Aïe,
aïe, aïe, c'était pas une bonne idée. On peut penser la moitié
d'un quart d'un instant que la ministre israélienne de la Culture a souhaité profiter du Festival de Cannes, la plus grande
manifestation narcissique sur Terre et une des plus polluantes pour
l'environnement, en tapis rouges et en robes jetables, pour adresser un message de paix et de fraternité au monde. Oh la la, naïfs et naïves, arrêtez de penser et allez vous
recoucher. Nous penserons à votre place. A moins que vous ne décidiez d'ouvrir les yeux et de lire
la suite.
Miri
Regev est actuellement députée du Likoud et ministre du
gouvernement Netanyahou. Ça ne vous donne pas déjà une idée sur son formatage politique? Ah,
mais on a plus que ça dans les archives. Flashback. A 18 ans,
la jeune israélienne décide de rejoindre les « Gedudei
no'ar 'ivri », Gadna pour les connaisseurs, les bataillons de
la jeunesse hébraïque. Elle y reste trois ans. C'est une sorte
de cours-prépas facultatifs de l'armée israélienne réservés aux
lycéens en vue de les préparer au service militaire obligatoire.
Bon, disons une sorte d'endoctrinement, très utile pour augmenter la
vocation des jeunes israéliens pour rejoindre l'armée. Dans ce
programme militaire, on s'entraîne à tirer dès l'âge de 14 ans, élément
fondamental pour augmenter la culture des ados, n'est-ce pas? On
étudie aussi la géographie d'Israël, essentiel pour apprendre par coeur la chanson nationaliste que Jérusalem est la capitale éternelle d'Israël, que la Cisjordanie est le gruyère Judée-Samarie du temps biblique avec quelques trous
d'air palestinien inexpliqués et que tous les salauds de la Terre se liguent actuellement pour tenter de rompre le lien qui unit le peuple élu à la Terre sainte, et patati et patata et blablabla.
Général Miri Regev, porte-parole de l'armée israélienne, durant la Guerre de Juillet Photo Niv Calderon, 2 août 2006 |
Sud de Beyrouth, Guerre de Juillet 2006 (12 juillet-14 août) A l'époque, Miri Regev était porte-parole de l'armée israélienne |
Enfants israéliens dédicaçant les obus qui seront déversés sur le Liban pendant 33 jours durant la Guerre de Juillet 2006 "Pour Nasrallah, avec amour, d'Israël et Danièle" |
Général Miri Regev, porte-parole de Tsahal, lors de l'évacuation de Kfar Darom Gaza, 18 août 2005 Photo Wikimedia Commons |
Général Miri Regev, ministre israélienne de la Culture à ses heures perdues, ne connait rien à son ministère.
Elle y tombe comme un cheveux dans la soupe. Elle a fait la grande
partie de sa carrière au sein de l'armée
israélienne. 25 ans de service svp ! Ce n'est donc pas étonnant qu'elle soit la risée
du monde en venant à Cannes pour faire de la propagande politique, sous prétexte de Culture, en montant les marches portant une robe dont le
bas était bordée par une image panoramique de la ville de Jérusalem
où l'on aperçoit le Mur Occidental, la Tour de David et le Dôme du
Rocher. Le détournement sarcastique était donc évident et tout trouvé. Sans l'ombre d'un doute, une photo de Gaza, de
Tyr ou de Beyrouth, sous un déluge de fer et de feu de Tsahal, aurait mieux convenu
à sa robe, sa carrière et son état d'esprit. Pour une éditorialiste israélienne de Haaretz, cette robe est « de mauvais goût, agressive et colonialiste ».
Le message de Miri Regev à Cannes fait partie de la propagande officielle de l'Etat d'Israël qui est martelée sous différentes formes. Dans cette version, la ministre israélienne veut « fêter
les 50 ans de la réunification de la ville » et « célébrer
les 50 ans de la réunification de Jérusalem », comme on
peut le lire sur de nombreux sites israéliens, comme The Times of
Israël, et pro-israéliens, à l'instar du site néo-conservateur
américain, Dreuz. Elle l'a avoué elle-même : « Cette année,
nous fêtons les 50 ans de la libération et de la
réunification de Jérusalem. Je suis fière de célébrer
cette date historique par le biais de l’art et de la mode. Je suis
heureuse que ce travail réalisé par le styliste israélien Aviad
Herman soit si émouvant et qu’il honore le beau statut de notre
capitale éternelle, Jérusalem ». Foutaises. Non mais, arrêtez de
dire des bêtises madame Regev, comme dirait le jeune prodige de
l'Elysée !
Sans
remonter à l'époque de Mathusalem et polémiquer stérilement, la
dite réunification de Jérusalem s'est faite au cours de la guerre
des Six Jours en 1967. Elle n'est pas reconnue par la communauté
internationale. Ainsi, Jérusalem-Est, sera forcément la capitale de la
Palestine. C'est la clé de voûte de la paix dans le conflit israélo-palestinien. Israël ne pourra
pas s'y opposer éternellement car la partie Est de la ville est
actuellement occupée, annexée et colonisée par Israël, en
violation de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des
Nations Unies et du droit international.
Alors
que Miri Regev était au ministère de la Culture depuis un moment,
l'Unesco -United Nations Educational, Scientific and
Cultural Organization- a adoptée au cours de l'Assemblée
plénière tenue le 18 octobre 2016, une résolution historique,
sur une proposition présentée par sept pays arabes (dont le Liban,
l'Egypte, l'Algérie et le Maroc), malgré l'opposition de six pays
(dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne), et
l'abstention de 26 pays (dont la France), qui est venue nous
rappeler une vérité fondamentale. Dans ce texte composé de 41
points, qui énumère toutes les violations culturelles commises par
l'Etat hébreux dans la ville, Israël est systématiquement
désigné par la « Puissance occupante » de
Jérusalem-Est. Les Israéliens feraient mieux d'en prendre acte au lieu de continuer à aggraver leur cas et à ternir leur image dans le monde.
Faire carrière dans Tsahal, puis être ministre de la Culture, et décider ensuite de porter une robe de Jérusalem pour venir enfin au Festival de Cannes parler d'art, de mode, de culture, d'émotion et d'honneur, non mais franchement, on ne pouvait pas faire mieux comme mode d'emploi pour devenir la risée du monde en un clin d'oeil. Chapeau!
Faire carrière dans Tsahal, puis être ministre de la Culture, et décider ensuite de porter une robe de Jérusalem pour venir enfin au Festival de Cannes parler d'art, de mode, de culture, d'émotion et d'honneur, non mais franchement, on ne pouvait pas faire mieux comme mode d'emploi pour devenir la risée du monde en un clin d'oeil. Chapeau!