C’était hier ou jamais, et pourquoi pas
aujourd’hui, pour en parler. Nous étions Vendredi
saint. Près 2,419 milliards de chrétiens de par le monde commémoraient la crucifixion de Jésus de Nazareth,
considéré par ses fidèles comme le fils incarné de Dieu. Enfin, soyons précis, ce sont les fidèles
catholiques et protestants qui fêtent la Passion du Christ cette semaine, les
orthodoxes la célébreront à la fin du mois d’avril. En 2017, ça sera le même
jour pour toutes les Eglises chrétiennes d’Orient et d’Occident, une fois n'est pas coutume. La date de Pâques est forcément liée au jour de dimanche. Elle dépend de l'équinoxe du Printemps (date fixe), de l'apparition de la pleine lune qui le suit (date mobile) et du calendrier de calcul (sujet de discorde). Les Eglises orthodoxes se basent sur le calendrier julien (introduit par Jules César en l'an 46 avant J.C.), alors que les Eglises catholiques et protestantes suivent le calendrier grégorien (en usage civil par la quasi totalité des pays du monde ; c'est le calendrier julien réformé par le pape Grégoire XIII en 1582 afin de corriger sa dérive). Depuis la nuit des temps, des voix sages appellent à l'instauration d'une date commune, en vain. Toujours
est-il que le Vendredi saint est un jour férié pour les uns, la plupart des
pays de tradition protestante, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada, le Mexique, le Brésil, certains cantons suisses et certains Etats américains, mais aussi le Liban, un jour ordinaire pour les autres, comme la France,
l’ex-fille ainée de l’Eglise.
Nous ne débattrons pas dans cet article
pour savoir si le Vendredi saint, où Jésus a été torturé et mis à mort, est plus important que le lundi de Pâques, un jour férié
au Liban et en France, mais pas aux Etats-Unis. Si j'en parle quand même c'est pour y revenir dessus un peu plus loin. La question ne se pose évidemment pas pour le jour glorieux de Pâques, le
dimanche, où Jésus ressuscite selon les Evangiles. La différence linguistique,
« V » en majuscule d’une part, « l » en minuscule d’autre
part, est conventionnel, elle est sans signification particulière. Cela dit, les
Maronites par exemple, qui forment la principale Eglise catholique d’Orient, attachent
beaucoup d’importance à la mort du fils de Dieu, en ce vendredi, comme les
Protestants et les Orthodoxes évidemment, pour tout ce qu’elle symbolise. Les Orthodoxes eux, accordent
beaucoup de place au jour même de la résurrection du Christ, le dimanche, comme tous les Chrétiens, mais aussi à celui qui le suit, le lundi, comme les Catholiques d'ailleurs. En
général, les cérémonies religieuses orthodoxes sont assez impressionnantes
tout le long de la période pascale. Dans certains pays, les deux jours sont
fériés, comme au Liban et en Australie. Autrefois, avant que nous naissions, même en France, qui n’a pas
toujours été un pays laïc, toute la
semaine qui suivait Pâques, était fériée. C'est pour dire ! De quoi nous faire rêver de nos
jours. Fait unique dans son genre, même de notre temps, il n’y a pas de cotation
à la Bourse de Paris, du Vendredi saint au lundi de Pâques inclus. Sans doute
par égard à Jésus, qui a été on ne peut plus clair sur le sujet : « Je vous le dis encore, il est plus
facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer
dans le royaume de Dieu » (Matthieu 19:24). Que dire encore à part que
ceux qui ne mettent jamais les pieds à l’église, s’y rendent ce vendredi, au
point que dans une partie de la région d’Alsace, où c’est un jour férié dans
toute commune qui possède un temple protestant (d’après une ordonnance qui date
de 1892 et qui est toujours en vigueur au pays de la loi de 1905, portant sur la séparation des Eglises et de l'Etat), on
parle même de « chrétiens du
Vendredi saint ». Ah, ce n’est pas très catholique quand même ! Et puisqu'on y est sachez qu'il existe aussi une espèce catholique qui ne communie qu'une fois par an, le jour de Pâques. Elle est à l'origine de l'expression « faire ses Pâques », qui est validée par le pape Paul VI (1963-1978).
Vendredi saint, on jeûne. De
tradition, on ne mange pas de viande,
ou alors en cachette, sous un torchon. C’est un sacrilège. Si on vend d’habitude
des chawarmas, mieux vaut s’en abstenir ce jour-là et se mettre aux falafels. Petit,
j’aimais bien la mélancolie et la sobriété qui caractérisaient cette journée. Il
y avait une ambiance propice à la
réflexion. Le côté « happy end » de la vie de Jésus me plaisait.
Et il ne faut pas oublier, le Vendredi saint est le seul jour de l’année où les tartuffes ne peuvent pas être endimanchés, cela va de soi, ils sont dans leurs petits souliers, ce qui n’était pas pour me déplaire. Le
Chemin de croix et la procession de
15h, marqués par l’exubérance méditerranéenne, le cercueil qui fait le tour de
l’église, de la rue, du quartier, selon le degré de dévotion et la peur de ne
pas faire assez, les volutes de fumée d’encens,
tous ces efforts déployés pour simuler le martyre et l’enterrement de Jésus, plus
de 1 950 ans après sa mort, ainsi et surtout, les chants de la liturgie orientale spécifiques de cette journée, tous rites confondus, sont fascinants ! Par contre, allez
comprendre par quelle dévotion
tartuffienne, alors que ça n’existait absolument pas dans le
passé, on a adopté chez les Catholiques et les Orthodoxes, la pratique des
« prières transmises par des haut-parleurs fixes », installés à l’extérieur
des églises, pour pénétrer dans la tête de tout être vivant sur un rayon de 3
km, voire aux « prières transmises par des haut-parleurs mobiles », pour rattraper
celles et ceux qui se sont réfugiés sous la douche pour échapper aux premiers.
Sachez également que le soir du Vendredi saint, il fallait se taper encore les 6 heures et 16 minutes de Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli, la série télévisée produite avec la bénédiction du pape Paul VI. Excellente adaptation des Evangiles, mais quand c'est pour la énième fois que vous la visionnez, vous avez envie de zapper. Oui, sauf qu'il n’y avait que deux ou trois chaines de télévision à l’époque. Mais, on était heureux et non aliénés par 345 chaines en continu. A vrai dire, on était nombreux à avoir cette envie de varier un peu. Dire qu'il a fallu attendre je ne sais plus quel âge pour que je voie L'Evangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini, une adaptation authentique et dépouillée de la vie de Jésus ! Oui, sauf que que c'était trop demandé aux chaines libanaises de passer le film de ce réalisateur qui se situe à gauche, controversé mais très engagé contre le consumérisme de la société italienne. En somme, un bon chrétien ! En tout cas, pour revenir au film de Zeffirelli, le rôle principal était assumé par l’acteur britannique Robert Powell. Le pauvre, il a 64 films à son actif, produits entre 1967 et 2005, mais le public ne se souvient que de son opus « Jésus de Nazareth » de 1977. Il parait que nous sommes un club de 2,5 milliards d’individus à l’avoir vu. Et moi, et vous et nous tous.
Avant que je n’oublie, j’ai déjà joué à l’apôtre et un prêtre m’a lavé les pieds un jour, ah si, comme l’a fait humblement le pape François en ce Jeudi saint, le jour de commémoration de la Cène où Jésus institua l'eucharistie. Bon, à l’époque on ne puait pas des pieds puisqu'on ne portait ni espadrilles ni baskets. Cela dit, à ma grande surprise, aucun repas ne nous a été servi. C'était une adaptation libre des Evangiles.
Sachez également que le soir du Vendredi saint, il fallait se taper encore les 6 heures et 16 minutes de Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli, la série télévisée produite avec la bénédiction du pape Paul VI. Excellente adaptation des Evangiles, mais quand c'est pour la énième fois que vous la visionnez, vous avez envie de zapper. Oui, sauf qu'il n’y avait que deux ou trois chaines de télévision à l’époque. Mais, on était heureux et non aliénés par 345 chaines en continu. A vrai dire, on était nombreux à avoir cette envie de varier un peu. Dire qu'il a fallu attendre je ne sais plus quel âge pour que je voie L'Evangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini, une adaptation authentique et dépouillée de la vie de Jésus ! Oui, sauf que que c'était trop demandé aux chaines libanaises de passer le film de ce réalisateur qui se situe à gauche, controversé mais très engagé contre le consumérisme de la société italienne. En somme, un bon chrétien ! En tout cas, pour revenir au film de Zeffirelli, le rôle principal était assumé par l’acteur britannique Robert Powell. Le pauvre, il a 64 films à son actif, produits entre 1967 et 2005, mais le public ne se souvient que de son opus « Jésus de Nazareth » de 1977. Il parait que nous sommes un club de 2,5 milliards d’individus à l’avoir vu. Et moi, et vous et nous tous.
Avant que je n’oublie, j’ai déjà joué à l’apôtre et un prêtre m’a lavé les pieds un jour, ah si, comme l’a fait humblement le pape François en ce Jeudi saint, le jour de commémoration de la Cène où Jésus institua l'eucharistie. Bon, à l’époque on ne puait pas des pieds puisqu'on ne portait ni espadrilles ni baskets. Cela dit, à ma grande surprise, aucun repas ne nous a été servi. C'était une adaptation libre des Evangiles.
Si comme disait Jésus, « à chaque jour suffit sa peine » (Matthieu 6:34), eh oui
c’est lui qui l’a dite !, une fois le Vendredi saint terminé, ne croyez
surtout pas que le samedi c’était shabbat, un jour de repos.
Tout le monde devait mettre la main à la pâte, c’est le cas de le dire, la pâte
des maamouls ! Eh oui, il fut
une époque où de braves mères libanaises préparaient elles-mêmes ces délicieux
gâteaux secs de Pâques, confectionnés avec beaucoup d'amour et de la semoule, et farcis avec des
noix ou des dattes, mes maamouls préférés, voire des pistaches ou des amendes, avec l’aide de tous les membres de la famille âgés de 7 à
77 ans. Aujourd’hui, faute de temps ou de volonté, on a le choix entre Sea Sweet et Sri Lanka. Maintenant, ne
salivez pas trop, c’était une galère pas possible, la semoule beurrée durcissait
en moins de 7 secondes quand on arrêtait de la malaxer. Mais bon, on s'amusait comme des fous et ça valait grandement la
peine.
Et venait le lendemain, Pâques, où l’on fêtait le fondement même de la foi chrétienne, la résurrection de Jésus-Christ, qui selon le catéchisme que j’ai reçu, est venu se sacrifier pour sauver l’homme de ses péchés et lui montrer la voie vers la vie éternelle. Avec 2 000 ans de recul, on peut dire que c'est peine perdue ! Il n'empêche, ce jour-là le pape délivrait sa bénédiction urbi et orbi, à Rome et au monde. En Orient, on entendait partout les gens s'échanger ces deux répliques : al-massi7 qam (le Christ est ressuscité) et 7aqan qam (il est vraiment ressuscité). Ce dimanche, c’était aussi l’intemporel festin de Babette, qui réunissait toute la famille autour de délicieux mets libanais, ceux qui ont banni la viande pendant 40 jours comme ceux qui se sont abstenus d’en manger entre deux repas. Aujourd’hui, l’agneau pascal est mis à toutes les sauces, comme en France ou en Allemagne. Le gigot libanais est parfois accompagné de whisky. Quel sacrilège ! C’est pire que de manger de la viande à 15h un Vendredi saint. Enfin, même si la viande grillée se marie bien avec le vin, pour moi, à Pâques c'est forcément l'arak. Cette odeur anisée est gravée au fin fond de ma mémoire. Elle restera à tout jamais, ma « madeleine de Proust ».
Et puisqu'on est dans l'enfance, encore une anecdote. Comment parler de Pâques sans évoquer les batailles d’œufs. Non, non, non, on ne se balançait pas des œufs crus à la figure, quoique, ça aurait été plus drôle. Ce n'était pas non plus des œufs de chocolat. Il s'agissait bel et bien d'œufs de poule, cuits au préalable. Certains, pas que des filles, les décoraient après, joliment, comme en Allemagne, aux Etats-Unis et en Russie (là-bas, on en fait de véritables œuvres d'art !), mais aussi en Alsace, et dans beaucoup de communautés chrétiennes. Le principe de cet affrontement puéril, non limité à la gent masculine, est d'entrechoquer la tête des œufs et de sortir indemne. Il y avait des techniques de perfectionnement, acquises au fil des ans et de l'expérience. Encercler le sommet de l’œuf avec le pouce et l'index, quand on est en position de défense. Coup sec, quand on est en position d'attaque. Il y avait aussi les farceurs, comme moi, qui glissait toujours un œuf cru dans le lot. Vous imaginez les éclats de rire à l'instant où le blanc dégouliné sur la main de l'adversaire. Il fallait bien marquer son œuf cru, sinon, on risquait de vivre l'histoire de l'arroseur arrosé. Celui qui avait son œuf dur cassé, devait l'offrir au vainqueur pour le manger. Mais, parfois on faisait la règle inverse en disant que c'était au perdant de le manger. C'était plus drôle. On reconnaissait facilement les vainqueurs et les vaincus, les contents et les mécontents, ils n'avaient jamais faim, tous.
Revenons à nos moutons, cette opposition du Vendredi saint au lundi
de Pâques a été au centre d’une polémique politique il y a quelques temps,
lorsque le Premier ministre Fouad Siniora, qui ne savait pas où il mettait les
pieds, a voulu supprimer quelques jours
fériés du très généreux calendrier officiel libanais. Du côté musulman, ohlala,
allez-y pour trouver une entente entre les Sunnites et les Chiites sur un tel
point, déjà que les deux communautés ne sont jamais d’accord sur l’apparition
de la lune du mois de Ramadan ! Du côté chrétien, c'était encore pire. Les uns ont estimé qu’on
pouvait se passer du lundi de Pâques, et les autres, du
Vendredi saint. La polémique qui était purement interchrétienne
s’est transformée rapidement en une polémique islamo-chrétienne, quand des hommes
religieux chrétiens ont accusé le pauvre Siniora de
vouloir supprimer le Vendredi saint, alors qu’il n’y était absolument pour
rien. Toujours est-il que pour résoudre
ce casse-tête au pays des 17 communautés religieux en sus de la communauté
athée, on a gardé les deux jours fériés
chrétiens, et on a fini par en rajouter un autre, le jour de l’Annonciation de
la grossesse de la Vierge Marie par l’ange Gabriel, le seul jour religieux
férié de l’histoire de l’humanité qui est fêté à la fois par les Chrétiens et
les Musulmans. D'ailleurs, on l'a fêté hier. Sacré Liban !
Venons
maintenant au titre de l’article. Tout commence par le visionnage d’un
documentaire français sur le processus de radicalisation de certains jeunes en France. Afin
d’illustrer la démarche d’embrigadement idéologique islamiste, les auteurs du documentaire ont
intégré des extraits des vidéos de
propagande des djihadistes de Syrie. Une
des séquences m’a attiré l’attention, plutôt les oreilles. Il s’agit d’un
extrait qui provient des vidéos islamistes de la série intitulée « 19 HH », qui fait référence aux
terroristes du 11-Septembre et aux tours jumelles du World Trade Center. Celles-ci sont considérées comme une importante source d’autoradicalisation. Après
quelque recherche sur internet, je parviens à retrouver le film islamiste
original, qui circule encore et toujours sur YouTube, la version ici présente a
été ajoutée le 5 février 2016.
Dans ce film de propagande qui dure près de
2h, on voit entre 1:43:17 et 1:51:40,
un islamiste Franco-Sénégalais
notoire, originaire de Nice, Omar Diaby (alias Omar Omsen ; il a été tué en août 2015), sur un bateau
l’emmenant en Turquie, puis en Syrie, débitant
en boucle des délires apocalyptiques et des théories du complot, avec une
voix tenaillante, un débit de paroles important, et en français svp car figurez-vous le prédicateur
ne parle pas arabe. Il explique que la communauté musulmane ressemble à l’immensité
de cette eau qui l’entoure, de laquelle émergera l’écume de mer, les islamistes
élus par Allah, et que pour faire partie de cette « écume », il faut
se lancer dans la « hijra » (émigration), quitter
la France et aller définitivement en Syrie car tout bon musulman ne peut
pas vivre parmi les mécréants. C'est là où l'histoire peut apparaitre surprenante comme disait l'autre ! Le film comporte des passages grotesques, naïfs
et ridicules, qui feraient sourire en temps normal, mais hélas, il a le pouvoir
de précipiter de jeunes Français musulmans dans la spirale infernale de l’islamisme
et du djihadisme. Pour ceux qui sont intéressés, vous pouvez visionnez le reportage d’Envoyé spécial, « Jihad 2.0 : la guerre de la propagande »,
diffusé le 5 mars 2015, qui décortique les méthodes de propagande de ce monde.
Dans cette séquence du film de propagande djihadiste, on entend une musique lancinante en continu. Nul ne peut douter un instant que celle-ci joue un rôle important dans l’intensité de l’émotion globale ressentie au cours du visionnage. Je l’avais entendu auparavant, mais il m’était impossible de l’identifier. Toutefois, il ne m’a pas fallu longtemps pour découvrir que ces islamistes avait choisi, ni plus ni moins que la musique de La Passion du Christ, et pas n’importe laquelle, « Raising the Cross » de John Debney, celle qui accompagne l’élévation de la Croix sur laquelle était crucifié Jésus-Christ, le fondateur du christianisme, dans le film de Mel Gibson. Comme l’extrait musical ne dure pas longtemps et les auteurs avaient besoin de couvrir plus de 8 minutes de vidéo, ils l'ont dupliqué. Enfin, voici une preuve s’il en est, que les islamistes constituent l’archétype de l’imposture sectaire.