jeudi 11 octobre 2018

Pourquoi il a fallu une vive polémique pour qu'enfin César Abi Khalil, le ministre libanais de l'Energie, daigne s'intéresser à l'offre de Siemens ? (Art.563)


Et de surcroît, en octobre plutôt qu'en juin! Si vous êtes pressé ou si vous donnez votre langue au chat, je vous demande d'être patients et curieux, vous en saurez plus à la fin de l'article. Sachez d'emblée, César contre-attaque! Mardi sur OTV (chaine du Courant patriotique libre), vendredi sur al-Manar (chaine du Hezbollah). Et je peux vous dire que personne n'est aussi doué que notre ministre de l'Energie pour se comporter comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Après l'échange surréaliste qu'il a eu avec le PDG de Siemens, Joe Kaeser, 24-27 septembre, auquel j'ai consacré un réquisitoire accablant contre le ministre libanais et qui a eu un très grand succès, soyez-en remerciés, je vous dois de couvrir la suite tragicomique de la mésaventure de notre César national, qui le moins qu'on puisse dire, n'est pas à la hauteur de son prénom, un titre honorifique des empereurs romains et byzantins.

Dietmar Siersdorfer, le directeur général de Siemens Moyen-Orient, 3e en partant de la gauche, présentant les grandes lignes de l'offre Siemens au ministre libanais de l'Energie, comme on le voit sur un des écrans qui se trouve de l'autre côté de la salle. Photo publiée par César Abi Khalil lui-même (lundi 8 octobre)

Quelques jours de polémique et le revoilà de retour, lundi 8 octobre. Au début de la semaine, comme par enchantement, César Abi Khalil a organisé une réunion avec un groupe de travail de la société allemande, mené par Dietmar Siersdorfer, le directeur général de Siemens Moyen-Orient. Extraordinaire initiative, mais qui vient avec trois mois et demi de retard. Cette réunion aurait dû avoir lieu fin juin, tout de suite après la visite de la chancelière allemande, Angela Merkel, accompagnée du PDG de Siemens, Joe Kaeser. Pire encore, cette réunion n'a eu lieu qu'après la vive polémique déclenchée il y a deux semaines, à laquelle j'ai pris part, ce qui prouve que le ministre est coupable de négligence et méritait pour cela un licenciement sec sans solde.

Aussitôt après la réunion, César s'est précipité sur Twitter. D'abord, pour faire savoir : « Notre rencontre est positive avec l’équipe Siemens et son objectif est de clarifier et de lever toutes les ambiguïtés qui se cachaient derrière les rumeurs concernant des offres faites (par Siemens) ». Notez bien « l'objectif » mis en avant par le ministre de l'Energie. Il est clair que ce dernier est préoccupé par redorer son blason, davantage qu'à ramener l'électricité 24h/24 dans les foyers libanais.

Mais encore? Une heure plus tard, le ministre publie une déclaration commune concernant la réunion libano-allemande de la matinée. Et comme si ce n'était pas suffisant, le lendemain mardi, il republie le même communiqué dans la matinée, après avoir surligné studieusement quelques phrases clés, croyant pouvoir avec un Stabilo boss, camoufler la faute grave qu'il a commise en négligeant l'offre de Siemens lors de la visite de Merkel au Liban en juin et dans l'espoir naïf de sauver sa tête la veille de la formation du nouveau gouvernement. « La réunion visait à déterminer comment Siemens pouvait soutenir le plan global du gouvernement libanais visant à moderniser l'infrastructure électrique et à garantir un approvisionnement en électricité fiable et abordable (…) Siemens a présenté une approche visant à amener le système à des normes d'efficacité très élevées concernant toute la chaîne de valeur, de la production à la transmission, la distribution et la collecte, dans des plans à moyen et à long terme. »

César Abi Khalil, ministre libanais de l'Energie, très regardant sur la traduction de l'anglais vers l'arabe et grand amateur de Stabilo boss

Concentré sur son stabiloboss, César n'a pas remarqué que rien absolument rien dans ce communiqué ne contredit les propos tenus par Joe Kaeser, le PDG de Siemens, lors de l'échange qu'il a eu avec lui (24-27 septembre), ou le contenu de mon réquisitoire contre lui (1er octobre). « Oui, nous l'avons fait (proposer ou discuter une offre quelconque avec le gouvernement libanais concernant l'électricité). Au cours de la visite avec notre chancelière, j’ai proposé d’aider à améliorer la valeur de toute la chaîne de l'électricité et de faire venir notre équipe pour évaluer ce qui convient le mieux pour les gens (les Libanais). Aucune réponse du gouvernement (libanais)... L'offre que j'ai faite au gouvernement pour aider à optimiser l'électrification est toujours valable. Les Libanais méritent ça. #La puissance d'une promesse. »

Alors une question s'impose et restera suspendue comme une épée de Damoclès au dessus de la tête de notre César : encore une fois, pourquoi diable, le gouvernement libanais en général et le ministre de l'Energie en particulier, n'ont pas donné suite aux propositions allemandes de juin 2018 et qu'il a fallu une vive polémique pour que le ministre de l'Energie daigne s'intéresser à l'offre de Siemens ? Une telle défaillance ne méritait-elle pas une sanction?


Quelques heures après, imbu de lui-même, César part se réfugier dans les locaux feutrés de la chaine complaisante de son parti, OTV, pour lancer la contre-attaque. Dans la foulée, il prévoit de passer demain vendredi sur al-Manar, la chaîne du Hezbollah, qui a lui aussi contrôlé le ministère de l'Energie pendant plusieurs années (2005-2008).

نبارك للبنان وللبنانيين بفوز مدينة بيروت باستضافة اسبوع الطاقة العالمي للعام ٢٠٢٠
سنستقبل المجتمع الطاقوي الدولي في بيروت في 2020 وذلك لأننا نجحنا ببلوغ هدفنا بإنتاج الطاقة المتجددة قبل الوقت المتوقع ونسير قدماً في هذا القطاع

Du grand n'importe quoi! Et surtout pas de quoi pavoiser et aucun mérite particulier, le monde a voulu honorer le Liban comme d'habitude, pas ses ministres, cela va sans dire. Ça n'a surtout rien à voir avec les batailles donquichottiennes de ce dernier. Pour éviter de se  couvrir de ridicule, César aurait dû se pencher sur l'étude portant sur la qualité d'approvisionnement en électricité des populations dans le monde menée par le World Economic Forum pour 2017/2018. Un petit coup d'oeil et il aurait appris que le pays du Cèdre, n'arrive qu'à la 134e place, sur 137 pays étudiés svp. La Suisse, la vraie, se hisse à la 2e place, la France est 7e, Israël 23e, Arabie saoudite 30e, Grèce 54e, Egypte 63e, Iran 67e, Arménie 77e, Turquie 88e, Sri Lanka 96e, Bangladesh 101e, Ethiopie 109e, Zimbabwe 112e, Népal 118e et Venezuela 128e. Eh oui, le Liban ne fait mieux que trois pays: Haiti, Nigeria et le Yémen. C'est une honte. Quand on tient le ministère de l'Energie depuis dix ans et on affiche une performance aussi médiocre, au pire, on fait profil bas, et au mieux, on dépose sa démission et on va pêcher la sardine en Méditerranée, et qu'ils mettent la canne sur mon compte. A défaut, on rase les murs au lieu de pavoiser sur Twitter.


يهمنا إظهار الحقيقة بدون مواربة ومن لم ينجح في وزاراته سابقاً يهمه نشر الإشاعات والإفتراءات

Hallucinant. Justement, c'est ton cas César et le cas de Gebrane, que tu as conseillé quand il était ministre de l'Energie (2009-2013). Le ministère de l'Energie est contrôlé de facto par le Courant patriotique libre depuis 2008, Bassil y a passé plus de 4 ans et Abi Khalil 2 ans, le reste du temps, c'était entre les mains de deux ministres du Tashnag, un mouvement qui fait partie du Bloc du Changement et de la Réforme constitué autour du Courant patriotique libre. A maintes reprises, tout ce beau monde a promis l'électricité aux Libanais 24h/24 pour 2014-2015. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. C'est donc un fiasco.

منفتحون على كل الشركات وليس "سيمنز" فحسب وذلك ضمن الأطر القانونية المعمول بها في لبنان

Ça y est il recommence! Personne ne lui a demandé de dépasser les lois et les règlements en vigueur au Liban. Et puis, il faut savoir que c'est lui qui les dépasse tout seul, comme le prouvent les irrégularités de son dernier appel d'offres. Il a été épinglé par le comité qui en avait la charge. C'est après un bras de fer avec le parti des Forces libanaises (soutenu par les autres partis politiques), que le Conseil des ministres l'a contraint et forcé d'y revenir et d'étoffer et de durcir le cahier des charges.

Toujours est-il que cette phrase prouve à quel point César Abi Khalil est déconnecté de la réalité. Quand on est un ministre responsable et à la hauteur de la tâche, qu'on apprend que Siemens vient de terminer il y a deux mois un projet pharaonique pour la production de 14 400 mégawatts en Egypte, réalisé en un temps record (moins de trois ans), qu'on découvre que la société allemande est sur le point de signer un autre contrat pharaonique de 11 000 mégawatts avec l'Irak (il y a trois semaines), qu'on sait qu'avec 3 000 mégawatts en sus on peut s'offrir le luxe de climatiser les rues de Beyrouth, qu'on constate que la situation est lamentable depuis 30 ans, que l'on contrôle le ministère de l'Energie depuis dix ans, qu'on n'ignore pas que le Liban a reçu 430 millions $ en 2017 de l'Allemagne et que ce pays participera à l'octroi au Liban de plus de 10 milliards $ de prêts et près de 1 milliard $ de dons, eh bien, on ne continue pas à jouer au plus malin et à faire la fine bouche avec Siemens. Alors de grâce, que le César arrête de répéter cet argument primaire : ah mais il n'y a pas que Siemens !

أصبحنا معتادين على البطولات الوهمية و"الهمروجات" التي يقوم بها البعض عند كل استحقاق وبخاصة قبيل تشكيل الحكومة لتقديم أوراق اعتماد إلى رؤساء أحزابهم

Pas possible ce mec! Paroles d'un connaisseur on dirait. Tiens, comme le prouvent les déclarations donquichottiennes depuis lundi.

المدير التنفيذي للشرق الأوسط في شركة "سيمنز" هو من أصر على استخدام كلمة "شائعات" في بياننا المشترك وهذا ما يلغي كل المحاولات لتضليل الرأي العام

Foutaises. Comme je l'ai rapporté dans mon article, les propos de la chancelière allemande, en juin 2018, et ceux du PDG de Siemens, Joe Kaeser, en septembre 2018, sont on ne peut plus clair à ce sujet. Après sa rencontre avec Saad Hariri le 22 juin 2018, Angela Merkel a déclaré : « Nous voulons aider le Liban à mettre en œuvre ses réformes structurelles (...) Je pense que l’Allemagne peut apporter une bonne contribution, tant dans le domaine de l’énergie qu’en matière de gestion des déchets. » Cette déclaration figure sur le site du gouvernement fédéral d'Allemagne. Ainsi, les dirigeants allemands ont proposé leurs aides, dans les domaines de l'électricité et des déchets, et comme si de rien n'était, les dirigeants libanais se sont offert le luxe de les ignorer pendant plusieurs mois. Il a fallu une vive polémique libanaise en automne pour donner suite à la proposition allemande de l'été.

ه55% من الإلتزامات المالية في مؤتمر "سيدر" مخصصة لوزارة الطاقة ما يؤكد ثقة المجتمع الدولي  بخططنا بغض النظر عن عرقلتها سياسياً

Faux. Cela prouve à la fois l'étendue du désastre et que le CPL en général, César et Gebrane en particulier, qui contrôlent le secteur depuis dix ans, n'ont pas réussi à ramener l'électricité 24h/24. Le reste n'est que palabres, balivernes, wou 2art 7aké.

سيمنز قدمت أفكاراً للتطوير مبنية على خطة الكهرباء التي وضعناها في 2010 وهي مستعدة للمساعدة في هذا القطاع لكن ضمن الأطر القانونية والإدارية أي عبر المناقصات

Mais c'est pour cette raison que tu aurais dû cher César investir dans un bon sac à couchage pour aller camper à Munich devant le siège de Siemens, au départ d'Angela et de Joe le 23 juin 2018, quand l'Allemagne a proposé d'aider le Liban dans ce domaine, afin de discuter nuit et jour et sans relâche pour trouver une solution à un problème qui dure depuis trente ans.

نعاني من نقص في التغذية الكهربائية لأنه لم يتم بناء أي معمل منذ التسعينات حتى اليوم في ظل تزايد الطلب
وضعنا خطة للكهرباء في 2010 لبناء معامل جديدة لكننا بحاجة إلى طاقة مستعجلة الى حين اكتمال هذه المعامل وهنا الغاية من انتاج الطاقة عبر المعامل العائمة

Quel désastre! Cela prouve l'irresponsabilité de l'actuel ministre de l'Energie, César Abi Khalil, comme de l'ancien, Gebrane Bassil. Aucune centrale n'a été construite depuis les années 1990! Même après la fin de l'occupation syrienne du Liban en 2005. Et que fait son parti, le CPL, sachant qu'il contrôle le secteur depuis dix ans? Nazariyett bé 3elm el nabett? Ah non mieux que ça. On a une dette publique de près de 80 milliards de dollars, et le CPL n'a rien trouvé de mieux à faire que de batailler nuits et jours pour louer des centrales flottantes turques pour 850 millions de dollars par an, près de 1% de la dette publique, une somme astronomique qui ne fera que creuser davantage notre dette abyssale et placer le Liban au bord de la faillite économique! Les dirigeants libanais et les entrepreneurs turcs sont pratiquement les seuls au monde à faire de cette stupide idée des navires-générateurs électriques une solution à moyen terme, qui va nous coûter en cinq ans 4,25 milliards de dollars, de l'argent jeté par les fenêtres, dans la Méditerranée et dans les poches des intermédiaires turcs et libanais.

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La responsabilité de César Abi Khalil dans ce dossier est partagé partiellement avec le président de la République, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, et au-delà, par le Courant patriotique libre et le Courant du Futur en particulier, qui veulent ramener le courant électrique rapidement, en dépit du bon sens, indépendamment du coût. A mon humble avis, ils devraient revoir leur copie et renoncer définitivement à la promotion de l'aberrante idée des centrales flottantes turques.

Quant à savoir pourquoi il a fallu une vive polémique pour qu'enfin César Abi Khalil daigne s'intéresser à l'offre de Siemens, avec trois mois et demi de retard, c'est parce que le ministre libanais de l'Energie est justement préoccupé par justifier cette aberration et par sauver son poste, davantage que par ramener le courant électrique 24h/24, rapidement, durablement et au moindre coût.

Certains Libanais préfèrent vivre à la bougie que de voir leur pays au bord de la faillite, à cause de l'irresponsabilité et de la défaillance de tous ses dirigeants, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues, certains plus que d'autres, bien entendu ! Mais entre nous, quel est le responsable libanais qui ne dort pas la nuit à cause de la dette publique? Aucun. Personne n'en parle. Aucun parti libanais ne s'est opposé farouchement à la stupide idée des centrales électriques flottantes turques, c'est pour dire.

Je n'ai rien contre ces deux hommes en particulier, mais César Abi Khalil et Gebrane Bassil doivent assumer pleinement leurs responsabilités, sur le plan individuel, en tant que ministres de l'Energie, et sur le plan collectif, en tant que parti politique contrôlant le ministère de l'Energie depuis dix ans. Personnellement, je ne leur fais plus confiance dans ce domaine. Si ça ne dépendait que de moi, je leur interdirais de s'approcher à moins de 100 m du ministère de l'Energie.

Je suis fier d'avoir livré bataille avec vous chers lectrices et lecteurs, et d'autres compatriotes, activistes et politiques de divers bords, pour faire pression sur César Abi Khalil afin qu'il donne suite à l'offre de Siemens. Désormais, il nous appartient de suivre de près ce dossier et de faire entendre notre colère à chaque fois que la situation l'exigerait, pour espérer un jour en finir avec cette situation archaïque qui durent depuis trente ans, les coupures électriques.