vendredi 18 octobre 2013

Après les éléphants roses libanais, voici les aigles espions israéliens (Art.186)


Cela faisait quelques heures que les Libanais avaient démarré avec beaucoup de courage cette 42e semaine de cette année maussade. Ils ne se doutaient de rien. A l’heure de la première pause de la journée, l’info éclate au grand jour. Elle met un terme à la rumeur qui a parcouru tous les villages de la « ka2em makamiyit jabal lebnan el chamaliyé ». L’info est officielle. Les Libanais tombent des nues en apprenant que durant ce weekend où ils étaient oisifs, se livrant à des orgies de machéwé, ma3 hommos wou tawéb3o, où l’arak et le whisky ont coulé à flot, des chasseurs du dimanche de la localité d’Achkout au Kesrouan, ont "descendu" un aigle pas comme les autres. Qu’elle fut grande leur surprise de constater que le rapace en question « portait sur son dos un poste émetteur ; sur une patte, une bague en cuivre sur laquelle est inscrit le mot "Israel" en anglais, suivi de l’abréviation de l’Université de Tel-Aviv ; et un troisième dispositif, qui était implanté dans son corps et était relié à l’appareil émetteur externe ».

La nouvelle est diffusée par Maharat News, le site d’information d’une mystérieuse Maharat Foundation, une ONG libanaise qui regroupe une équipe de journalistes, dont l’objectif est de promouvoir la démocratie et la liberté d’expression. Après une étude approfondie des données, les journalistes du site concluent que ce « rapace insolent » était en réalité un « aigle espion israélien ». Moquette, mon amour !

On ne compte plus les innombrables violations de notre souveraineté nationale par l’armée de l’air israélienne. On ne compte plus aussi, les multiples violations de notre souveraineté par les réseaux israélo-libanais d’espionnage, que les services libanais de renseignement des Forces de sécurité intérieure démantèlent régulièrement. On ne compte plus également -quoique si, il faut croire qu’on les compte désormais- les surprenantes violations de notre souveraineté nationale comme celle de cette a7bé Jenifer, « une juive ingrate qui a osé éliminer notre Touma national de The Voice en mai dernier ». Et maintenant, il ne nous manquait plus que cette insolite affaire des « aigles espions israéliens ».

Alors, mesdames, messieurs, mes chers compatriotes, la question qui s’impose et que votre obligé se pose aujourd’hui, c’est de savoir si ces aigles espions israéliens peuvent cohabiter avec les éléphants roses libanais dont il était question l’autre jour ? Eh bien, figurez-vous que oui !

Maharet News nous informe que « ce genre de travail d’espionnage israélien, et de recueil des informations, a déjà été mis à jour dans le passé, en capturant des oiseaux qui portaient des dispositifs similaires en Arabie saoudite (2010), en Turquie (2012) et en Egypte (2013). » Wlak, admettons. Les journalistes du site auraient dû s’arrêter là et laisser aux lecteurs, comme dans les films hollywoodiens, le soin de tirer des conclusions. La2, baddoun yécharbouna yéha bel ma3él2a. Pour ce faire, ils précisent à propos de ces découvertes ornithologiques que « ces dispositifs ont été identifiés comme étant des appareils israéliens d’écoute ». De son côté, le site Lebanon Debate qui a relayé l’information, copie conforme, s’est donné la peine en plus, de la personnaliser. « Une source sécuritaire de haut niveau (ah, ça nous rappelle la miss de l’OLJ !), a confirmé au site Lebanon Debate que les forces de sécurité ont entrepris leurs investigations pour percer le mystère de cet oiseau ». C’est pour dire à quel point cette découverte est prise au sérieux. Il rajoute à qui n’a toujours pas compris, qu’il s’agit « d’un dossier très sensible, qu’on ne peut pas du tout aborder avec complaisance ». 2ou3a ha ! Pour al-Manar, parce qu’il fallait bien que la chaine du Hezbollah s’en mêle avant-hier comme vous pouvez vous en douter, « cet aigle était un des nombreux aigles envoyés par Israël au Moyen-Orient pour espionner et recueillir des informations via la technologie du GPS ». Walao ya chabeb, c’est connu, trop est l’ennemi du bien. Vous faites la même erreur à chaque fois !

Qui peut vraiment croire la moitié d’un quart de seconde que le Mossad est condamné aujourd’hui à recourir aux aigles pour espionner le Liban ? Wlé, n'avez-vous pas peur du ridicule de prétendre que le premier exportateur de drones au monde, devançant même les États-Unis, envoie des aigles pour espionner un pays qui n'a aucune force aérienne ? Et pourquoi le ferait-il ? Voyons un peu : à cause des coupes budgétaires par ce temps de crise, d’un subit engouement des services israéliens de renseignement pour la nature ou de la faillite technologique de l'Etat hébreux face à la « résistance islamique au Liban »? Wlak ya jamé3a, qui peut croire qu’un aigle libre comme l’air (donc incontrôlable) et un émetteur de quelques centimètres, peuvent apporter quelque chose de plus que les centaines d’avions, de drones et de satellites qui traversent de nuit comme de jour l’espace aérien libanais, ainsi que les nombreux bâtiments de guerre qui sont au large de la Méditerranée orientale et les centres de renseignement et d’interception sur le territoire israélien ? Dites-nous, bécharafkoun, pourquoi les Israéliens seraient-ils si stupides pour graver leur identité sur leurs appareils d’espionnage ? Et puis, entre nous, quels imbéciles ces Israéliens qui rattachent leur sécurité au sort des oiseaux au Liban, sachant que ces pauvres animaux, rapaces et migrateurs compris, ont une espérance de vie qui chute dramatiquement dès l’instant même où leur bec franchit la ligne bleue de l’espace aérien libanais !

En tout cas, l’Université de Tel-Aviv et Israel's Nature and Parks Authority n’ont pas tardé à répondre à ces délires ornithologiques du côté libanais. On apprend que le défunt "espion" était « un oiseau prédateur né dans un centre d’élevage dans le sud d’Israël. Il a été libéré il y a quelques années. Il faisait partie d’un projet de recherche sur les rapaces mené par l'Université de Tel-Aviv. » Il s'agit en effet de l'aigle de Bonelli, une espèce méditerranéenne très menacée, qui ne compte qu'une dizaine de couples en Israël-Palestine, et une trentaine dans le Sud de la France. On apprend aussi du côté israélien, que le vautour capturé par les Saoudiens, le faucon capturé par les Turcs et la cigogne capturée par les Égyptiens, ont tous les trois été libérés par les autorités locales après une petite vérification de routine et quelques soins.

Rappelons pour la culture générale, que le baguage des oiseaux se fait depuis 1899. Les balises de suivi par satellite est un procédé courant depuis les années 1990 pour suivre cigognes, grues, faucons, aigles, bondrées, cailles, canards, cygnes, et j’en passe. Le pays du Cèdre offre une situation géographique et climatique idéale pour 246 espèces d’oiseaux qui le traversent chaque année, en venant d’Europe (en automne), pour aller en Afrique et dans l'autre sens (au printemps). Au cours de ce long périple, les oiseaux migrateurs visitent 45 pays. Au Liban, ils y restent le temps d’une escale ou plus, pour se nourrir et se reproduire. Comme le montrent les images de cet article, ces oiseaux migrateurs, autant que les espèces locales, sont victimes tous les ans, d’un véritable carnage. Dans un État démissionnaire, qui ne protège ni l’humain (pas la peine de s’étendre), ni l’animal (le Liban est le cauchemar de ceux qui croient à la réincarnation), ni la pierre (adieu port phénicien et hippodrome romaine), ni l’arbre de son drapeau (Gebrane Taouk a défiguré les alentours de la forêt de Bcharré, patrimoine mondial, pour marier son rejeton et n’a pas été inquiété par la justice libanaise à ce jour), personnellement, je ne m’attends qu’au pire chaque matin en lisant les nouvelles de mon pays. La mésaventure de cet aigle en est un triste exemple. Et il n'est pas le seul.
 
Je termine cette fable par une citation d’Ali ibn Abi Taleb, 4e calife, commandeur des croyants entre 656 et 661, 1er imam des musulmans chiites, qui résume bien la morale de l’histoire : « Il n’y a pas de plus grande richesse que la science, pas de plus grande pauvreté que l’ignorance. »

Allez, au prochain numéro je vous parlerai du nano-espionnage par les pollens ! 


Post-Scriptum 1

Lors d’un rapide survol des infos qui préoccupent Maharat Foundation, sur leurs sites comme sur leur page facebook, on tombe sur un article étonnant rédigé vers la fin du mois d’août, où l’ONG libanaise reproche à la chaine internationale d’information LBCI, d’avoir montré avec insistance pendant la diffusion d'une interview téléphonique avec une représentante de l'organisation, au cours du journal télévisé de la chaine, des images des enfants syriens gazés à Ghouta, alors que les enfants libanais n’étaient pas encore couchés. Si, si ! Malgré le caractère exceptionnel de l'odieux massacre chimique de Ghouta par les troupes de Bachar el-Assad, qui je le rappelle a coûté la vie à près de 1 500 personnes, dont 400 enfants, voilà ce qui a préoccupé Maharat News de la Maharat Foundation le 29 août ! Dans un autre article, l’ONG explique à ses lecteurs que les informations des chaines libanaises à propos de la tragédie damascène du 21 août 2013, étaient confuses. Pour être honnête, disons que ceci était peut-être vrai dans les premières heures qui ont suivi le massacre et pour les chaines libanaises, mais complétement faux les jours suivants, notamment pour l’Organisation des Nations Unies et pour Human Rights Watch, ainsi que pour les services de renseignements américains et français. En fouillant un peu plus, on tombe aussi sur plusieurs notes sur le droit à la liberté d’expression concernant Jean Assy, vous savez ce militant aouniste qui a confondu les gazouillis avec les fientes sur Twiter, souillant la liberté d’expression avec la liberté d’insulter.

Post-Scriptum 2

Pas la peine de nous perdre en palabres, une chose est sûre et certaine, ces chasseurs du dimanche du Kesrouan ont commis plusieurs infractions aux lois libanaises, en chassant alors que la chasse est interdite au Liban jusqu'à nouvel ordre, en tirant avec des fusils non autorisés et en abattant une espèce d'oiseau qui est complètement exclue de la chasse. En toute logique, ils auraient dû être poursuivis par les autorités judiciaires libanaises. Mais, faut pas rêver !

Post-Scriptum 3 

Cet article et son PS1 prouve que la neutralité au Liban n’existe pas. Quelles que soient la nature et le degré de camouflage adopté, et quelques soient les précautions d’usage, il suffit de peu, pour connaitre la couleur politique des uns et des autres. Même la banale histoire d’un aigle insouciant.

Post-Scriptum 4 (mise à jour du 19 octobre 2013)

Et que fait un éléphant dans un magasin de porcelaine ? Vous connaissez la réponse. Lebanon Debate fait de même. Il s’enfonce davantage dans le mensonge et le ridicule. Le site d’information a voulu relancer l’ânerie du siècle sur les « aigles espions israéliens » en s’appuyant cette fois-ci sur The Independent, et en affirmant dans leur édition hier (18 oct.) que le respectable quotidien anglais a rapporté l’info sur « la capture d’un aigle d’une espèce rare et menacée d’extinction, qui est entré au Liban et qui portait des marques israéliennes, ainsi que des émetteurs sur son dos ». Et comme d’habitude -j’en ai même parlé dans l’article, le menteur libanais ne sait jamais s’arrêter- Lebanon Debate rajoute que « (The Independent) a expliqué que cet aigle est utilisé dans des opérations israéliennes d’espionnage ». Foutaises, oui ! Voici ce que The Independent a écrit texto (17 oct.): « Après les pesticides, les fils électriques et les braconniers, les aigles sont maintenant confrontés à une nouvelle menace : les guérilleros libanais du Hezbollah. Le site al-Manar s’est vanté de la capture d’un aigle portant une identification israélienne et un dispositif de transmission sur son dos. Il a prétendu que l’oiseau était un espion israélien. » Au cas où ce n'est pas clair pour certains,
ce « Il » désigne al-Manar.

Ghlébna n2élloun,
ils ne veulent pas nous croire que le fil du mensonge est court. Au départ nous avions deux petits paragraphes, à l’arrivée, un gros mensonge ! Mais bordel, ya chabeb, avec cette insistance à mentir, nous allons finir par croire de nouveau que le soleil tourne autour de la Terre, que les miliciens du Hezbollah font de l’humanitaire, que Bachar el-Assad est prix Nobel de la paix, que le nano-espionnage par les pollens, le nouveau projet de recherche lancé par Bakhos Baalbaki, est très avancé, et que Lebanon Debate est non seulement un site de mensonges, mais qu’il tourne dans la sphère hezbollahi-syrienne du 8 Mars, la sama7 Allah !