mardi 20 août 2013

Le mariage aura lieu en violation des lois, comme ils l’ont voulu et comme si de rien n’était ! (Art.173)


En parcourant les réseaux sociaux ces derniers jours, je me suis aperçu que la confusion règne au sujet de ce scandale. J’en ai parlé brièvement dans mon article du 17 août. Sachez qu’en réalité, il y a deux scandales bien distincts dans le caza de Bcharré. Le premier concerne les travaux de terrassement de Gebrane Taouk pour installer un « cirque » à l’occasion du mariage de son fils à Arz. Le second concerne une carrière illégale, donc sans aucune autorisation, pas trop loin de la ville de Gibran Khalil Gibran, dans la région de Qnat-Beit Mounzer-Hadath Eljebbé.

La décision de Marwan Charbel, datant du 14 août, qui a fait la une des nouvelles écologiques et le bonheur des amoureux de la nature au Liban, concerne la carrière de Qnat-Mounzer-Hadath, et non les travaux de terrassement de Gebrane Taouk à Arz. Une dizaine de kilomètres séparent les deux zones. Mon article 172 est consacré à ce dernier scandale, car celui-ci est beaucoup plus complexe et pour moi, il est beaucoup plus grave. Quant au premier, et à la décision du ministre de l’Intérieur d’ordonner aux Forces de sécurité intérieure d’arrêter la carrière, ce qui prouve que l’affaire est moins complexe (sinon la décision aurait trainé en longueur !), espérons que non seulement elle sera exécutée, ce qui est loin d’être le cas, mais en plus, que l’arrêt sera définitif et non temporaire, comme c’est souvent le cas dans des situations semblables. L’histoire des carrières au Liban est tragi-comique. Elle suit une évolution en dents de scie, dans l’esprit « je t’aime, moi non plus », comme un cycle naturel qui fait aujourd’hui partie de la vie nationale. On les maudit, on les arrête, on en a besoin, on ferme les yeux, on les autorise, on s’indigne, on les interdit, et ça recommence. Dans tous les cas, même s’il s’agit d’une bonne nouvelle, n’allons pas vite en besogne. L’affaire de Qnat-Mounzer-Hadath est loin d’être réglée. Sur une échelle de 10, nous sommes qu’au stade 3, et je suis assez optimiste dans mon évaluation. Les poursuites judiciaires des fautifs nous fera monter au stade 6 et la réhabilitation des lieux défigurés nous fera atteindre le zénith ! Ma3lé, né7na wléd el balad.

Pour revenir au scandale concernant la forêt des Cèdres à Arz. Deux nouvelles. La première concerne l’envoi par le ministre de la Culture, Gaby Layoun, de trois lettres, deux aux ministres de l’Environnement et de l’Agriculture, et une aux dirigeants des Forces de sécurité intérieure, pour informer les premiers du scandale et demander l’arrêt des travaux par les seconds. Il aurait déposé plainte également. Là aussi n’allons pas vite en besogne. Nous ne sommes qu’au stade 2 ! Wait and see.

Plus de deux mois après le début du massacre autour de la forêt des Cèdres et à quelques jours seulement de la fin des travaux pour le mariage de William Gebrane Taouk, qui doit avoir lieu théoriquement le 24 août, il était grand temps que les membres du Comité des amis des cèdres se prononcent sur le scandale qui concerne la forêt dont ils ont la charge officiellement depuis 1985 ! Dans un premier temps, Riyad Keyrouz, le président de l’ONG, avait déclaré que le comité n’avait pas réussi à se mettre d’accord sur une position commune. Eh oui, hélas ! Il faut dire que les membres de cette organisation sont originaires de la région, donc, ils se trouvent en position très inconfortable, surtout que certains d’entre eux ont des liens de parenté avec les protagonistes du scandale, Gebrane Taouk, le responsable des travaux de terrassement du cirque, et Antonios Taouk, le propriétaire de la parcelle où sera installé le cirque du mariage. En tout cas, le 19 août le Comité a publié un excellent communiqué où il rappelle les efforts qu’il déploie depuis 28 ans pour préserver ce lieu national, et pour reboiser la zone qui l’entoure (100 000 cèdres déjà plantés à ce jour).

Cependant, je regrette que le Comité n’ait nullement fait mention du Schéma Directeur d’Aménagement du Territoire Libanais (SDATL), qui s’impose aux documents d’urbanisme loco-régionaux sur les 10 452 km2 du Liban depuis le 20 juin 2009, et qui précise clairement pour la zone des Cèdres à Arz que « les modifications apportées par l’homme doivent être étroitement évaluées et se restreindre au minimum incompressible », et qu’en dehors des installations liées au ski, les autres développements, industriels, immobiliers ou même routiers, sont totalement exclus. Bien que le risque que la forêt des Cèdres à Arz soit retirée de la liste du patrimoine mondial de l’Unesco ait été évoqué dans ce communiqué, je regrette aussi que le Comité ne précise pas que ce sont surtout les travaux pharaoniques de terrassement entrepris par l’ex-député de Bcharré pour le mariage de son fils, qui pourraient conduire à cette catastrophe nationale ! Et enfin, même si je suis en mesure de comprendre sa raison d’être, je regrette profondément toute la formulation « molle » de l’avant dernier paragraphe.

ان لجنة اصدقاء غابة الارز اذ تهنئ مسبقا الشيخ وليم جبران طوق بحفل زفافه في غابة الارز, وتتمنى له ولعروسه وللاهل دوام الفرح والبركة, تناشدهم فور انتهاء مراسم الزفاف والفرح الذي نرجوه عاما ودائما، للمبادرة كما وعد الشيخ جبران طوق الى ازالة المدرج المستحدث – المخالف - والعمل مع اللجنة والبلدية والمجتمع البيئي لتشجير هذه البقعة بشجر الارز بحيث يبقون القدوة الحسنة في اصلاح بيئتنا التي هي ثروتنا الوحيدة واننا على ثقة بانهم سينفذون وعدهم

Gebrane et William Taouk ont violé les lois libanaises, consciemment, en défigurant une zone protégée et en ne demandant aucune autorisation pour réaliser leurs travaux. Ils ont donc commis deux infractions bien distinctes. C’est sans parler des importants préjudices que j’ai détaillés dans mon dernier article (voire le lien ci-dessous), au niveau national, religieux et patrimonial. Cette acceptation du fait accompli à Arz, comme si de rien n’était, et cette complaisance à l’égard des fautifs, malgré la gravité des faits, n’ont pas leur place dans un communiqué écologique, qui concerne de surcroit un sujet d’une importance nationale, touchant l’ensemble de la population libanaise.

Les fautifs se sont engagés à réhabiliter les lieux seulement après le mariage, comme si de rien n’était. Ce qui est sûr et certain pour le moment, c’est que le cirque de Gebrane et William Taouk aura bel et bien lieu à deux pas d’une forêt classée par l’Unesco, en violation des lois libanaises, comme ils l’ont voulu, comme si de rien n’était ! Et après on s’étonne, que d’autres compatriotes kidnappent des pilotes à la sortie de l’aéroport de Beyrouth, comme si de rien n’était. Et d’autres volent le courant électrique, comme si de rien n’était. Et d’autres se baladent avec leurs armes, comme si de rien n’était. Et finalement, tout le monde ne fait qu’à sa tête dans cette mascarade d’État, comme si de rien n’était. Bienvenue au Liban, le plus beau pays au monde. A7la balad bel 3alam... yalla tla3o, wél3ané hal weekend bel aréz ! « Ah oui, mais c'est notre façon de résister », diront les huîtres.

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