Et c'est reparti pour un nouveau mélodrame, Carlos Ghosn. Avant les faits, commençons par dresser le décor, le Japon.
Ce n'est pas un secret, ce pays d'Extrême-Orient n'est pas très ouvert. Près de 127 millions de Japonais et à peine 1,75 million d'étrangers, clandestins compris, soit 1,38%. En France, on a 6,4% d'étrangers et 9,1% d'immigrés. L'écrasante majorité de leurs étrangers est de morphologie asiatique, donc qui se confond gentiment dans la masse. Les musulmans? C'est à peine 150 000 personnes, 0,1% de la population, Japonais et étrangers confondus, de quoi faire rêver les islamophobes de par le monde. Autre chiffre farfelu, le Japon ne dédaigne accorder le droit d'asile qu'à une poignée de gens qui dépasse à peine le nombre de doigts d'une personne, des mains pardi, sans les orteils: 6 en 2013, 20 en 2017, un record, dont 5 réfugiés syriens. Par comparaison, l'Allemagne a accueilli 1 million d'étrangers, le Liban 1,5 million de Syriens.
Et déjà qu'il n'y a pas beaucoup d'étrangers, il paraît qu'un tiers de ceux qui s'y aventurent ont été victimes de discriminations et de remarques désobligeantes en raison de leurs origines. C'est une étude du ministère japonais de la Justice. La pureté de la race, la xénophobie, l'esprit insulaire, allez savoir. Il manque cruellement de mains d'oeuvre. La population est en chute libre avec un taux de natalité très bas, avant-dernier pays au classement mondial, juste devant le Vatican, quel exploit! On n'enregistre que 8 naissances pour 1 000 habitants au Japon, 12 en France, 19 au Liban. Il y aura moins de 40 millions de Japonais en 2050. En dépit de cette perspective sombre, le Japon reste un pays peu hospitalier. On assouplit un peu les règles, mais il n'est pas question que ces travailleurs étrangers s'y installent plus de 5 ans ou que Bouddha nous garde, qu'ils deviennent Japonais! D'ailleurs, le Japon use et abuse des stagiaires étrangers, plus de 200 000 par an, surexploités et rejetés après usage, au point de pousser certains militants japonais des droits de l'homme à parler d'esclavagisme moderne, comme dans ce reportage de France 24.
C'est pour vous dire, personnellement, je ne pourrai pas vivre au Japon. Une question de culture et d'habitudes. Je déteste les sushis, le riz aussi. Ahhh, cet engouement pour la zankha du poisson froid cru. Un chawarma ou des pâtes au pesto alla Genovese, mamma mia! En plus, on ne peut pas parler fort avec les Japonaises, ni avec les mains d'ailleurs. Je sais de quoi je parle. Pour le méditerranéen que je suis, c'est traumatisant. Enfin, on ne peut même pas traverser la rue en dehors des passages cloutés. Un Européen perdrait son latin à Tokyo !
Vous l'avez compris, j'ai une plus grande sympathie pour notre Carlos national, que pour le Japon où il ne fait pas bon d'être étranger. Sauf qu'il est difficile de rater l'info d'hier, Ghosn a été arrêté au Japon. Le « cost killer » est accusé officiellement de fraude (d'avoir sous-déclaré ses revenus aux autorités financières japonaises d'une trentaine de millions d'euros) et officieusement d'ABS, abus de biens sociaux (d'avoir utilisé les fonds de Nissan à des fins personnelles, acheter des résidences privées à Beyrouth, Paris, Rio de Janeiro et Amsterdam). Rappelons, qu'il est présumé innocent jusqu'à sa condamnation par la justice.
Mais quelque chose me tourmente dans toute cette histoire. Et je ne suis pas le seul. Je me pose des questions et j'aimerai connaître la raison de tout cela : est-ce la mésaventure d'un Franco-Libanais jalousé dans le pays le moins ouvert du monde, et le plus replié sur lui-même, ou est-ce l'incapacité viscérale de tout Libanais à s'acquitter de ses obligations fiscales sans frauder et sans recourir aux ABS?
Ah les questions ne s'arrêtent pas là: pourquoi ce genre de mésaventures n'arrivent pas à d'autres personnes fortunées, Jeff Bezos précisément ?
- Est-ce parce que Carlos est moins intelligent pour gruger sans se faire prendre et Jeff serait aussi plus honnête? ; ça serait bien étonnant ;
- ou c'est parce que la fortune personnelle du PDG d'Amazon (plus de 150 milliards $ en tenant compte de la valeur des actions de la société) a progressé de 9 millions $ par heure ; en comparaison, le cost killer franco-libanais n'a gagné que 15 millions $ en tout, chez Renault et Nissan inclus, et pour toute l'année 2017, soit 1 700 $ par heure, pendant que le commerçant américain voyait sa fortune s'envoler en un an de 79 milliards $ ;
- ou plutôt parce ce que le gouvernement américain accorde tellement d'avantages à Amazon que Jeff Bezos n'a vraiment pas besoin de magouiller ;
- ou peut-être parce que le PDG d'Amazon est justement Américain (pas Franco-Libanais), une nationalité qui donne une meilleure aura et une immunité plus efficace; au passage, l'Etat français a toujours voté contre la valorisation des revenus de Carlos Ghosn, l'obligeant à les baisser de 30% en 2018, alors que l'homme a fait de Renault-Nissan-Mitsubishi le numéro un mondial ; aux dernières nouvelles, l'arriviste en chef, Bruno Le Maire, le ministre français de l'économie, pense que Carlos Ghosn n'est plus en mesure de diriger Renault-Nissan-Mitsubishi et qu'il faut mettre en place « le plus vite possible » une gouvernance intérimaire, il a rétropédalé dans l'après-midi en se rendant comptant de sa bourde matinale ; voilà, ça vous donne une idée sur « l'immunité française » accordée à ses éminents citoyens! ; avis aux Etats-Unis et à la Russie;
- voire parce qu'il ne traite pas directement avec le Japon (pays qui a une politique très spéciale avec les personnes non japonaises)?
Cette note n'est pas pour défendre Carlos Ghosn parce qu'il est Franco-Libanais, réside parfois à Achrafieh, fabrique à ses heures perdues le vin batrounais d'Ixsir et s'est associé à un grand projet immobilier dans la région des Cèdres. Il ne m'est pas spécialement sympathique, mais je le préfère de loin à l'antipathique Jeff Bezos. Ce n'est pas non plus pour descendre le Japon. Mais, certains informations concernant ce pays méconnu doivent être portées à la connaissance du grand public. C'est l'occasion ou jamais, et ça peut expliquer beaucoup de choses. Si l'Allemagne, la France ou le Liban suivait 1/10e de la politique japonaise en matière d'immigration et de réfugiés, qu'est-ce qu'on aurait entendu! Ils ont accueilli 5 réfugiés syriens. Smallah, quel effort titanesque pour la 3e pays le plus riche du monde! Par contre que Carlos Ghosn ait fraudé le fisc japonais, shocking.
Carlos Ghosn a été interpellé à l'atterrissage de son avion à l'aéroport de Haneda, situé à une trentaine de kilomètres de Tokyo. Comme par hasard, il y avait une caméra pour filmer la scène, comme dans les films. Le fayot serait un fraudeur japonais de Nissan qui aurait obtenu en échange une remise de peine. Le PDG est toujours en garde à vue et ça peut durer 23 jours au Japon. Aussitôt arrêté, le président exécutif du constructeur japonais, a organisé une conférence de presse particulièrement vindicative. « Je ressens une profonde déception, une frustration, un désespoir, une indignation et de la colère ». Et dire que les Japonais sont réputés être très réservés. Dans la ligne de mire du Japonais Hiroto Saikawa, Carlos Ghosn, son ex-mentor, de nationalité non-japonaise, et Greg Kelly, un autre étranger (Américain), directeur délégué du constructeur. Comme par hasard, une partie de la conférence de presse était consacrée pour vanter le mérite des employés de Nissan et de leurs familles d'avoir sauvé leur entreprise de la faillite. Oh Carlos Ghosn, l'ex-PDG de Nissan et toujours président non exécutif de la société, n'était qu'un témoin de passage! La mise en scène est tellement flagrante que Hiroto Saikawa été obligé de répondre à des questions sur un possible coup de force au sein de Nissan. Chez Renault, on évoque déjà une sorte de coup d'Etat. Des soupçons nourris par le fait que les revenus de Ghosn sont publics et validés en assemblée générale. Alors, beaucoup d'analystes se demandent, comment a-t-il pu dissimuler la moitié de ces revenus aux autorités financières japonaises si longtemps, entre 2010 et 2015?
Il est clair qu'il y a une volonté manifeste du côté des Japonais pour faire de cette affaire un mélodrame dans le but de se débarrasser du PDG Franco-Libanais « gaijin » (étranger en japonais) de Renault-Nissan-Mitsubishi, l'un des hommes les plus remarquables dans son domaine, qui a fait de l'Alliance née en 1999, le numéro un mondial en 2016, comme au premier semestre 2017, devant Volkswagen, Toyota et General Motors. Les Japonais veulent se venger de l'accord conclu en 1999 avec Renault, une époque où Nissan était rachitique et au bord de la banqueroute. Avoir été sauvé par une entreprise étrangère européenne pouvait être vécu comme une humiliation. Les chiffres sont là pour le rappeler. Certes, dans l'Alliance, Renault et Nissan sont à parts égales, 50% chacune, il n'empêche qu'au niveau individuel, Renault détient 43,4% de Nissan, alors que Nissan ne détient que 15% de Renault (et 34% de Mitsubishi, dont la production est minime par rapport aux deux géants de l'Alliance). Le ressentiment est vif. D'ailleurs, les Japonais n'apprécient pas le rachat des entreprises nippones par des sociétés étrangères. Leur objectif aujourd'hui est donc de contrôler cette Alliance qui a vendu près de 10 millions de voitures dans le monde, et à défaut, de prendre leur indépendance. Ils sont d'autant plus motivés qu'une rumeur circule depuis le printemps dernier, parlant d'un projet de fusion entre Renault et Nissan, ce qui pourrait être vécu par les Japonais comme une seconde humiliation. Certes, Carlos Ghosn intriguait au point de devenir un personnage de manga. Il n'empêche que l'homme est un mélange de cultures fortes en couleurs dont il est si fier - méditerranéenne (libanaise), sud-américaine (brésilienne) et latine (française)- qui le place qu'on le veuille ou pas, aux antipodes de la culture asiatique (japonaise).
Cost Killer devra répondre de ses actes devant une justice impartiale. C'est loin d'être le cas au Japon. La garde à vue de ce PDG hors-norme dure depuis cinq jours. Rien ne la justifie vraiment. Il a décidé de défier ses accusateurs en gardant le silence. Une façon de rappeler au monde qu'il n'est emprisonné depuis lundi que sur la base d'allégations, des accusations non encore prouvées. C'est ce qui doit déplaire fortement aux Japonais, qui comptent sur la prorogation de la garde de vue, jusqu'à sa limite légale (23 jours), pour lui faire avouer sous la pression n'importe quoi. Plus la garde la garde à vue se prolonge, plus on peut être sûr que le dossier judiciaire japonais est rachitique. En tout cas, on n'est plus dans un système judiciaire occidental digne de ce nom. Si le Japon se permet cette entorse, c'est parce que le Liban, le Brésil et surtout la France, n'ont pas su défendre leur citoyen comme il se doit. Les Etats-Unis de Trump, ont créé une crise politico-économique avec la Turquie à cause d'un pasteur (accusé d'espionnage), jusqu'à l'obtention de sa libération. Ces trois pays, et au-delà, l'Union européenne, n'ont pas été capables à ce jour de se montrer à la hauteur de leur éminent leader économique.
Il est sûr et certain qu'il y a un « gros mensonge » dans toute cette histoire. Reste à savoir il concerne qui? C'est important car ça déterminera à qui nous devons donner la Palme d'or « kezbeh kbireh » dans cette affaire : à Carlos Ghosn, à Nissan ou au Japon ? Il n'est pas si difficile d'y répondre. Les Japonais croient faire plonger cet encombrant gaijin, en profiter et sortir indemne de la tempête. Erreur. Quel homme d'affaires s'aventurera dorénavant de gaieté de coeur dans l'Empire du soleil levant? Personne. C'est peut-être l'objectif principal de la mascarade nippone. Il n'empêche que la réputation japonaise dans les pays occidentaux est désormais sérieusement entachée.
Carlos Ghosn, PDG de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Photo Ludovic Marin - AFP |
Ce n'est pas un secret, ce pays d'Extrême-Orient n'est pas très ouvert. Près de 127 millions de Japonais et à peine 1,75 million d'étrangers, clandestins compris, soit 1,38%. En France, on a 6,4% d'étrangers et 9,1% d'immigrés. L'écrasante majorité de leurs étrangers est de morphologie asiatique, donc qui se confond gentiment dans la masse. Les musulmans? C'est à peine 150 000 personnes, 0,1% de la population, Japonais et étrangers confondus, de quoi faire rêver les islamophobes de par le monde. Autre chiffre farfelu, le Japon ne dédaigne accorder le droit d'asile qu'à une poignée de gens qui dépasse à peine le nombre de doigts d'une personne, des mains pardi, sans les orteils: 6 en 2013, 20 en 2017, un record, dont 5 réfugiés syriens. Par comparaison, l'Allemagne a accueilli 1 million d'étrangers, le Liban 1,5 million de Syriens.
Et déjà qu'il n'y a pas beaucoup d'étrangers, il paraît qu'un tiers de ceux qui s'y aventurent ont été victimes de discriminations et de remarques désobligeantes en raison de leurs origines. C'est une étude du ministère japonais de la Justice. La pureté de la race, la xénophobie, l'esprit insulaire, allez savoir. Il manque cruellement de mains d'oeuvre. La population est en chute libre avec un taux de natalité très bas, avant-dernier pays au classement mondial, juste devant le Vatican, quel exploit! On n'enregistre que 8 naissances pour 1 000 habitants au Japon, 12 en France, 19 au Liban. Il y aura moins de 40 millions de Japonais en 2050. En dépit de cette perspective sombre, le Japon reste un pays peu hospitalier. On assouplit un peu les règles, mais il n'est pas question que ces travailleurs étrangers s'y installent plus de 5 ans ou que Bouddha nous garde, qu'ils deviennent Japonais! D'ailleurs, le Japon use et abuse des stagiaires étrangers, plus de 200 000 par an, surexploités et rejetés après usage, au point de pousser certains militants japonais des droits de l'homme à parler d'esclavagisme moderne, comme dans ce reportage de France 24.
C'est pour vous dire, personnellement, je ne pourrai pas vivre au Japon. Une question de culture et d'habitudes. Je déteste les sushis, le riz aussi. Ahhh, cet engouement pour la zankha du poisson froid cru. Un chawarma ou des pâtes au pesto alla Genovese, mamma mia! En plus, on ne peut pas parler fort avec les Japonaises, ni avec les mains d'ailleurs. Je sais de quoi je parle. Pour le méditerranéen que je suis, c'est traumatisant. Enfin, on ne peut même pas traverser la rue en dehors des passages cloutés. Un Européen perdrait son latin à Tokyo !
Vous l'avez compris, j'ai une plus grande sympathie pour notre Carlos national, que pour le Japon où il ne fait pas bon d'être étranger. Sauf qu'il est difficile de rater l'info d'hier, Ghosn a été arrêté au Japon. Le « cost killer » est accusé officiellement de fraude (d'avoir sous-déclaré ses revenus aux autorités financières japonaises d'une trentaine de millions d'euros) et officieusement d'ABS, abus de biens sociaux (d'avoir utilisé les fonds de Nissan à des fins personnelles, acheter des résidences privées à Beyrouth, Paris, Rio de Janeiro et Amsterdam). Rappelons, qu'il est présumé innocent jusqu'à sa condamnation par la justice.
Mais quelque chose me tourmente dans toute cette histoire. Et je ne suis pas le seul. Je me pose des questions et j'aimerai connaître la raison de tout cela : est-ce la mésaventure d'un Franco-Libanais jalousé dans le pays le moins ouvert du monde, et le plus replié sur lui-même, ou est-ce l'incapacité viscérale de tout Libanais à s'acquitter de ses obligations fiscales sans frauder et sans recourir aux ABS?
Ah les questions ne s'arrêtent pas là: pourquoi ce genre de mésaventures n'arrivent pas à d'autres personnes fortunées, Jeff Bezos précisément ?
- Est-ce parce que Carlos est moins intelligent pour gruger sans se faire prendre et Jeff serait aussi plus honnête? ; ça serait bien étonnant ;
- ou c'est parce que la fortune personnelle du PDG d'Amazon (plus de 150 milliards $ en tenant compte de la valeur des actions de la société) a progressé de 9 millions $ par heure ; en comparaison, le cost killer franco-libanais n'a gagné que 15 millions $ en tout, chez Renault et Nissan inclus, et pour toute l'année 2017, soit 1 700 $ par heure, pendant que le commerçant américain voyait sa fortune s'envoler en un an de 79 milliards $ ;
- ou plutôt parce ce que le gouvernement américain accorde tellement d'avantages à Amazon que Jeff Bezos n'a vraiment pas besoin de magouiller ;
- ou peut-être parce que le PDG d'Amazon est justement Américain (pas Franco-Libanais), une nationalité qui donne une meilleure aura et une immunité plus efficace; au passage, l'Etat français a toujours voté contre la valorisation des revenus de Carlos Ghosn, l'obligeant à les baisser de 30% en 2018, alors que l'homme a fait de Renault-Nissan-Mitsubishi le numéro un mondial ; aux dernières nouvelles, l'arriviste en chef, Bruno Le Maire, le ministre français de l'économie, pense que Carlos Ghosn n'est plus en mesure de diriger Renault-Nissan-Mitsubishi et qu'il faut mettre en place « le plus vite possible » une gouvernance intérimaire, il a rétropédalé dans l'après-midi en se rendant comptant de sa bourde matinale ; voilà, ça vous donne une idée sur « l'immunité française » accordée à ses éminents citoyens! ; avis aux Etats-Unis et à la Russie;
- voire parce qu'il ne traite pas directement avec le Japon (pays qui a une politique très spéciale avec les personnes non japonaises)?
Cette note n'est pas pour défendre Carlos Ghosn parce qu'il est Franco-Libanais, réside parfois à Achrafieh, fabrique à ses heures perdues le vin batrounais d'Ixsir et s'est associé à un grand projet immobilier dans la région des Cèdres. Il ne m'est pas spécialement sympathique, mais je le préfère de loin à l'antipathique Jeff Bezos. Ce n'est pas non plus pour descendre le Japon. Mais, certains informations concernant ce pays méconnu doivent être portées à la connaissance du grand public. C'est l'occasion ou jamais, et ça peut expliquer beaucoup de choses. Si l'Allemagne, la France ou le Liban suivait 1/10e de la politique japonaise en matière d'immigration et de réfugiés, qu'est-ce qu'on aurait entendu! Ils ont accueilli 5 réfugiés syriens. Smallah, quel effort titanesque pour la 3e pays le plus riche du monde! Par contre que Carlos Ghosn ait fraudé le fisc japonais, shocking.
Carlos Ghosn a été interpellé à l'atterrissage de son avion à l'aéroport de Haneda, situé à une trentaine de kilomètres de Tokyo. Comme par hasard, il y avait une caméra pour filmer la scène, comme dans les films. Le fayot serait un fraudeur japonais de Nissan qui aurait obtenu en échange une remise de peine. Le PDG est toujours en garde à vue et ça peut durer 23 jours au Japon. Aussitôt arrêté, le président exécutif du constructeur japonais, a organisé une conférence de presse particulièrement vindicative. « Je ressens une profonde déception, une frustration, un désespoir, une indignation et de la colère ». Et dire que les Japonais sont réputés être très réservés. Dans la ligne de mire du Japonais Hiroto Saikawa, Carlos Ghosn, son ex-mentor, de nationalité non-japonaise, et Greg Kelly, un autre étranger (Américain), directeur délégué du constructeur. Comme par hasard, une partie de la conférence de presse était consacrée pour vanter le mérite des employés de Nissan et de leurs familles d'avoir sauvé leur entreprise de la faillite. Oh Carlos Ghosn, l'ex-PDG de Nissan et toujours président non exécutif de la société, n'était qu'un témoin de passage! La mise en scène est tellement flagrante que Hiroto Saikawa été obligé de répondre à des questions sur un possible coup de force au sein de Nissan. Chez Renault, on évoque déjà une sorte de coup d'Etat. Des soupçons nourris par le fait que les revenus de Ghosn sont publics et validés en assemblée générale. Alors, beaucoup d'analystes se demandent, comment a-t-il pu dissimuler la moitié de ces revenus aux autorités financières japonaises si longtemps, entre 2010 et 2015?
Il est clair qu'il y a une volonté manifeste du côté des Japonais pour faire de cette affaire un mélodrame dans le but de se débarrasser du PDG Franco-Libanais « gaijin » (étranger en japonais) de Renault-Nissan-Mitsubishi, l'un des hommes les plus remarquables dans son domaine, qui a fait de l'Alliance née en 1999, le numéro un mondial en 2016, comme au premier semestre 2017, devant Volkswagen, Toyota et General Motors. Les Japonais veulent se venger de l'accord conclu en 1999 avec Renault, une époque où Nissan était rachitique et au bord de la banqueroute. Avoir été sauvé par une entreprise étrangère européenne pouvait être vécu comme une humiliation. Les chiffres sont là pour le rappeler. Certes, dans l'Alliance, Renault et Nissan sont à parts égales, 50% chacune, il n'empêche qu'au niveau individuel, Renault détient 43,4% de Nissan, alors que Nissan ne détient que 15% de Renault (et 34% de Mitsubishi, dont la production est minime par rapport aux deux géants de l'Alliance). Le ressentiment est vif. D'ailleurs, les Japonais n'apprécient pas le rachat des entreprises nippones par des sociétés étrangères. Leur objectif aujourd'hui est donc de contrôler cette Alliance qui a vendu près de 10 millions de voitures dans le monde, et à défaut, de prendre leur indépendance. Ils sont d'autant plus motivés qu'une rumeur circule depuis le printemps dernier, parlant d'un projet de fusion entre Renault et Nissan, ce qui pourrait être vécu par les Japonais comme une seconde humiliation. Certes, Carlos Ghosn intriguait au point de devenir un personnage de manga. Il n'empêche que l'homme est un mélange de cultures fortes en couleurs dont il est si fier - méditerranéenne (libanaise), sud-américaine (brésilienne) et latine (française)- qui le place qu'on le veuille ou pas, aux antipodes de la culture asiatique (japonaise).
Cost Killer devra répondre de ses actes devant une justice impartiale. C'est loin d'être le cas au Japon. La garde à vue de ce PDG hors-norme dure depuis cinq jours. Rien ne la justifie vraiment. Il a décidé de défier ses accusateurs en gardant le silence. Une façon de rappeler au monde qu'il n'est emprisonné depuis lundi que sur la base d'allégations, des accusations non encore prouvées. C'est ce qui doit déplaire fortement aux Japonais, qui comptent sur la prorogation de la garde de vue, jusqu'à sa limite légale (23 jours), pour lui faire avouer sous la pression n'importe quoi. Plus la garde la garde à vue se prolonge, plus on peut être sûr que le dossier judiciaire japonais est rachitique. En tout cas, on n'est plus dans un système judiciaire occidental digne de ce nom. Si le Japon se permet cette entorse, c'est parce que le Liban, le Brésil et surtout la France, n'ont pas su défendre leur citoyen comme il se doit. Les Etats-Unis de Trump, ont créé une crise politico-économique avec la Turquie à cause d'un pasteur (accusé d'espionnage), jusqu'à l'obtention de sa libération. Ces trois pays, et au-delà, l'Union européenne, n'ont pas été capables à ce jour de se montrer à la hauteur de leur éminent leader économique.
Il est sûr et certain qu'il y a un « gros mensonge » dans toute cette histoire. Reste à savoir il concerne qui? C'est important car ça déterminera à qui nous devons donner la Palme d'or « kezbeh kbireh » dans cette affaire : à Carlos Ghosn, à Nissan ou au Japon ? Il n'est pas si difficile d'y répondre. Les Japonais croient faire plonger cet encombrant gaijin, en profiter et sortir indemne de la tempête. Erreur. Quel homme d'affaires s'aventurera dorénavant de gaieté de coeur dans l'Empire du soleil levant? Personne. C'est peut-être l'objectif principal de la mascarade nippone. Il n'empêche que la réputation japonaise dans les pays occidentaux est désormais sérieusement entachée.