lundi 30 juin 2014

Libéralisation des locations anciennes : le 14 Mars devrait savoir que toute « catastrophe sociale » se transformera en une « catastrophe électorale » (Art.236)


Pendant que les peuples du monde s’enthousiasment pour les jeux du ballon, que le Moyen-Orient est en état d’ébullition, que sunnites et chiites entament leur guerre de cent ans, que Daech foncent sur Bagdad, que la Syrie s’enfonce dans la désolation, que les réfugiés syriens et palestiniens composent la moitié de la population libanaise, que l’insécurité règne au pays où coulaient jadis le lait et le miel, que la vacance du pouvoir s’installe durablement au pays du Cèdre, rien ne semble distraire les promoteurs au Liban. Pas même les cafouillages autour de la loi de libéralisation des locations anciennes. Ils peaufinent leurs plans d’attaque de la capitale libanaise, qui prévoit dans un premier temps, l’expulsion de la classe moyenne et des natifs de Beyrouth de leur ville, condition sine qua non pour la mise en œuvre de leurs projets immobiliers, aider dans cette tâche méprisable, par une partie de ceux qui sont censés protéger le peuple libanais des investisseurs sans vergogne et sans scrupules, le Parlement et le gouvernement libanais.

Pour celles et ceux qui ont raté la saga printanière des locations anciennes, voici un récapitulatif et les dernières nouvelles du front.

- 1er avril 2014. À la surprise générale, les députés libanais votent à la hâte et à la dérobée, sans aucune discussion, en un bloc, le texte de loi concoctée par la commission de Robert Ghanem (14 Mars/Futur) pour libéraliser les locations anciennes au Liban de la manière la plus sauvage. Cette loi prévoit la fin arbitraire du régime des « loyers anciens », de nouveaux contrats de location de 9 ans, avec une hausse progressive des loyers de 1700 % en pratique, soit près de 1 000 $/mois à la fin de la 5e année pour un appartement de 100 m² à Achrafieh par exemple, et l’expulsion des locataires à la fin de la 9e année, sans aucune indemnité ou garantie de maintien dans les lieux même pour ceux qui seraient capables de payer cette hausse astronomique de loyer. Seuls deux députés du Hezbollah, sur les 128 représentants du peuple libanais, votent contre cette loi stupide.

- Avril 2014. Ce grave problème social n’intéresse personne du pouvoir. Ni les leaders libanais (toutes tendances politiques confondues), ni les candidats à la présidence de la République (ni Michel Aoun, ni Samir Geagea, ni aucun des candidats en coulisse), ni même les médias du pays (au-delà du minimum syndical pour informer les gens), ni les autorités religieuses chrétiennes (toutes communautés confondues). Seules les autorités religieuses musulmanes (aussi bien sunnites que chiites), manifestent une nette opposition à cette loi inique et demandent au président de la République de « s'abstenir de signer la nouvelle loi sur les anciens loyers car son application mettrait un million de personnes à la rue ».

- 7 mai 2014. Le président Michel Sleiman refuse de signer la nouvelle loi. Il décide de ne pas associer son nom, et surtout sa fonction, à la nouvelle législation parce qu’il a l’intime conviction que la loi de libéralisation des loyers anciens en l’état, « n’assure pas la justice sociale au Liban ». Le désaveu de Michel Sleiman du travail bâclé des parlementaires libanais constitue une première dans les annales de la République libanaise.

- 8 mai 2014. Publication de la nouvelle loi de libéralisation des loyers au Journal officiel quelques heures après le refus du Président de la République, Michel Sleiman, de la signer, comme si de rien n’était, sans respecter les délais imposés par la Constitution.

- Mai 2014. On note une mobilisation générale contre la loi, qui réunit des locataires anciens, des organisations de défense des locataires anciens, des militants des droits de l’homme et des avocats spécialisés. Dans ce cadre, Bakhos Baalbaki adresse un rapport au président de la République libanaise, Michel Sleiman, lui demandant la saisine du Conseil constitutionnel sur la loi de libéralisation des loyers anciens au Liban. En voici un résumé. « La nouvelle législation conduira à l’entérinement de la violation des droits séculaires des locataires libanais, pour l’achat de leurs appartements avec une décote et à l’indemnisation en cas d’expulsion, à la ségrégation sociale et spatiale des Libanais, ce qui est contraire au principe de la Constitution libanaise, à la gentrification de la capitale par l’expulsion de la classe moyenne et des natifs de Beyrouth et leur remplacement par une classe aisée, à l'exode économique transcommunautaire amplifié par la présence de 1,5 million de réfugiés syriens et à la destruction totale du parc immobilier ancien. Vous trouverez également dans ce rapport une comparaison intéressante entre la nouvelle loi libanaise de libéralisation des loyers de 2014 et la loi protectrice française dite loi de 1948, celle qui a inspiré pendant longtemps la politique du logement au Liban, et qui est toujours en vigueur en France. Monsieur le Président, vous représentez aujourd’hui, non seulement l’espoir pour des centaines de milliers de nos compatriotes, mais aussi la seule autorité qui a le pouvoir d’empêcher la catastrophe sociale à laquelle une frange importante de nos concitoyens sera confrontée dès le mois de novembre, ainsi que la défiguration irréversible du tissu urbain et social de la capitale libanaise, en cas de mise œuvre de ce texte bâclé. Voilà pourquoi je me permets de vous demander la saisine du Conseil constitutionnel pour changer le cours des événements. »

19 mai 2014. En toute logique et en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, « le président de la République libanaise, (qui a prêté) serment de fidélité à la Nation libanaise et à la Constitution, en jurant par Dieu Tout-Puissant d’observer la Constitution et les lois du Peuple libanais », Michel Sleiman, saisit le Conseil constitutionnel sur la loi de libéralisation des loyers anciens au Liban, à six jours de l’expiration de son mandat car celle-ci n'assure pas la « justice sociale » et viole par conséquent, la Constitution libanaise. Il remet en cause certains articles de la loi, et non la totalité de la loi.

- 21 mai 2014. On apprend par des avocats spécialisés, que cette loi est « illégale » puisqu'elle a été publiée avec 24h d'avance, avant l'expiration du délai d'un mois dont disposait le Président pour la promulguer.

- 23 mai 2014. Dix députés libanais déposent un recours en invalidation devant le Conseil constitutionnel au sujet de la loi de libéralisation des loyers anciens. Ils remettent en cause la totalité de la loi. 

Du côté du 14 Mars, on retrouve : Dory Camille Chamoun (député maronite du Chouf / Parti national libéral), Nadim Bachir Gemayel (député maronite de Beyrouth / Kataeb), Fady Haber (député grec-orthodoxe d’Aley / Kataeb) et Elie Marouni (député maronite de Zahlé / Kataeb). Du côté du 8 Mars, on retrouve : Ziad Asswad (député maronite de Jezzine / Courant patriotique libre), Hagop Pakradounian (député arménien orthodoxe du Metn / Tachnag), Nawaf Moussaoui (député chiite de Tyr / Hezbollah), Elwalid Souccariyeh (député sunnite de Baalbeck-Hermel / Hezbollah), Kassem Hachem (député sunnite de Hasbaya-Marjeyoun / parti Baath), Marwan Fares (député grec-catholique de Baalbeck-Hermel / Parti national syrien).

Il est intéressant de constater que du côté du 14 Mars, trois des cinq députés des Kataeb figurent parmi les signataires, alors qu’aucun des 26 députés du courant du Futur, ni des 8 députés des Forces libanaises, n’a daigné à le faire, en dépit du fait que les communautés chrétiennes et sunnites seront frappées de plein fouet par cette libéralisation sauvage des loyers. Par contre, du côté du 8 Mars, tout le monde ou presque, est représenté. Il est aussi intéressant de noter qu’aucun député druze ou sunnite du 14 Mars ne figure sur cette liste, ce qui s’explique aisément par le fait que la communauté druze n’est pas concernée par cette loi, et que la communauté sunnite est dominée politiquement par le courant du Futur, qui est en faveur de la libéralisation sauvage des loyers au Liban.

Autre fait intéressant, un seul député de Beyrouth, parmi les 19 parlementaires que comptent la capitale libanaise, où la tragédie des locataires anciens se jouera, a accepté de saisir le Conseil constitutionnel au sujet de cette libéralisation sauvage des loyers : Nadim Bachir Gemayel ! Il faut dire que Beyrouth est dominée par le courant du Futur qui est le principal promoteur de la libéralisation des loyers anciens au Liban.

C’est noté. Je pense que les électeurs-locataires de Beyrouth, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues, s’en souviendront dans l’isoloir le moment venu, de ceux qui les poussent à choisir entre le marteau et la faucille : l’acceptation d’une augmentation de loyer de 1 000 $/mois ou l’expulsion économique des appartements qu’ils louent depuis des lustres.

- 13 juin 2014. Le Conseil constitutionnel informe les Libanais qu’il ne peut pas statuer sur le « fond » concernant la loi de libéralisation des locations anciennes au Liban, car le gouvernement de Tammam Salam n’a pas respecté la « forme » dans la publication de la loi dans le Journal officiel. La meilleure ! En effet, comme les intéressés étaient pressés d’en finir avec cette histoire, ils ont publié le texte le 8 mai, avec 24 heures d’avance, en violation des délais réglementaires fixés par la Constitution. Le problème c’est que les « sages » du Conseil constitutionnel, étaient a priori au courant que le Liban ne disposait plus de président de la République depuis le 25 mai. En renvoyant le texte, ils savaient pertinemment que ce n’est pas le fantôme du président Sleiman qui pourrait ressaisir le Conseil quand le texte sera republié, et qu’à l’avenir il n’y aura plus de recours présidentiel. La décision du Conseil constitutionnel est en soi une violation des règles démocratiques. C’est affligeant !

- 26 juin 2014. Comme c'était prévisible dans un pays nase qui tient à sa réputation, la loi a été publiée de nouveau, comme si de rien n’était, en violation des règles démocratiques les plus élémentaires. Tammam Salam sait que depuis le samedi 24 mai 2014 minuit, nous n'avons plus de Président, et c'est le Conseil des ministres qui hérite des pouvoirs et des prérogatives présidentiels, c'est-à-dire l’institution qui est à l'origine de la loi de libéralisation des locations anciennes. Alors, comment le Conseil des ministres peut-il saisir le Conseil constitutionnel et sur quelle base ? Non mais, quel bordel cette République. Les règles élémentaires démocratiques imposaient au gouvernement de Tammam Salam, la suspension de la procédure de publication de la loi de libéralisation des locations anciennes, en attendant l’élection d’un nouveau président de la République. Mais Tammam Salam, 14 Mars/Futur, est pressé comme les députés qui ont voté ce texte. Il a d’autres priorités et un autre agenda, sachant que des trois hauts personnages de l’État libanais avant la vacance présidentielle, qui avaient le pouvoir de saisir le Conseil constitutionnel au sujet de cette loi -le Président de la République, le Premier ministre et le Président du Parlement- seul le chef de l’État, Michel Sleiman, l’a fait. La vacance présidentielle est aujourd'hui une aubaine pour les défenseurs de cette loi bâclée. On dirait qu'ils ont fait exprès. Lamentable.

- 30 juin 2014. Tout ce qui se passe concernant la loi de libéralisation des loyers anciens est d’une bêtise inqualifiable.  

Sur le plan social, j’en ai parlé en long et en large dans le rapport que j’ai envoyé au président de la République et que j’ai résumé dans un des paragraphes précédents (voir rubrique « Mai 2014 »). Chacun ses valeurs. Vous avez votre Liban, j’ai le mien. Bonne chance les gars ! 

Mais, la stupidité se situe également au niveau politique. Alors que le chef du courant du Futur, Saad Hariri, donne l'impression, à tort ou à raison, qu'il est aux abonnés absents depuis plus de trois ans, avec une côte de popularité en dégringolade, aussi bien dans la communauté sunnite que dans la communauté chrétienne, et que le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, donne aussi l'impression, à tort ou à raison également, qu'il s’est enlisé dans la bataille présidentielle et peine malgré deux législatives après la seconde Indépendance, à traduire la popularité de son mouvement en un franc succès électoral, comment les dirigeants, les responsables et les conseillers de ces deux partis politiques du 14 Mars, ne voient-ils pas encore que toute « catastrophe sociale » qui découlerait de la mise en œuvre de cette loi injuste dans quelques mois, et qui concernerait près d’un million de personnes, se transformera en une « catastrophe électorale » pour eux ? 

Continuez à gaver les gens avec les aventures de Sinbad, de Salah el-Dine el-Ayoubé et de Sykes-Picot et les mésaventures du Hezbollah et de Daech dans les dédales du Croissant stérile, alors que le peuple libanais se trouve condamner à choisir entre le marteau et la faucille de cette libéralisation sauvage des loyers : la résignation à payer plus de 1 000 $ de plus à la fin de chaque mois ou l’exode économique dans son propre pays. Chapeau les gars ! Examen de rattrapage pour les députés de tous bords, pour ressaisir le Conseil constitutionnel et invalider cette loi bâclée, le 11 juillet 2014, dernier délai. A bon entendeur, salut !

Réf. 
Michel Sleiman saisit le Conseil constitutionnel sur la loi de libéralisation des loyers anciens car celle-ci n'assure pas la « justice sociale » et viole par conséquent, la Constitution libanaise (Art.229). En annexe, le rapport de Bakhos Baalbaki à Michel Sleiman (Art.228)

mardi 20 mai 2014

Michel Sleiman saisit le Conseil constitutionnel sur la loi de libéralisation des loyers anciens car celle-ci n'assure pas la « justice sociale » et viole par conséquent, la Constitution libanaise (Art.229). En annexe, le rapport de Bakhos Baalbaki à Michel Sleiman (Art.228)


L'élection présidentielle libanaise est sans doute un sujet passionnant. Mais, il y a des enjeux plus grands et plus graves encore. Alors, récapitulons. 

1. Durant les festivités législatives libanaises du Poisson d’avril, les 1er, 2 et 3 du mois dernier, les parlementaires libanais votent à la hâte, à la dérobée et à l’unanimité, la loi de libéralisation des locations anciennes au Liban.

2. Aussitôt, Bakhos Baalbaki dénonce l’irresponsabilité des députés d’accepter un texte bâclé qui conduira à l’expulsion de la classe moyenne et des natifs de Beyrouth de la ville, et la mise de la capitale libanaise à la disposition des promoteurs sans scrupules.

3. Le 8 avril, le Parlement libanais envoie le texte au Premier ministre, qui le transmet au Président de la République, le 9 avril.

4. S’en suit pendant un mois, le délai légal accordé à Michel Sleiman pour promulguer la loi, un bras de fer sans merci entre les locataires et les propriétaires anciens. L’enjeu socio-économique est considérable. Sur le plan économique, les premiers militent pour éviter d’avoir une augmentation de loyer exorbitante, de près de 1 000 $/mois par exemple (d’ici cinq ans), comme le montre le second tableau de cet article, pour un appartement de 100 m² à Beyrouth, avec la certitude d’être expulsés dans dix ans, sans indemnité, des appartements qu’ils occupent depuis des lustres. Les seconds veulent disposer sans contrainte et en toute liberté de biens immobiliers dont la valeur a explosé, où les prix ont eu le temps de doubler 4 fois en 20 ans, passant par exemple de 15 000 $ (10 ans de salaire minimum de l’époque) à 240 000 $ (44 ans de salaire minimum d’aujourd’hui!) pour un 100 m² à Beyrouth, comme le montre le premier tableau de cet article. Une augmentation vertigineuse qui constitue une première mondiale ! Sur le plan social, un million de Libanais sont concernés par les locations anciennes. 

5. Cette phase a été caractérisée par un désintérêt des médias libanais, qui sont, il faut le rappeler quand même, sous perfusion des partis politiques qui ont approuvé la loi. Ils assuraient le minimum syndical alors que la catastrophe sociale est évidente.

6. Cette phase a été caractérisée aussi par un désintérêt étonnant des responsables religieux chrétiens, à la différence des responsables religieux sunnites et chiites qui ont exprimé leur opposition à plusieurs reprises, malgré le fait qu'une majorité des locataires anciens sont chrétiens.

7. Cette phase a été caractérisée également par la désinformation. Hélas, il est désolant de constater que les Libanais sont non seulement mal informés, mais aussi désinformés. Dans tous les cas, l’ignorance règne en maître au Liban sur ce sujet. Chez les locataires, qui ne savent pas du tout ce qui les attend, mais aussi chez les propriétaires, ce qui n’a pas de conséquences dramatiques en soi comme pour ces derniers, et surprise affligeante, chez les journalistes spécialisés. L’exemple le plus frappant fut celui de la pintade Muriel Rozelier. La rédactrice française du Commerce du Levant, seul magazine économique libanais francophone du Moyen-Orient, a publié dans L’Orient-Le Jour le 8 mai, un « Décryptage de la loi de libéralisation des loyers anciens » donnant un exemple de l’évolution du loyer selon la nouvelle loi, dont les chiffres étaient tout simplement erronés.

8. Le 7 mai, le président de la République signe toutes les lois votées début avril à l’exception de la loi qui concerne la libéralisation des loyers anciens. Michel Sleiman décide de ne pas associer son nom à la nouvelle législation. Il estime que la loi de libéralisation des loyers anciens en l’état, « n’assure pas la justice sociale au Liban ». Une première dans l’histoire de la République libanaise. Et pourtant, quelques heures après, la loi est publiée dans le Journal officiel.

9. Le 12 mai, Bakhos Baalbaki revient à la charge et prévient que « tout député qui espère se faire réélire devrait saisir le Conseil constitutionnel sur la libéralisation des loyers anciens au Liban ». J’avais prévu qu’en toute logique, Michel Sleiman devrait saisir dans les prochains jours le Conseil constitutionnel de son côté. 


10. Quelques jours plus tard, j’ai demandé dans un rapport envoyé à Michel Sleiman, la saisine du Conseil constitutionnel. Vous trouverez le texte intégral de ce rapport en cliquant sur le lien ci-dessous. Pour celles et ceux qui manquent de temps, voici en résumé ce que j'ai dit au Président de la République.  

« La loi de libéralisation des loyers sera très lourde de conséquences. La situation est si inquiétante qu’il est de mon devoir en tant qu’écrivain engagé, de vous alerter sur l’ampleur des conséquences de cette loi. Ses dispositions enfreignent la Constitution libanaise dont vous êtes le garant. Dans le rapport ci-joint,

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL AU SUJET DE LA NOUVELLE LOI DE LIBÉRALISATION DES LOYERS ANCIENS AU LIBAN

je démontre comment la nouvelle législation conduira à l’entérinement de la violation des droits séculaires des locataires libanais, pour l’achat de leurs appartements avec une décote et à l’indemnisation en cas d’expulsion, à la ségrégation sociale et spatiale des Libanais, ce qui est contraire au principe de la Constitution libanaise, à la gentrification de la capitale par l’expulsion de la classe moyenne et des natifs de Beyrouth et leur remplacement par une classe aisée, à l'exode économique transcommunautaire amplifié par la présence de 1,5 million de réfugiés syriens et à la destruction totale du parc immobilier ancien. Vous y trouverez également une comparaison intéressante entre la nouvelle loi libanaise de libéralisation des loyers de 2014 et la loi protectrice française dite loi de 1948, celle qui a inspiré pendant longtemps la politique du logement au Liban, et qui est toujours en vigueur en France. Monsieur le Président, vous représentez aujourd’hui, non seulement l’espoir pour des centaines de milliers de nos compatriotes, mais aussi la seule autorité qui a le pouvoir d’empêcher la catastrophe sociale à laquelle une frange importante de nos concitoyens sera confrontée dès le mois de novembre, ainsi que la défiguration irréversible du tissu urbain et social de la capitale libanaise, en cas de mise œuvre de ce texte bâclé. Voilà pourquoi je me permets de vous demander la saisine du Conseil constitutionnel pour changer le cours des événements. »

11. En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, Michel Sleiman, « président de la République libanaise, (celui qui) prête serment de fidélité à la Nation libanaise et à la Constitution, en jurant par Dieu Tout-Puissant d’observer la Constitution et les lois du Peuple libanais », vient de saisir effectivement le Conseil constitutionnel, à six jours de l’expiration de son mandat car elle n'assure pas la « justice sociale » et viole par conséquent, la Constitution libanaise. Qu’il en soit remercié. Chapeau, Monsieur le Président !

12. Les députés qui voudraient éviter la colère du jugement dernier des électeurs-locataires aux prochaines législatives, j’ai une pensée émue aux 19 parlementaires de Beyrouth !, devraient lire attentivement le rapport que j'ai envoyé au Président de la République, et s'arrêter longuement sur le tableau ci-dessous où je compare la loi libanaise de libéralisation sauvage des locations anciennes de 2014 à la loi protectrice française de 1948, toujours en vigueur s'il vous plaît ! 

J'ose espérer que quelques députés libanais pris de remords, et capables de reconnaitre leur grosse erreur, rejoindraient le président de la République, Michel Sleiman, et saisiraient le Conseil constitutionnel, pour prouver que leurs regrets ne sont pas que des palabres au pays des palabres, 2art 7aké fi bilad 2art el7aké. Dernier délai pour prouver sa bonne foi, vendredi. Après, place aux cris et aux grincements de dents. A bon entendeur, salut !


Réf. 

lundi 12 mai 2014

Après le désaveu du président de la République, tout député qui espère se faire réélire devrait saisir le Conseil constitutionnel sur la libéralisation des loyers anciens au Liban (Art.227)


Il avait le choix. Il en a fait un. C’est une première qui restera sans aucun doute dans les annales de la République libanaise. Le mercredi 7 mai, le président de la République a signé toutes les lois votées au cours des trois journées de festivités parlementaires du Poisson d’avril -1er, 2 et 3 avril- à l’exception de la loi qui concerne la libéralisation des loyers anciens. Michel Sleiman, a décidé donc de ne pas associer son nom, et surtout sa fonction, à la nouvelle législation parce qu’il a l’intime conviction nous dit-il, que « toute loi qui ne prévoit pas la justice sociale serait injuste à l’égard d’une partie ou d’une autre de la population ». En d’autres termes, « le président de la République libanaise, (qui) prête serment de fidélité, à la Nation libanaise et à la Constitution, en jurant par Dieu Tout-Puissant d’observer la Constitution et les lois du Peuple libanais », conformément à l’article 50 de la Constitution libanaise, estime que la loi de libéralisation des loyers anciens en l’état, « n’assure pas la justice sociale au Liban ». Il s’agit indéniablement d’une grande victoire morale pour des centaines de milliers de locataires anciens. En décidant de ne pas promulguer cette loi inique, Michel Sleiman désavoue les parlementaires libanais qui ont voté ce texte bâclé à l’unanimité et à la hâte. De ce fait, si l’on suit la logique du président de la République, la nouvelle loi devrait être invalidée par le Conseil constitutionnel dans un premier temps, puis revue et corrigée par les députés dans un second temps.

Ceci étant, ne pas signer la loi est une chose, ne pas la renvoyer au Parlement en est tout autre. Si dans le premier cas, Michel Sleiman n’a pas satisfait entièrement les locataires anciens, dans le second cas, il n’a répondu que partiellement aux attentes des propriétaires anciens. Il n’empêche que la victoire des locataires dans ce bras de fer est incontestable. Même si rien n’entrave la mise en œuvre de la libération des loyers anciens au Liban, désormais, il sera difficile de le faire de facto. Certes, la loi peut être signée par le Premier ministre dès aujourd’hui et envoyée pour publication au Journal officiel (JO). Elle entrerait alors en vigueur dans 6 mois, soit au cours de la 2e quinzaine du mois de novembre 2014. Mais en pratique, cette loi est mort-née. Mieux vaut limiter les dégâts au plus vite.

Non mais enfin, comment le Premier ministre pourrait-il faire fi du refus du président de la République de promulguer la libéralisation des loyers anciens telle qu’elle a été conçue par les députés libanais ? Impossible. Que vaudrait une loi qui n’est pas signée par le Président de la République, « le Chef de l’Etat et le symbole de l’unité de la Patrie, (celui qui) veille au respect de la Constitution et à la sauvegarde de l’indépendance du Liban, de son unité et de l’intégrité de son territoire », selon les termes de l’article 49 de la Constitution ? Pour mesurer la gravité de l’incident de parcours du projet de loi de Robert Ghanem, il faut savoir que jamais auparavant dans l’histoire de la République libanaise, un président de la République en exercice a refusé d’apposer sa signature sur une loi approuvée à l’unanimité par toute la classe parlementaire, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues. C’est totalement inédit et de ce fait, Tammam Salam est obligé, indépendamment de ses convictions, d’en tenir compte. Dans tous les cas, il doit dès aujourd’hui, se prononcer publiquement sur ce dossier.

Par ailleurs, il faut savoir que le président de la République libanaise, Michel Sleiman, le Premier ministre, Tammam Salam, et le président de la Chambre des députés, Nabih Berri, ainsi que les chefs des communautés religieuses libanaises, possèdent le droit de saisir le Conseil constitutionnel « pour contrôler la constitutionnalité des lois ». Mais, ils ne pourront le faire que dans les 15 jours suivant la publication au JO. Ce n’est pas la peine de compter sur l’Estèz pour cela, encore moins de perdre du temps à en détailler les raisons. Sachez aussi que les chefs religieux ne peuvent saisir ce Conseil que sur des sujets en rapport avec le statut personnel et la liberté de culte. Ainsi, la saisine du Conseil constitutionnel pour contrôler la constitutionnalité de la loi sur la libéralisation des loyers anciens au Liban reposera sur les deux premiers. Donc, si Tammam Salam décide de promulguer la loi, une contrainte à laquelle il ne pourra pas s’extraire, il devrait au préalable, primo, en discuter avec Michel Sleiman, secundo, faire connaitre au peuple libanais ses convictions intimes sur la libération sauvage des loyers anciens telle qu’elle est prévue actuellement par le texte qu’il signera et tertio, se joindre au président de la République pour demander au Conseil constitutionnel de se prononcer.

Si à ce stade, on ne sait pas ce que pense réellement Tammam Salam de la loi, le désaveu de Michel Sleiman du travail bâclé des parlementaires libanais a été annoncé urbi et orbi. Rien ne permet de dire aujourd’hui que le président de la République ne saisira pas le Conseil constitutionnel. Bien au contraire, tout laisse penser qu’il ira certainement jusqu’au bout de sa logique. Néanmoins, beaucoup de personnes se demandent, si le président voulait saisir le Conseil constitutionnel, pourquoi n’a-t-il pas renvoyé la loi au Parlement à l’expiration du mois de réflexion le 8 mai ? Il aurait pu le faire, mais son action n'aurait pas eu la même portée. Il ne l’a pas fait pour deux raisons principales.

1. Michel Sleiman ne souhaitait pas humilier les députés libanais, qui sont déjà incapables d’élire quelqu’un qui lui succédera au palais de Baabda, sachant que ces derniers seraient peut être amenés à proroger son mandat pour sortir le Liban de la galère de l’élection présidentielle. Comme l’a dit Ibrahim Najjar, ancien ministre de la Justice, « le président a montré sa désapprobation, tout en refusant d’infliger un camouflet au Parlement ». Et pour cause. Bien qu’il soit opposé à la prorogation de son mandat, et il l’a fait savoir à plusieurs reprises, Michel Sleiman est conscient que son devoir patriotique pourrait le contraindre à accepter de boire le calice jusqu’à la lie pour épargner au pays du Cèdre les risques d’une vacance présidentielle de longue durée.

2. Michel Sleiman, ne pouvait pas se tenir seul face à l’ensemble des députés libanais qui ont voté cette loi, même s’il est entièrement soutenu dans cette tâche par Bakhos Baalbaki. Il ne pouvait pas, même si le vice-président du Conseil islamique chiite supérieur, cheikh Abdel Amir Kabalan, lui a explicitement demandé de « s'abstenir de signer la nouvelle loi sur les anciens loyers car son application mettrait un million de personnes à la rue ». Non, il ne pouvait pas le faire même si le grand Mufti de la République libanaise (sunnite), cheikh Mohammad Rachid Kabbani, lui a demandé expressément « de revoir la loi sur les anciens loyers et d'œuvrer pour assurer une équité entre les propriétaires et les locataires ». Non, il ne pouvait pas l’envisager même si du côté des responsables religieux chrétiens, les patriarches maronite, orthodoxe et arménien, j’en passe et des meilleurs, n’ont tout simplement pas jugé utile de s’intéresser au sujet. Par « charité chrétienne » sans doute, pour les propriétaires bien évidemment. Tenez, le patriarche maronite par exemple, est plus préoccupé à choisir méticuleusement ses pendentifs commémoratifs, à repasser ses tenues de parade, à lustrer ses chaussures de cérémonie, à vérifier l'état de sa chevelure et à se raser de près, pour son entrée à Jérusalem, et pas sur un âne comme l’a fait humblement Jésus-Christ auquel il fait allégeance, ou comme le fera en toute humilité le pape François, afin de rendre visite à ses fidèles en Israël, que par le sort d’autres fidèles, ces locataires anciens au Liban. Ah pardonnez-moi cette gaffe, lire « dans les Territoires occupés » svp. On aime bien jouer sur les mots en Orient. Quelle mascarade, toute cette histoire. On palabre et on se contorsionne ridiculement, comme si Bechara Raï serait parachuté à Jérusalem par le Saint-Esprit sans avoir à présenter comme tout mortel son passeport à des représentants de l’Etat d’Israël pour obtenir l’autorisation de se rendre dans la capitale disputée et non reconnue de l’Etat hébreux.

Enfin bref, seul le Conseil constitutionnel possède le poids juridique, légal et moral, pour désavouer les parlementaires. Le président de la République devra donc en toute logique, le saisir dès la publication de la loi dans le Journal officiel. A moins que Tammam Salam, 14 Mars / bloc du Futur, dont la présence au Grand Sérail dépend des parlementaires, joue la course contre la montre sous la pression et le lobbying de Robert Ghanem et de Samir el-Jisr, membres du bloc du Futur justement, les parrains de cette loi inique, les saints patrons des promoteurs, laissant trainer la loi sur son bureau en attendant gentiment l'expiration du mandat de Michel Sleiman, le dernier des Mohicans. Quand le Liban plongera pleinement dans la vacance présidentielle, le 25 mai à minuit, il aura les coudées franches. C’est le Conseil des ministres qu’il préside, qui assumera la charge des fonctions du président de la République. A moins aussi, que dix députés libanais pris de remords par leur vote à la hâte et à la dérobée, ou effrayés par l’idée que des centaines de milliers de locataires-électeurs les désavoueront le jour du jugement dernier lors des prochaines législatives, décident eux-mêmes de saisir le Conseil constitutionnel, afin de préparer le terrain pour l’abolition de la loi de libéralisation des locations anciennes et l’étude d’une nouvelle législation plus juste, pour les locataires comme pour les propriétaires.

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Michel Sleiman saisit le Conseil constitutionnel sur la loi de libéralisation des loyers anciens car celle-ci n'assure pas la « justice sociale » et viole par conséquent, la Constitution libanaise (Art.229). En annexe, le rapport de Bakhos Baalbaki à Michel Sleiman (Art.228)

samedi 10 mai 2014

La vie de pintade de Muriel Rozelier à Beyrouth ! Quand une journaliste française du « Commerce du Levant » pédale dans le bourghoul de la loi de libéralisation des loyers anciens au Liban (Art.226)


La « spécialiste du Moyen-Orient », comme nous le fait savoir la fiche de France Inter a un CV qui impressionne à première vue. Elle collabore avec les plus prestigieux journaux et magazines français. Le Monde, Les Echos, Courrier international, Paris-Match, j’en passe et des meilleurs. Pour notre plus grande chance, nous autres Libanais, elle a élu domicile à Beyrouth. Muriel Rozelier est une journaliste française qui connait bien le Liban. Elle est l’auteur de nombreux livres dont « Une vie de pintade à Beyrouth », un recueil de chroniques journalistiques qui recensent les bonnes adresses des pintades libanaises, ces femmes modernes, féminines et féministes, comme le précise l’éditeur. Elle a même sorti un « Guide des vins du Liban ». Bakhos, le dieu romain du vin, ainsi que l’auteur humble de ces lignes qui porte fièrement son nom, boivent du petit lait pour une fois et pour changer. Actuellement, elle est rédactrice au Commerce du Levant, dont la PDG n’est autre que Nayla de Freige, la directrice de la rédaction de L’Orient-Le Jour.

Tout cela est merveilleux sauf que « son tableau » est complètement faux. J’aurai zappé cette grotesque erreur comme je le fais souvent dans de pareilles circonstances si la désinformation concernant la libéralisation des locations anciennes n’étaient pas à son comble dans notre pays. Le Commerce du Levant est le seul magazine économique francophone du Moyen-Orient, et L’Orient-Le Jour, n’est pas à présenter, c’est le premier quotidien francophone du pays du Cèdre. L’un comme l’autre ne peut donc pas se permettre de mal informer ses lecteurs. Or, c’est ce qui s’est passé récemment, hélas. Dans le numéro du 2 mai 2014 du Commerce du Levant, on trouve un dossier sur les « Loyers » où on nous annonce « tous les détails de la loi » de libéralisation des loyers anciens. Dans L’Orient-Le Jour du 8 mai 2014, un article signé par Muriel Rozelier, du magazine économique, propose un « Décryptage de la loi de libéralisation des loyers anciens », où l’on y retrouve un tableau qui prétend donner un exemple concret sur l’évolution du loyer d’un bien immobilier d’une valeur de 500 000 $. Hélas, les chiffres de ce tableau sont tout simplement erronés.

Il semble que Muriel Rozelier ait mal lu la loi de libéralisation des loyers anciens. Elle confond en réalité deux choses. C’est l’augmentation du loyer qui est la même pendant les quatre premières années (elle est égale à 15 % de la différence entre la « valeur locative » du bien immobilier et le « loyer ancien » ; la valeur locative représente 5 % du prix de vente du bien inoccupé sur un marché libre et le loyer ancien étant celui appliqué avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi), puis pendant les deux années suivantes (elle est égale à 20 % de la différence entre la valeur locative du bien immobilier et le loyer ancien), mais pas les loyers en soi (qui évolueront « progressivement » comme le prévoit la nouvelle loi). Ça change tout, comme on le verra dans le tableau corrigé. Non, le nouveau loyer ne sera pas le même pendant la 1re, la 2e, la 3e et la 4e année. Non, le nouveau loyer ne sera pas le même pendant la 5e et la 6e année. C’est uniquement les montants des deux augmentations qui le seront. Nuance et de taille et comment ! Selon les chiffres de la journaliste française, le locataire de l’exemple paierait 103 000 dollars au cours de son nouveau bail, alors qu’en réalité il payera 160 200 dollars en neuf ans, soit une différence de 57 200 dollars, ce qui représente 127 mois de salaire minimum au Liban, rien que pour la différence. Eh na3am.

Certes, la lecture d’une loi n’est pas chose aisée. Mais enfin, comment voulez-vous que les citoyens soient bien informés quand des journalistes spécialisés eux-mêmes ne le sont pas ? Vous trouverez ci-dessous, un tableau qui reprend les chiffres erronés de Muriel Rozelier et les chiffres corrigés selon les modalités fixées par la nouvelle loi sur les loyers anciens


La progression effrayante des loyers permet de comprendre deux points fondamentaux de la nouvelle loi de libéralisation des loyers anciens au Liban :

1. Pour rester dans l’exemple de la journaliste française, il est inutile de vous dire que personne de la classe moyenne libanaise ne sera capable de payer à la fin de la 5e année, 25 000 $/an de loyers à Beyrouth (près de 2 100 $/mois !), pour rester dans l’appartement qu’il loue depuis des lustres. Beaucoup décrocheront dès la deuxième année du nouveau contrat de location, d’où l’importance d’avoir les bons chiffres. Enno ma3lé.

2. Inutile de vous dire aussi que la Caisse bidon créée pour venir en aide aux Libanais à faibles revenus, gagnant moins de trois fois le salaire minimum, soit 1 350 $/an, ne fera pas long feu dans un pays qui croule sous le poids d’une dette qui s’élève à 65 milliards de dollars

D’abord, parce que cette Caisse a une tare originel létale. Figurez-vous mes chers compatriotes que le législateur libanais a prévu de financer ce fonds par des donations svp. La bonne blague des parlementaires. Je ne sais pas pourquoi, mais cette histoire me rappelle celle des Sikorsky, que j’ai évoquée en début de semaine, ces hélicoptères acquis grâce à un don personnel de 16 millions de dollars de Saad Hariri en 2009, afin de lutter contre les feux de forêts. Cinq ans plus tard, on apprend que l’Etat libanais n’a pas été capable de trouver 300 000 $ pour assurer leur maintenance, et qu’il a fallu compter sur la générosité de la MEA pour les voir de nouveau opérationnelles. Franchement, quel responsable digne de l’adjectif de son titre, peut approuver la création d’une Caisse de cette importance dont le financement est assuré par des « dons » ? Et le pire, c’est la suite. 

Restons dans l’exemple de Muriel Rozelier. Question pour un champion : combien de temps à votre avis survivra une telle Caisse si elle doit payer 10, 15, 20 ou 25 000 $/an, pendant 9 à 12 ans, pour chacun des locataires anciens qui gagne moins de 1 350 $/mois, sachant qu’au total 200 000 foyers seraient concernés par la loi et que notre dette dépasse les 140 % de notre PIB ? Il n’est pas difficile de prévoir que cette Caisse sera rapidement dans l’incapacité d’assurer sa mission et déposera inéluctablement le bilan face au poids financier qu’elle aura à supporter, laissant propriétaires et locataires seuls sur le ring. Il est là le génie libanais de Robert Ghanem et de Samir el-Jisr, bloc du Futur, les parrains de cette loi, les saints patrons des promoteurs et de tous les parlementaires incompétents de notre pays, d’avoir réussi à embarquer les locataires, les propriétaires et l’Etat libanais dans une sacrée galère dont il sera bien difficile de s’extirper.

Et puisqu’on y est, sachez par ailleurs que nous venons juste de prendre connaissance, au mois de mars, des résultats de la nouvelle étude réalisée par la société Eurocost International sur l’évolution des loyers des surfaces moyennes mises à la disposition des expatriés occidentaux dans le monde. Figurez-vous très chers compatriotes, que notre capitale s’est faite une triste place comme étant la 10e ville la plus chère au monde en ce qui concerne les locations de biens immobiliers de moins de trois chambres à coucher aux normes occidentales. Eh na3am ! Beyrouth est aujourd’hui plus chère que Paris (wlé maa2oul !), Zurich, Sydney, Doha ou Dubaï. Elle n’est devancée que par des villes comme Londres, Moscou, Tokyo, Genève ou New York.

Toujours est-il, la libéralisation des loyers anciens telle qu’elle a été décidée par les députés libanais à l'unanimité se fera de la manière la plus sauvage. Elle conduira de facto à l’expulsion de Beyrouth de la classe moyenne, des artistes, des retraités et de la majorité des natifs de la capitale du Liban. Elle restera une honte pour les députés libanais qui l’ont voté et pour le Parlement libanais qui l’a adopté, jusqu’à son abolition et l’étude d’une nouvelle loi plus juste. J’aborderai dans les prochains jours l’importance de la décision du président de la République libanaise qui s’est abstenu de signer cette loi qui n’assure pas la « justice sociale ». Je prépare en parallèle un rapport qui sera remis à Michel Sleiman, lui demandant la saisine immédiate du Conseil constitutionnel pour invalider cette loi inique et inconstitutionnelle.

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