Tout
a commencé par un post nombriliste sur le réseau des réseaux. Un
de plus me diriez-vous, comme les miens et les vôtres, un de trop pour lui. Il n'y a même pas de trait d'esprit pour
parler de sarcasme! C'est une blague à 5 piastres, comme il y
en a à la pelle sur l'agora des temps modernes, dont l'unique but
est de faire des vagues. Objectif atteint, sauf qu'Ahmad Sbeity, un
poète libanais connu sous le nom de « Moustafa Sbeity »,
n'a pas prévu le déferlement qui s'ensuivit sur les côtes
orientales de la Méditerranée. « Je suis triste,
pourquoi Dieu ne m'a-t-il pas demandé d'épouser la Vierge Marie
pour engendrer Jésus? »
"#Poète_de_la_Résistance (Hezbollah) et nous en sommes fiers, #Moustafa_Sbeity", Lorca Sbeity (fille du poète, journaliste, 1 décembre) |
Cela
étant dit, pour la énième fois, il est judicieux d'aller au-delà
de la petite histoire pour rappeler les évidences de circonstance.
.
Primo, la liberté d'expression n'est pas un marché aux poissons
ou une vente à la criée, où tout est permis et où il suffit
de hurler plus fort que les autres pour attirer l'attention et vendre
sa camelote. Elle est régie par des lois et cadrée par de
nombreuses interdictions, aussi bien au Liban et en Iran, qu'en France
et aux Etats-Unis. Nulle part dans le monde démocratique, même sur le
mur de Bakhos Baalbaki, la liberté d'expression est absolue.
.
Secundo, qui s'estime léser, a parfaitement le droit de porter
plainte pour obtenir réparation. Il revient à la justice et à
la justice seule de se prononcer s'il y a eu violation des lois
en vigueur et en la matière.
.
Tertio, on ne peut pas demander l'application des lois d'une
manière arbitraire, sous peine de tomber dans la schizophrénie
politique. C'est la base même de l'état de droit. Quand le
réalisateur libanais Ziad Doueiry se rend en Israël en
violation des lois libanaises en vigueur, on ne peut pas le mettre à
l'abri de la justice libanaise en prétextant que sa visite était
culturelle et il est détenteur des nationalités française et
américaine, car la loi ne prévoit tout simplement pas ces
exceptions. En lui accordant une immunité, qui n'est pas donnée à
tous les Libanais, on a créé une exception arbitraire, décrétée
selon la tête du client. Je n'adhère pas à ce genre de pratiques.
C'est le fonctionnement de base des républiques bananières! Pour cette raison,
j'avais affirmé à l'époque, qui trouve les ennuis judiciaires de Ziad
Doueiry déplacés doit avoir le courage de militer clairement pour
l'abolition de l'article 285 qui interdit aux Libanais de se rendre
en Israël. Peu de gens l'ont fait. Idem pour l'affaire du poète
libanais. Qui trouve que les ennuis judiciaires de Moustafa Sbeity
sont déplacés doit militer clairement pour l'abolition des articles
317, 473 et 474 du Code pénal libanais, qui pénalisent tout ce
qui provoque ou nourrit « la discorde communautaire ou
raciale » et « le conflit entre les communautés de la
nation », mais aussi « le blasphème du nom de Dieu »,
ainsi que « la diffamation et le mépris des rites
religieux ». Là aussi peu de gens l'ont fait.
Personnellement, je ne suis pas favorable à l'abolition de ces
articles dans l'état actuel des mentalités libanaises. Il y a d'autres urgences
et le problème est ailleurs.
Certains
pourraient me reprocher d'avoir perdu mon « esprit Charlie ».
Ils devraient bien lire et relire ces évidences. Seuls des ignares
ne savent pas qu'en France, la caricature n'a que la limite de
l'imagination, ce qui n'est absolument pas le cas de l'écrit ou du contexte libanais ! J'étais Charlie, je suis Charlie et je
resterai Charlie, pour une autre raison aussi: nul n'a le
droit d'ôter une vie, sous le prétexte moyenâgeux et caduc du
blasphème, encore moins un terroriste islamiste, usurpateur de
l'islam.
Les
propos de Moustafa Sbeity ont provoqué une vague d'indignations
au Liban, aussi bien dans les milieux musulmans que chrétiens. Ils sont perçus comme offensants à la fois
pour Marie, qui a une place importante dans le Coran et dont la
grossesse est considérée ayant une nature divine dans les
Evangiles, et non terrestre, et surtout pour Jésus, prophète
pour les Musulmans et fils de Dieu incarné pour les Chrétiens.
Le poète libanais ne pouvait donc pas ignorer où il mettait les
pieds : dans un champ de mines religieuses ! Dans un premier temps,
il a tenté d'attribuer « ses propos » à des hackers.
Dans un second temps, il s'est excusé. Dans un troisième temps, il
a tout mis sur la faute de l'alcool et des ennuis personnels.
Allons, il fallait éviter le whisky frelaté et se rabattre sur un
bon Beaujolais nouveau, voire du Prozac, au lieu de se défouler sur
la pauvre Marie ! La 7awla wala qouwata ella bellah, ya 3adra dakhil esmik.
La
plus violente charge contre le poète est venue de la part de cheikh Mohammad Hussein Hage, président d'un centre culturel chiite au
Liban. Le religieux trouve que « les atteintes aux prophètes
Jésus et Marie, qui concernent aussi bien les Chrétiens que les Musulmans », justifient les poursuites judiciaires, une
punition religieuse et même la mort, pour cause d'apostasie,
comme dans l'affaire de Salman Rushdie. Waouh! Franchement, j'étais
plus inquiet en lisant ces graves propos moyenâgeux que devant les
âneries d'un poète soulard
sur Facebook. Heureusement qu'on n'en est pas là. Côté
chrétien, c'était le branle-bas de combat. Le Centre catholique
d'information, un extraordinaire organe de censure au Liban, a
mis tout son poids pour faire arrêter le poète libanais. Ce fut
le cas, depuis le 27 novembre svp. Et c'est là où réside le scandale de cette affaire.