Impossible
d'échapper à l'affaire Angot-Rousseau depuis dimanche dernier. On
ne compte plus le nombre d'articles qui lui sont consacrées et qui
encombrent autant les fils d'actualité que les discussions. La
dernière secousse du PAF, le paysage audiovisuel français, a même
atteint les côtes orientales de la Méditerranée où des Libanais ont relayé la pétition lancée par l'écrivaine Valentine Goby, pour que l'émission On n'est pas couché présente des
« excuses publiques » à la victime, alors qu'ils daignent
liker la page du Tribunal Spécial pour le Liban.
Pour le pitch, on a d'un côté Sandrine Rousseau, femme politique, économiste et prof d'université, ayant eu des hautes fonctions au sein du parti Europe Ecologie Les Verts (2009-2017). Elle est engagée dans l'écologie, l'égalité homme-femme, la fin de vie et la place de la femme en politique. Elle était invitée dans l'émission ONPC au lendemain de la sortie de son livre « Parler. Violences sexuelles : pour en finir avec la loi du silence » (Editions Flammarion). Tout est dans le titre. Dans cet ouvrage l'ancienne vice-présidente du Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais (2010-2015) raconte son agression sexuelle par un député de son parti, Denis Baupin, un « libertin incompris » comme il a le culot de se définir. Il se trouve qu'elle n'était pas la seule, huit autres élues et collaboratrices d'EELV, auraient été victimes d'harcèlements et d'attouchements sexuels de la part de celui qui était par ailleurs 3e vice-président de l'Assemblée nationale (2012-2016) et adjoint au maire de Paris (2001-2014). L'affaire a été classée sans suite, pour prescription des faits, qui étaient pourtant selon la justice française « susceptibles d'être qualifiés pénalement ». Face à cette injustice, Sandrine Rousseau a décidé de venir dans l'émission de Ruquier pour en parler justement.
De
l'autre côté, on a Christine Angot. Mais enfin, ce n'est plus un
secret de Polichinelle, cette femme est le moins qu'on puisse dire, bizarroïde.
Elle tient à se définir, dans l'émission de samedi dernier, comme
« écrivain » et non « écrivaine » car les
gens ont du mal à s'imaginer une femme en train d'écrire. C'est
c'là oui, merci pour la nuance ! La romancière ne commencera sa carrière
aux prestigieuses éditions Gallimard, qu'après une longue traversée
du désert qui durera six ans et qui seront ponctués par de nombreux
refus. Comme ses livres ne se vendaient pas du tout, ne dépassant
pas les 500 exemplaires à tout casser, son quatrième manuscrit est
rejeté par l'éditeur parisien. Retour dans le désert pour un
moment. Elle finit par trouver un autre éditeur, Fayard. Publication
et republication, mais belote et rebelote, ses livres ne se vendent
toujours pas. Une nouvelle traversée du désert sans éditeur,
jusqu'au jour où elle a la brillante idée d'écrire sur la
douloureuse expérience qu'elle a vécue avec son père. Succès
immédiat. L'Inseste, publié aux éditions Stock, attirera
l'attention des médias et se vendra très bien. Christine Angot
devint bankable, reconnue et rentable.
Si je me suis donné la peine de résumer le début de la carrière de
Christine Angot, c'est parce qu'il y a un détail, dans lequel s'est
caché le diable, qui est passé inaperçu, alors qu'il est essentiel
pour bien comprendre la psychologie de la chroniqueuse. Pas
l'inceste, tout le monde en a parlé. Angot, ainsi que Moix, se sont
permis de mettre en doute la sincérité de la démarche de Sandrine
Rousseau, en laissant entendre et en le disant clairement, que son
livre est un « discours », et non un « récit ».
En gros,
l'auteur se sert de sa douloureuse expérience pour en tirer profit.
C'est sans doute une remarque fascinante, mais ça ne vous rappelle pas quelqu'un?
A supposer que ça soit vrai pour Sandrine Rousseau, c'est exactement
ce que Christine Angot a fait en 1999. D'ailleurs si Christine Angot
existe et elle est au centre d'une polémique aujourd'hui, c'est justement parce qu'elle a suivi cette stratégie dans le passé. J'adore! C'est cet élément inédit qui m'a poussé à écrire un énième article sur l'affaire. La différence entre les deux femmes est donc énorme: Angot a parlé
de son agression sexuelle dans un but personnel et en grande partie "intéressé", attirer l'attention et la sympathie des éditeurs et des médias,
afin de devenir à tout prix une écrivaine reconnue et vendre ses livres au-delà de 500 exemplaires, alors
que Rousseau le fait dans un but collectif et en grande partie "désintéressé", pour
lutter contre le silence du monde politique face aux agressions
sexuelles, qui ne se limitent évidemment pas aux écologistes. La
cause d'Angot est nombriliste, celle de Rousseau est altruiste. C'est la raison psychologique la plus profonde de ce clash qui restera dans les annales.
Et même si on ignore tout des deux femmes, il suffit de les regarder et
de les écouter pour comprendre en un clin d'oeil qui est sincère et
sympathique et qui ne l'est pas. Angot bat tous les records
d'aigreur. Il fallait la voir face à François Fillon au printemps
dernier. Lui, posé, serein et classe, qu'est-ce qu'il m'est apparu
sympathique face à elle, hagarde, insipide, acariâtre. Et encore,
Dieu est témoin, je ne portais pas le candidat des Républicains en
odeur de sainteté.
*
Au-delà de cette tempête dans un verre d'eau, que peut-on s'attendre encore
d'une émission qui est à sa 12e année? Là, on a dépassé
l'acharnement thérapeutique. Il ne sait plus quoi faire Laurent
Ruquier pour ressusciter ce que fut jadis un superbe rendez-vous
hebdomadaire sur France 2. Mais franchement, depuis le départ de
l'irremplaçable Michel Polac (qui n'a fait qu'une saison en 2006 à
cause de son état de santé) et des deux Eric (Zemmour et Naulleau)
en 2011, qui ont été congédiés par l'obsession des organisateurs
d'assurer le « renouvellement », c'est le déclin.
Les pionniers avaient une grande qualité, l'authenticité. Même
s'ils étaient aux antipodes l'un de l'autre, dans leur lecture et
leur approche de l'actualité et des événements politiques,
sociétaux et culturels, ils n'adoptaient pas de postures et d'impostures, selon ce
qu'elles peuvent leur apporter comme bénéfices. Les successeurs
Natacha Polony et Audrey Pulvar, étaient excellentes, mais elles
manquaient de naturel. Aymeric Caron était parfait. Il avait de
l'intelligence, de l'authenticité, du sarcasme et du cœur.
Je
ne dirai pas autant de Léa Salamé, la fierté nationale
franco-libanaise. Elle pourrait briller, mais je ne sais pas où elle
a appris qu'un bon journaliste se doit d'interrompre constamment son
interlocuteur et ne doit lui laisser aucune occasion de développer
ses idées jusqu'au bout! Il fallait la voir avec le Premier ministre
Edouard Philippe il y a quelques jours, elle ne s'arrange pas. C'est
ce qu'a amené le magazine Challenges à titrer au lendemain :
« "L'Emission politique": quand Léa Salamé passeà côté de son interview d'Edouard Philippe ». Hala ya
habibté, une interview, n'est pas un bizutage ! En tout cas, sur le
comportement hystérique de sa remplaçante, elle est pratiquement la
seule à la défendre. Tout ce qu'elle a trouvé à dire et à redire
à part « c'est, c'est, c'est... je ne suis personne pour juger de deux souffrances, de deux victimes, face à face... c'est
compliqué... Christine Angot, c'est une femme qui n'est que colère,
indignation et souffrance, notamment sur ce sujet là ».
Mais il n'est pas là le problème, ma cocotte. Le problème, c'est
qu'il y a une qui a été agressée par l'autre gratuitement, point
barre. Ne pas se prononcer sur ça, relève de la lâcheté, surtout
quand on conclut au sujet d'Angot : « laissez-la faire ses
preuves... c'est une émission extrêmement difficile à faire ».
Mais on s'en tape ! Au passage Salamé a trouvé que Christine Angot
était bien face à Fillon, pour vous dire.
Pour la chroniqueuse Vanessa Burggraf, c'est très court, elle était bof.
De son passage, il nous reste son fou rire en interrogeant Philippe
Poutou sur « l'interdiction des licenciements ». Il faut dire que le sujet s'y prêtait ! Quant à
Yann Moix, malgré sa grande culture et un sens de la répartie
exquis, il reste néanmoins pompeux sur les bords et psychorigide à
cœur. Il serait plus crédible si sa hargne n'était pas si
sélective, de même que sa complaisance. Il y a quelques semaines, il a descendu la romancière franco-marocaine Saphia Azzeddine, qui préfère désigner les
auteurs des attentats de Paris de « criminels » plutôt que de
« terroristes », et pour bien d'autres raisons et il
n'avait pas tort (un criminel est l'auteur d'un crime, mais quand le
crime est commis pour des raisons islamistes et a comme but de semer
la terreur et d'infléchir la politique de la France, son auteur
n'est pas un criminel comme les autres, c'est un terroriste, ce qui
est beaucoup plus grave, pour la collectivité et pour la justice !),
et là, face à la crise délirante aiguë de sa collègue, motus et
bouche cousue. Après l'attaque terroriste de Charlie Hebdo, Moix a
lancé une pétition pour faire rentrer les dessinateurs satiriques
Wolinski, Cabu et Charb au Panthéon de la nation, aux côtés de
Voltaire, Rousseau, Hugo, Zola, Jaurès, Moulin, Malraux, Dumas,
Veil, et j'en passe et des meilleurs. Ah, si c'était quelqu'un
d'autre, j'aurais bien aimé voir la réaction de cette grande
gueule.
*
La recherche obsessionnelle du clash, la pierre philosophale pour
booster une audience en berne, et la surenchère qui s'en suit,
inévitablement, conduisent forcément à ce genre de débats surréalistes. A l'époque des deux Eric, nul
besoin de faire du forcing, il y avait des éruptions polémistes qui naissaient naturellement, dans le cadre de débats contradictoires, constructifs
et sincères, qui se déroulaient d'une manière civilisée et dans
le respect mutuel. Chacun savait où il devait s'arrêter.
Actuellement, la confrontation du duo Moix & Angot avec leurs
invités, se passe en général bien, n'exagérons pas, mais semble
parfois plonger dans la perversité et le sadisme. Certes, ils sont
censés critiquer les œuvres et la performance de leurs invités,
sans complaisance, mais aussi d'une façon impartiale, sans
sélectivité et sans agressivité. Ils n'y arrivent pas avec tout le
monde. Avec une enfance maltraitée pour l'un (racontée dans
Panthéon, 2006) et un inceste pour l'autre (L'Inceste, 1999), Yann
Moix et Christine Angot, les chroniqueurs de l'émission On n'est
pas couché, ne semblent pas être en paix avec eux-mêmes.
Comment peut-on imaginer qu'ils le soient avec les autres? Les deux
Eric l'étaient, avec eux-mêmes et avec les autres. Elle est là la
clé de voûte de l'émission : la personnalité des chroniqueurs.
Du
temps de Michel Polac, il arrivait que des invités quittent le
plateau. Avec Christine Angot, c'est la chroniqueuse qui le fait, en
traitant « d'imbéciles » le public qui était
témoin de son hystérie et qui l'a hué. Hélas, Ruquier a décidé
de ne pas choisir la séquence au montage, et de conclure le débat surréaliste diffusé le 30 septembre sous les applaudissements plutôt que sous les huées : « On voit bien que c'est un sujet sensible. Et pour Christine Angot et pour vous, Sandrine Rousseau ». Dommage. Par souci d'équité,
d'honnêteté et par respect du public, insulté lors de
l'enregistrement ou qui regardait l'émission en différé, il
fallait montrer toute la confrontation, pour que chaque spectateur
juge par lui-même, le meilleur choix à faire pour l'avenir : continuer à suivre
l'émission, zapper le programme, éteindre la télé, jeter le poste
par la fenêtre ou aller se coucher pour de bon.
Une semaine plus tard, dans l'émission diffusée le samedi 7 octobre, belote et rebelote, Laurent Ruquier opte pour la politique de l'autruche. Il revient sur l'incident pendant quelques minutes et c'est pratiquement pour ne rien dire, à part qu'il y a deux souffrances et que sa chroniqueuse possède la légitimité pour parler du sujet étant donné sa propre expérience, blablabla et patati et patata. C'est c'là oui, et elle a sans doute la légitimité pour agresser une femme politique gratuitement et infliger au public une crise délirante aiguë et des propos hystériques et décousues ! Je me suis farci deux fois l'Angot. Alors, il n'y aura pas une troisième.
Une semaine plus tard, dans l'émission diffusée le samedi 7 octobre, belote et rebelote, Laurent Ruquier opte pour la politique de l'autruche. Il revient sur l'incident pendant quelques minutes et c'est pratiquement pour ne rien dire, à part qu'il y a deux souffrances et que sa chroniqueuse possède la légitimité pour parler du sujet étant donné sa propre expérience, blablabla et patati et patata. C'est c'là oui, et elle a sans doute la légitimité pour agresser une femme politique gratuitement et infliger au public une crise délirante aiguë et des propos hystériques et décousues ! Je me suis farci deux fois l'Angot. Alors, il n'y aura pas une troisième.
Une
dernière chose avant de voguer vers de nouveaux horizons et d'autres
occupations. Si le viol est considéré comme une arme de guerre, il
est temps d'en prendre conscience et de réagir en conséquence. Le
harcèlement et l'agression sexuelle peuvent être utilisées par des
hommes pour empêcher les femmes de prendre pleinement leur place
dans le monde politique. Aujourd'hui, on n'a pas besoin que le
règlement de l'Assemblée nationale autorise les femmes à allaiter
en pleine séance ou de créer au plus vite des crèches au palais
Bourbon et dans les conseils régionaux, on a besoin que les Sandrine Rousseau ne prêchent plus dans
le désert et que leurs agresseurs politiques soient sanctionnés.
Le mot de la fin, je le réserve à mon chroniqueur préféré d'ONPC, Eric Naulleau. A l'annonce de l'arrivée de Christine Angot dans l'émission, il a fait savoir: « Angot refusait d'affronter l'avis critique des chroniqueurs d'ONPC, elle entend désormais donner le sien sur les livres des autres ». Ah c'est pas bien Christine! Et en pleine polémique, il a tenu à apporter son grain de sel: « (Christine Angot) c'est peut-être la plus grande imposture littéraire de ces cinquante dernières années en France ». A comparer et à méditer avec la réaction insipide de Léa Salamé !
Le mot de la fin, je le réserve à mon chroniqueur préféré d'ONPC, Eric Naulleau. A l'annonce de l'arrivée de Christine Angot dans l'émission, il a fait savoir: « Angot refusait d'affronter l'avis critique des chroniqueurs d'ONPC, elle entend désormais donner le sien sur les livres des autres ». Ah c'est pas bien Christine! Et en pleine polémique, il a tenu à apporter son grain de sel: « (Christine Angot) c'est peut-être la plus grande imposture littéraire de ces cinquante dernières années en France ». A comparer et à méditer avec la réaction insipide de Léa Salamé !