Après la publication des noms de « personnalités libanaises mauvaises payeuses »
par les quotidiens al-Diyar et al-Liwaa, le 16 et le 17 septembre
2015, information que j’ai relayée le 17 septembre dans un statut sarcastique digne de cette situation tragi-comique, certains
ont prétendu que la liste daterait de l’année 2001. Par conséquent, je me
trouve dans l’obligation de mettre à votre disposition les infos et les remarques
suivantes.
1. A ce stade, ce qui ne fait pas l’ombre d’un doute, c’est que le juge Ali
Ibrahim a effectivement ordonné à l'Electricité du Liban (EDL) il y a quelques
jours, qu’à défaut de régler leurs factures
impayées, de couper le courant électrique alimentant les domiciles et les
établissements de certains « POLITICIENS »
libanais.
2. L’affirmation par EDL que « la liste des politiciens mauvais
payeurs a été déposée auprès du Procureur financier, à sa demande et en toute
confidentialité », manque de transparence, ce qui n’est pas du tout de
nature à rassurer les « citoyens bons payeurs ». Tant de confidentialité, dans un scandale public, est le moins qu’on
puisse dire, louche.
3. La déclaration du directeur d’EDL, Kamal Hayek, sur cette affaire est fort
intéressante pour qui sait lire entre les lignes. « Tout ce qui est publié peut
être ancien (il dit bien ‘peut être’, ce qui veut dire indirectement que ça
peut ne pas l’être !), sans rapport avec l'institution. Une partie importante de ces noms a payé ce
qu’elle doit à EDL (après l’éclatement du scandale, soit dit au
passage !), et une autre partie est
incluse dans la liste qui a été livrée en grand secret au Procureur
financier, Ali Ibrahim ». Disons,
on ne peut pas être plus équivoque pour un fonctionnaire dont la carrière
dépend entièrement des politiciens. Dans ce sillage, je rappelle la réaction
du ministre de l’Energie, Arthur
Nazarian, qui a confirmé indirectement lui aussi, l’implication de
politiciens libanais dans ce scandale : « Aux politiciens de payer
leurs factures électriques avant le peuple ». Comme s’il était
nécessaire de leur rappeler une telle évidence ! Affligeant.
4. L’anonymat,
la discrétion et la prudence de la part des médias libanais dans ce scandale
est aussi injustifiée, pour le moins regrettable. Mais bon, tout le monde sait
que l’écrasante majorité de ces médias vivent sous perfusion des partis
politiques libanais ou leur sont totalement fidèles. Ceci explique bien cela,
jusqu’à preuve du contraire.
5. Ce
qui est valable pour les politiciens l’est aussi pour les 4,2 millions de
citoyens libanais, ainsi que pour les 2 millions de réfugiés syriens et palestiniens,
les grands oubliés dans cette histoire. Le vol du courant électrique et le non-paiementdes factures sont des délits punis par la loi. Hélas, ces phénomènes sont très
répandus au Liban comme je l’ai mentionné dans mon statut et dans un ancien
article consacré à ce sujet.
6. La
principale protestation contre la publication des noms des mauvais payeurs est
venue de la part du député Mohammad Kabbani. En colère, il a affirmé « qu’il continuera à combattre la
corruption de toute son énergie où qu’elle soit, notamment dans le secteur
électrique ». Nous sommes ravis. Il a demandé par ailleurs aux juges
de « poursuivre les grands corrompus
qui ont volé des milliards de dollars à travers des transactions dans le
secteur électrique et dans d’autres domaines ». D’accord sur toute la
ligne, bass chou khas tozz be marhaba ?
Et à propos des 10 000 $ qu’il
devait à EDL ? Ah ce n’est pas lui, mais « son locataire à Ain el-Mreissé ». Mais voyons,
il est courant de louer son appart à un tiers et de garder les factures à son
nom ! Le hic
c'est que lorsqu'on met son appart en location, normalement, on ne laisse pas
les factures en son nom. Et que si les factures restent au nom du propriétaire,
leur paiement relève bel et bien de la responsabilité du propriétaire. Dans cette info publiée par un site de la chaine LBC, on apprend aussi que la
liste qui comporte le nom de Mohammad Kabbani daterait de 2001. Or, le président
de la commission parlementaire de
l’Energie himself prétend qu’il est victime d’une machination
depuis 3 ans. Donc, l’histoire de 2001 est bidon. Preuve
à l’appui, le député Kabbani montre un
reçu d’EDL, un « Ordre de
recette », où le nom du payeur n’est pas parfaitement lisible, comme
par hasard, d’un montant encaissé par EDL de 14 629 000 LL (près de
10 000 $), qui correspond à la totalité de la somme due à EDL, le paiement n'ayant eu lieu que le 3 août 2015 ! Ainsi, il est sûr et certain
que l’histoire de 2001 n’est que foutaise, au moins pour lui. A moins d’expliquer, pourquoi il a fallu
attendre 14 ans pour régler cette somme due à EDL ?
7. L’autre
réaction énergique est venue de Farès Souaid, qui s’est donné la peine
d’expliquer en long et en large que le nom de sa mère, Nouhad Souaid, a bel et
bien figuré sur une liste d’EDL datant de 2001, concernant des impayés
électriques pour un hôpital que la famille possédait à Achrafieh. Il a affirmé
que « nous
avons réglé en totalité ces impayés avant le 12 mars 2008 ». Nous
sommes tous très heureux de l’apprendre. Bass
lahza, Farès Souaid ne nous a pas
expliqué comment se fait-il que la clinique de la famille devait autant
d’argent à EDL, plus de 51 000 $ quand même, ça fait pas de
factures impayées !, ni pendant combien de temps cet hôpital n’a pas payé ses
factures électriques, ni pourquoi il a fallu attendre 2008 pour que la
famille s’acquitte de ses dettes à l’encontre d’EDL, ni si elle a
bénéficié d’un traitement de faveur qui a empêché EDL d’engager des
poursuites contre l’hôpital des Souaid ? Mystère et boule de gomme. A moins de
chercher l’explication dans la vaine
tentative de bénéficier de la prescription, de l’évaporation des factures et
de l’effacement des dettes.
8. MORALE
DE L’HISTOIRE. Personne
n’est là pour ternir la réputation de qui que ce soit, ni vous, ni moi, ni tous
ces Libanaises et Libanais qui ont liké, commenté et partagé mon dernier
statut. Nous sommes tous réunis pour dénoncer
ce manque de civisme grave et cette
violation ignoble d’une base de la vie en communauté de la part de certains
compatriotes libanais : on paie ce que l’on consomme et on ne vit pas aux
crochets de l’Etat, surtout quand on a les moyens financiers, encore moins si
l’on a des responsabilités publiques ou on a l’intention d’en avoir à l’avenir.
S’il y a une catégorie de Libanais qui ne sont vraiment pas dans le besoin
c’est bel et bien les politiciens, et spécialement les députés et les ministres,
surpayés pour ce qu’ils font, pas besoin d’en faire un dessin ou une
dissertation sur le sujet. Il est
particulièrement infâme et révoltant pour les honnêtes citoyens libanais, que
des représentants du peuple et de l’Etat libanais se foutent d’une manière
aussi flagrante de l’intérêt général et se croient intouchables et au-dessus
des lois. Etant donné qu’il s’agit de personnalités politiques, de l’aveu
même d’EDL, dont certains ont eu dans le passé ou ont actuellement des
responsabilités publiques, il est parfaitement légitime de mettre les citoyens
et les contribuables libanais au courant de l’identité de ces politiciens
fautifs.
Ainsi, par souci de
transparence, EDL doit de sa propre initiative ou y être obligée par la loi,
voire par la justice libanaise, RENDRE PUBLIC les noms des « politiciens
libanais mauvais payeurs », tous sans exception, ceux du Hezbollah s'ils y figurent, car on ne peut pas confier la gestion des affaires
publiques et de l’argent public au Liban à des personnes qui ne sont pas
capables de payer leurs factures comme tous les bons citoyens de ce pays. Une telle démarche permettra à la fois d’assainir
la vie publique au pays du Cèdre et d’éviter le marché des salades et des
prétextes bidon. C’est dans l’intérêt de tous : d'EDL et des « citoyens libanais bons payeurs » bien évidemment, mais aussi de Mohamamd
Kabbani et de Farès Souaid, pour ne citer qu'eux. Le secret d’EDL dans ce scandale est injustifié et source de
rumeurs !
*
Réf.
Scandale
des impayés de certains politiciens libanais à l’Electricité du Liban (1re partie)
Statut Facebook, 17 septembre 2015
Et l’on s’étonne encore que les choses ne
changent pas vraiment au Liban. Il y a deux jours,
un juge libanais a eu le courage d’ordonner à l’Electricité du Liban, de couper
le courant électrique qui
alimente les domiciles et les bureaux de dizaines de personnalités libanaises,
à cause de leurs impayés, 600 000 $ au total. Inutile de préciser que ce n'est
qu'une goutte d'eau par rapport à la dette abyssale du pays du Cèdre, qui
s'élève à 67 milliards $. Toujours est-il qu'aujourd’hui, toute la presse en parle
avec une langue de bois digne de la classe politique elle-même ! Une brève
recherche m’a permis de constater que l’info est rapportée par tout le monde
mais que l’écrasante majorité des médias
libanais n’ont pas publié les noms des fautifs. L’anonymat et la discrétion
rendent bien des services. En tout cas, le
quotidien Addiyar fait exception. Dans cette black-list, on y trouve des
hommes politiques, des députés, des ex-députés, des ex-ministres et deux
cerises sur le gâteau, une star de la chanson et un toubib star. Je vous
propose ma sélection, classement crescendo :
- Mohsen
Dalloul, ex-député et ex-ministre, grande figure de la collaboration avec
l’occupant syrien, qui s’est engraissée pendant l’occupation syrienne du Liban.
Il doit seulement 5 300 $ à l’EDL, à qui il interdit l’inspection de ses
compteurs. Ah, ça c’est louche.
- Ghazi
Zeatir, ministre à plusieurs reprises, actuellement ministre des Travaux
publics et des Transports, député since 1996 (bloc Berri). Il doit 7 300 $ à
EDL.
- Mohammad
Kabbani, député (Futur), since 1992 (avec un petit trou entre 1996 et 2000).
Il doit 10 000 $ à l’EDL. Avant que je n’oublie, MK est président de la
commission parlementaire des Travaux publics, des Transports, de l’Energie et
de l’Eau, since 2000. Il est quand même favorable à la dénonciation des
mouhmilinn, lui compris.
- Abdel
Latif el-Zein, député since 1962 (bloc Berri encore). Oui vous avez bien
lu, non je n’ai pas fait d’erreur de frappe, c’est bel et bien since 1962 !
ALEZ doit à EDL, la modique somme de 14 000 $, ce qui représente un peu plus
que le salaire d’un mois de travail. Inutile de s’étendre sur le dur labeur du
député libanais ! Au passage, depuis 1962, le doyen des députés libanais a reçu
636 fiches de paie. Ça fait rêver.
- Melhem
Barakat, le chanteur, doit 18 000 $ à EDL. Tiens, je suus curieux de
savoir, combien de réveillons ou de fractions de réveillons cela représente ?
- Sami
el-Khatib, le célèbre Sami el-Khatib lui-même. Pour info, c’est un
ex-officier des Renseignements de l’armée libanaise (suspendu de ses fonctions
pendant un temps, pour ingérence politique, restriction des libertés et
gaspillage de l’argent public), un ex-officier des Forces de dissuasion arabe
(qowat elrade3 el3arabiya, smallah!), réfugié politique chez les Assad
(jusqu’en 1982), ex-commandant de la branche dissidente de l’armée libanaise à
l’époque du commandement de Michel Aoun (1989), ex-ministre de l’Intérieur et
ex-député du Parlement à l’époque de la Terreur syrienne au Liban (1992-2004).
Il doit 39 000 $ à EDL. Bon, faut pas faire tout un plat BB, certains ont
vraiment des fins de mois difficiles !
- On a aussi trois Khazen, dans les affaires comme on dit, dont un ex-député du
Kesrouan. La famille doit 61 000 $ à EDL.
- La palme d’or de ce classement revient au
docteur Faouzi Adaimi, docteur ye3né
médecin. Le président du Syndicat des hôpitaux privés du Liban svp, et de
l’hôpital Notre-Dame du Liban à Jounieh, doit à l’Electricité du Liban, à titre
personnel et pour son hôpital, la coquète somme de 188 000 $, près du tiers des
impayés. Sacré doc !
C’est sans doute le fait que son hôpital se
situe à un jet de pierres de la pollution de l’usine électrique de Zouk qui l’a
décidé à vivre au frais de la princesse,
sur le plan électrique bien entendu. Décidément
au Kesrouan, certains vivent bien de la largesse de l’Etat libanais. A moins de
chercher l'explication dans un autre fait, la souveraineté libanaise ne
s’exerce pleinement que dans certaines zones du territoire libanais justement,
Kesrouan entre autres ! Pour rappel, puisqu'on est dans l'électricité, « le
taux de vol du courant électrique par région (factures non payées et
consommation non facturée) varie entre 12 et 69 % selon les régions: Beyrouth
12,1% – Mont Liban Nord 40,1% - Bekaa Sud 45,6% - Mont Liban Sud 49,6% - Liban
Sud 56% - Liban Nord 60,7% - Bekaa Nord 67,2% - Bekaa Centre 69,1%. »
Cela va sans dire, dans cette étude, la banlieue de Beyrouth est incluse dans
la région du Mont-Liban. Extrait de mon article 32, publié il y a 4 ans, jour
pour jour, enfin presque ! Dernière précision, ces violations ne sont pas
commises par des personnalités politiques, mais tout simplement par les
citoyens libanais, qui n'ont pas tous des fins de mois difficile, loin de là. Wou balad !