Dans ce deuxième volet de cette
série d’articles que je consacre à ces défenseurs zélés de la France dont la
République française se passerait bien, j’aborderai un autre sujet d’actualité brûlant,
celui du retrait d’une crèche du Conseil
général de Vendée et la pression faite sur les maires Front National de
Béziers, Robert Ménard, et de l’UMP de Melun, Gérard Millet, pour démonter les
crèches installées dans leurs mairies, en pleine période de Noël.
J’ai suivi avec beaucoup
d’intérêt, et d’amusement il faut dire, les réactions que ces événements ont suscitées
en France, mais surtout au Liban. Une
crèche c’est « un homme, une femme, un enfant, quelques bêtes », titrait L’Orient-Le Jour (OLJ) la semaine
dernière. Dès la première phrase, le ton est donné : « Elle doit être bien
malade, la France laïque, dans son cœur, dans sa tête, dans son identité et
son estime de soi, pour s'offusquer tout à coup de la présence des crèches dans
les lieux publics à la veille de Noël ». Etant chargé par Laurent
Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, mon voisin de palier sur
Facebook, de répondre à ce grotesque constat, je voudrais rassurer la
journaliste libanaise d’emblée : la France se porte comme un charme, ce
sont les zélés qui pètent des durites ces derniers temps.
Zappons cette arrogance déplacée
et admettons son expression. La journaliste de l’OLJ rajoute un peu plus loin : « S'il faut supprimer les crèches, autant supprimer toute cette fête indissociable
de la tradition et de la foi chrétiennes, allez, par respect pour les autres communautés, selon l'argument démagogique avancé par les
champions de cette étrange cause. »
Il faut vraiment rien connaitre de la France pour penser ne serait-ce que la
moitié d’un quart de seconde que dans la République française, « les champions de cette étrange
cause » (cette cause concerne la laïcité), ordonnent le
retrait de ces crèches « par respect
pour les autres communautés » (sous-entendez musulmane et non shintoïste),
en se basant sur un « argument démagogique »
(le respect de la loi). Trois
grotesques réflexions, c’est un peu fâcheux pour quelqu’un qui prétend
informer les citoyens libanais sur l'actualité française. Ce ne sont ni les fanatiques athées de Gauche,
ni les musulmans, ni les bouddhistes, ni les shintoïstes, ni les fans de
Marilyn Manson qui dictent leurs lois en France. Il faut cesser ce mensonge. Dans l'affaire de Vendée, c’est
le tribunal administratif de Nantes qui a ordonnée au Conseil général de
retirer la crèche de la Nativité. La décision judiciaire n’est motivée ni
par la christianophobie ni par l’islamophilie, ni par respect de quoi que ce
soit, ni par irrespect de qui que ce soit, mais uniquement en application de la loi du 9 décembre 1905, qui concerne la « Séparation des Eglises et de
l’Etat » et qui précise dans son premier article que « La République (française) assure la
liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les
seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. »
Et des restrictions, il y en a, n'en déplaise aux croyants zélés. En vertu de l’article 28, « il est interdit, à
l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les
monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception
des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières,
des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions ». C’est
clair comme l’eau de source. A l’époque où l’on a voté cette loi, en 1905, il y
avait sept musulmans et deux shintoïstes tout au plus en France métropolitaine.
Donc, il faut cesser cette malhonnêteté intellectuelle de sous-entendre que
l’interdiction des crèches de Noël dans les lieux publics est liée de près ou
de loin à l’islam et aux musulmans de France.
Ceci dit, on note bien sûr une certaine tolérance des
manifestations religieuses dans l’espace public en France. Tout est laissé à l’appréciation individuelle, même au niveau des juges.
Voilà pourquoi les tribunaux administratifs de Montpellier et de Melun ont
donné raison aux maires de Béziers et de Melun, alors que celui de Nantes à
donner tort au Conseil général de Vendée. On a déjà vu des crèches de Noël place
de l’Hôtel de Ville à Paris. Les crèches de Provence et leurs santons font
partie du patrimoine cultuel et culturel de la région. On fait tous les ans à
Pâques le chemin de croix à Montmartre, en plein Paris. Mais, toutes ces
manifestations religieuses sont au sens strict de la législation, des
violations de la loi de 1905. Donc, l’interprétation de la loi n’est pas aussi
rigide que certaines grenouilles de bénitier voudraient le faire croire. En
tout cas, l’affaire de la crèche de Vendée sera rejugée en appel et l’affaire
est portée devant le Conseil d’Etat. En attendant, j’aimerai rappeler aux
zélés, la sagesse de l’Eglise catholique
qui n’a jamais polémiqué sur cette question. Le porte-parole des évêques de
France, Mgr Bernard Podvin, a rappelé à l’occasion de cette polémique que « L’Église
catholique respecte la neutralité de l’État (français) ».
Ces polémiques récurrentes ont souvent pour origine
des réseaux d’extrême droite qui aussitôt l’affaire est connue, lance une campagne politique
pour dénoncer l’athéisme fanatique de la gauche, la christianophobie et
l’islamisation de la France. Mais pas uniquement,
comme on le voit avec cet article dans le principal quotidien libanais
francophone. « A quoi bon faire le choix d'un État laïc si c'est pour ériger la
laïcité en une religion supplémentaire, armée de dogmes consternants ? »
Non seulement, Fifi Abou Dib fait fi de la loi de 1905, dont l’existence
n’est même pas mentionnée dans sa note, mais elle a le culot de parler de « dogmes consternants ». A
moins qu’elle ignore vraiment qu’une loi existe et que nul n’est censé
l’ignorer ? Toujours est-il qu’il
faut avoir une vue courte pour ne pas comprendre que la laïcité instaurée par
la loi de 1905, n’est dirigée contre personne en particulier. Bien au
contraire, elle a comme principal objectif de régler la vie des communautés -celle des athées comprise, qui pense qu'Abraham, Bouddha, Jésus et Mahomet, sont des gourous comme les autres- dans
le respect de tout un chacun. C’est le meilleur moyen qui soit d’assurer ce vivre ensemble en diminuant les
risques des surenchères religieuses et des confrontations communautaires,
qui dévorent le Liban, soit dit au passage. Imaginez qu’on laisse s’installer des crèches de Noël dans les mairies,
en violation de la loi de 1905 comme le souhaitent beaucoup de Franco-Libanais,
figurez-vous que les fonctionnaires municipaux devront assurer le service du
mois de décembre jusqu’au mois de
janvier, pour satisfaire les Orthodoxes comme les Catholiques et les
Protestants. Qui dit crèche à Noël, dit chemin
de croix à Pâques avec les processions du Vendredi Saint. Par ailleurs, il
faudrait organiser des pique-niques champêtres dans les parcs et jardins
municipaux à l’occasion de Eid el-Fotr
marquant la fin du ramadan. Et pour Eid
el-Adha, il faudrait fermer les yeux sur les sacrifices qui devraient se
faire sur les perrons des mairies. Et encore, chez les descendants d’Ismaël, il
n’y a que deux grandes fêtes religieuses. Chez leurs cousins du côté d’Isaac, les
célébrations et les commémorations
juives occupent environ 150 jours de l’année, shabbat compris. Donc, pour
satisfaire les orthodoxes juifs, il va falloir changer le décor des mairies
tous les deux jours ! Vous pensez qu’avec les bouddhistes c’est plus
simple ? Détrompez-vous. L’anniversaire
de Siddhārtha Gautama, Bouddha, diffère d’une communauté à l’autre, on aura
au moins quatre dates dans l’année. Et c’est sans oublier les athées attachés à
la Révolution française qui réclameront sans doute de remettre le Culte de la Raison et de l’Etre suprême.
Ah la raison, il est grand temps de la remettre dans les esprits ! Enfin bref, vous l'avez compris, Tartuffe ou L’Imposteur apparaitrait comme une tragédie par rapport
au bordel comique que nous aurons dans les mairies des 36 000 communes de
France et de Navarre.
On voit bien où peut conduire le délire de certains défenseurs
zélés de la France, qu'on retrouve dans l’Hexagone et au pays du Cèdre : à transformer la
République française, en une tour de Babel. Qu’importe, rien ne peut retenir la suffisance libanaise. « Le
Liban aligne ses 18 confessions (...) comme un miracle de coexistence rendu
possible par l'ouverture d'esprit de ses citoyens (...) Jamais nous
n'empêcherons l'une de nos communautés confessionnelles de célébrer ses fêtes
et de les partager dans la joie. Et sans doute dans ce libéralisme-là
existe-t-il davantage de laïcité que
dans tout l'Hexagone réuni ». C’est c’là oui ! Foutaises.
Mais bordel, qui en France empêche qui que ce soit « de célébrer ses fêtes et de les partager dans la joie »?
Et dites-moi, votre joie serait-elle si réprimée sans des crèches dans tous les
coins de rues, de gares, de mairies et de supermarchés ? Et après, on
s’étonne pourquoi le Liban est dans un sacré merdier et le restera pour longtemps ! Au lieu de s’inspirer de la France, les
zélés du Liban, veulent importer dans ce pays paisible et laïc, l’esprit sectaire
qui n’en finit pas de ravager notre pays et d’enfoncer ses 18 communautés dans
l’enfer communautaire, qui nous a déjà couté une guerre civile de 150 000
morts, que certains semblent avoir déjà oublié.
Je rassure tous les défenseurs zélés de la France,
d’ici et d’ailleurs, que tout leur zèle autour de la crèche de Noël et les racines
chrétiennes de la France, qui feront l’objet du troisième volet de cette série
d’articles, est irrecevable devant Dieu, leur
idolâtrie n’ayant pas cours dans l’au-delà. Ici-bas, la Nativité est représentée là où elle est digne de l’être. Certainement
pas aux supermarchés et dans les mairies comme le souhaitent les chrétiens zélés. On peut
l’admirer en permanence en se présentant n’importe quelle journée ensoleillée
de l’année devant les magnifiques vitraux du XIIIe siècle du portail royal de
la Cathédrale Notre-Dame de Chartres.
On peut aussi s’émerveiller devant la crèche de la Nativité de Notre-Dame de Paris. Elle est
magnifique où elle est, à l’intérieur de la cathédrale
parisienne. C’est là où elle devrait être, dans
son environnement, et nulle part ailleurs, par respect pour Jésus, déjà pour
commencer. Et s’il y a lieu de
s’inquiéter, c’est sur la dérive consumériste autour de la naissance de Jésus,
ce fils de Dieu, à en croire la tradition chrétienne, ce fils de charpentier, à
en croire les Evangiles, le fils de cette juive nommée Marie, qui est né dans
une étable, venu au monde pour sauver l’humanité comme disent ses fidèles, et
lui apprendre l’humilité, la tolérance, la solidarité, le pardon et l’amour du
prochain, ennemis compris. Dieu sait à quel point nous sommes à
des années-lumière de tout cela. Les Pharisiens
et les Tartuffe zélés des temps modernes ont transformé Noël en une fête
folklorique et commerciale. Si Jésus revenait sur Terre, il les
flagellerait, comme il l’a fait avec les marchands du Temple il a près de 2 000 ans.
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