dimanche 23 juin 2013

Le « festival de Baalbek » doit se (main)tenir à Baalbek et nulle part ailleurs. Non, mais quoi encore ! (Art.158)


Eh oui, nous venons de l’apprendre, le festival de Baalbek sera délocalisé. Non, mais quoi encore ! Métél Qahwét lé2zéz, yémkinn ? Certes, ça n’a rien à voir, mais je ne peux pas m’empêcher d’y penser aujourd’hui. Quand on m’a rapporté à la fin de l’année 2010 que le plus vieux café libanais du quartier traditionnel de Gemmayzé allait fermer ses portes quelques jours plus tard, j’avais cru un instant que c’était un canular de connards, avant de réaliser amèrement que rien dans ce pays nase ne pouvait couper l’appétit d’ogre des promoteurs, ella eza kholso zaitétoun lal chabibé... et encore, les héritiers continueraient ! J’étais fou de rage, mich la2énno kénét yatti2 be qahwét lé2zéz kel el nhar, mais parce que ce lieu mythique, que tout Beyrouthin de ma génération connaissait de nom, allait disparaître.

Il faut savoir que Qahwét lé2zéz, Café des Vitres, occupait la même place populaire à Beyrouth que le Café de Flore ou les Deux Magots avaient sur le plan littéraire à Paris, avant leur snobinardisation. Nous nous sommes mobilisés pour sauvegarder la mémoire des lieux, en vain. Qahwét lé2zéz a été expulsée du quartier de Gemmayzé vers Antélias. Le propriétaire aurait promis de conserver ce magnifique immeuble du début du 20e siècle. Mais, au prix du mètre carré à deux pas de la place des Martyrs, je doute qu’il tienne sa parole. Comme l’Etat libanais a d’autres chats à fouetter que de s’occuper de l’héritage culturel dont il a la charge, et de se faire respecter, dans les meilleurs des cas, la façade du bâtiment pourrait être conservée et une tour moderne hideuse d’une douzaine d’étages, lui sera accolée derrière. C’est parce que rien ne semble pouvoir arrêter l’expulsion systématique de la classe moyenne libanaise, les hommes et la pierre, des quartiers historiques de Beyrouth (centre-ville, Gemmayzé, Achrafieh, etc.), Qahwét Lé2zéz ne renaitra donc pas de ses cendres à Beyrouth mais à Antélias. Après 90 ans d’existence (1920-2011), une page s’est définitivement tournée, sur ce lieu enfumé par les senteurs des narguilés, dont la large devanture vitrée a été témoin de tant de discussions houleuses, d’éclats de rire, de bagarres politiques et de partis de trictrac. 

Wou chou 2ossit mahrajénn Baalbak ? On nous dit que le festival international de Baalbek sera délocalisé, vers une destination encore inconnue, pour des raisons de sécurité, à cause de la situation en Syrie précisément. Je ne rentrerai pas dans une polémique stérile sur les détails sécuritaires, mais une simple réflexion de bon sens. Wlak chou wé2fé 3a Baalbak, ma el balad kéllo 3a kaf 3afrit ! Et puisqu’il en est ainsi, je pense sérieusement que pour des raisons sécuritaires, ils devraient, el qayiminn 3layna, délocaliser les 3,5 millions de Libanais quelque part dans ce monde, je ne sais pas, sur les îles grecques par exemple, en attendant de jours meilleurs. Bérabkoun, est-il est plus dangereux d’être à Baalbek que dans la banlieue de Beyrouth, à Kéhalé, Ballouné ou Chiyah par exemple, où plusieurs roquettes Grad sont tombées en l’espace de quelques semaines, sans qu’on sache ni qui les a tiré, ni pourquoi on les a tiré, ni quand ça va se répéter ?


Mais, au-delà des contraintes sécuritaires, je voudrais vous faire part de mes craintes au sujet du festival de Baalbek. Avant cela, trois constats amers. Au Liban, tout le monde sait que les prétextes ne manquent jamais pour faire avaler des couleuvres aux gens, tout ce qui est temporaire risque fort bien de devenir définitif, et le « on fera mieux » se révèle toujours être une énorme déception, quand ce n’est pas un grand désastre. Trois illustrations. D’abord, avec les Souks de Beyrouth, qui ont été reconstruits « en plus beau », nous dit-on, mais en plus luxueux surtout, ce qui fait que depuis leur inauguration ce sont des lieux déserts, où l’on vende des choses hors de prix, alors qu’à l’origine aswé2 beïrout étaient des lieux populaires qui grouillaient de monde, et qui n’avaient rien à envier au Grand Bazar d’Istanbul. C’est à se demander, si les nouveaux souks ne sont pas devenus un Disneyland commercial, pour blanchir l’argent sale et pour bourgeoises qui s’ennuient ! Ensuite, avec la place des Martyrs, la place des Canons, sé7ét el bérj, un magnifique lieu, un bouillon de culture et de vie autrefois. Ce lieu qui avait tout au début du siècle dernier pour devenir notre place des Vosges, un décor à la parisienne, n’est aujourd’hui au début de ce siècle qu’un immense parking du tiers-monde, en attendant l’arrivée des tours hideuses, un décor à la dubaïote, des immeubles au luxe ringard et hors de portée de la classe moyenne. En deux mots : une honte ! Enfin, actualité oblige, avec le  jardin de Geitawi qu’on voudrait transformer en un parking de 700 places, pour les nantis d’Achrafieh, en promettant de refaire un jardin plus beau à la fin du chantier, alors que deux tiers du sous-sol sera bétonné, empêchant la plantation de grands arbres !

Tayeb, bass ma fhemna chou 2ossit el mahrajénn ya Baalbaki ? Baalbek, mon amour ! C’est un choix personnel. Je l’ai adopté comme on adopte un enfant. Pendant longtemps, comme tous les djeunes, je m’en foutais de Baalbek et de son héritage archéologique. Je ne connaissais cette ville qu’à travers les photos sépias de mes parents, la bonne ambiance d’avant la guerre. Après, niet. A l’étranger, quand on apprenait que j’étais Libanais, on me parlait plus souvent des qualités de Marie-Jeanne de la Békaa, « bonne » par rapport à Marie-Jeanne de Casablanca !, que des ruines du Temple de Jupiter, encore moins de celles de Vénus ! Il a fallu attendre la fin de la guerre et les années 2000, pour que je découvre comme un touriste étranger, cette cité phénicienne et gréco-romaine bénis des dieux, Baal en tête, dieu phénicien de l’orage, de la foudre et de la pluie. 


Je me souviens encore de cette joie immense qui m’a envahi en montant les marches de ce sanctuaire. Plus que de la joie, une grande fierté m’avait submergé. Découvrir Baalbek, après avoir parcouru l’Italie et la Grèce, m’a permis de comprendre pourquoi le Liban occupait une place si particulière dans la mémoire occidentale, surtout d’une certaine génération. J'ignorais, comme beaucoup de mes compatriotes, qu'au Pergamon Museum de Berlin, se trouve par exemple cette corniche de l'entablement des colonnades de la cour du Temple de Jupiter, photo ci-contre, une preuve extraordinaire du raffinement de l'architecture de Baalbek. Le sanctuaire de Baalbek est inscrit sur la liste du Patrimoine mondial depuis 1984 car « Le site archéologique de Baalbek représente un complexe religieux d'une valeur artistique exceptionnelle. Son majestueux ensemble monumental... reflète l'amalgame des croyances phéniciennes et des dieux du panthéon gréco-romain dans une étonnante métamorphose stylistique... C’est l'un des témoignages les plus imposants de l'époque romaine à son apogée... Il compte parmi les plus grands temples romains jamais construits et parmi les mieux préservés. » On ne se rend vraiment pas compte, nous autres Libanais, de la chance que nous avons !

Et sur ce site exceptionnel a lieu depuis 1956, grâce au président Camille Chamoun, le Festival international de Baalbeck, qui a depuis l’origine comme objectif de promouvoir la vie culturelle au pays du Cèdre. Disons sans exagération aucune, que ce festival est unique dans le monde arabe puisqu’il offre à divers artistes, danseurs, comédiens et musiciens d’horizons différents, du Liban et du monde entier, l’occasion de se produire devant un public libanais et arabe essentiellement, dans un merveilleux cadre à Baalbek, sur le site d’Héliopolis, la ville gréco-romaine du soleil, voire dans l’enceinte même du somptueux temple de Bacchus, Bakhos, le dieu romain du vin, comme on peut le voir dans cette magnifique performance de la chanson Habibi par Mashrou3 Leila lors de la saison 2012 ! 

Et ce n’est pas tout. Ce qui rend cette manifestation culturelle encore plus exceptionnelle c’est qu’elle se déroule de nos jours dans le fief du Hezbollah. Et là résident les problèmes. On sait que ce parti théocratique méprise tout ce que ce site archéologique et ce festival peuvent représenter aux yeux des Libanais. On sait aussi que le soi-disant parti d'Allah a commencé depuis un long moment déjà, à utiliser ce lieu de notoriété mondiale, comme support publicitaire pour sa propagande, dans l'indifférence générale des pouvoirs publics, comme le montre la photo ci-contre, prise lors du festival de 2010. On sait également que la milice chiite ne fait rien, mais absolument rien, pour faciliter la vie des organisateurs du festival et permettre au public, d’assister sereinement à ces spectacles et à ces concerts de plein air. Bien au contraire, tout est bon pour troubler le bon déroulement du festival : la musique ambulante des voitures, les klaxons intempestifs, l’incendie des ordures ménagères, le muezzin qui force la dose, et évidemment, les tirs de kalachnikov avec ou sans raison, pour rappeler à celui que la musique l’a fait planer quelques minutes de revenir sur Terre, et à celle qui a oublié pendant un laps de temps où elle se trouvait, de se souvenir qu’elle est sur les Terres de la milice du Hezbollah.

Et comme si on n’avait pas suffisamment de problèmes comme ça, la crise syrienne vient donc de se greffer sur les problèmes existants, ce qui a poussé les organisateurs à décider de délocaliser le festival. Allons-y pour le festival de Baalbek place Sassine, rue Verdun, dans les jardins de Zouk Mikhael, à Beiteddine comme l’a proposé Nora Joumblatt (la directrice du Festival de Beiteddine, l’épouse de Walid Joumblatt... tiens, tiens, l'opportuniste !), et pourquoi pas à Nahr el-mott et qu’on en finisse ! Et puisqu’on y est, pourquoi ne pas organiser le festival de Cannes à Trifouilly-les-Oies et trifouiller les oies du Sud-Ouest place de la Concorde à Paris, et remplacer le Festival du Cinéma américain de Deauville par le Festival du film égyptien à Amsterdam, et décider que la prochaine Berlinale se tiendrait à Téhéran et serait rebaptisée en Téhéranade ! Décidément le monde ne tourne pas rond. En tout cas, certainement pas au Liban.

Si la situation sécuritaire dans notre pays ne permet vraiment pas d’organiser le festival de Baalbek à Baalbek, il faudrait peut-être annuler la saison 2013 purement et simplement que d’organiser le festival de Baalbek ailleurs ou encore mieux, déprogrammer certains artistes étrangers frileux, continuer avec ceux qui maintiennent leur participation et en inviter d'autres, connus et moins connus, Libanais et étrangers. Comme tout le monde le sait, dans notre pays, plus qu’ailleurs, la nature a horreur du vide et tout ce qui est temporaire risque de devenir définitif, notamment avec la bonne volonté du Hezbollah et sa détermination, à expulser de son fief, un festival culturel qu’il ne contrôle pas. Délocaliser le festival de Baalbek, c’est rendre service au Hezbollah. Il en rêvait sans jamais oser le demander. Ça sera fait, ou en voie de l'être. Maintenant, il ne lui reste plus que de faire en sorte que le festival n’y revient plus, et qu’il soit plutôt remplacé par quelque chose qui soit moins subversive et plus conforme avec « la culture de la résistance ». C'est tout simplement écœurant. Il faut donc en être conscient. Wa man lahou ouzounann sami3atann, fal yasma3. A bon entendeur, salut.

jeudi 20 juin 2013

See you later, Alligator ! La fête de la musique à Beyrouth (Art.157)


Il fallait y penser d’accord, mais qui aurait cru que cet événement Made in France, deviendrait en quelques années un phénomène planétaire ? Personne. Certainement pas Jack ! Pas jack la prise, mais Jack Lang, le réalisateur de l’événement, ce jeune homme qui a dormi à la belle étoile de Rachana d’avant la guerre, passage attesté par les habitants de ce village de Batroun, la capitale d’Orient de la sculpture contemporaine, la ville des frères Basbous, la pause qui s’impose, sur la route de Sainte Rafqa.

Pourtant, la graine est américaine. Son nom est « Joel Cohen ». L’artiste l’a semé en 1976, lorsqu’il était musicien-producteur à Radio France. Il a fallu six ans à la germination, pour donner la Fête de la musique que nous connaissons actuellement. L’idée est simple : accueillir l’arrivée de la belle saison dans la joie, la bonne humeur et la musique. C’est une version moderne de ce que l’on faisait dans l’antiquité, à Byblos, à Alexandrie et à Athènes, officiellement svp, pour célébrer en grande pompe, la renaissance de la nature, lors de la fête de Tammouz, le bel Adonis de Phénicie dont Aphrodite été drôlement éprise. Toujours est-il, le 21 juin, professionnels et amateurs sont à pied d’égalité, et exceptionnellement, ce jour-là, même les DJ -qui sont aux musiciens, ce que les pharmaciens sont aux médecins !- peuvent prétendre à un label. Ma 7adan yéz3al ya chabeb, maz7a 3al méché.

Eh oui, dans cette nuit du mois de juin, toutes les musiques se valent, et même le rap a droit de cité. Quoi, y a un blème ? Non, non, aucun problème ! OK, je rewinde : et surtout le rap, a droit de cité ! On chante dans toutes les langues officiellement reconnues à Babel. On peut se produire où bon nous semble, loin des miroirs du dressing et de la salle de bain. Les concerts sont gratos, les descendants phéniciens chômeront pour quelques heures. La devise « liberté, égalité et fraternité », se porte bien et s’exporte mieux.

Le succès de la fête de la musique a été immédiat dès les premières années. Il est allé d’une manière exponentielle par la suite. Aujourd’hui, on retrouve cette fête officieuse non fériée, dans plus d’une centaine de pays. Au moins 400 villes dans le monde chantent et dansent au solstice d’été, hémisphère sud compris, et pourtant ! Seul bémol, cette fête n’a lieu que sept mois après l’arrivée du Beaujolais nouveau dans la vie festive des francophones et loin des Terres de la Beerex, the Beer Exhibitions, les festivals de la bière qui jalonnent la vie festive des anglophones ! Bassita, mortels que nous sommes, nous survivrons.

Cette année aura lieu la 13e édition de l’événement à Beyrouth. A partir de 19h et jusqu’à l’aube vous pourrez écouter une sélection d’artistes et de groupes répartis sur une dizaine de scènes musicales dans la capitale : le jardin Samir Kassir (pop-folk-rock-blues-indie), la place des Martyrs, l’escalier Saint Nicolas, les thermes romains (scène francophone), les souks de Beyrouth (variétés), Zaitunay Bay (orientale et touristique) et plusieurs églises du centre-ville (classique), ainsi que le Front de mer (électro). Il y en a pour tous les goûts (pop, rock, folk, blues, indie, électro, variété, classique, oriental, musiques du monde). Le programme complet se trouve sur le site de l’Institut français. Voici ma propre sélection. Hasard des choix, la parité est respectée ! A vous de créer la vôtre. Enjoy.


20h00-20h40, Thermes romains : LARA EIDI (acoustic, folk, ethnic, indie)
Lara Eidi is a singer-songwriter of Canadian, Greek and Lebanese descent. Lara’s music developed into an original synthesis of sounds based on a variety of influences (folk, jazz, indie-pop) produced from just voice, a piano, an acoustic guitar and a cello. Lara will also be playing with her band at this year Edinburgh Fringe Festival In Edinburgh, Scotland.

20h40-21h10, jardin Samir Kassir : POSTCARDS (indie, folk)
Postcards is a new band that performs in various pubs in Mar Mikhael, Dbayeh, Monot, Hamra since November. They’re actually working on recording their first EP this summer, and their first single will be released end of May.

22h00-22h40, jardin Samir Kassir :  OAK (pop, folk)
Allen a songwriter-guitarist-singer better known as Oak - is home again in Beirut, the place of his roots. Sonic-monk, travelling troubadour, Oak has been performing solo and with other musicians since the 90’s in Beirut, Paris, Sydney and Wellington, New Zealand. His music - with soaring vocals, and chilled-out acoustic and raw electric guitars is in the vein of British Pop-Rock – with a folky breeze blowing through. With lyrics, in turn playful and edgy, Oak explores truth, longing, identity, war, love and beauty. His album ‘On the Borderline (Between the Heart and the Mind)’ was released in Sydney.

23h05-23h45, place des Martyrs : JAY WUD (métal, hard rock)
Jay Wud is a Lebanese rock artist. Wud has supported Robert Plant from Led Zeppelin in Tunis 2006, Aerosmith in Abu Dhabi 2009 with local bands The Kordz and Paulak and lately Guns’N’Roses in Dubai. Jay Wud released his first album New Blood in 2010 and his second album False Utopia in November 2012.

00h10-00h40, jardin Samir Kassir : THE BANANA COGNACS (funk)
The Banana Cognacs style is quite diverse in terms of contrasting music backgrounds, but the main elements are funk and blues with some emceeing that takes it to a hip hop pitch. The list of venues under the Banana Cognacs belt range from Dany’s pub in Hamra street to EM Chill and the Junkyard Pop-Up Restaurant, both in Mar Mikhael, and the Beirut Music and Art Festival. With a 14-song repertoire of originals, the Banana Cognacs are actively seeking to expand both in experience and reach. They released their debut EP in the summer of 2012. Hear tracks from the EP on their Soundcloud page.

1h jusqu'à l'aube, Front de mer : MQUBE, MAD, COTTONMOUTH, DAVID MAOUAD, VANCLOD JANDAM, RONIN & NESTA, RAMZY SHAAR, ALTERRA (électro)
Une fois le programme musical des scènes en plein air achevé, le public noctambule s’y retrouvera avec le meilleur de la scène électronique libanaise et française.


Hei hiyé kel el2ossa. Tékhrab to3mar, mich méchklé. El mouhim, énno tkoun wél3ané ! Avant que je n'oublie, que Dieu garde Yann Barthès. Longue vie et prospérité à Canal+. A propos, un conseil, vous pouvez visionner la trilogie du Petit Journal consacrée au pays du Cèdre, avant de vous rendre à la fête de la musique, une façon de se rappeler que le Liban est un sacré pays ! La preuve en 3 parties : épidode 1, épisode 2, épisode 3 ! Encore un dernier truc. Merci à tous les artistes libanais de nous faire oublier avec quelques accords tous les ennuis de notre pays, et de nous donner l'illusion, ce jour-là, mais aussi tout le reste de l’année, que nous vivons dans un pays NORMAL! J'ai bien dit « l'illusion », ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Okay, ba3ed badkoun chi ménné ? Yalla bye. See you later, Alligator.

vendredi 14 juin 2013

Deux tiers du sous-sol du jardin de Geitawi sera bétonné (Art.155)


Après notre mobilisation massive contre le dernier projet de la municipalité de Beyrouth, visant à créer un parking souterrain dans le jardin de Geitawi, une rumeur a circulé un moment sur les réseaux portant sur l’annonce par le président du Conseil municipal du retrait du projet controversé. En réalité, il n’en est rien. Bilal Hamad s’est effectivement adressé à la presse à ce sujet, mais n’a absolument pas annoncé l’abandon de l’idée. Par souci de clarté et afin de mieux vous informer, je vais reprendre les dernières déclarations de la municipalité de Beyrouth concernant ce projet -les plus marquantes- et les commenter.

Voyons un peu. Dans un droit de réponse publié par le quotidien Al-Akhbar le 11 juin, la municipalité de Beyrouth prétend que « la construction du parking n’affectera nullement le jardin ». Bien au contraire, dira Bilal Hamad, le président du Conseil municipal de Beyrouth dans Annahar du même jour. « Le jardin des Jésuites restera intact. Après sa restauration il deviendra plus beau qu’il ne l’est aujourd’hui. » Des foutaises, oui ! C’est typique, le genre de déclaration, surtout quand c’est en gros titre (comme ça était repris par certains médias et plusieurs personnes sur facebook), qui induit magistralement en erreur. Le projet de parking est plus que jamais à l’ordre du jour, comme le prouve la suite des déclarations de Bilal Hamad, et aura des conséquences graves, que j’ai exposées en détail dans mon article « Un parking en plein cœur d'un jardin d'Achrafieh : le dernier délire (bis) de la municipalité de Beyrouth ».

« Nous avons décidé de construire 4 à 5 étages souterrains pour 600 voitures. » Enfin, des chiffres ! Disons d’emblée, que les deux chiffres du président de la municipalité de Beyrouth sont en contradiction avec ceux avancés par les membres du Conseil municipal. Hagop Terzian, conseiller municipal, a évoqué dans l’Orient-Le Jour du 8 juin, un parking de 700 places. Rachid Achkar, responsable du Comité du transport au Conseil municipal de Beyrouth, a quant à lui, annoncé dans l’Orient-Le Jour du 12 juin, un parking de quatre niveaux. Il faudrait quand même savoir, c’est 600 ou 700 places, sur 4 ou 5 niveaux ? Connaissant les pratiques et les mentalités libanaises, on peut même s’attendre à bien davantage. Mais enfin, le problème ne réside pas dans le nombre de places, autant qu’il est dans l’existence du parking lui-même. Pour la suite, je me baserai sur les chiffres de M. Terzian et de M. Achkar, mon instinct me dit que ceux de M. Hamad, ont été avancés dans une tentative ridicule de minimiser l’impact du parking sur le jardin ! Ma3lé.

Comme je l’ai dit dans mon article du 9 juin, le président du Conseil municipal doit savoir que s'il veut permettre aux voitures de se garer sans souci, la taille standard d'une place de parking, comme elle est admise au niveau international, est de 2,5 m x 5 m. On doit donc prévoir 12,5 m² de parking par voiture, et tenir compte de la surface totale des planchers qui ne sera pas disponible au stationnement (les voies de circulation interne). Ainsi, de simples calculs font apparaitre que les Achrafiotes doivent s'attendre à voir germer dans le sous-sol de cet espace vert de Geitawi, au moins 11 000 m² de parking (8 750 m² de places de stationnement et 2 250 m² de voies de circulation). Nous aurons donc 11 000 m² sur 4 niveaux, ce qui nous donnera une surface au sol de 2 750 m² par niveau ! Comparée à la surface du jardin, 4 400 m², c’est 62,5 % du sous-sol qui sera condamné. Bilan des courses et des calculs, deux tiers du sous-sol du jardin de Geitawi sera bétonné en fin de chantier ! Eh wallah, badda tabél wou zamér!

Rachid Achkar nous rassure, « Le jardin sera refait, en plus beau. Les arbres ne seront pas jetés mais replantés. » Quelles foutaises. Mais quoi encore ! Arracher des ficus de plus de 50 ans, pour les stocker 4 ans je ne sais où, puis les replanter au dessus d'une dalle en béton et faire croire aux gens que la transplantation réussira, est une couleuvre que même des citadins qui n’ont pas la main verte auront du mal à avaler. Il faut donc arrêter de se foutre de la gueule des gens, et surtout de leur mentir. Au-dessus d’une dalle en béton armé de petits arbustes remplaceront les grands arbres. Avec une réalité aussi triste, comment la municipalité de Beyrouth ose prétendre qu’elle cherche à « augmenter la surface des espaces verts à l’intérieur du jardin », alors que son projet bétonnera 2/3 du sous-sol de cet espace vert, ce qui conduira ipso facto à arracher les grands arbres existants, pour les remplacer par de plantes de petites tailles ? Mystère et boule de gomme. Que la municipalité de Beyrouth cesse déjà de tailler sévèrement les arbres existants, pour en faire des arbres ridicules d’ornement, et les laisse s’épanouir comme il se doit et comme il se fait dans toutes les villes occidentales. Bala laf wou dawarann, par ce projet de parking, la municipalité de Beyrouth transformera ce magnifique jardin de cyprès, de sapins et de ficus en une ridicule jardinière géante où quatre primevères, trois géraniums et deux pensées se battront en duel. Dans une ville où il fait autour de 30° et même plus, six mois l’année, avouez que la municipalité de Beyrouth n'a vraiment pas peur du ridicule. Alors, vous comprenez mieux maintenant pourquoi la prétention de Bilal Hamad, « Le jardin des Jésuites restera intact. Après sa restauration il deviendra plus beau qu’il ne l’est aujourd’hui », est un non-sens grotesque !

Question pratique, le président du Conseil municipal de Beyrouth, a annoncé dans son apparition à la presse, « Nous avons demandé à une équipe de spécialistes de préparer une étude et de l’intégrer au projet, elle nécessitera entre 6 et 8 mois. L’attribution du projet et sa mise en œuvre demandera entre 2 et 3 ans. » Là aussi c’est la valse des chiffres. Rachid Achkar, lui, nous parle d'un an et demi ou deux ans de travaux ! Cette fois-ci c’est sans doute Bilal Hamad qui s’approche de la réalité. Dans le passé, on a même parlé de 4 ans. Mais bon, qu’importe nous ne sommes pas à un an près. Arrêtons-nous sur l’étude déjà. Une étude de quoi au juste ? Vous n’allez pas me croire, on ne l’a pas su. Est-ce sérieux ? J’en doute. Et pour cause. Une mobilisation citoyenne pousse le président du Conseil municipal à faire une déclaration à la presse, annonçant « une étude » sans plus de précision ! Avouez, qu’il est difficile de le prendre au sérieux. Etant donné cette opacité, je suis plutôt enclin à penser que c’est de la poudre aux yeux pour faire sérieux, et surtout, pour refroidir l’ardeur des protestataires contre ce projet.

Et malgré ce peu de sérieux et cette opacité, autour d’un projet aux conséquences aussi graves, Rachid Achkar, Monsieur Transport de la municipalité, a le culot de nous balancer : « Si une partie de la population s'oppose à ce projet, c'est qu'elle a une vue très courte de l'avenir. Pour notre part, nous faisons de la planification, nous travaillons sur le long terme. Le projet sera réalisé, nous ne sommes pas obtus, mais nous avons l'obligation de respecter les plans de développement. Nous faisons ce que nous pensons être le meilleur pour la ville. » De la planification, du long terme, un respect des plans de développement et le meilleur pour la ville ? Enno bass yé7ké ! Palabres au pays des palabres ! C’est nous qui avons une « vue très courte de l’avenir » ? La municipalité de Beyrouth creuse davantage son ridicule, en négligeant la répercussion de la mutilation du jardin de Geitawi -par le remplacement des grands arbres avec de minables plantes- sur la santé de tous les Beyrouthins, notamment les Achrafiotes. Comment des responsables publics, qui prennent une décision aussi grave, peuvent-ils ignorer que Beyrouth fut déclarée la 176e ville la plus polluée au monde selon une étude de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), menée en 2011 et portant sur 1082 villes ? La2, ma3jou2inn el chabeb. Dans une ville où les habitants ne disposent que de 0,1 million m² d’espaces verts -24 millions pour les Parisiens et 64 millions pour les Berlinois-, dans une ville où le plus grand espace vert, le Bois des Pins (un parc plus grand que le jardin des Tuileries et le jardin du Luxembourg à Paris !), reste toujours fermé au public alors qu’il aurait dû ouvrir en 2002, el chabibé veulent plus d’autoroutes et de parkings ! Pathétique. Rappelons que la pollution atmosphérique ignore les  frontières administratives et communautaires. Elle est à l’origine ou aggrave les cardiopathies, les cancers du poumon, les infections des voies respiratoires et l’asthme.

Dans tous les cas, nous ne demandons pas à la municipalité de Beyrouth de se surpasser pour nous offrir l’équivalent des tours-parkings de Wolkswagen à Wolfsburg en Allemagne, un parc automatique de 800 places de stationnement des voitures de la marque, ou mieux, du Santa Monica Civic Centre Parking Structure, un bâtiment de 6 étages en hauteur et 2 en sous-sol, qui permet de joindre l’utile à l’esthétique, en offrant à la ville un « beau » parking de 900 places et de produire de l’électricité grâce aux panneaux photovoltaïques installés sur le toit. Bassita ma 7ada yidappriss ya chabeb, notre ambition est bien plus modeste. Je conseille à la municipalité de Beyrouth de s’abonner déjà à la revue américaine « Parking » de la Nation Parking Association, je suis sûr qu’elle trouvera de quoi s’en inspirer. En attendant, revenons sur terre, je réitère mes trois questions à la municipalité de Beyrouth, concernant les solutions alternatives à ce projet absurde.

1. Pourquoi diable, aller défigurer un jardin public et arracher des grands arbres, alors qu’on peut construire des bâtiments-parkings avec quatre sous-sols et dix étages, entièrement consacrés au stationnement des voitures sur les parcelles appartenant à la municipalité de Beyrouth, dont l’une se situe non loin du jardin de Geitawi ?

2. Pourquoi la municipalité de Beyrouth ne signe pas de partenariats avec les promoteurs de la ville, prenant à sa charge, moyennant une indemnité pour les propriétaires, la construction de parkings souterrains sur des parcelles privées qui sont déjà dédiées à la construction, et qui seront mis en vente et en location, aux non-résidents des futurs immeubles ?

3. Pourquoi ne pas utiliser l'ensemble de la voirie, qui est dans le domaine public, pour construire des parkings souterrains ?

Au total, je pense que la nouvelle équipe municipale de Bilal Hamad devrait renoncer à créer un parking dans le jardin de Geitawi, comme l’a fait avec beaucoup de sagesse l’ancienne équipe de la municipalité de Beyrouth, en 2009, au sujet du jardin de Sanayé3. Le Conseil municipal, doit se pencher sérieusement sur les solutions alternatives, pour régler les problèmes de stationnement, et abandonner définitivement l’idée farfelue de mutiler le peu d’espaces verts que nous avons pour en faire de hideux parkings.

Réf.



mardi 11 juin 2013

Fête de la musique au jardin de Geitawi le vendredi 21 juin, et pourquoi pas ? (Art.153)


Oui, pourquoi pas ? Pourquoi ne pas organiser un méga-giga-concert le 21 juin dans ou aux alentours du jardin de Geitawi pour dénoncer ce projet absurde de la municipalité de Beyrouth qui souhaite transformer ce magnifique jardin de cyprès, de sapins et de ficus en une ridicule jardinière géante où quatre primevères, trois géraniums et deux pensées se battront en duel ? Il ne fait aucun doute, un tel concert aura beaucoup de retentissement à Beyrouth, il servira cette cause et montrera une image civilisée de notre pays, dont on a sacrément besoin en ce moment.

J’en ai parlé sur la page facebook de Save Beirut Heritage et à quelques amis artistes. Bon, je sais qu’il y a un rassemblement prévu le samedi 15 juin par Beirut Green Project. On peut évidemment se réunir le 15, le 21, et d’autres jours. Mais, on a la chance d'avoir le 21 juin sur notre route, c'est exactement dans 10 jours. Ni trop proche, ni trop loin. Juste ce qu'il faut pour monter un grand événement. Tout le monde est sensibilisé en ce moment contre ce projet. Il faut donc frapper un grand coup. Je pense qu’il vaut mieux faire un seul grand événement rassembleur que de multiples petits événements dispersés. Une simple question d’efficacité. On ne peut pas mobiliser un grand nombre de personnes plusieurs fois de suite, surtout si les dates sont rapprochées. Toute l’organisation du 15 de Beirut Green Project peut être reportée au 21 juin, bédoun ay méchklé. On n’attend pas la reine d’Angleterre à ce que je sache ! Dans tous les cas, qu’importe, le 21 juin est symbolique, c'est un jour spécial : c'est le début de l’été, c'est la fête des pères et surtout, c'est la fête de la musique. Donc les gens seront mobilisés naturellement. Tout événement organisé ce jour-là sera amplifié d'une manière exceptionnelle. Et c'est exactement ce qu'il nous faut. Profitons-en. L'idée est donc de tirer parti de ce jour spécial, pour faire de cet événement musical un petit buzzzzzzzzzzzzz, qui nous aidera à dénoncer plus efficacement -en touchant le plus grand nombre de personnes- ce projet grotesque, dans la joie et la bonne humeur, et à faire pression sur le Conseil municipal de notre capitale pour qu’il abandonne définitivement l’idée farfelue de mutiler le peu d’espaces verts que nous avons pour en faire de hideux parkings.

On pourra éventuellement préparer des flyers, et exposer en quelques mots les graves problèmes soulevés par ce projet (sur les plans humain, patrimonial, identitaire, urbanisme, écologique, sanitaire, archéologique, culturel, etc.) et montrer que la municipalité de Beyrouth a plusieurs options entre les mains, des options qu’elle n’a même pas étudiées.

Tenez, en plus, le 21 juin tombe cette année un vendredi, début du weekend !
Dans tous les cas, les bulldozers ne sont pas dans le jardin. Donc le 15, le 21 ou le 32 juin qu’importe. Ce qui compte surtout, c’est l’efficacité d’une action ! On a parfois tendance à l’oublié. Les rassemblements de défense du patrimoine archéologique ou écologique au Liban, ne rassemble que quelques dizaines de personnes habituellement. D'où la nécessité d'avoir un système amplificateur. La fête de la musique peut parfaitement jouer ce rôle.
 
Avant que je n’oublie, il reste naturellement le détail de l’histoire : le problème d’autorisation de faire une telle manifestation musicale dans le jardin même ou sur la voie publique. Bassita, on n’a qu’à demander l’aide des insomniaques conseillers municipaux, qui, j’en suis sûr, se plieront en quatre pour le plaisir de leurs chers administrés !


Un parking en plein cœur d'un jardin d'Achrafieh : le dernier délire (bis) de la municipalité de Beyrouth (Art.152) par Bakhos Baalbaki

Une autoroute en plein coeur d’Achrafieh : le dernier délire de la municipalité de Beyrouth (Art.141) par Bakhos Baalbaki