Source : Hussein Ezzeldine |
Cela étant dit, d’abord, ne me dites pas
que vous n’êtes pas surpris ? Je parie que personne n’a imaginé le fils du
chef du Hezbollah comme ça, aussi décontracté !
Sans aller jusqu’au Bloody Mary, il manquait à cette intimité
un tableau romantique sur le mur et une lumière ambiante tamisée. Mais là n’est
pas la question, notre problème est ailleurs. Comme le fait remarquer avec
beaucoup d’humour Hussein Ezzeldine, chez qui j’ai découvert la photo, cette « apparition mixte » sur le
même canapé du fils du chef du Hezbollah avec cette belle femme fait mauvaise impression.
Source Al-Modon |
Pourquoi pas. Halte à la mixité, préservons
« les valeurs ». Mais dans ce cas-là, que fait le fils de Hassan Nasrallah en toute intimité sur le même canapé
à côté de cette jeune femme, Adam et Eve n’ayant rien trouvé de mieux que
les coussins en guise de séparation ? Qu’en est-il des normes morales et des valeurs dans ce tableau de la vie quotidienne du fils du chef du parti chiite ?
En tout cas, un peu de cohérence pourrait peut-être nous pousser à réfléchir
d’abandonner les « nôtres » pour adopter les « leurs ».
En attendant, cette
photo de Jawad Hassan Nasrallah en Nike-Timberland m’a rappelé aussi une partie
hilarante d’un discours historique prononcé par Gamal Abel Nasser dans les années 60. Dans une salle comble,
le légendaire leader arabe racontait avec
sérieux et décontraction, ses mésaventures politiques et les magouilles des « membres du terrorisme du parti des
Frères musulmans », mouvement islamiste fondé en 1928 par Hassan
el-Banna, le grand-père de « monsieur-qui-veut-un-moratoire-sur-les-lapidations-des-femmes »,
Tareq Ramadan. Durant cette rencontre, le raïs s’est mis à conter une anecdote très
intéressante sur le port du voile islamique en Egypte (3:11-5:20). Il a
expliqué comment un jour de l’année 1953, le Guide général des Frères musulmans
est venu le voir et lui a demandé en premier « d’instaurer le port du voile en Egypte et faire en sorte que chaque
femme marchant dans la rue le porte ». Comme on le voit dans la vidéo, tout
le monde riait sur ce sujet qui déchaine les passions de nos jours. Nasser répète avec ironie, « chaque
femme marchant (dans la rue) ! » On entendra même quelqu’un de la salle criait :
« Il n’a qu’à le porter
lui-même ». Sous les applaudissements, Nasser continua avec un grand sourire narquois.
« Et moi je lui ai dit : ‘On
dirait que c’est le retour à l’époque de celui qui gouvernait au nom d’Allah, qui
ne laissait pas les gens marchaient dans la journée, mais uniquement la nuit. A mon avis, il revient à tout un chacun,
de faire cela chez lui ». L’islamiste lui répondit que c’était à lui
de le faire puisqu’il était le dirigeant. C’est alors que Nasser attira
l’attention de son interlocuteur sur le fait que sa fille qui suit des études
de médecine, ne portait ni voile ni quoi que ce soit. Pendant que les gens riaient à gorge déployée, applaudissaient
et sifflaient bruyamment, el-raïs rajouta : « Pourquoi tu ne lui fais pas porter un voile ? Si tu
n’arrives pas toi, à faire porter le voile à une seule personne qui est ta
fille, tu veux que je descende dans la rue pour mettre 10 millions de voiles
(aux femmes) du pays ? » La foule était galvanisée. Il continua
avec une réflexion sur la condition féminine (5:21-6:36). « Le travail est une protection pour la femme. L’empêcher de
travailler est contre son intérêt ». Il a expliqué aussi comment le
Guide des Frères musulmans lui a demandé de fermer les théâtres et les cinémas.
Il a ironisé en disant « on a qu’à
les garder dans l’obscurité ». L’audience était morte de rire, mais
vous verrez, c’était vraiment une autre époque. Une époque où l’on pouvait voir aussi le président tunisien Habib Bourguiba, ôter avec
une grande délicatesse, de ses propres mains, le voile de femmes tunisiennes
craintives venues à sa rencontre. On a du mal à le croire de nos jours, le voile n'a pas vraiment fait partie de la culture arabo-musulmane contemporaine.
Toujours
est-il que nous sommes tout ouïe et nous ne demandons qu’à croire Hassan
Nasrallah dans ses récurrentes diatribes contre l’Amérique et les Etats-Unis, comme lorsqu’il
nous affirment que « le but des
États-Unis est de dominer notre région » ou que « les États-Unis touchent même à notre culture et notre religion »
(23 octobre 2015), mais enfin, s’il ne
parvient pas à empêcher son propre fils de porter deux célèbres marques
américaines, Nike & Timberland, et
d’utiliser deux célèbres réseaux sociaux américains, Facebook et Twitter, comment peut-il espérer la moitié d’un
quart de seconde de nous « désaméricaniser » pour mieux nous « iraniser » ?
Enfin, cette photo me rend quelque peu perplexe.
Certes, l’habit ne fait pas le moine. Une casquette et un sweat-shirt de
marques américaines, ne font pas forcément du fils du chef du Hezbollah, un
pacifiste ouvert d’esprit, adepte de l’art de vivre d’amour et d’eau fraiche. Et
pourtant, je suis persuadé que Jawad
boit sans doute du Coca/Pepsi-Cola (il en a bu déjà surement), possède probablement un iPhone et écoute
peut-être les Red Hot Chili Peppers chanter « Throw away your télévision » dès que son père apparait sur le petit écran.
Non mais, allez savoir, l’habit fait peut-être le moine et Jawad est
contre le boycott de l’élection présidentielle au Liban par le parti de son père ou l’établissement
d’une République islamique (chiite) au pays du Cèdre comme l’a affirmé en début
d’année cheikh Naïm Qassem. Peut-être que j’ai tort sur toute la ligne,
Jawad Hassan Nasrallah, sous cet air décontracté, poète à ses heures perdues, adhère
pleinement aux thèses du Hezbollah et même ira plus loin le jour de la relève.
Déjà sur sa page Facebook le fils d’Hassan Nasrallah se présentait comme membre de « Wilayatul Fakih Party » (novembre 2014) et sur Twitter comme « le fils de
Wilayat el-Fakih » (mars 2015) -qui je le rappelle, représente
une sorte de « oumma chiite », une entité idéologique transnationale
adoptée par Al Wali el Fakih, Rouhollah Khomeini, et dirigée aujourd’hui par le
Guide suprême de la République islamique d’Iran, Ali Khamenei- et non comme « l’enfant de la patrie »
de la République libanaise ! Aujourd’hui, le fils d’Hassan Nasrallah
n’est plus sur Facebook et contrairement à ce qu’a affirmé le quotidien Al-Akhbar
au mois de mai dernier pour rassurer les fans, Jawad Nasrallah n’a pas fermé
son compte Twitter pour des « raisons
personnelles », celui-ci a été bel et bien suspendu par la compagnie américaine (@Jwdnsrlh).
Plus grave encore, selon le Shin Bet, le service de sécurité intérieur israélien, Jawad Nasrallah aurait constitué et financé via les réseaux sociaux une cellule palestinienne, basée à Tulkarem en
Cisjordanie, qui projetait mener des
attaques terroristes en Israël, dont des attentats-suicides. Suite à
ces révélations au début de cette année, le fils du chef du Hezbollah avait réagi avec deux tweets ironiques : « Comment on
réveille une cellule dormante ? » et « Selon vos cellules, vous serez récompensés (par Allah) ».
Déjà sur sa page Facebook le fils d’Hassan Nasrallah se présentait comme membre de « Wilayatul Fakih Party » (novembre 2014) et sur Twitter comme « le fils de
Source : Boutros Mouawad |
Depuis bien longtemps, profitant du fait que l’Etat libanais est occupé à
gérer des situations politiques et sécuritaires graves, et entre parfois en hibernation, été comme hiver, des
municipalités libanaises, qui ont été particulièrement incompétentes dans
la gestion de la longue crise des déchets, prennent
des initiatives, qui le moins qu’on puisse dire sont étranges à la « culture
libanaise ». Pas qu’au Sud du Liban. Il y a eu des cas à Tripoli et à Baalbek.
Et même, à Beyrouth et dans le Mont-Liban. Bon, ce n’est pas un phénomène
répandu. Mais, ces cas sont inquiétants. Vendre de
l’alcool dans certains endroits au Liban, peut aujourd’hui poser des
problèmes (ex. Nabatiyé). Servir à boire
et à manger pendant la journée au cours du mois de ramadan, peut attirer
des soucis aux restaurateurs et aux consommateurs musulmans (ex. Tripoli). Restreindre la libre circulation des
ressortissants syriens sur des décisions municipales et non ministérielles est monnaie
courante au Liban, dans toutes les régions libanaises, notamment chrétiennes. Même le sport n’est pas épargné des choix arbitraires
discriminatoires des municipalités. Dernière décision scandaleuse en date celle
de la municipalité de Khiyam
(45 000 habitants), qui a décrété
que la gent féminine ne peut pas participer à la course à pied prévue cet
été. C’est ce qui a amené certains à se demander « quelle différence peut-il y avoir, entre interdire aux femmes de
conduire (en Arabie saoudite) et les empêcher de participer à un
marathon (au Liban) ? » et beaucoup de compatriotes à parler de mesures politiques qui ne sont pas sans
rappeler celles de Daech. Ni le parrainage de l’événement sportif par le
ministre libanais de la Jeunesse et du Sport, ni la violation caractérisée de la Constitution libanaise ne semble poser
la moindre insomnie aux conseillers municipaux de cette localité chiite dominée
sur le plan politique par les partis de Hassan Nasrallah et de Nabih Berri.
Alors qu’à Bordeaux,
sur une initiative révolutionnaire d’un imam d’origine marocaine, Tareq Oubrou, une grande figure de l’islam (sunnite)
de France, tous les fidèles prient dans la
même mosquée sans aucune séparation, afin « qu’hommes et femmes puissent se sentir dans le même espace
sacré », voilà où nous en
sommes aujourd’hui au Liban, à craindre non seulement la mixité dans un cybercafé, à
réclamer la séparation des hommes et des femmes dans une piscine et à interdire
aux femmes de participer à une course à pied, mais aussi à demander aux citoyens de déclarer toute activité publique, à empêcher les Syriens de circuler librement et à bannir la vente d’alcool !
Au lieu d’être un exemple à suivre dans un monde libre et libéré, nous sommes
réduits de nos jours à suivre un monde radical et radicalisé, en s’inspirant des
pratiques de Daech, de l’Arabie saoudite et de la
République islamique d’Iran. Cela fait peut-être partie de ce que le Hezbollah
appelle l’émergence d’une « société résistante ». En tout cas, voilà ce qui se passe quand l’Etat ne
parvient pas à étendre sa souveraineté sur tout le territoire libanais sans
exception et à imposer la loi à tous les Libanais sans discrimination. Voilà
aussi où l’on peut se retrouver quand les
citoyens acceptent qu’on restreigne leur liberté. Cette « radicalisation » d’une partie de la société libanaise
conduira inévitablement si elle se répand à la « fédéralisation » de l’autre
partie de la société libanaise. D’ailleurs, ces « mesures » peuvent d'ores et déjà être considérées comme
une forme de fédéralisme. Ce n’est pas plus mal diront certains !
Enfin, la petite souris ne nous dit pas, qui a pris la photo de Jawad Hassan Nasrallah. Ah, non !
Vous croyez ?