lundi 26 septembre 2016

« Libérez les enfants » un superbe court-métrage réalisé pour des marques de lessive ! (Art.389)


Par principe, je refuse de faire la promotion d’un produit commercial, encore moins d’une lessive. Je veux bien à la limite promouvoir de façon directe ou indirecte, les boules Quies, le Beaujolais nouveau ou un bloqueur de la dégradation enzymatique de la guanosine monophosphate cyclique (en gros, le Viagra et ses frères), mais Bakhos Baalbaki faisant la promotion d'une lessive, vous vous rendez compte ! Et pourtant, il faut que je fasse une exception pour « Persil » et « Skip », deux des 400 marques de la multinationale anglo-néerlandaise Unilever, aux 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires. La raison réside dans un clip de moins de trois minutes mis en ligne récemment. Je vous conseille de le regarder d’abord et de lire la suite après. C’est comme ça que je l’ai découvert. C’est ainsi que j’y vais au cinéma. Avec le minimum d’informations, l’appréciation d’un film est toujours plus importante. Vous pouvez le visionner en VO (version originale anglaise pour Persil) ou en VOST (version originale sous-titrée en français pour Skip).

Certes, Persil et Skip ne cherchent à faire ni de la sociologie ni de la philosophie ni de la cinématographie. Ils font tout simplement du marketing. Leur objectif est simple, vendre plus de paquets de lessive dans le monde. Et pour cela, tous les moyens sont bons. Ainsi, le film « Libérez les enfants » doit être placé dans une stratégie de communication intelligente, mais qui n’est pas moins mercantile pour autant.

Dans un premier temps, les marques de lessive ont mené une enquête, au début de l’année, auprès de 12 000 parents dans dix pays différents. Celle-ci révéla tout haut, ce que tout le monde savait tout bas : le temps de jeu des enfants à l’extérieur a baissé dramatiquement au cours des dernières années. « Avec les pressions de la vie quotidienne, comme l’augmentation des contraintes de temps, le rétrécissement des aires de jeux ou les nouvelles technologies, les enfants sont forcés de négliger de plus en plus un aspect vital pour leur développement : le jeu (à l’extérieur). » Dans un deuxième temps, Persil & Skip ont confié à Toby Dye la réalisation d’un film pour susciter une réflexion sur ce sujet inquiétant. Pour ce faire, on opta pour une idée originale simple. Quoi de plus fort que de parler de la liberté d’être dehors en interrogeant des prisonniers qui justement, en sont privés ? Toby Dye réussit le pari sans montrer un seul môme, en tournant son documentaire dans la prison de haute sécurité de Wabash, qui se situe dans l’Indiana aux Etats-Unis.

Sur le plan général, « Libérez les enfants » est un court-métrage poétique, esthétique et touchant. La musique vous scotche à l’écran. Sur le fond, il montre deux univers parallèles. Au premier plan, on retrouve les hors-la-loi, dont les sorties à l’air libre, dans l’enceinte de la prison bien entendu, sont codifiés et limitées à deux heures par jour. En arrière plan, il y a un monde d'innocence, où des êtres humains du bel âge sont libres comme l’air. Et pourtant, la révélation du documentaire est préoccupante : les enfants de nos jours passent moins de temps à l’air libre que les prisonniers ! Ils sont en quelque sorte eux aussi prisonniers, des écrans et de leur plein gré.

Il n’est pas question dans cet article de dénigrer les smartphones, les tablettes, les ordinateurs ou les télévisions. Je ne fais pas partie de ceux qui boivent du puits, pour cracher dedans ensuite. L’Humanité est entrée dans une nouvelle ère qui est remarquable. Il faut l’admettre, voir les avantages des nouvelles technologies de l'information et de la communication et éviter de se placer dans le déni, le mépris et la nostalgie. Savoir si c’était mieux avant ou pas, n’est pas vraiment la question. Néanmoins, il y a deux évidences qui s'imposent.

La première est élémentaire. Le temps passé derrière un écran est forcément pris sur le temps passé à jouer dehors, et vice versa. Les deux modes de vie étant parfaitement compatibles, disons que tout est une question d’équilibre. Cela est même souhaitable. On se met avec un plus grand plaisir derrière un écran, quand on a passé du temps à l’extérieur. On est d’autant plus content d’aller jouer au foot quand on a passé du temps sur une console de jeux.

Mais, une telle équation ne marche qu’à trois conditions. D’abord, les adultes doivent être conscients du besoin impératif d’équilibrer les activités. Ceci doit les amener à rejeter la solution de la « facilité » des écrans pour avoir la paix et la sécurité, où les enfants s’occupent tout seuls pendant de longues heures et prennent peu de risques du fait qu’ils restent chez eux. Ensuite, les parents doivent être en mesure d’imposer cet équilibre à leurs enfants, sachant que les activités à l’extérieur nécessitent un grand effort, du côté des parents (pour les conduire, les surveiller, etc.), comme du côté des enfants (cela va de soi), alors que celles à l’intérieur sont à moindre effort, voire complètement passives pour ces derniers. Enfin, les enfants ne doivent pas être déjà addictifs aux écrans car à ce stade, c’est peine perdue, ils n’ont plus de plaisir pour les activités de plein air.

Mais, comment des adultes peuvent imposer quoi que ce soit à des enfants de l’âge de raison (à partir de 7 ans) et de l’âge bête (premier stade de la puberté), et faire entrer des adolescents de l’âge ingrat (période de la puberté) dans l’âge mûr de la vie, quand ils se retrouvent eux-mêmes prisonniers de leurs écrans tout autant ? Il n’y a qu’à observer à quoi peut bien ressembler un déjeuner en famille et un dîner entre amis, pour se rendre compte de la difficulté de la tâche. Là aussi, d’autres films l’ont merveilleusement bien illustré. Tout ceci est vrai de vrai, mais, il existe une différence majeure entre nos générations d’une part, et la génération Z et celles à venir d’autre part : l’addiction à l’écran des adultes d’aujourd’hui n’est et ne sera probablement pas aussi gravissime que celle des adolescents de nos jours et des enfants de demain.

D’ailleurs, vous n’êtes peut-être pas au courant, mais ce n’est pas par hasard que le NoPhone est en passe de détrôner l’iPhone dans certains cercles très restreints de bobos. Eh oui, ce joujou d’adulte est soi-disant destiné à combattre la dépendance au téléphone portable. Freud et Jung se retournent dans leurs tombes ! Voilà un objet en plastique, qui ressemble à un iPhone, mais qui n’offre aucune fonctionnalité utile, à part qu’il est water-closet-proof. A ce qu’il parait, la société new-yorkaise qui le fabrique en a écoulé 10 000 exemplaires en deux ans, à 10$ la pièce svp, malgré le fait que le concept est stupide, forcément stupide à partir du moment où le produit est fabriqué alors qu’il ne sert à rien, à part gaspiller les ressources de la Terre et polluer la planète bleue, pour faire du fric et épater la galerie pendant 7 secondes, sans dissuader quiconque à abandonner son iPhone dans la cuvette des toilettes, ni à enclencher la moindre réflexion sur l’addiction au smartphone. Un exemple de plus du surréalisme contemporain.

Nouvelle innovation, le fabricant met à disposition des pigeons-amateurs, depuis le début du mois de septembre, la possibilité d’acheter un NoPhone Air : un emballage vide à 3$ la pièce svp, qui a séduit une partie de la presse anglosaxonne. Et ça veut se moquer de l’affaire du burkini en France ! Pourtant, ce n’est qu’une stupidité de plus, qui vaut son pesant de plastique et de déchets, qui sera fabriqué pour faire sourire des esprits abrutis, la moitié d’un quart de seconde, au détriment des générations futures. Pas de doute, la pire des addictions n’est pas celle au smartphone. Les moronbrains, il faut les fuir comme la peste. 

Dernière anecdote, qui date seulement de la nuit dernière, cette photo prise le 21 septembre par la photographe d’Hillary Clinton, Barbara Kinney. Sans le vouloir, elle a résumé en un cliché une double forme d’addiction des temps modernes, celle au smartphone et au selfie !

Trêve de plaisanteries, passons maintenant à la deuxième évidence. A part la génération Z, née vers la fin des années 1990 et après l’an 2000, nous appartenons tous à des générations qui ont connu deux mondes. Le monde d’antan, celui du téléphone fixe avec fil (sans téléphone portable, sans répondeur, sans même la possibilité de se déplacer dans son appartement, sa maison ou son jardin !), celui de quelques chaines de télévision (sans live et sans thème, dont le nombre ne dépassait pas les doigts d’une seule main et qui n’émettaient pas 24h/24) et celui des cartes postales (et de la joie immense d’en recevoir et d’en écrire). Nous avons connu aussi le monde d’hier, celui des jeux de société (et non des jeux solos), ainsi que celui des journaux et des livres en papier (et non des versions numériques). Ces mondes d’antan et d’hier, ne sont pas forcément mieux que ceux d’aujourd’hui et de demain. Mais, il faut reconnaitre qu’ils nous ont permis d’apprendre à jouir du peu de choses que nous avions, à se réjouir d’une nouveauté, à consommer avec modération, à profiter du moment présent, à savoir attendre, à s’émerveiller, et j’en passe et des meilleures. 

Oui, le monde d’aujourd’hui offre aux adultes, aux adolescents et aux enfants plus de libertés. C’est splendide. Mais, la question est de savoir, à quoi peut bien servir l’extension du champ des libertés dans les sociétés contemporaines ? A notre humanisation, par le développement de nos qualités humaines, ou à notre aliénation, par la perte de ce que nous possédons naturellement ?

samedi 17 septembre 2016

Dernier acte de la rixe de Sisco : le verdict et les leçons (Art.388)


Il est toujours intéressant de revenir sur les événements. Souvenez-vous, alors que le feuilleton de l’été, « Le burkini », occupait la France, il y a eu une rixe sur une plage de Sisco en Corse dans l’après-midi du 13 août, entre un groupe de baigneurs marocains, une douzaine d'individus de la même famille, et un groupe de natifs corses, une centaine de personnes au paroxysme de l’affrontement. Il n’a fallu qu’un mois à la justice française pour établir les faits et les responsabilités. Et encore, le procès devait avoir lieu quelques jours seulement après les faits, mais il a été reporté à la demande des avocats de la famille maghrébine. En tout cas, la justice vient de rendre son verdict le vendredi 16 septembre à l’aube, concernant les cinq personnes poursuivies, au terme de 12 heures d'audience, au moment même où les arrêtés anti-burkini prenaient fin. L’enquête et le procès furent très instructifs, comme le montrent les cinq éléments suivants.

1. Les éléments déclencheurs : des hommes maghrébins qui s’approprient une plage et des femmes maghrébines qui se baignent en mer habillées.

2. Le casus belli : la prise de « photos » par un touriste belge, puis par un jeune corse, qui a irrité la famille maghrébine. « Pas de photos ici, dégage ou sinon je monte ! »

3. L’étincelle : un échange entre Mustapha, Marocain, 33 ans, « On n'est pas des singes ! », et Jerry, Corse, 18 ans, « Ferme ta gueule ! »

4. Le basculement : il s’opère quand Mustapha se sert d’un couteau contre Jerry (le jeune échappe au coup qui le visait, mais il sera frappé et blessé au visage) et lorsqu’un des Maghrébins lance un harpon contre le père de ce dernier (qui sera blessé au thorax). 

5. L’huile sur le feu : une foule corse qui veut en découdre avec la famille maghrébine, une amie de Jerry qui affirme avoir entendu les Maghrébins dire « on va engrosser vos femmes et vos filles », les « Allah wou akbar », des jets de pierre et des coups de poing mutuels, des pneus de voitures de villageois corses crevés, un coup de pied à la tête d’un des frères maghrébins alors qu’il est au sol, un coup de poing à l’un des frères maghrébins blessé alors qu’il est sur une civière (donné parce que celui-ci faisait des « signes d’égorgement »!), des voitures de la famille maghrébine incendiées, Mustapha qui tente de prendre le pistolet d’un gendarme, etc.  

Dans ce sillage, il est intéressant de revenir aussi sur la couverture médiatique de l’incident. Quelques heures après les faits, Edwy Plenel était tout fier d’annoncer sur Twitter que « l’enquête de Mediapart contredit le récit dominant des affrontements de Sisco » rédigé d’après le témoignage d’une jeune fille ayant assisté à la scène, mais du côté corse. En réalité, l’enquête du site Mediapart fut construite d’après le témoignage de « l’un des hommes impliqués dans les affrontements », l’un des frères maghrébins en réalité. L’ironie de l’histoire c’est que la version de Mediapart a été aussitôt contredite par le procureur de la République et plus tard, avant-hier, par le tribunal correctionnel de Bastia. Eh oui, la recherche de la vérité ne passe pas forcément par la course au scoop et la défense aveugle des "gentils immigrés" contre les "méchants français". Les Corses impliqués dans cette affaire ne se sont pas comportés comme des anges, encore moins les Marocains ! Si chacun avait fait ce qu’il avait à faire, sur la plage et dans les médias, sans paranoïa et provocation, loin de l’esprit de caïd et de domination, avec discrétion et professionnalisme, tout serait allé pour le mieux dans le meilleur des mondes.

A défaut, d’un côté, Mustapha Benhaddou a été condamné à la peine la plus lourde, deux ans de prison ferme, et ses deux frères à six mois de prison avec sursis, et de l’autre côté, les deux Corses violents ont écopé respectivement de huit et de douze mois de prison avec sursis.

Voilà un fait divers somme toute banal, qui a pris des proportions inimaginables et qui aurait pu se terminer dans un grand drame insulaire et national, à cause de la stupidité d’une poignée d’hommes et de femmes. Justice a été rendue et rapidement. Deux éléments essentiels d’un Etat de droit. C'est la principale leçon de ce procès : personne n'est au-dessus de la loi en France, que l'on soit Maghrébin ou Corse. La justice française a pour la énième fois opposé une fin de non-recevoir à la
« dérive communautaire » des esprits et de la société. On ne peut que s'en féliciter.

dimanche 11 septembre 2016

Elie Marouni dans le monde des femmes libanaises, est comme un éléphant dans un magasin de porcelaine (Art.386)


Commençons par le commencement. A l’origine de la présente affaire, une disposition archaïque de la législation libanaise, l’article 522, portant sur le viol. Sous le coup d’une baguette judiciaire magique, un violeur au Liban peut être blanchi de son crime s’il se marie avec sa victime. Eh oui, c’est aussi simple que ça. Il fallait l’imaginer, le Liban l’a fait et il n’est pas le seul pays au monde à l'avoir fait.

Toujours est-il qu’à l’occasion d’une table ronde organisée le 7 septembre par l’association Rassemblement démocratique de la femme libanaise, sur une proposition de loi pour abolir l'article de la honte (présentée par Elie Keyrouz, le député du parti des Forces libanaises), le dénommé Elie Marouni déclare texto : « Il y a des fois et dans certains lieux, (il faut savoir) quel est le rôle de la femme, qui conduit l’homme à la violer ». Cette déclaration provoque un tollé sur les réseaux sociaux. Et pourtant, circonstances atténuantes, le député était à ce précis du débat en mode improvisation. Le plus grave a été dit avant. A un moment de la discussion, Elie Marouni met des lunettes de vue sur le nez, prends une feuille entre les mains et se met à lire : « Concernant l’article 522, il faut travailler pour le développer et non pour le supprimer... cet article s’inscrit dans le contexte nécessaire pour tenter de concilier la victime et le criminel, tout en gardant les droits de la société ». Manifestement, le député de la nation ne sait absolument pas de quoi il parle. Le texte étant écrit au préalable, il était donc murement réfléchi, les propos sont par conséquent, encore plus consternants.

Pour montrer sa maitrise du dossier, Elie Marouni, avocat à ses heures perdues, explique que « la femme libanaise a le privilège de pouvoir refuser d'épouser son violeur, contrairement à des femmes venant d'autres pays ». Foutaises sur toute la ligne. L’article 522 stipule que « si un mariage valide est conclu entre l’auteur d’un des crimes qui figurent dans ce chapitre et la victime, les poursuites (judiciaires) sont arrêtées ». Les crimes visés sont le viol, l’enlèvement (en vue d’un mariage), la défloration (perte de la virginité), le harcèlement sexuel, la contrainte aux rapports sexuels et l’exploitation de la faiblesse de la victime et son incapacité à résister. Pire encore, l’article de la honte précise que « si le verdict concernant l’affaire est déjà prononcé, la peine (du violeur) est suspendue ». Il est donc clair que dans une société libanaise patriarcale en général, et clanique dans certaines régions, qui pense comme Elie Marouni que la femme violée a forcément « joué un rôle, qui a conduit l’homme à la violer », n’a absolument aucune voix au chapitre. C’est d’autant plus valable qu’elle est considérée après l’abomination qu’elle a subie, comme une pestiférée qui a couvert sa famille de honte, et que dans ses conditions tragiques, seul le mariage avec son bourreau lavera l’honneur familial en camouflant le crime commis. Qui n’est pas fichu de comprendre cela, ferait bien d’aller planter des patates que de débattre sur les droits de la femme libanaise.

Et comme si tout cela n’était pas suffisamment surréaliste, Elie Marouni termine son intervention stupide en apothéose : « J’affirme que je suis le premier défenseur et avec les droits de la femme et je le resterai, même si elle a honte celle qui a eu honte, on lui apportera un hijab pour qu’elle n’ait plus honte ». L’humour à 5 piastres. Le député évoquait sans la nommer, une militante de la société civile, Hayat Merchad, qui l’a apostrophé en disant : « J’ai honte d’avoir ce genre de députés qui me représentent au Parlement libanais ». Elle ne croyait pas si bien dire. Smallah wou yekhzel 3ein, les Libanais ignoraient qu’ils avaient une sommité juridique au Parlement !

Pour se défendre, le député libanais rappellera plus tard, que son parti, les Kataeb, a toujours défendu les droits de la femme et que ce n’est pas lui qui est à l’origine de l’article 522, qui date de l’époque de l’indépendance. Il a absolument raison, mais lui est opposé à sa suppression pure et simple. Pire encore, l’indépendance qu’il a évoquée, c’était il y a plus de 70 ans, une éternité sur le plan juridique qui rend certaines dispositions juridiciaires libanaises archaïques. Par ailleurs, l’érudit a oublié de préciser que le Code pénal libanais s’inspire du Code français de 1810 et du Code ottoman de 1840 et que sur certains points, il n’a pas beaucoup évolué. Pour résumer la mésaventure du député de Zahlé dans le monde des femmes, disons qu’Elie Marouni s’est révélé comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Nul ne peut contester le fait que la réflexion de ce député de la nation est abjecte. Mais encore, sur une question aussi grave, essayons pour une fois d’aller un peu plus loin que les évidences, les statuts et les tweets de 140 caractères. Qui peut aujourd’hui faire croire que ces propos ignominieux ne sont pas représentatifs de la vision d’une frange importante de la population masculine mondiale en général, libanaise incluse ? Plus grave encore, qui peut assurer même de nos jours, qu’on ne retrouve pas ce qu’a dit Elie Marouni au fin fond des sillons cérébraux d’une petite frange de la population féminine mondiale en général, libanaise incluse ? Ainsi, réagir avec émotion, à juste titre, ne saurait nous empêcher de pousser la réflexion au-delà des revendications stériles de la démission du député du Parlement libanais ou de son éviction du parti des Kataeb. D’ailleurs, si on doit virer des parlementaires libanais pour ce qu’ils ont dit ou fait, sur le plan politique ou social, il ne nous restera qu’une dizaine au final.

Hélas, la pensée d’Elie Marouni est répandue au Liban et dans le monde. Le tollé sur les réseaux sociaux est loin, même très loin, de refléter la réalité des esprits sur le terrain. Souvenez-vous de l’enquête d’opinion sur ce sujet, réalisée au Brésil, par l'Institut d'enquête économique du gouvernement en mars 2014, dont les résultats étaient consternants. L’interrogation de 3 810 personnes des deux sexes avait révélé que 58,5 % des sondés (soit 3 personnes sur 5, a priori représentatifs des Brésiliens), étaient d’accord avec l’affirmation que « si les femmes se comportaient mieux, il y aurait moins de viols ». Pire encore, 26% des personnes interrogées, soit 1 personne sur 4, ont considéré que « les femmes portant des vêtements qui laissent voir leur corps méritent d’être violées ». Elles "méritent" svp ! Et encore, c’est dans un pays où plus de 51 000 viols sont enregistrés tous les ans, soit un toutes les dix minutes, sachant que ce chiffre ne représente qu’une infime partie d’une réalité sordide, 90% des viols n’étant pas dénoncés à la police. Et on s’étonne encore de la déclaration d’Elie Marouni ?

Même époque, un autre continent, l’Europe. Selon une enquête d'envergure menée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne auprès de 42 000 femmes âgées de 18 à 74 ans, vivant dans les 28 pays européens, une femme sur trois a déclaré avoir été victime d’un abus ou de violences d’ordre physique ou sexuel. Au Danemark, en Finlande, aux Pays-Bas et en Suède, champions du monde de l’égalité des sexes, ainsi qu’au Royaume Uni et en France, près de 50% des femmes, soit une femme sur deux, ont déclaré avoir été abusées physiquement ou sexuellement après l’âge de 15 ans. En Allemagne et en Belgique, c’est une femme sur trois, alors qu’en Italie, en Grèce, au Portugal, en Espagne et à Chypre, des pays méditerranéens réputés pour être machistes, c’est une femme sur quatre. Ainsi, en Europe, où l’égalité des droits et des sexes est maximale par rapport au reste du monde, 43% des femmes ont été victimes de violences psychologiques et 22% de violences physiques et sexuelles, de la part de leurs propres partenaires. Eh oui, ce n’est pas par hasard que les législations européennes reconnaissent et punissent le viol conjugal. Dans cette étude, on apprend aussi que 12% des femmes ont déclarée avoir subi des violences sexuelles avant l’âge de 15 ans et 5% avoir été violées

Les résultats sont terribles. Toutefois, l’enquête a des limites. L’étendue de la définition de ces « violences » peut expliquer en partie ces chiffres effrayants. Pour les violences d'ordre sexuel par exemple, sont incluses les relations où la femme est forcée d'avoir des rapports, n'est pas consentante, se trouve dans l'incapacité de refuser, immobilisée, a peur des conséquences d'un refus ou a mal. Il y a aussi le mode de vie occidentale avec l'urbanisation, les libertés (moeurs, vêtements, mobilité...), l'abus d'alcool et les interactions humaines (transports en commun, travail, vie à l'extérieur, sorties, lieux de divertissement...). Il faut noter également que les femmes en Europe sont moins réticentes à parler librement des violences et à dénoncer ces actes à la police, que dans le reste du monde ou dans certaines sociétés, où le sujet reste tabou et honteux. C'est le cas du monde arabe par exemple, Liban compris, qui a même une tendance à considérer la violence conjugale comme une affaire privée. Et enfin, un détail qui a son importance, il n’est rien dit de la nationalité des auteurs des actes violents, sachant que les étrangers à l'Union pourrait être surreprésentés par rapport aux ressortissants européens. Dans ce sillage, il convient de se rappeler le scandale de Cologne et de Hambourg. Aux dernières nouvelles, selon un rapport de l'Office fédéral de la police criminelle allemande, pendant la nuit du Nouvel an, ce sont 1 200 femmes qui ont été agressées par près de 2 000 hommes, dont 120 ont été identifiés à ce jour, ils sont d’origine étrangère (Algérie, Maroc, Irak, Afghanistan, Syrie, etc.). Et certains s’étonnent toujours de la déclaration du député libanais ?

Elie Marouni n’est pas un extraterrestre. Il a dit tout haut ce que certaines personnes des deux sexes pensent tout bas, au Liban et ailleurs, en Orient comme en Occident, et c’est là où le bât blesse. Ce qui n’enlève rien à l’infamie de la réflexion du député libanais et à l’insoutenable légèreté de l’être. Si nous voulons affiner le diagnostic, nous devons d’abord reconnaitre qu’Elie Marouni est un conservateur chrétien. Il aurait pu être musulman, juif, bouddhiste, hindouiste ou même athée. Sa réflexion sur le viol des femmes s’inscrit parfaitement dans le cadre de la vision étriquée, machiste, traditionaliste et dominatrice de l’homme sur la femme, depuis la nuit des temps. C’est cette mentalité archaïque de l’homme que l’Humanité ne parvient toujours pas à changer. Contrairement à ce que l’on pense en Orient, ce n'est plus de conservatisme qu'il nous faut mais plus de libéralisme, d'ouverture d'esprit et de tolérance. On ne pourra pas lutter efficacement contre le viol, sans une éducation qui instaure l’égalité homme-femme dans les esprits comme dans les textes (bel noufouss wel nousouss), sans la révolution sexuelle avec une libéralisation des mœurs (rouler une pelle en pleine rue n’est pas aussi répandue qu’on veuille le faire croire, y compris dans les régions chrétiennes, soit dit au passage !) et sans une législation répressive contre les mâles dont la testostéronémie crève le plafond, qui à la vue d’une femme en jupe moulante ou avec un décolleté plongeant, ressentent la vapeur de leurs testicules en ébullition leur monter à la tête, au point de ne plus penser qu’à prendre par la force ce qu’ils ne pourront jamais obtenir par le consentement. Cela ne veut absolument pas dire qu'il faut imposer un mode de vie à tout un chacun. Il faut plutôt offrir aux femmes le choix et des conditions optimales d'épanouissement, lui permettant de vivre comme elles l'entendent et non comme le souhaitent les hommes.

Pour y parvenir, je propose aussi un plan d’action en trois volets sarcastiques. Primo, lancer un programme de stérilisation volontaire rémunérée des hommes dérangés par les femmes sexy. Au préalable, il serait judicieux de vérifier qu’ils n’abusent pas de baïyed el ghanam, les testicules de mouton qu’on fait revenir avec de l’ail et du citron. On ne sait jamais, il y a peut-être une corrélation. Secundo, rembourser l’achat de poupées gonflables et de godes pour les gens importunés par les aguicheuses, ce qui rendra ces hommes moins frustrés et ces femmes moins jalouses. Tertio, imposer le port des œillères aux Libanais des deux sexes qui ont les yeux envieux et aigris qui trainent sur les femmes. Trêve de plaisanteries ! Nonobstant les déclarations d’Elie Marouni, les parlementaires libanais doivent supprimer la législation de la honte, l’article 522, et introduire dans notre Code pénal un seul principe pour régir les relations sexuelles au Liban : « Non, c’est non ». Nous devons donc redéfinir le viol comme l’a fait le Bundestag en Allemagne il y a deux mois. Tout acte sexuel commis contre « la volonté identifiable d'une autre personne », quel que soit le contexte, doit devenir une infraction pénale, point barre.

dimanche 4 septembre 2016

« London 1666 » s’embrasera ce soir pour commémorer le « Grand incendie de Londres » survenu il y a 350 ans (Art.385)


Londres se lance dans le surréalisme artistique pour commémorer le grand incendie de 1666

Et dire qu’on ne pouvait plus retenir certains Anglais de s’en donner à cœur joie. A cause du positionnement de la France dans le Brexit, ils se sont emparés avec un brin de sadisme et de rancune de l’affaire surréaliste du burkini, pour se moquer de la France. Le nouveau maire de Londres, Sadiq Khan, s’est même autorisé de haut de ses talons, soit dit avec amabilité, à faire la leçon au monde, sans trop se mouiller d’ailleurs : « Personne ne devrait dicter aux femmes ce qu'elles doivent porter. Un point c'est tout. C'est aussi simple que cela. » D’accord sur la 1re partie, passe encore pour la 2e, c’est un peu court pour la 3e très cher. Toujours est-il que c’est autour de Londres de se placer sous le feu de l’actualité surréaliste ce weekend, sans que les gaillards outre-Manche ne s’en offusquent. Eh oui, c’est toujours le pet des voisins qui est insupportable. Ce soir, devant des dizaines de milliers d’yeux rassemblés pour l'occasion, on commémorera le 350e anniversaire du grand incendie de la ville. L’événement contemporain se veut aussi impressionnant que l’a été l’événement historique.


Et la Cité de Londres s’embrasa entre le 2 et le 5 septembre 1666 

Nous sommes un dimanche comme aujourd’hui, le 2 septembre 1666. Peu de temps après minuit, un feu démarre dans une boulangerie située dans Pudding Lane, qui se trouve à l’intérieur du mur romain du côté de la Tamise, en face du pont de Londres. Rien d’extraordinaire dans une grande ville européenne à l’époque. Et pourtant, malgré un système d’alerte efficace (les cloches des églises et les crieurs de rues), la sensibilisation civique (pour lutter avec les moyens du bord, sceaux et longues échelles), des fourgons d’incendie (déjà à l’époque) et des équipes de démolisseurs (afin d’empêcher les flammes de se propager ; la démolition se faisait soit avec de longs crochets, soit au moyen d’explosifs, selon la taille des bâtiments), le feu s’est propagé rapidement aux quatre coins de la ville. Nul ne savait à l’aube de cette sinistre journée, que l’énième incendie en cours, sera l’un des embrasements urbains le plus grave de l’histoire.

Le grand incendie de Londres en 1666
Carte réalisée par Sémhur, Wikimedia Commons
Il y a plusieurs raisons pour expliquer l'entendue et l'ampleur des dégâts. Le mode vie (éclairage à la bougie, lampe à huile, feu de bois, stockage de matières inflammables...), des habitations denses, l’étroitesse des rues, les constructions en bois (en dépit de certaines interdictions), des bâtiments en hauteur, une architecture à encorbellement (pourtant interdite car elle rapprochait les demeures dans les rues étroites), les entrepôts des quais de la Tamise, l’état d’esprit des gens (surestimant la dangerosité de l’incendie, certains étaient tétanisés et préoccupés par sauver leur peau ; d’autres sous-estimant le feu, se préoccupaient plutôt de leurs biens que d’éteindre l’incendie) et les vents forts. On peut y rajouter l’incapacité du maire de Londres, Thomas Bloodworth, à ordonner la création de coupe-feu artificiels en détruisant d’une manière préventive des habitations en amont (principe suivi même de nos jours dans les feux de forêts) et le retard des magistrats de la ville à accepter l’engagement des troupes royales de Charles II (qui a fini par reprendre les choses en mains, mais c’était trop tard).

Le bilan est terrible. L’incendie a détruit 13 200 maisons, jetant dans la rue 75 000 des 500 000 habitants de Londres à l’époque. Il ravagea la Cité (qui était déjà le centre commercial de la ville ; elle était dominée par les classes populaires et marchandes), les bâtiments officiels et 87 églises dont la cathédrale Saint-Paul. On estime les dégâts matériels à l’équivalent de 1,2 milliard d’euros de nos jours. Paradoxalement, on ne dénombrera qu’une dizaine de morts (chiffre contesté ; certains parlent de plusieurs milliers). Comme dans tous les événements tragiques de ce genre, le peuple chercha des boucs émissaires. La paranoïa collective était alimentée par l’ampleur du désastre et l’impuissance des autorités face à l’incendie. Les événements récents et plus lointains agissaient sur les esprits comme de l’huile sur le feu. Certains ont fait le rapprochement avec les « guerres anglo-néerlandaises » de 1665-1667 et 1652-1654, pour le contrôle des routes commerciales maritimes. D’autres ont pensé à un remake de la « conspiration des poudres » de 1605, quand en pleine tension religieuse, un groupe d'Anglais catholiques, dont le célèbre Guy Fawkes (popularisé par le masque d’Anonymous et le héros de la bande dessinée et du film "V pour Vendetta"), a tenté de renverser la monarchie protestante en faisant sauter la Chambre des communes et en assassinant le roi Jacques Ier. Les soupçons se sont dirigés sur des Hollandais, des Français et des Anglais catholiques, dont un certain nombre échappera aux flammes mais périra au cours de lynchages populaires.

Cette catastrophe est survenue à la fin d’une terrifiante épidémie de peste, apportée par des bateaux en provenance des Pays-Bas deux ans plus tôt et qui tua 1/5e de la population londonienne. Malgré l’ampleur des dégâts, certains historiens considèrent que c’est le grand incendie de Londres qui a éradiqué l’épidémie de peste de 1665, en détruisant des quartiers insalubres de la ville.

London 1666 : un spectacle artistique monumental et éphémère

350 ans plus tard. Il a fallu des mois de travail acharné pour construire au bord de la Tamise, une cité miniature en bois de 120 mètres de long, représentative du panorama urbain de Londres au 17e siècle. Des Londoniens de tout âge ont prêté main forte à des professionnels, pour réaliser cette œuvre de l’artiste britannique David Best et de l’entreprise anglaise Artichoke.

"London 1666", projet de David Best et d'Artichoke
Commémoration du grand incendie de Londres
"Mise à feu" : dimanche 4 septembre 2016 à 20h30

Pour y parvenir, il fallait beaucoup de moyens. Mais ce n’était pas suffisant. Tous ceux qui en ont ne parviennent pas à faire de même. Un autre ingrédient est capital dans ce genre de projet collectif, c’est cette passion communicative, une denrée rare dans nos contrées. Celle-ci forge le respect, surtout quand on imagine que tous ceux qui ont contribué à ce projet pharaonique savaient que leur œuvre est éphémère. Une « mise à feu » est prévue. Elle est programmée pour aujourd’hui. A 20h30, la barge qui porte un Londres miniature de 1666, s’embrasera au bord de la Tamise. Ce projet est évidemment fascinant. L’œuvre artistique brûlera pendant des heures, comme Londres avait brûlé pendant des jours. Justement, il est là le problème : tout partira en fumée.

London 1666 : un événement célébrant le gaspillage et la pollution

Si j’ai pris la peine de développer la partie historique, c’est pour mieux faire sortir le crétinisme de la partie artistique. Est-ce que le meilleur moyen de commémorer un désastre de l'histoire est de se rassembler pour admirer un feu géant ? Non, c'est obscène. London 2016 est-il à la hauteur de London 1666 ? Surement pas, l'événement historique est une tragédie, alors que le projet artistique est un divertissement.

Artichoke se définit comme « une entreprise créative qui travaille avec des artistes pour envahir nos espaces publics afin d’y créer des événements extraordinaires et ambitieux qui vivent dans la mémoire pour toujours ». Non mais justement, quel gâchis, il n’en restera rien de tant d’efforts humains et d’un si beau travail ! Pourquoi ne pas avoir décidé de reconstruire la cathédrale Saint-Paul en miniature par exemple et de l’offrir à l'humanité et pour l’éternité ? Ah, mais parce que la préoccupation des organisateurs est ailleurs. Le pyrotechnicien assure dans la vidéo de promotion de l’événement, qu’ils feront en sorte que « les effets des flammes apparaissent aussi beaux que possible sur la structure ». D’un grotesque inouï.

David Best, Projet "Temple" à Derry-Londonderry,
Irlande du Nord (Source vidéo Artichoke)

David Best est un sculpteur américain âgé de 71 ans. Il s’est spécialisé dans la construction de temples géants destinés à être incendiés. Dans ce cadre, il a participé à plusieurs reprises au festival Burning Man, qui se tient tous les ans depuis 1990 (la dernière semaine du mois d’août), dans le désert de Black Rock au Nevada aux Etats-Unis. Pour faire simple, il s’agit d’une manifestation insolite où se mélangent création artistique, nostalgie hippie, vie communautaire et fête païenne. Un des principes de base qui guident les « burners » à Black Rock City, la cité éphémère où se déroule cette réunion qui attire chaque année près de 70 000 persones, est « leave no trace » (ne laisser aucune trace). Non seulement cela relève de la mythologie, mais en plus, depuis la création du festival en 1986, la coutume veut qu’on incendie une effigie humaine de plusieurs mètres (12 m à 35 m), ainsi qu’une partie des œuvres créées et exposées. Et comme si cela ne suffisait pas, à partir de l’an 2000, on introduisit une nouvelle coutume avec David Best justement, l’incendie de temple construit pour la circonstance. L’artiste américain a participé à huit projets déjà, dans le Nevada, et d’autres dans divers coins du monde, dont ceux de Temple à Londonderry l’année dernière (Irlande du Nord) et de London 1666 à Londres ce soir !

« Temple », projet de David Best et d’Artichoke
Derry-Londonderry (Irlande du Nord, 2015)
Captures d'écran, vidéo réalisée par Artichoke

La création artistique de David Best et d’Artichoke n’est pas sans rappeler celles de Christo que j’ai évoquées en juin. Les problèmes posés par ce genre d’art ou de spectacle, monumental et éphémère, sont de trois ordres. Primo, il y a le gaspillage financier. Tant que c’est de l’argent privé, cela regarde les artistes et les organisateurs. Mais, de l’argent public est forcément dépensé au cours de ces manifestations, ne serait-ce que pour le contrôle et la sécurité, ainsi que le « soutien culturel » direct ou indirect de ce genre d'événements publics. Secundo, il y a l’impact de toutes ces activités humaines inutiles et si agressives (bruit et chaleur) sur la faune et la flore. Tertio, il y a l’impact particulièrement nuisible de l’incendie volontaire sur l’environnement, la pollution atmosphérique et le changement climatique. Outre la quantité hallucinante de bois qui sera brulée pour épater la galerie, il y a aussi les tonnes de combustible pour s’assurer un incendie conforme aux attentes. Dire que tout cela se passe en 2016 est tout simplement difficile à croire !

Et pour compenser ce grand désastre en perspective, rien de mieux que l’étalage de « bons sentiments ». On n’y échappe pas avec London 1666. Le summum du grotesque se trouve dans cette vidéo retraçant l’histoire du projet, où le réalisateur n’a manifestement voulu montrer que des jeunes issus de l’immigration (vrai de vrai !), avec des jeunes filles essentiellement voilées, aidant à bâtir ce bûcher des temps modernes, avec la félicité du patriarche du projet, David Best : « Ce que l’on essaie de dire à ces jeunes c’est ‘vous pouvez le faire’ ». Faire quoi au juste ? Incendier un beau travail, en polluant l’atmosphère et en traumatisant la faune ! Non mais, c'est le grand délire.

Grand incendie de Londres, 4 septembre 1666
Artiste inconnu - (Wikimedia Commons)


« London 1666 » n’est digne ni de la ville de Londres ni de la tragédie de 1666, encore moins de notre Terre et de notre époque

Je terminerai cet article sur David Best comme j’ai terminé celui sur Christo. Certes, l'art ne se discute pas. On pourrait même s’en foutre royalement, si les caprices de David Best depuis une vingtaine d’années, ne sont pas aussi néfastes pour l’environnement. On nous rassure que les temples de l’artiste sont bâtis à partir de « bois recyclé » et un « combustible propre ». On connait la chanson, avec Christo justement. Comme si le recyclage et la combustion se font avec une baguette magique, sans énergie et sans pollution ! Pire encore, comme si l’excuse du "bois recyclé" et du "combustible propre", donnent le droit à certains humains gâteux de gaspiller les ressources de la Terre et des générations futures, de polluer l’environnement et de perturber la faune, pour étonner des mortels à l’émerveillement bien émoussé ! Non mais, ça servait à quoi de pomper l’air des citoyens responsables pendant des semaines avec la COP21, la Conférence de Paris sur le climat, et l’absolue impérative nécessité pour l’Humanité de parvenir à un accord international qui soit accepté par tous les pays de cette perle de l'Univers, fixant la limite du réchauffement mondial de la Terre à 2°C d’ici 2100, pour que neuf mois plus tard, de l’autre côté de la Manche, on autorise ce spectacle insensé, grotesque et stupide ? L’excuse écologique bidon du recyclage et du combustible propre aidera peut-être des imbéciles-heureux à se déculpabiliser en regardant une œuvre d’art brûlée. Mais David Best, comme Christo, nous donne un magnifique exemple d’égocentrisme humain qui se fout des enjeux environnementaux de la planète Bleue. Enfin, ce n’est pas seulement la faute de David Best et d’Artichoke. C’est aussi celle des politiciens, des médias et des citoyens, qui se retrouvent dans cet événement scandaleux, à la fois irresponsables, complaisants et irréfléchis

Allez, à 20h30 ce soir à Londres (21h30 à Paris et 22h30 à Beyrouth), « Watch it burn » et commémorez le « 350th anniversary of the Great fire of London », pour mieux apprécier la bêtise humaine dans toute sa splendeur.

London 1666