locative représente 5 % du prix
de vente du bien inoccupé sur un marché libre et le loyer ancien étant celui appliqué
avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi), puis pendant les deux années suivantes (elle est égale à 20 % de la
différence entre la valeur locative du bien immobilier et le loyer ancien), mais pas les loyers en soi (qui évolueront « progressivement » comme le prévoit la nouvelle loi). Ça
change tout, comme on le verra dans le tableau corrigé. Non, le
nouveau loyer ne sera pas le même pendant la 1re, la 2e,
la 3e et la 4e année. Non, le nouveau loyer ne
sera pas le même pendant la 5e et la 6e année. C’est
uniquement les montants des deux augmentations qui le seront. Nuance et de
taille et comment ! Selon les chiffres de la journaliste française, le
locataire de l’exemple paierait 103 000 dollars au cours de son nouveau bail, alors qu’en
réalité il payera 160 200 dollars en neuf ans, soit une différence de
57 200 dollars, ce qui représente 127 mois de salaire minimum au Liban, rien que
pour la différence. Eh na3am.
Certes, la lecture d’une loi n’est
pas chose aisée. Mais enfin, comment voulez-vous que les citoyens soient bien
informés quand des journalistes spécialisés eux-mêmes ne le sont pas ? Vous
trouverez ci-dessous, un tableau qui reprend les chiffres erronés de Muriel
Rozelier et les chiffres corrigés selon les modalités fixées par la nouvelle
loi sur les loyers anciens.
La progression effrayante des loyers permet de
comprendre deux points fondamentaux de la nouvelle loi de libéralisation des
loyers anciens au Liban :
1. Pour rester dans l’exemple de
la journaliste française, il est inutile de vous dire que personne de la classe
moyenne libanaise ne sera capable de payer à la fin de la 5e année, 25 000
$/an de loyers à Beyrouth (près de 2 100 $/mois !), pour rester dans
l’appartement qu’il loue depuis des lustres. Beaucoup décrocheront dès la
deuxième année du nouveau contrat de location, d’où l’importance d’avoir les bons chiffres. Enno ma3lé.
2. Inutile de vous dire aussi que
la Caisse bidon créée pour venir en aide aux Libanais à faibles revenus, gagnant
moins de trois fois le salaire minimum, soit 1 350 $/an, ne fera pas long
feu dans un pays qui croule sous le poids d’une dette qui s’élève à 65
milliards de dollars.
D’abord, parce que cette Caisse a une tare originel
létale. Figurez-vous mes chers compatriotes que le législateur libanais a prévu
de financer ce fonds par des donations svp. La bonne blague des parlementaires.
Je ne sais pas pourquoi, mais cette histoire me rappelle celle des Sikorsky, que
j’ai évoquée en début de semaine, ces hélicoptères acquis grâce à un don
personnel de 16 millions de dollars de Saad Hariri en 2009, afin de lutter
contre les feux de forêts. Cinq ans plus tard, on apprend que l’Etat libanais
n’a pas été capable de trouver 300 000 $ pour assurer leur maintenance, et
qu’il a fallu compter sur la générosité de la MEA pour les voir de nouveau opérationnelles.
Franchement, quel responsable digne de l’adjectif de son titre, peut approuver
la création d’une Caisse de cette importance dont le financement est assuré par
des « dons » ? Et le pire, c’est la suite.
Restons dans
l’exemple de Muriel Rozelier. Question pour un champion : combien de temps
à votre avis survivra une telle Caisse si elle doit payer 10, 15, 20 ou 25 000
$/an, pendant 9 à 12 ans, pour chacun des locataires anciens qui gagne moins de
1 350 $/mois, sachant qu’au total 200 000 foyers seraient concernés
par la loi et que notre dette dépasse les 140 % de notre PIB ? Il n’est
pas difficile de prévoir que cette Caisse sera rapidement dans l’incapacité
d’assurer sa mission et déposera inéluctablement le bilan face au poids
financier qu’elle aura à supporter, laissant propriétaires et locataires seuls
sur le ring. Il est là le génie libanais de Robert Ghanem et de Samir el-Jisr,
bloc du Futur, les parrains de cette loi, les saints patrons des promoteurs et
de tous les parlementaires incompétents de notre pays, d’avoir réussi à
embarquer les locataires, les propriétaires et l’Etat libanais dans une sacrée
galère dont il sera bien difficile de s’extirper.
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Toujours est-il, la libéralisation
des loyers anciens telle qu’elle a été décidée par les députés libanais à l'unanimité se fera
de la manière la plus sauvage. Elle conduira de facto à l’expulsion de Beyrouth
de la classe moyenne, des artistes, des retraités et de la majorité des natifs
de la capitale du Liban. Elle restera une honte pour les députés libanais qui l’ont voté
et pour le Parlement libanais qui l’a adopté, jusqu’à son abolition et l’étude
d’une nouvelle loi plus juste. J’aborderai dans les prochains jours
l’importance de la décision du président de la République libanaise qui s’est
abstenu de signer cette loi qui n’assure pas la « justice sociale ».
Je prépare en parallèle un rapport qui sera remis à Michel Sleiman, lui
demandant la saisine immédiate du Conseil constitutionnel pour invalider cette
loi inique et inconstitutionnelle.
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