La plus belle photo du couple le plus mythique du monde arabe, Omar Sharif et Faten Hamama, avec leur fils, Tarek, en 1965 Photo: AP-Sipa |
Il n’est pas facile de résister longtemps à cette fierté qui nous prend aux
tripes, en apprenant que telle ou telle personnalité, une célébrité bien
entendu, fait partie d’un de nos « cercles
identitaires », ces couches d’oignon qui nous constituent, pour
reprendre la métaphore du philosophe des marais, Shrek II ou Shrek Ier, je ne sais plus,
enfin, cet ogre vert épris de la princesse Fiona. Notre nationalité par
exemple. Mais, pas que ça. On est fier de partager les mêmes opinions
politiques avec certaines personnes et d’éprouver la même passion que d’autres
pour une équipe de foot, une actrice, un groupe de musique, une culture ou une religion. Finalement,
à chacun ses couches d’oignon, comme à chacun ses empreintes digitales. Bien
qu’ils s’en défendent, les plus immunisés cèdent parfois les premiers à cette
tentation. Il est même difficile pour certains, de ne pas répondre à l’appel
des sirènes du chauvinisme. Comme d’habitude, dans de circonstances pareilles,
la triade informative a été reprise en boucle sur les réseaux sociaux
libanais et par la presse nationale du pays du Cèdre : Omar Sharif est le pseudonyme de Michel Demitri Chalhoub, il est d’origine libanaise, de la ville de
Zahlé pour être précis. Allez comprendre quelle est l’utilité de nous
informer qu'il était un « Demitri » ? J’ai ma petite idée, mais bon,
je n’en parlerai pas, afin de permettre un jour aux héritiers de Frédéric
Mitterrand et de Stéphan Bern, bass yékhlasso
zeitété lorsque j’irai voir mes aïeux, de faire de belles jambes à mes fans
en leur apprenant que j’étais Bakhos Maroun Baalbaki.
Qui
sommes-nous à la naissance, a certainement de l’importance, mais ne nous donne
aucun mérite,
n’en déplaise aux néo-aristocrates des temps modernes. A ce stade de la vie, le
mérite revient au spermatozoïde vainqueur de la course contre la montre de cet extraordinaire
périple dans ce milieu hostile qu’est le vagin. Que les féministes à 5
centimes, Fourest en tête, la mettent en sourdine, le pH de cet environnement
douillet tourne autour de 4, alors plus acide, tu crèves. Ce mérite est partagé
avec l’objet du désir, le mastodonte ovule, l’origine de tout le monde sexué. Ce qui importe donc, c’est ce que nous
deviendrons par la suite.
Michel Chalhoub est né à Alexandrie en Egypte. Il a connu le Liban dans son enfance, mais ça ne semble pas l’avoir marqué. Désolé pour les chauvins libanais, c'est la triste vérité. Il se considérait comme Egyptien, point à la ligne. Je ne sais même pas s’il était particulièrement fier de ses origines. A ce propos, il n'est pas 100% d'origine libanaise, car si son père Joseph Chalhoub l'était, sa mère Claire Saada par contre, était elle, syro-libanaise. Avant de refermer cette parenthèse, sachez aussi que du côté égyptien, des chauvins du Nil s'emploient à faire croire que les Chalhoub sont égyptiens de génération en génération. Bon, passons sur cette guéguerre sans grand intérêt. Le jeune homme a d'abord étudié les maths et la physique au Caire, puis il a travaillé pendant cinq ans dans le commerce du bois avec son père, avant de trouver sa voie et d’entamer des études d'art dramatique à Londres. De retour au pays, la trajectoire de sa vie croise celle du grand metteur en scène, Youssef Chahine. 1954 marquera le début d'une collaboration entre les deux hommes et le commencement d'une carrière prometteuse. Soixante ans plus tard, Omar el-Sharif, avec « el » au départ, du nom de scène dans son premier film, a à son actif plus d’une centaine d’œuvres cinématographiques arabes et internationaux, dont Lawrence d’Arabie (1962 ; sept Oscars), Le Docteur Jivago (1965 ; cinq Oscars), Le Casse (1971), L’Ile Mystérieuse (1973) et Mayrig (1991). C’est évidement Lawrence d’Arabie qui a fait de lui une immense vedette mondiale, la seule et unique star arabe de Hollywood. Il a décroché trois Golden Globes (1962 et 1965, pour Lawrence d'Arabie et Le Docteur Jivago, deux fois dans la catégorie "meilleur acteur" et une fois dans "nouvelle star de l'année"). L’un de ses derniers films, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (2003), lui a permis d'obtenir le César du "meilleur acteur" (2004). A la même période, il reçoit un Lion d’Or pour l’ensemble de sa carrière cinématographique à la Mostra de Venise.
Michel Chalhoub est né à Alexandrie en Egypte. Il a connu le Liban dans son enfance, mais ça ne semble pas l’avoir marqué. Désolé pour les chauvins libanais, c'est la triste vérité. Il se considérait comme Egyptien, point à la ligne. Je ne sais même pas s’il était particulièrement fier de ses origines. A ce propos, il n'est pas 100% d'origine libanaise, car si son père Joseph Chalhoub l'était, sa mère Claire Saada par contre, était elle, syro-libanaise. Avant de refermer cette parenthèse, sachez aussi que du côté égyptien, des chauvins du Nil s'emploient à faire croire que les Chalhoub sont égyptiens de génération en génération. Bon, passons sur cette guéguerre sans grand intérêt. Le jeune homme a d'abord étudié les maths et la physique au Caire, puis il a travaillé pendant cinq ans dans le commerce du bois avec son père, avant de trouver sa voie et d’entamer des études d'art dramatique à Londres. De retour au pays, la trajectoire de sa vie croise celle du grand metteur en scène, Youssef Chahine. 1954 marquera le début d'une collaboration entre les deux hommes et le commencement d'une carrière prometteuse. Soixante ans plus tard, Omar el-Sharif, avec « el » au départ, du nom de scène dans son premier film, a à son actif plus d’une centaine d’œuvres cinématographiques arabes et internationaux, dont Lawrence d’Arabie (1962 ; sept Oscars), Le Docteur Jivago (1965 ; cinq Oscars), Le Casse (1971), L’Ile Mystérieuse (1973) et Mayrig (1991). C’est évidement Lawrence d’Arabie qui a fait de lui une immense vedette mondiale, la seule et unique star arabe de Hollywood. Il a décroché trois Golden Globes (1962 et 1965, pour Lawrence d'Arabie et Le Docteur Jivago, deux fois dans la catégorie "meilleur acteur" et une fois dans "nouvelle star de l'année"). L’un de ses derniers films, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (2003), lui a permis d'obtenir le César du "meilleur acteur" (2004). A la même période, il reçoit un Lion d’Or pour l’ensemble de sa carrière cinématographique à la Mostra de Venise.
Omar Sharif recevant en 2003 un Lion d'Or au Festival du film de Venise pour l'ensemble de sa carrière Photo : Tony Gentile - Reuters |
Omar Sharif
était avant tout un homme épris de liberté. Il aurait pu incarner le Loup de La Fontaine, qui n’a pas voulu
de tous les repas du Chien d’en
aucune sorte et qui s'est enfui en courant à la vue du col pelé du canidé. Certes,
Omar Sharif a vécu dans le luxe. En
contrepartie, il n’a jamais eu de
domicile et de téléphone fixes depuis qu’il a quitté l’Egypte au début des
années 60. L’hiver, on le retrouvait au Sheraton du Caire. L’été, il était
entre le Royal Monceau à Paris et le Royal Barrière à Deauville. Il pouvait se
le permettre d’autant plus qu’il descendait dans ces grands hôtels comme un
invité de marque et non comme un client fortuné. Quand l'animateur français, Thierry Ardisson, lui a
demandé qu’est-ce qu’il préférait en lui, il a eu cette merveilleuse réponse : « la
chance que j’ai eue... je suis né sous une bonne étoile ». A cause de ce nomadisme, dicté aussi
par ses tournages aux quatre coins de la terre, l’acteur égyptien ne possédait
pas d’objets. Rien. Pas de bibelots, pas de livres, pas d’albums photos. Il n’a
jamais fait les courses. Il n’a jamais eu à ramener du PQ à la maison. Toute sa « vie matérielle »
tenait dans une seule valise. N’est-ce pas extraordinaire pour une époque
d’accumulation matérialiste ?
L’acteur s’est toujours défendu d’être un passionné de courses de chevaux et de jeux
de hasard. « C’est la dernière chose qui me reste, quand je n’ai rien de
mieux à faire ». Il se
rend dans les casinos car ce sont « les
seuls endroits où l’on n’est pas ridicule quand on y va seul ». Et
pourtant, il en était accro au point de dépenser tout ce qu’il gagnait. Ce n’était
pas le genre, yallé bedik bel qasbé. Il
aurait perdu l’équivalent de plus 12 millions de dollars (en 1978 à Palm Beach)
et le seul appartement qu’il a possédé dans sa vie (qui se situait Paris ; il ne l’a
gardé que 5 ans). Effet indésirable, il
se trouvait souvent contraint de jouer dans des navets, pour renflouer les
caisses. Il l’a toujours avoué avec le sourire svp. C’est là où se trouve
aussi la justification de sa célèbre réclame pour Tiercé Magazine : « les courses, vous le savez, c’est ma grande passion ».
Beaucoup de fois la chance lui a souri. Comme ce jour de 1966 en Italie. Pour
tuer l’ennui, après avoir été éconduit par une bêcheuse mal lunée, il est
rentré dans un casino. Il en est ressorti avec l’équivalent d’un million de
dollars. C’était un flambeur hors pair.
Omar Sharif
était un bon vivant, plein de sagesse. Le sourire n’a jamais quitté ses lèvres. Toute
une philosophie, toute une culture. Et même quand il était à court d’argent,
cela ne le gênait pas. « Je vis aussi heureux quand je n’en ai
pas. Je change de restaurant ».
Sa sincérité, son authenticité, sa
franchise et son humour, le rendaient irrésistible. C’est un homme qui
était en paix avec lui-même et avec les autres. Son exubérance et sa générosité
le poussaient parfois à offrir une tournée générale à tous ceux qui avaient la
chance de croiser sa route un soir. Il avait le cœur sur la main, karem 3a dareb, comme on dit dans nos
contrées d’Orient.
Omar Sharif
était aussi un grand séducteur. On le sait, on le sent, on le devine. Pour
l’anecdote, il raconte que sur ce plan, ses amis ont beaucoup plus profité de
sa notoriété que lui. A part Faten
Hamama, il n’a jamais vécu plus de 24 heures sous le même toit avec une femme.
Pourquoi ? Sa liberté était sans doute au-dessus de toute autre
considération. Mais, il y avait autre chose. Une certaine gêne à l'égard de son fils. Mais, ça n'explique pas tout. Pour qu’une femme partage sa vie,
il fallait qu’il en soit amoureux. Amoureux, il ne pouvait l’être que d’une
orientale. L’Orient, c’était loin pendant longtemps. C’est lui qui l’a dit. Au départ, en 1965, c'était à cause de la politique des visas de sortie du territoire imposée par Gamal Abdel Nasser aux ressortissants égyptiens. Alors le jeune acteur décide de quitter l'Egypte pour se mettre à l'abri des caprices des autorités. Par la suite, l'éloignement fut reconduit pour 1001 raisons jusqu'au début des années 90. Alors,
des aventures, des vraies ou des
supposées, il en a eu, un peu, beaucoup, avec des légendes du cinéma qui donnent le vertige. Ava
Gardner, Ingrid Bergman, Sophia Loren, Barbra Streisand, mais aussi Anouk Aimée (c’était plutôt une amitié amoureuse), Rita Hayworth (c’était la relation la
plus minable de sa vie car l’actrice était une soularde dans les coulisses), Anita Ekberg (doublement rédhibitoire à ce qu'il parait,
car il fallait se mettre sur la pointe des pieds pour l’embrasser et il ne
pouvait pas l’enlacer à cause de sa forte poitrine), j’en passe et des
meilleures.
Omar Sharif
était également un romantique. Alors qu’il a été élevé dans le rite grec-catholique melkite, roum catolik, il s’est
convertit en 1955 à l’islam sunnite, afin d’épouser la plus gracieuse et la
plus authentique des actrices arabes de l’époque, Faten Hamama. Il l’a
rencontré sur le tournage d’un film de Youssef Chahine, Sira3 fi al-wadi (Ciel d’enfer, 1954, un film qui a été présenté en compétition au Festival de
Cannes). A l’ardeur de ce succulent baiser échangé à l’écran entre « la fille du Pacha » et « l’agronome », on savait déjà
que les deux acteurs avaient des atomes crochus. L’histoire aurait pu écrire qu’ils vécurent heureux et eurent beaucoup
d’enfants. Mais, à partir de 1962, l’acteur égyptien est propulsé sur la scène
internationale à un moment où les sociétés occidentales étaient en pleine
mutation. C’était l’époque de la libération de la femme, du Flower Power et de la diabolisation du
soutien-gorge. Les chances de succomber à la tentation devenant de plus en plus
fortes pour cet Oriental plein de charme, alors le
couple arabe mythique décida de divorcer à l’amiable après douze ans de mariage pour « incompatibilité de la vie de couple avec la vie d'acteur
international ». Certes, Omar Sharif voulait retrouver sa liberté et
s’affranchir de la culpabilité de l’infidélité de l’homme marié, mais il
voulait aussi permettre à Faten Hamama,
alors âgée de 37 ans seulement, de refaire sa vie dans une société traditionnelle comme l'Egypte, où une femme qui n'est plus en âge de procréer, n'a pas beaucoup de chance de se (re)marier. Noblesse oblige. Il faut croire que son nom de scène dans sa signification en arabe, « Omar le noble », le prédestinait à cela. Elle a réussi d'ailleurs. Durant toute sa vie, Omar Sharif avoua à plusieurs
reprises, que depuis, il n’est plus jamais tombé amoureux, Faten Hamama restant le grand amour de sa vie, sa plus belle
histoire d’amour, la seule d’ailleurs. En apprenant sa mort, il
pleura à chaudes larmes. Signe du destin, les deux tourtereaux
sont décédés la même année, à six mois d’intervalle.
Funérailles de l’acteur égyptien dans une
mosquée du Caire, le 12 juillet 2015 (AFP-TV) |