samedi 11 mai 2013

Une autoroute en plein coeur d’Achrafieh : le dernier délire de la municipalité de Beyrouth (Art.141)


Alors qu’elle n’est même pas fichue d’ouvrir le plus grand espace vert de Beyrouth, le Bois des Pins, aux résidents libanais -une ouverture qui était censée avoir lieu il y a plus de 11 ans  selon le contrat qui la lie à la région Ile-de-France!- voilà le dernier délire de l’équipe municipale de Bilal Hamad. Un projet d’autoroute de 1,3 km sorti des cartons poussiéreux des archives des années 50 en plein cœur d’Achrafieh ! Il devrait relier l’avenue Charles Helou (zone du port) à l’autoroute de Hazmieh (route de Damas) à hauteur de Mar Mitr. Le projet de l’autoroute Fouad Boutros pose plusieurs problèmes majeurs que tout Libanais devrait connaître car il illustre merveilleusement bien le tiers-mondisme de certains esprits de nos chers administrateurs.  

1. Ce projet d’autoroute est une atteinte au patrimoine, à l’identité et à l’âme de Beyrouth. Rachid Achkar, le chargé du Comité de transport au Conseil municipal de Beyrouth, plein d’enthousiasme précise à propos de ce projet : « Nous avons une vision à long terme de la ville. Ce projet appartient à une vision globale des infrastructures routières, ça serait dommage de la désavouer.»  Et pourtant, il devrait savoir que passer une voie rapide entre des bâtiments datant de l’époque ottomane, c’est tuer l’âme de Beyrouth. En effet, le tracé actuel détruira une partie d’Achrafieh, en mutilant gravement des quartiers situés dans la zone La Sagesse-Mar Makhail-Gemmayzé. Il menacera selon l’association Save Beirut Heritage, une soixantaine de constructions anciennes dont la moitié d’habitations traditionnelles, incluant les fameuses demeures aux trois arcs qui font tout le charme de notre capitale. M. Achkar reconnait pourtant que le projet municipal est une atteinte au patrimoine : « Le pont sur la rue d’Arménie est l’élément qui me chagrine le plus, notamment parce que nous devrons détruire de très belles demeures. » Mais, cela ne l’empêche pas de dormir ! Décidément, ils n’ont rien compris. C’est à se demander si le Conseil municipal de notre capitale se donne la peine ne serait-ce que de lire les signalisations installées à Gemmayzé par exemple : « 7aïy zou tabé3 tourassé », quartier à caractère traditionnel ! Et quand on coince Rachid Achkar, il avoue sans gêne : « On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Le projet créera un nouveau flux et pénalisera certes l’entrée d’Achrafieh. » Wlak tfeh, comme diraient traditionnellement les Libanais écœurés par tant d’absurdités.

2. Il s’agit d’une atteinte au cadre de vie des Achrafiotes. La municipalité de Beyrouth prétend qu’une grande partie de l’autoroute sera enterrée. Faux, rétorquent les activistes. D’après les plans seulement 300 m le seront ! Passer des voitures qui roulent à 70 km/h à 10 m du sol et à quelques mètres des appartements des riverains, c’est condamner tous les immeubles qui bordent cette voie rapide, même ceux situés dans la 2e, 3e ou 4e rangée ! Franchement, c’est à se demander sérieusement si ce n’est pas aussi un des buts cachés du projet, expulser la classe libanaise moyenne en dehors de Beyrouth intramuros afin de préparer le terrain pour racheter les immeubles anciens, les démolir, et construire à leur place des tours laides destinées aux richards et aux snobinards Arabes et Libanais ! Et quoi espérer de plus de « Monsieur circulation » de la municipalité qui constate avec fatalisme : « Il n’y a pas de mystère. Il y a des voitures et il faut qu’elles circulent. » La municipalité de Beyrouth comprend tout de travers. Elle est sans doute l’une des rares municipalités au monde qui encore en 2013 détruit des habitations traditionnelles, des îlots de verdure, pour faire de la voiture, sa petite reine et garde le plus grand espace vert de la capitale fermé au public ! Je vous ai prévenu, le tiers-mondisme des esprits, c’est une école de pensée dans nos contrées.

3. Il s’agit d’un gaspillage flagrant de l’argent public. L’autoroute Fouad Boutros à Achrafieh est financée par la municipalité de Beyrouth. On parle quand même d'au moins 60 millions de dollars ! Smala fi ba7bou7a hal iyém grâce aux honnêtes citoyens de la ville, qui payent gentiment leurs taxes municipales depuis des années, sans trop râler et sans trop exiger en retour. Il sera exécuté par le Conseil du Développement et de la Reconstruction. De l’avis de tous, il existe des alternatives moins couteuses et plus respectueuses de l’environnement, de l’homme et de la nature, que le projet actuel. C’est un gaspillage flagrant de l’argent public, puisque les nouveaux locataires de la municipalité de Beyrouth font en sorte comme si de 1959 à 2013 -je vous rappelle que le projet date des années 50 !- aucune infrastructure n’a été réalisé dans Beyrouth, l’avenue Emile Lahoud qui relie le littoral à Hazmieh n’étant qu’un exemple parmi d’autres! Aucune étude préalable n’a été menée récemment par la municipalité de Beyrouth pour évaluer sérieusement l’utilité de l’autoroute en 2013 quant à son influence sur le trafic et les embouteillages dans Achrafieh, sur le cadre de vie des habitants des quartiers concernés et sur l’environnement. Ne me demandez pas pourquoi mais le brassage de l’argent public me rappelle étrangement le brassage de la bière, il y a toujours une partie du liquide qui s’évapore ! Mais voyons, ce n'est pas par hasard qu’on parle d’argent liquide.

4. Il ne résout pas le cauchemar des embouteillages des Libanais. Et ceci pour la simple raison, qu'il ne s’attaque pas aux sources  du problème des embouteillages au Liban : trop de voitures, peu de transport en commun, centralisation des activités dans la capitale et des voies de communication inextensibles ! On a une, deux, quatre ou cinq voitures par foyer. Les transports en commun au Liban sont une mascarade. Tout passe par Beyrouth. Les rues de la capitale sont exiguës et les voies qui y mènent sont inextensibles. Ce projet ne s’attaque à aucun de ces quatre paramètres. La nouvelle autoroute ne fera qu’accentuer les embouteillages sur les autres axes d’Achrafieh, notamment du côté de Saydé et du côté d’Alfred Naccache. Yé3né bel mchabra7, avant, on avait des difficultés pour circuler et du bruit, avec le projet municipal les Achrafiotes auront plus d’embouteillages et beaucoup de nuisance. Génial. Merci la municipalité de Beyrouth.

Désespérant ce pays ! Quand vont-ils comprendre dans cette ville que ce dont les Libanais ont le plus besoin actuellement ce ne sont pas plus de voitures, plus d'autoroutes, plus d'immeubles modernes laids, plus d’activités abrutissantes en tous genres, et plus de projets montés en dépit du bon sens, mais moins de voitures, moins de klaxons, moins d’interminables chantiers, moins de poussière, moins de moteurs, wlak moins de nuisance et de pollution qu’elles soient olfactive, auditive ou visuelle !

Que les députés de Beyrouth et les membres du Conseil municipal de la capitale sachent que certains résidents de la ville s’en foutent royalement de ce projet. Avant de balancer  60 millions de dollars par les fenêtres, sur un projet qui ne va pas résoudre le problème de fond du trafic autoroutier à Beyrouth:

1. Nous demandons d’abandonner l’idée de faire passer l’autoroute Fouad Boutros à Achrafieh dans les chambres à coucher des riverains, un projet couteux, inefficace et nuisible pour les Achrafiotes. Il est encore temps, même si les travaux sont prévus à la fin de l’année 2013, sur près de 3 ans.

2. Nous réclamons de stopper immédiatement la destruction des immeubles de taille humaine de Beyrouth, 2 à 6 étages, pour les remplacer par des tours inhumaines de 10, 20 ou 50 étages, qui ramènent dans la ville, encore plus de trafic, alors que les rues de la capitale ne sont pas extensibles, et qui jettent en dehors de Beyrouth la classe libanaise moyenne ! Tenez, au passage, j’aimerai savoir qui sont ces imbéciles qui ont autorisé à construire une laideur de 50 étages comme Sama Beirut, binéyé mad7ouché, c’est vraiment le cas de le dire, entre l’avenue de l’Indépendance et la rue Abed el-Wahab el-Inghlizé, dont l’entrée et la sortie, tenez-vous bien, se font par une route à deux voies, une pour l'aller, une pour le retour ! Allah yér7am trabak ya Alphonse Allais, qui disait « quand on dépasse les bornes, il n’y a plus de limites », surtout les bornes de la connerie. Chers administrateurs, sachez que nous aimerions voir dans notre ville plus d’habitations traditionnelles aux trois arcs plutôt que de hautes tours modernes, plus de persiennes en bois bleues plutôt que de fenêtres en aluminium marron et plus de beauté que de laideur. Un peu de bons sens tout de même ! Il faut renvoyer les promoteurs de tours, à Dbaiyé par exemple, sur La Marina, une zone qui se situe déjà sur un axe autoroutier, au lieu de les ramener dans les ruelles et les impasses de la capitale.

3. Nous souhaitons plus de transports en commun, autres que ces bus de misère à « 500 LL » où aucune fille ou femme normalement constituée n’ose s’aventurer si elle n’est pas contrainte, forcée et accompagnée.

4. Nous voulons plus de taxis dignes de ce nom ! Il faudrait quand même envisager un jour, avant l’an de grâce 2345, de réglementer et d'homogénéiser les taxis de Beyrouth et surtout de fixer un certain « standard », esthétique et mécanique, qu’on retrouve dans la plupart des capitales de ce monde. Imposer une couleur, jaune, orange, rouge, bleu, qu’importe mais une couleur unique obligatoire et reconnaissable à distance, ça éviterait les désagréables et incessants coups de klaxon. Rendre le compteur obligatoire aussi. Et puisqu’on y est, mettre des bus de qualité entre l’aéroport de Beyrouth et le centre-ville, wlak au moins pour ne pas apparaitre ridicules devant les Istanbuliotes !

5. Nous espérons voir construire plus de parkings abordables en périphérie de Beyrouth, où les gens pourraient laisser leurs voitures pour la journée pour une modique somme, afin de se rendre à leurs destinations intramuros en bus ou en taxi.

6. Nous exigeons l’ouverture immédiate du Bois des Pins aux résidents libanais, avec 11 ans de retard, mais son ouverture quand même !

7. Nous rêvons de plus d’arbres dans les jardins existants et sur les trottoirs. Etant donné le prix du mètre carré, nous n’espérons plus, ni de nouveau parcs, ni de nouveaux jardins, ni même de nouveaux squares, mais le reboisement massif des jardins et des squares existants et surtout de toutes les rues de Beyrouth. « Des arbres dans toutes les rue de Beyrouth : Yes we can ! » est un projet peu couteux et réalisable qui bouleversera la vie des Beyrouthins.

8. Enfin, et c’est sans doute le point qui me tient le plus à cœur, nous demandons fermement à la municipalité de Beyrouth d’arrêter la transformation des magnifiques ficus de Beyrouth en de snobinards et de ridicules arbres d’ornement, taillés en boule ou en cube, dans une ville poussiéreuse et polluée, où il ne pleut pas une goutte d’eau la moitié de l’année, où il fait plus de 30° six mois durant et où les Beyrouthins ne disposent que de 0,1 million m² de verdure, alors que les Parisiens en ont 24 millions m² et les Berlinois 64 millions m² !

Voilà une partie de nos aspirations. Sachez, chers administrateurs de Beyrouth, que nous les considérons comme des thèmes électoraux. Nous vous jugerons aux prochaines élections, législatives de 2013 et municipales de 2016, sur ces points précisément. Vous en faites ce que vous voulez. A bon entendeur, salut !


Références


Un parking en plein cœur d'un jardin d'Achrafieh : le dernier délire (bis) de la municipalité de Beyrouth (Art.152) par Bakhos Baalbaki

Fête de la musique au jardin de Geitawi le vendredi 21 juin, et pourquoi pas ? (Art.153) par Bakhos Baalbaki

Deux tiers du sous-sol du jardin de Geitawi sera bétonné (Art.155) par Bakhos Baalbaki


Pétition en ligne contre le projet de l'autoroute d'Achrafieh


Mise à jour (1er mars 2014)

On s'active du côté de la municipalité de Beyrouth pour l'autoroute Fouad Boutros à Achrafieh ! BB's BLOGs