I. PRÉAMBULE
Il ne reste qu’un homme pour nous sauver de ce pétrin. J’appelle à la tribune, l’immortel Jean d’Ormesson, un académicien de 90 ans, qui a passé la moitié de sa vie pratiquement, dans ce bâtiment de l’Institut de France du quai de Conti. Il est donc la mémoire vivante de ce lieu mythique. « La ministre l’Education nationale est empêtrée dans une réforme des programmes qui fait l’unanimité contre elle. Et voici que ses services ressortent la réforme de l’orthographe... cette décision est un nouvel enfumage ». Ah nooooooon, lui aussi ! Même le sympathique et brillant Jean d’Ormesson s’est mélangé les pinceaux ! Et pourtant, en 1990, il était sur ce quai de la Seine, depuis 17 ans déjà.
VIII. CONCLUSION DE L'UN DES 274 MILLIONS DE FRANCOPHONES DANS LE MONDE
Reconnaissons d’emblée que rien n’est plus rébarbatif pour la majorité des élèves de ce monde et de tous les temps, que l’orthographe, la lexicologie, la sémantique et la grammaire. Pour nous limiter au français d’aujourd’hui,
non mais, qui sont ceux qui ont décidé que le mot « femme » s’écrit ainsi et pas comme ça, « famme »,
alors qu’il se prononce comme « flamme » d’ailleurs ? Non mais, il
faut être tordu, pour décider que « football »
s’écrit en un seul mot, mais que « basket-ball »,
« volley-ball » et « hand-ball » s’écrivent en deux
mots ! Pire encore, il faut être sacrément pervers, pour inventer des mots
ambivalents, comme « hôte »,
qui peut avoir deux sens contradictoires puisqu’il peut désigner à la fois la
personne qui accueille et celle qui est accueillie. Franchement, c’est à
déclencher un collapsus cérébral dans la tête des pauvres écoliers ! Eh oui, pourquoi
faire simple, quand on peut faire compliqué. Comme dans tous les domaines, il
faut des règles et des conventions
pour régir une langue, l’écriture des mots, la morphologie, la syntaxe et tout
le reste. Il n’est pas question dans cet article de contester ce qui fait le
fondement des sciences linguistiques. Mais plutôt d’apporter des précisions et
quelques réflexions.
II. LA LANGUE FRANÇAISE DANS L’HISTOIRE
Ce n’est pas la première fois dans l’histoire que la langue française est revue
et corrigée. Depuis que le français a remplacé le latin comme langue royale, au
XIVe siècle, puis langue juridique et administrative sous François Ier, en 1539, non sans une grande difficulté et
beaucoup de résistance des clercs, des juristes et des religieux, il a été
remodelé à diverses reprises. Le premier chantier a consisté à uniformiser l’orthographe chaotique. Le
mot « cœur » par exemple pouvait s’écrire de diverses façons : quors,
cuer et quers. C’était à perdre son latin ! Justement, les
« résistants » ont procédé en parallèle à cette uniformisation, à la latinisation de certains mots,
responsable de certaines bizarreries de nos jours, quoi qu’utiles parfois, pour
éviter les confusions. Alors que le mot « homme » s’écrivait sans
« h » dans l’ancien français (comme en italien, « uomo »), on
lui a foutu un « h » muet, mais qui rappelle l’étymologie latine
« homo ». Il en est de même pour « temps », le
« p » fut ajouté pour rattacher « tens » (l’ancien
français) à « tempus » (latin) ; pour « poids »
(« pois » en vieux français et « pondus » en latin) ;
pour « puits » (« puis »/« puteus »). Par ailleurs, il a fallu attendre 1718 pour que les lettres J et V
soient adoptées et différenciées des I et U. En 1740, c’est la révolution linguistique, puisqu’un quart des mots changent
d'orthographe et les accents font leur apparition. A l’époque, par exemple,
« escrire » devint « écrire » et « fiebvre » se transforma en « fièvre ». Et après
des siècles d’usage, ce n’est qu’en 1835
qu’on passera du « françois » au « français », comme le réclamait Voltaire,
en vain (ce qui ne l’a pas empêché d’en faire usage dans son livre publié en 1751, « Le Siècle de Louis XIV »), parce
qu’une grande partie des mots en « oi » se prononçait comme « oua », « ouai »,
puis « ai ». Eh oui, je vous disois que c’étoit difficile ! On éliminera aussi le
recours au signe « & », pour le remplacer par un
« et ». Chateaubriand approuva la réforme, mais continuait à écrire
en « oi ». Il y a eu d’autres réformes, notamment en 1878 et 1935. Celle dont
on parle aujourd’hui s’inscrit donc dans la tradition et la continuité.
III. UNE RÉFORMETTE VIEILLE DE 26 ANS
La réformette de 2016 date en réalité de 1990, lorsque l’Académie française avait
validé les propositions du Conseil supérieur de la langue française, un organisme créé
en 1989 et regroupant 22 membres dont la mission est de conseiller le
gouvernement français sur « les
questions relatives à l'usage, l'aménagement, l'enrichissement, la
promotion et la diffusion de la langue française en France et hors de
France ». Aussitôt publiée dans le Journal officiel, aussitôt ignorée. Il faut dire qu’elle n’avait
pas un caractère obligatoire. Mais progressivement, elle a commencé à avoir un
droit de cité. Peu de gens l'ont remarqué, mais depuis des années, les dictionnaires prennent en compte la double
orthographe. Les nouvelles propositions sont déjà dans les programmes
et les manuels scolaires depuis 2008. Certaines d’entre elles ont même été
validées par la Belgique, la Suisse et le Québec, bien avant la France.
Cela dit, là où la ministre de l’Education
nationale ment, c’est lorsqu’elle fait croire qu’elle n’y est pour rien dans le
déclenchement de la polémique et de cet engouement pour une réforme ignorée en grande partie depuis 26 ans. Elle y est pour beaucoup même, comme l’a laissé entendre Sylvie
Marcé, PDG des éditions Belin : « La
note insérée dans la circulaire du 26 novembre dernier encadrant les nouveaux
programmes a replacé la question de l’orthographe au cœur des enjeux ».
Donc, c’est en vue d’harmoniser les
manuels scolaires du primaire, et non ceux du secondaire (qui ne seront pas
concernés, puisque l’apprentissage du français est pratiquement terminé à ce niveau), que les éditeurs ont décidé enfin, de
passer à l’acte pour la prochaine rentrée en septembre. Et que tout le
monde se rassure, on ne lira pas Victor Hugo avec la nouvelle orthographe de sitôt.
Pas de notre époque !
Le réaménagement linguistique concernera
autour de 2 000 mots sur un total de
près de 60 000 mots courants. Pour les aventuriers et les curieux, vous aurez à assimiler une dizaine de
nouvelles règles en français. Je vous parlerai des grandes lignes. Je regrouperai ces rectifications en deux
catégories, utiles et inutiles, un regroupement arbitraire basé sur une
expérience personnelle et qui tient compte de l’usage courant du français.
IV. LES RECTIFICATIONS UTILES
1.
L’accent circonflexe n’est plus de mise sur les « i » et les
« u ». Il
peut donc être supprimé des mots comme « disparaitre, entrainer, traitre,
cout, piqure, indument, aout, etc. »
Il
existe deux exceptions :
. les verbes au passé simple et au subjonctif : « vous voulûtes, nous
suivîmes, qu’il aimât »
. les cinq cas d’ambiguïté : « dû/du », « mûr/mur »,
« sûr/sur », « jeûne/jeune », ainsi que le verbe
« croître », où l’accent circonflexe est nécessaire afin de le
distinguer du verbe « croire » pour certaines conjugaisons. Exemple :
on continuera à écrire, « elle croît ou il a crû » au sens croissance
et « elle croit ou il a cru » au sens croyance.
2.
Pour les noms composés, le 2e élément se met systématiquement au
singulier, s’il s’agit du singulier, et au pluriel, s’il s’agit du pluriel. C’est simple comme bonjour, mais figurez-vous que ce n’était pas le cas avant ! Exemples :
. un cure-dents (avant) > un cure-dent
(après)
. des abat-jour, des après-midi, des
après-ski (avant) > des abat-jours, des après-midis, des après-skis (après)
3.
Usage de l’accent grave, plutôt que l’accent aigu, dans la logique d'écrire certains mots et verbes comme ils se
prononcent. Exemples :
. mots : évènement, règlementaire, allègrement, sècheresse
. verbes type « céder », au futur et au conditionnel : tu cèderas
(avant « céderas »), il règlerait (avant « réglerait »)
. forme interrogative comme « aimè-je,
puissè-je »
4. La
francisation des mots étrangers (pour l’accentuation, le pluriel, la
prononciation). Exemples :
. senior, placebo, referendum, veto, revolver,
diesel, sequoia (avant) > sénior,
placébo, référendum, véto, révolver,
diésel, séquoia (après)
. leader > leadeur (comme ça se prononce
en français)
. des graffiti, des confetti, les minima,
des média > des graffitis, des confettis, les minimums, des médias
. paella (paëlla), tagliatelle, muesli >
paélia, taliatelle, musli
J’avoue que c’était choquant sans
accent. Les nouvelles versions sont beaucoup plus logiques.
5.
Quelques anomalies corrigées. Exemples :
. absous, dissous (participe passé d’absoudre
et de dissoudre) > absout(e),
dissout(e)
. asseoir > assoir
. chariot > charriot
. combatif(ve), combativité > combattif(ve), combattivité (comme
combattre)
. eczéma > exéma
. imbécillité > imbécilité (comme imbécile)
. interpeller > interpeler
(j’interpelle...)
. nénuphar > nénufar
. oignon > ognon
. poulaillier, joaillier, serpillière > poulailler, joailler, serpillère
. relais > relai
. saccharine > saccarine
V. LES RECTIFICATIONS INUTILES
1. Les
numéraux composés sont reliés par des traits d’union. Utile, mais enfin,
c’est très rare d’avoir à écrire les nombres en toutes lettres. Et pour les chèques déposés sur votre
compte, ne vous inquiétez pas, toutes les versions seront admises ! Exemple :
« Mille-quatre-cent-soixante-sept euros » (avant : « Mille
quatre cent soixante-sept euros »).
2. Les
verbes en « -eler » ou « -eter », se conjuguent comme les
verbes « peler » et « acheter ». Idem, les dérivés
en « -ment » suivent les verbes. Bof ! Exemples :
. vous étiquetterez, l’eau ruisselle > vous
étiquèterez, l’eau ruissèle
. amoncellement, renouvellement,
nivellement -> amoncèlement, renouvèlement, nivèlement
Exception : « appeler »
(rappeler), on écrira toujours « j’appelle ».
3.
Privilégier la soudure de certains mots composés avec
« contr(e)- », « entr(e)- », « extra- »,
« infra- », « intra- », « ultra- », ainsi que
ceux composés avec des éléments savants tels que « hydro- » ou
« socio- », les onomatopées, les
mots expressifs et les mots d’origine étrangère. Oui, mais bon, on se
passerait bien ! Exemples :
. pique-nique, tire-bouchon, entre-temps,
extra-terrestre, porte-monnaie, croque-madame, mille-feuille, auto-stop, haut-parleur,
télé-film, sage-femme (avant) > piquenique,
tirebouchon, entretemps, extraterrestre, portemonnaie,
croquemadame, millefeuille, autostop, hautparleur, téléfilm, sagefemme (après)
. audio-visuel, cardio-vasculaire,
ciné-club > audiovisuel, cardiovasculaire,
cinéclub
. week-end, cow-boy, statu quo > weekend, cowboy, statuquo
. bla bla bla, ha ha ha, hé hé hé > blablabla, hahaha, héhéhé (on n’a pas attendu
les académiciens pour le faire sur Facebook !)
. tam-tam, train-train, ping-pong >
tamtam, traintrain, pingpong
Exceptions : si erreur de
prononciation (ex. extra-utérine), relation de coordination (ex. franco-libanais, gréco-romain, islamo-chrétien).
Personnellement, je préfère les versions séparées qui sont beaucoup plus explicites
que les nouvelles versions fusionnées.
4. Les
mots en « -olle » et les verbes en « -otter », et les
dérivés, s’écrivent avec une seule consonne. Sans intérêt. Exemple :
girolle > girole
Exceptions : pour colle, folle, molle,
ainsi que pour les mots de la même famille qu'un nom en « -otte »,
comme « botter/botte » ou « frotter/frottement »
5. Le
tréma est déplacé sur la lettre « u ». Bof !
Exemples : aiguë, ambiguïté, exiguë
> aigüe, ambigüité, exigüe
Le tréma est ajouté à certains mots, pour
corriger la prononciation.
Exemples : arguer, gageure >
argüer, gageüre
6. Le
participe passé de « laisser » suivi d’un verbe à l’infinitif, est
invariable
(comme pour « faire »). Bof !
Exemples :
. elle s’est laissée maigrir (avant) > elle
s’est laissé maigrir (après)
. je les ai laissés partir > je les ai
laissé partir
VI. LA POLÉMIQUE POMPEUSE
Nous voilà bien avec deux versions, alors que
faire ? Pas de panique, comme l’a
rappelé l’Académie française, « aucune
des deux graphies ne peut être tenue pour fautive ». Alors, franchement, vous
faites comme vous vous voulez, sauf si vous avez des enfants en primaire.
Pour les autres personnes, cet article s’autodétruira de votre mémoire dans 13 minutes. A
vrai dire, le plus intéressant dans cette histoire, c’est la polémique qu’elle a engendrée chez les Français et les Francophones, qui se montrent parfois plus royalistes que le roi.
Le député républicain des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, a prétendu « qu’avec la #RéformeOrthographe c’est
une nouvelle fois le nivellement par le
bas qui prime sur l’exigence, qui fait naître l’excellence ». De
son côté, le Front national n’allait évidemment pas rater une si belle occasion
pour remettre encore une couche de populisme. Dans deux
tweets, Florian Philippot, le bras
droit de Marine Le Pen fustige « la réforme-massacre de notre belle langue française
» et déclare solennellement : « face à l'infâme et bête réforme,
devant laquelle quelques démagogues se pâment, parce que le français est
notre âme, #Jesuiscirconflexe ». Pire encore, étant membre de l’Académie
française, Jean-Marie Rouart, s’est
autorisé à aller beaucoup plus loin en déclarant que « la langue française est un chef-d’œuvre que tout le monde nous envie
(le journaliste l’interrompt : « Ah bon ! »), surtout les pays francophones,
qui sont très attachés à notre langue... faisons
attention à ne pas jeter cette langue par démagogie ». Foutaises sur
toute la ligne et tous les fronts. Non seulement ces tweets et ces propos sont pompeux, mais en plus, ils
sont mensongers. En quoi l’attachement à un trait d’union conventionnel, à
une graphie obsolète ou à un accent circonflexe caduc, fera naitre l’excellence,
massacre la langue française et la jettera par démagogie ? Et dire qu’ils ont
le culot de parler de nivellement par le bas et de démagogie, alors qu’ils
pataugent dedans !
Parlons peu, parlons bien. Il ne serait pas
hasardeux de préciser que cette fronde n’aurait
pas pris la même ampleur si le ministre de l’Education nationale n’était autre
que la franco-marocaine, Najat Vallaud-Belkacem. Pour preuve, comme par
hasard, là aussi, on retrouve les plus furieux contre cette réforme, chez UNI, un syndicat étudiant de droite,
qui précise dans une pétition lancée contre la réforme de l’orthographe, qui
serait « imposée » par NVB : «
D’un trait de plume, la ministre se croit ainsi autorisée à bouleverser les
règles de l’orthographe et de la langue française ». Comment ça ? Pour les dédouaner, certains diraient que ce ne sont que des étudiants ignares, ils ne connaissent pas la
réalité des choses. Objection accordée ! Prenons un grand connaisseur, ou
censé l’être, comme Jean-Marie Rouart,
éminent membre de cette noble institution. Il a déclaré texto (c’est long mais
ça vaut le détour) : « Ce qu’il faudrait voir ce sont les raisons
pour lesquelles, on veut modifier cette langue et son orthographe. Il y a aussi
une politisation. Je ne veux pas
juger les intentions de madame Belkacem, mais il me semble que si elle veut
changer, c’est aussi pour faire accéder un certain nombre de catégories
sociales, qui selon elle, sont défavorisées, pour essayer que la langue soit
plus facile. Je crois que ça serait une erreur. Je crois qu’il faut quand même
garder à cette langue française sa richesse. Parce que ce qu’on oublie, c’est
que la complexité de la langue française, c’est toute son histoire. Donc cette
histoire est très importante parce que ça fait partie de notre culture. Et il y a des gens qui voudraient que notre
histoire ne commence qu’il y a 20 ans, 50 ans. Non, non, notre histoire,
elle est ancienne, nous y plongeons. Et c’est comme ça que ça forme notre
identité. » Saperlipopette,
quel délire ! La ministre de l'Education nationale n'avait que 13 ans quand le texte de la réforme de l'orthographe française a été publié dans le Journal officiel de la République française. Non mais, qui politise la réforme de l’orthographe :
Najat Vallaud-Belkacem ou Jean-Marie Rouart et consorts ?
L’écrivain devrait être bien
placé pour savoir que cette réforme
n’est autre que le contenu des propositions du Conseil supérieur de la langue
française, qui date de 1990 et qui ont été validées par l’Académie française dont il est membre, l’un et
l’autre étant les seuls organismes en France habilités à modifier la langue
française ! Quant aux raisons d’être du chantier, pour les connaitre il faut relire le rapport de Maurice Druon, l’ancien secrétaire perpétuel de l’Académie française, président du groupe de travail
à qui le Premier ministre de l’époque, Michel Rocard, avait confié cette
mission linguistique : « Les travaux porteraient en premier lieu sur
les points qui aujourd’hui posent le plus de problèmes, non seulement aux
enfants mais aussi aux adultes, écrivains compris. Ce qui est proposé a
pour objectif de mettre fin à des hésitations, à des incohérences impossibles à
enseigner de façon méthodique ».
Toujours est-il qu’on pourrait trouver une excuse à l’écrivain français dans le fait qu’il n’est entré à l’Académie française qu’en 1997, sept ans après le débat académique. Comme on ne peut pas faire appel à l'académicien Amine Maalouf, pour éclairer notre lanterne sur ce sujet, puisque l'écrivain franco-libanais ne siège que depuis 2011, ne perdons plus de temps, allons voir directement ce qu’en pense la secrétaire perpétuelle actuelle de l’Académie française, Hélène Carrère d'Encausse. L'historienne spécialiste de la Russie, âgée de 86 ans, ne comprend pas « les raisons qui expliquent l'exhumation d'une réforme de l'orthographe élaborée il y a un quart de siècle et où l'Académie française n'a eu aucune part, à l'inverse de ce que l'on a voulu faire croire ». Aucune part et on a voulu faire croire, c'est hallucinant. C'est donc peine perdue. Etant élue une semaine après la publication de cette réforme, approuvée par l'Académie française, dans le Journal officiel, notre académicienne a dû rater un grand chapitre de l'histoire.
Toujours est-il qu’on pourrait trouver une excuse à l’écrivain français dans le fait qu’il n’est entré à l’Académie française qu’en 1997, sept ans après le débat académique. Comme on ne peut pas faire appel à l'académicien Amine Maalouf, pour éclairer notre lanterne sur ce sujet, puisque l'écrivain franco-libanais ne siège que depuis 2011, ne perdons plus de temps, allons voir directement ce qu’en pense la secrétaire perpétuelle actuelle de l’Académie française, Hélène Carrère d'Encausse. L'historienne spécialiste de la Russie, âgée de 86 ans, ne comprend pas « les raisons qui expliquent l'exhumation d'une réforme de l'orthographe élaborée il y a un quart de siècle et où l'Académie française n'a eu aucune part, à l'inverse de ce que l'on a voulu faire croire ». Aucune part et on a voulu faire croire, c'est hallucinant. C'est donc peine perdue. Etant élue une semaine après la publication de cette réforme, approuvée par l'Académie française, dans le Journal officiel, notre académicienne a dû rater un grand chapitre de l'histoire.
Il ne reste qu’un homme pour nous sauver de ce pétrin. J’appelle à la tribune, l’immortel Jean d’Ormesson, un académicien de 90 ans, qui a passé la moitié de sa vie pratiquement, dans ce bâtiment de l’Institut de France du quai de Conti. Il est donc la mémoire vivante de ce lieu mythique. « La ministre l’Education nationale est empêtrée dans une réforme des programmes qui fait l’unanimité contre elle. Et voici que ses services ressortent la réforme de l’orthographe... cette décision est un nouvel enfumage ». Ah nooooooon, lui aussi ! Même le sympathique et brillant Jean d’Ormesson s’est mélangé les pinceaux ! Et pourtant, en 1990, il était sur ce quai de la Seine, depuis 17 ans déjà.
Ce
brouhaha stérile a finalement conduit
l’Académie française à mettre les points sur les i. Dans son communiqué
diffusé le 5 février, elle a précisé que « l'Académie, dans sa séance du 3 mai 1990, a été informée des
idées directrices du projet, dont elle a approuvé l'inspiration et le
principe ». Certains membres de
l’institution feraient donc mieux d’être moins amnésiques ! Trois académiciens de mauvaise foi sur 38, sachant qu'il y a deux fauteuils vacants, ça fait quand même beaucoup. « L'Académie a assorti son approbation
d'une invitation à la mesure et à la prudence dans la mise en œuvre des mesures
préconisées, mettant en garde contre toute imposition impérative des
recommandations ». C’est le
cas, comme tout le monde peut le constater. « La Compagnie a rappelé à cette occasion son attachement au
principe selon lequel doivent être exclues toute réforme et même toute
simplification de l'orthographe... L'Académie n'a jamais été pour autant fermée
à des ajustements appelés par les évolutions de la langue ». Voilà qui est bien dit, même si je conteste
la première partie, de laquelle se dégage un relent élitiste. « C'est bien improprement que le terme de
‘réforme’ est employé pour désigner les ‘rectifications’ orthographiques
proposées par le Conseil supérieur, qui ont été approuvées par l'Académie... Il
convient d'observer que ces ajustements ne concernent que quelque 2 000 mots
(soit 3 à 4 % du lexique français), la neuvième édition du Dictionnaire de
l'Académie, en cours de publication, comptera environ 59 000 entrées. » Ce qui signifie que les pompeux étaient à côté de leurs pompes.
« L'Académie a constaté que ces
ajustements étaient conformes, dans leurs principes et dans leur effet, à ceux
qu'elle a elle-même pratiqués à plusieurs reprises dans la troisième édition du
Dictionnaire (1740), la sixième (1835), la septième (1878) et la huitième
(1935). En effet, les rectifications proposées... visent à mettre fin à une
anomalie, à une incohérence, ou, simplement, à une hésitation, et ainsi à
permettre l'application sans exceptions inutiles d'une règle simple, à
souligner une tendance phonétique ou graphique constatée dans l'usage, ou
encore à faciliter la création de mots nouveaux, notamment dans les domaines
scientifique et technique, et, de manière générale, à rendre plus aisés l'apprentissage
de l'orthographe et sa maîtrise. » Nos trois académiciens sont maintenant dans leurs petits souliers. « L'Académie, opposée à toute
prescription de caractère obligatoire en matière d'orthographe... les deux
graphies (la graphie actuelle et la graphie proposée par le Conseil supérieur)
devront être admises... (et) soumises à l'épreuve du temps (...) Elle s'est
proposée... de confirmer ou infirmer les modifications recommandées ». Le débat est donc clos, pas la peine d'être plus royalistes que le roi.
VII. BONUS : LES AVEUX DE NAJAT VALLAUD-BELKACEM SUR SON COMPLOT CONTRE L'ACCENT CIRCONFLEXE
Allez, pour vous récompensez de votre patience, et de votre assiduité aussi, je
vous propose d’écouter Najat Vallaud-Belkacem, ministre française de
l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, lors de
son intervention mardi au Muséum national d’histoire naturelle, dans le cadre de
la journée d’étude « Réagir face aux théories du complot ». Trois minutes d'hilarité assurée.
VIII. CONCLUSION DE L'UN DES 274 MILLIONS DE FRANCOPHONES DANS LE MONDE
Que demande le peuple francophone de plus ? Si la langue française a
aujourd’hui la place qu’elle mérite c’est aussi parce qu’il y a 274 millions de personnes aux quatre coins du monde qui l’ont adopté pour
communiquer. Il ne faut peut-être pas l'oublier. Et moi, et moi, et moi ! Eh oui, nous sommes des
millions de personnes de par le monde, à contribuer en quelque sorte et en toute modestie au rayonnement de la France, dans l’indifférence générale, ou
presque, de son Académie, de ses gouvernements et de l’usine à gaz, l’Organisation
internationale de la francophonie. Mais bon, quand on aime, on ne compte pas. L’amour de ce pays, de son histoire et de sa
langue, personnellement, je l’ai eu au sein droit de ma mère, paix à son âme, le gauche, du côté du cœur, m’a donné
l’amour du Liban, de son histoire et de sa langue. Cela dit, je n’ai été
allaité que deux mois, comme un chaton, d’où mon attachement à ces petits
félins et ma vive répulsion pour le nationalisme pompeux, qu’il soit libanais,
arabe, américain, africain, russe, perse, chinois ou français. J'aime les patriotes, pas les nationalistes. Ce qui fait toute la beauté de la langue française, ce n'est certainement pas sa complexité rébarbative, mais ses écrivains, ses auteurs et tous ceux qui s'expriment dans un français riche et raffiné.
Alors, vive la France.
Alors, vive la France.
Gloire à la République française.
Et longue
vie à la langue de Molière.